31 janvier 2015

Isolation

A partir du milieu des années 2000, plusieurs films d'horreur venus d'outre-Manche déboulaient sur nos écrans accompagnés d'une réputation très flatteuse et nous faisaient croire en l'éclosion salvatrice de nouveaux cinéastes talentueux. Des films comme The Descent ont même réussi à plaire au-delà des seuls cercles d'amateurs bien renseignés de cinéma de genre. Hélas, force est de constater aujourd'hui que les espoirs placés en ces réalisateurs ne se sont pas confirmés et quelqu'un comme Neil Marshall, après deux tentatives décevantes réalisées dans la foulée de The Descent, cachetonne et enchaîne désormais les épisodes de séries télé (Black Sails, Game of Thrones et Constantine). N'empêche qu'il n'est jamais trop tard pour redécouvrir les œuvres moins connues de cette timide nouvelle vague du cinéma d'horreur britannique, et parmi elles, il y a un titre dont je garde un souvenir particulièrement positif : Isolation, de l'irlandais Billy O'Brien.




Isolation nous plonge immédiatement dans une ambiance lourde et poisseuse à souhait, Billy O'Brien choisissant de prendre pour décor une ferme sombre et perdue, giflée par une pluie incessante, sale, bruyante, envahie par la rouille, la crasse et le purin. A l'intérieur, un éleveur de bovins tente laborieusement d'éviter la faillite définitive de son exploitation. Pour cela, il permet à un laboratoire de mener des tests de fécondation sur son bétail, des expérimentations supposées accélérer la gestation des vaches et la croissance des futurs veaux. Lors d'un contrôle de routine, certaines anomalies troublantes sont détectées, et très vite, la ferme bascule en plein cauchemar. Le fermier, aidé par son ex-femme vétérinaire et par un couple de jeunes paumés vivant dans une caravane non loin, essaiera dès lors d'empêcher la propagation d'une abominable mutation, particulièrement gluante et carnivore...




Je vous l'annonce tout de suite : Isolation n'atteint pas des sommets d'originalité. Il s'agit typiquement d'un film d'horreur qui nous rappelle qu'avec un peu de talent, on peut faire des merveilles à partir d'un pitch pourtant très basique. Billy O'Brien, dont la page Wikipédia nous apprend qu'il a "commencé sa vie dans le monde agricole" (une expérience que l'on imagine traumatisante...), a l'intelligence de tout miser sur l'ambiance et, sur ce point-là, son film, au réalisme crasseux, est diablement réussi, un petit modèle du genre. Nous sommes tout de suite happés par l'atmosphère sordide et claustrophobique d'un film hautement anxiogène qui démarre très fort et s'appuie sur un suspense tout simple pour permettre une montée progressive dans la terreur.




Si l'ambiance est sans conteste l'atout numéro un, quelques scènes sortent du lot : on se souviendra longtemps, par exemple, de ce vêlement pénible, accompli dans la douleur, rythmé par les plaintes d'une pauvre vache dont on finit par extraire une aberration de la nature, un veau atroce, anormalement développé. Car il faut savoir que les monstres d'Isolation sont informes et dégueulasses, quasi lovecraftiens, sans doute conçus avec le souci d'imaginer ce qu'une nature insultée, corrompue et défaitiste pourrait réellement nous donner à voir. Ils apparaissent donc particulièrement bien pensés.




A l'image du Creep de Christopher Smith, autre film d'horreur britannique de cette même période où une jeune bourgeoise londonienne se retrouvait coincée dans les tréfonds du métro et redescendait d'un seul coup l'échelle sociale, Isolation n'oublie pas non plus ses origines et prend également les aspects non-négligeables d'un film social remonté à bloc. Ainsi, tous les personnages luttant pour survivre sont des marginaux, sans le sou, isolés, délaissés, abandonnés, qui tentaient déjà vainement de subsister dans un monde qui ne s'embarrassait pas d'eux, les laissant pourrir et mourir loin des villes. On imagine aisément que Billy O'Brien voulait peut-être en profiter pour faire passer un message alarmant sur la situation des agriculteurs irlandais dont il dresse un portrait assez terrible. L'épouvante se mêle donc au social, "Ken Loach rencontre John Carpenter" pourrait-on dire, dans un film qui ne se limite pas à rappeler, inévitablement, les références imposantes que sont Alien et The Thing, mais qui, sans révolutionner quoi que ce soit, s'impose comme une belle réussite.


Isolation de Billy O'Brien avec John Lynch, Ruth Negga, Sean Harris et Essie Davis (2005)

27 janvier 2015

Bilan 2014


Chaque année, nous faisons partie des derniers blogueurs ciné à livrer leur verdict sur l'année cinématographique passée. Chaque année, nous invoquons de nouvelles excuses ; cette fois-ci, nous attendions d'avoir vu Dracula Untold avant de boucler nos classements. En janvier 2011, c'est à reculons que nous nous étions soumis pour la première fois à cet exercice ; pas préparés, nous avions à peine été capables de fournir un malheureux top 5 chacun. En janvier 2012, c'est à reculons que nous nous étions adonnés pour la deuxième fois à cette pratique désormais incontournable et, pour la franchir, nous avions eu la chic idée d'unir nos forces, lors d'une froide après-midi d'hiver, autour d'un kefta-chocolat auch, passée à rédiger ensemble et sans effort une fine analyse de l'an de grâce cinématographique 2011, accompagnée du top officiel de QT, livré un exclusivité. En janvier 2013, rebelotte : kefta, chocolat, et c'était plié. Mais, déjà, l'écriture se  faisait plus laborieuse, la difficulté de l'exercice nous rattrapait et l'année suivante, cette "session" où la rédaction du top annuel était seule à l'ordre du jour, se transformait en un épinglage en règle d'un film de Rob Reiner que nous gardions depuis trop longtemps en travers de la gorge. C'est donc séparément, sans ardeur, que nous avions écrit puis regroupé nos grifouilles, surtout satisfaits de se débarrasser de ce fardeau régulier. Aujourd'hui, alors que des kilomètres nous séparent, nous avons choisi de faire plus court et, après des années de tergiversations, nous allons pour la première fois vous proposer un top commun, réunissant donc nos films préférés de 2014 en un seul et même classement de 20 titres. Une décision prise face à la si grande similarité de nos tops respectifs, et malgré la présence, un peu embêtante pour l'un d'entre nous, du Gone Girl de David Fincher. Voici donc notre top 2014 :



http://ilaose.blogspot.com/2014/02/tonnerre.html
 

http://ilaose.blogspot.com/2014/07/bird-people.html

http://ilaose.blogspot.com/2014/04/night-moves.html
 
http://ilaose.blogspot.com/2014/05/the-battery.html
 
http://ilaose.blogspot.com/2014/04/aimer-boire-et-chanter.html

http://ilaose.blogspot.com/2014/03/her.html

http://ilaose.blogspot.com/2014/12/mister-babadook.html

 


1/ Under the Skin
2/ Tonnerre
3/ Deux jours, une nuit
4/ Bird People
5/ Night Moves
6/ The Battery
7/ Aimer, boire et chanter
8/ Her
9/ Mister Babadook
10/ Sils Maria
11/ Still the Water
12/ Les Bruits de Recife
15/ Sunhi
16/ P'tit Quinquin
18/ Boyhood


Il aura été assez difficile cette année d'établir un ordre précis, surtout en tête de classement. Aucun film ne s'est véritablement et très nettement détaché à nos yeux. Au lieu d'un élu écrasant, trônant seul et de façon incontestable sur l'année, on perçoit plutôt, couronnant le tout, un lot de très beaux films avec leurs petits défauts, des œuvres pour le moins différentes mais ô combien estimables. Puisqu'il en faut une, la première place revient à Under the Skin du surdoué Jonathan Glazer, peut-être le film le plus surprenant, le plus remuant, le plus ambitieux, qui sait, de l'année. Nous ne l'avons pas encore critiqué dans ces pages mais il a suscité une longue et foisonnante conversation entre tous les membres de la rédaction, trop longue et trop foisonnante sans doute pour que l'un d'entre nous trouve le courage de s'y attaquer dans un article. Pourtant le cœur y est.


Kleber Mendonça Filho, retenez ce nom, il aura une Palme un jour ! Les Bruits de Recife, son "soap opera filmé par Carpenter" est déjà une belle proposition de cinéma et, surtout, une sacrée promesse.

Deux autres films de notre top 10 n'ont pas généré de bafouilles sur ce blog, à commencer par l'excellent film des frères Dardenne, Deux jours, une nuit, œuvre profondément bouleversante, aussi galvaudé que soit ce mot. Comme d'autres grands films de cette année (ceux de Pascale Ferran ou de Spike Jonze, par exemple), celui des Dardenne prend notre époque à bras-le-corps (avec une triste mais évidente justesse, n'en déplaise à certains critiques pourtant habitués à mieux, qui lui ont reproché de s'arranger avec la vérité et n'ont que prouvé leur terrible méconnaissance de ladite vérité, celle du monde contemporain en général et de l'entreprise en particulier), et hausse à un niveau encore jamais atteint le cinéma des frères aux pieds palmés venus tout droit des Awires, mot compte automatiquement double au Scrabble. Tout compte double avec les Dardenne : ils sont deux, ils ont deux Palmes, l'histoire de leur dernier film se déroule sur deux jours, et ils possèdent bien deux paires de couilles grosses comme des marmites.


Le petit Ellar Coltrane zieute la même chose que nous : ce petit téton qui pointe sous le débardeur de sa mère.

L'autre "lauréat" de notre bilan qui ne figure pas encore parmi les 1040 titres (toujours bon à rappeler) de notre index, c'est Sils Maria, de l'ami Olivier Assayas, qui fêtait ses 60 ans hier (bon anniv Ounivié !). Ce film à double visage, qui puise dans toute une histoire du cinéma au risque de manquer de surprises, mais se révèle par ailleurs d'une rare maîtrise et permet à son auteur de renouer avec les sommets, trouve une place logique et somme toute assez confortable à mi-chemin de notre grand classement commun. Les autres films ? Inutile d'en dire plus, nous les avons pour la plupart critiqués (cliquez sur les liens, y'a de l'hypertexte à tous les étages sur ce blog à la pointe). Mais ne tardons plus et passons directement à l'essentiel, autrement dit à vos classements, le top et le flop de nos chers lecteurs :



http://ilaose.blogspot.com/2014/03/12-years-slave_4.html


Même si nous avons chaque année beaucoup de titres en commun, c'est la première fois que nous partageons le même n°1 que vous, et nous en sommes ravis. Under the Skin, pour le coup, domine votre classement de la tête et des épaules. L'écart qui le sépare des suivants est vertigineux. Pour le reste, le classement a somme toute bien fière allure et, si cette phrase a le moindre sens, nous pouvons dire que nous ne sommes pas peu fiers de nos lecteurs.

Autant d'ailleurs pour votre Top que pour votre Flop, qui réunit une belle envolée d'oies galeuses sur lesquelles, pour une bonne partie, nous avons tiré à feu nourri cette année (à commencer par vos trois vainqueurs, 12 Years a Slave, Lucy et Maps to the Stars, mais aussi l'inévitable Gilliam qui obtient un zéro pointé pour son archi-naze Zero Theorem). Autant d'oiseaux de mauvais augure que nous sommes ravis de voir s'éloigner pitoyablement vers les rivages de l'opprobre avec des tonnes de plomb dans l'aile. Un seul film nous semble injustement mitraillé, le très clivant Her de Spike Jonze, qui arrive 7ème de ce par ailleurs très juste flop infamant et 10ème de votre glorieux top (exploit déjà réalisé par David Cronenberg avec Cosmopolis en 2012 et par Harmony Korine avec Spring Breakers en 2013).

On remarque, statistiquement parlant, et on en terminera sur cette analyse, que le flop contient six titres de films en un seul mot. Six sur dix ! Après un petit calcul nous pouvons assurer que cela représente 60% des suffrages. Hasard ou coïncidence ? Claude Lelouch hésite en clignant des paupières comme un dingue, mais une chose est sûre, c'est que les films dont le titre tient en un mot sont manifestement plus menacés d'être à chier et de finir épinglés sur le mur de la tehon en fin d'année. Ceci expliquerait peut-être la présence forcée de Her dans le flop, malgré ses indéniables qualités. Et aurait pu justifier que Nymphomaniac y finisse aussi, qui le mérite, du coup, objectivement. Ceci est, quoi qu'il en soit, un sérieux avertissement lancé aux cinéastes qui s'apprêtent à sortir un film en 2015.


 A coup sûr, l'une des tronches marquantes de l'année 2014.

Que dire pour conclure ? Sinon merci. Cette année encore, vous avez été nombreux à participer aux votes, et nous tenons à vous remercier. Notamment Fabrice Guedon (aussitôt rebaptisé, au vu de son top tonitruant, Fabrice Guedin), Sylvain Métafiot (notre ptit, ptit, ptit, ptit métafillot), Pierre Guilho (qui a toujours du mal à établir son top de fin d'année, la faute à une persistance rétinienne de malade qui fait que les images des films de l'an passé sont encore imprimées dans sa tronche) Olivier Père (et Dieu sait que nous vous engageons à régler votre pas sur le pas de notre Père), Hamsterjovial (nous aimerions que ces jours où il est en verve et nous lâche quelques uns de ces commentaires dont il a le secret soient des jours sans fin), Le Ciné-Club de Caen (des années que nous envoyons nos souscriptions sous forme de chèques et toujours pas reçu le moindre programme, ça tourne au moins ?), Gondebaud (qui cette année nous a un peu fait faux bon de gaud), Thibault et Olivier (nos dirlo photo travelo), Édouard Sivière (qu'on attendait au tournant sur Night Moves - Nage Nocturne en VF - cette année), Max L. Ipsum (dit "Max l'Opossum" sur Senscritique.com), Camille Larbey (dont le top est tout à fait zarbey), Céline P. (que nous remercions pour les triples glaucomes dus à l'ancienne présentation de son, au demeurant, très chouette blog), le dr. Orlof (accro à la piquouse, et qui ne nous en a donc pas trop voulu d'avoir loupé son giga anniversaire cette année, une patte ce doc, bon anniv ! on est dans les temps ?), Inisfree (c'est quand que tu payes ta tournée ?!), Guillaume A. (la ramasse sur le flop, comme d'hab), Josette K. (notre chef machino, à gauche, sous le lien, sur la photo), Émilien (qui n'a pu voir que les films qui passaient dans le quartier chinetoque de Paname...), Jean-Pascal Mattéi (qui n'a pas mattéi grand chose cette année, si ce n'est son pote Taddéi), Asketoner (littéralement "demandez-le à elle", donc vous gênez pas), Fred MJG (quand se décidera-t-elle a changer de boîte mail ? Pour la 3ème fois, on ne reçoit pas tes messages !), Kevin Watrin (il a changé la première lettre de son nom, ça a changé sa vie), Victor Coulon (& the gang), Tepepa (test), Semmelweis (si vous pouviez nous en ramener un ou deux de votre prochain séjour en Suisse ? paraît que ça porte la chkoumoune !), Nolan (le changement de nom, ça suit son cours ?), Rick et Pick (mais aussi leurs acolytes Colégrame, Bour et Bour et Ratatam), Mathieu Ash (tes souhaits), Magenta Prod (frère de Pascal ? On espère pas...), et d'autres, nous avons sûrement oublié des noms, que leurs porteurs se manifestent gentiment et nous pardonnent, ou se taisent à jamais.


On espère à présent que l'année 2015 sera faite de moments de grâce, comme ceux qui parsèment le beau Still the Water de Naomi Kawase.

Mais remercions aussi nos collaborateurs fidèles de cette année, à commencer par celui qui, pour la première fois, a maté des films, déjà, puis a chaussé ses lunettes et pris la plume, nous avons nommé Vincent, routier cinéphile en direct de Salamanque (où il est connu comme le loup blanc sous le surnom de Piso 2C), mais aussi les vieux routards : Poulpard, jamais avare en racontards, Joe G. et ses multiples avatars, qui ne perd pas une occasion de foutre tout le monde mal à l'aise, Nônon Cocouan, juge et parti dans cette affaire, toujours prodigue en coups de latte pour ses têtes de turcs favorites, et puis Simon, le "darron", fan de Dominique A.(bus de voix aigüe est dangereux pour la santé) et dénicheur de gros coups invétéré (mais après coup).

Merci à tous d'avoir participé à ce bilan 2014 et, d'une manière ou d'une autre, à la vie de ce blog, que nous espérons encore longue en votre compagnie.

25 janvier 2015

Je vous trouve très beau

Isabelle Mergault... Dans ces trois petits points de suspension imaginez toute la haine du monde. Rappel du CV : comédienne de théâtre criarde et vulgaire de formation, elle est surtout connue pour avoir fait partie de la "bande à Ruquier", où elle passait pour une tuerie au milieu d'une troupe de vieillards (dont le baveux Maurice Béchamel et le nain Jean Bengimli) et aux côtés d'une seule concurrente, la clébarde de garde Isabelle Alonzo, qui avait elle aussi un énorme problème de dentition. En fait il y avait d'autres tromblons sur le plateau d'On a tout essayé : le squelette de Claude Sarraute, Sophie Garel, qui a joué dans The Return of La Momie avec Brendan Fraser, Elsa Fraser, la sœur de Brendan Fraser justement, refaite de la cave au plancher à seulement 32 ans, Valérie Mairesse, la grosse ménagère d'à peine moins de cinquante ans (fallait prévenir France 2 que cette catégorie de la population est censée regarder l'émission, pas faire le show), Christine Bravo dans le rôle de l’alcoolo de service, Péri Cochin, le corbeau humain, et Maureen Dor, l'éternelle enfant enceinte qui faisait fantasmer les plus pervers d'entre nous avec ses énormes seins qui trainaient sur tout le plateau et qui lessivaient le parquet. On a fait le tour du proprio. Concentrons-nous donc sur le cas Mergault.




C'est moche de commencer une critique comme ça, en s'attaquant au physique, sachant qu'on est loin d'être intouchables. Revenons donc au sujet. Après nous avoir fait chier au quotidien pendant des années sur le service public et aux frais de la princesse avec sa frimousse de malade, son dentier de macchabée, sa voix de mouette à l'agonie et ses mille postillons à la seconde, propulsés par l'éolienne à merde qui lui sert de bouche et de fourre-tout, Mergault s'est cru le droit de passer derrière la caméra, épaulée par les plus grands acteurs de sa génération : Michel Blanc d'abord, puis Jacques Gamblin et Daniel Auteuil. Mergault avait la haute ambition de renouer avec le cinéma populaire français de qualité à tendance vaudevillesque. Au final, on a du mal à faire la synthèse de la masse énorme de saloperies contenues dans ce seul premier film, aussi facho que mégalo, aussi populo que vérolé. L'histoire est un medley des pires épisodes de L'Amour est dans le pré, cette émission présentée par l'ex-femme de Lilian Thuram (Karine Le Marchand, que le frère aîné avocat de Félix, dont nous tairons le nom, a vue en vrai, et quand on lui a demandé ses impressions il a utilisé cette expression très rare dans sa bouche : "Peau de zob"), où des fermiers au bord du suicide et analphabètes rêvent de s'encastrer dans des grosses coiffeuses de villages de campagne qui rêvent de pognon quitte à faire une croix sur les grattes-ciel, pour aller s'enterrer avec un demeuré ou son voisin trépané, ayant littéralement le choix entre l'âne et le gros porc. Au final ces pauvres malheureuses se retrouvent soit prises au piège de l'un des outils agricoles détournés de leur utilité initiale par un paysan aux couilles gorgées de sang, soit les voilà qui prennent leur jambons à leur cou pour retourner chialer chez Dilloy's.




Medeea Marinescu incarne donc dans le film de Mergault une future pute roumaine prête à sucer Michel Blanc inside out pour obtenir un visa de séjour, quitte à finir coincée entre une botteleuse et un épandeur de fumier. Vous l'aurez donc compris, Michel Blanc prête son crâne d’œuf à un agriculteur grincheux et insupportable dont la femme vient de mourir (c'est la scène d'intro du film, où la vieille épouse acariâtre de Blanc crève en passant sous la roue de son tracteur, une scène ni drôle ni triste, plutôt gênante en fait, car c'est le genre d'accident qui se produit quotidiennement dans les campagnes) et qui a pour projet d'investir l'un des milliards qu'il a accumulés au Crédit Agricole dans un billet d'avion d'abord puis dans un bidet humain ensuite. Mergault nous livre un regard puant aussi bien sur les roumaines que sur les paysans. Celle-ci est prête à tout pour rouler du cul dans un jean Celio* en plein Paname, celui-là en est au même stade d'avancement intellectuel et culturel que Jacquouille la Fripouille débarquant à notre époque dans Les Visiteurs, la bonne humeur en moins. Il faut voir Blanc prendre l'avion pour la première fois pour aller dégoter sa future compagne dans les Balkans et s'émerveiller de l'invention de l'aéroplane puis cracher entre les jambes des contrôleurs qui lui demandent de retirer sa faux de son bagage à main.




Ce film haïssable, et surtout répugnant (la mise en scène de Mergault, c'est même pas de la mauvaise télé) a fait un carton : 4 millions d'entrées dans l'hexagone. On a permis à Mergault de se prendre pour une fameuse réalisatrice et elle nous l'a fait payer cash en réalisant deux nouvelles saloperies intégrales : Enfin veuve et Donnant donnant, autant de supplices repoussant toujours plus loin les limites de l'horreur et de la débilité, à la fin desquels on se dit inévitablement qu'on a sans doute vu ce qui s'est fait de pire avec une caméra. Je vous trouve très beau a en prime le tort irréversible d'avoir lancé la mode des titres en "Je", exemples : Je vais bien ne t'en fais pas, Je l'aimais, Je préfère qu'on reste amis, Je suis une légende, etc. Bref, tout est dit. Va crever Mergault.


Je vous trouve très beau d'Isabelle Mergault avec Michel Blanc (2006)

22 janvier 2015

Dracula Untold

SALAMANCA (De notre envoyé spécial) -- Ayant raté la diffusion du film, trop vite retiré de l'affiche dans l'Hexagone et les DOM-TOM, je me suis déplacé à Salamanque, berceau du castillan, pour voir Drácula, la leyenda jamás contada, profitant d'un bon plan Eurolines, et contribuant ainsi (très modestement) à hauteur de 75€ au remboursement des frais engagés par Legendary Pictures. Après les films "à voir avec", cette énième digression autour de la légende transylvanienne, vue en VE (versión española), inaugure la catégorie des films "à voir dans une autre langue qu'on ne maitrise pas totalement". En conséquence, mon petit résumé pourrait s'avérer inexact, tant ma compréhension de la langue de Cervantès est encore limitée...


Avant de voir le film, j'ai fait la connaissance de Carolina, jolie hôtesse qui m'a vendu ce billet et ces pop-corns. Des Palomitas, tout ce que j'avais envie d'envoyer à la tronche du réalisateur pendant les 90 minutes du film, temps additionnel, 3 minutes minimum.

En gros c'est l'histoire de Drácula (Luke Evans, le frère de McGrégoire, un Viggo Mortensen payé au RSA), un prince roumain qui doit allégeance au sultan turc (Dominique Cooper, un cousin de Lee, un espèce de Robert Downey Jr. du pauvre). Ce dernier a besoin de renouveler ses troupes et lui demande 1000 gamins (niños), dont Drácula Junior (hijodepu), pour taper les manouches du coin. Notre héros déclarera "Avec des amis comme ça, pas la peine d'avoir d'ennemi !" (¡Joder, con amigos así, no necesitamos enemigo!), en espagnol dans le texte. Pour protéger son royaume et son fils, Drácula décide d'aller voir un vieux type, Charles Dance (le médecin malheureux d'Alien 3), qui lui fait boire son sang dans une caverne. Cette boisson peu rafraîchissante lui donne le pouvoir de 1/ zieuter en Technicolor comme le Predator, 2/ être très lié aux chauves-souris, au moins autant que le Batman, 3/ courir super vite comme le Flash, 4/ être très très fort. Par contre, après une soirée bien arrosée en sangria de ses victimes, il se rend compte qu'il devient vulnérable à la lumière (la luz). Cela le différencie de ses super-égos alter-héros, à l'exception de The Shadow et peut-être aussi du Bruce Wayne hamster de Nolan, dont on peut douter qu'il soit tout à fait à l'aise en plein jour.


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Drácula est ainsi devenu un pur loup-garou et fort de ses nouveaux pouvoirs, il s'en va récupérer son fils des mains du sultan au terme d'un duel joué à pile ou face, mais non sans avoir perdu sa femme, connement tombée d'une falaise (acantilado) en début de matinée. On retrouve finalement Drácula, ou Sylvain le Trans à notre époque, en Roumanie post-Ceaușescu, en réalité dans la banlieue de Cincinnati, où il réussit à séduire et à inviter une jeune femme, réincarnation de son ancienne épouse et par là même de l'adaptation de Coppola. Il est suivi de près par son maître vampire, Charles Dance (prisonnier malheureux d'Alien 3), qui clôt le long métrage en déclarant "El juego empieza", rendant ainsi hommage à la série Game of Thrones (dont il est l'un des héros malheureux) et ouvrant hélas la porte à une suite qu'on suppose aussi vilaine.


Charles Dance a ici plus de chance que dans Juego de Tronos, car il est encore vivant à la fin du film. Ou mort, car je n'ai toujours pas bien compris si les vampires sont des vivants, des morts, ou des morts-vivants.

Comme souvent ces derniers temps dans les films d'action, on regrette énormément que Drácula Untold se prenne tant au sérieux, et si on rigole parfois, c'est surtout par le ridicule de certains plans, notamment celui où Drácula empale un soldat turc devenu vampire et le maintient dans les airs au bout de sa lance. C'est très mal filmé (effets ralentis, accélérés, combats en gros plans donc on voit rien). Mais ça passe très vite (1h30, mais avec générique, donc en 1h20 c'est plié). N'espérez pas y voir un téton mais vous aurez de très beaux plans sur l'artère carotide de Sarah Gadon.


Artère carotide de Sarah Gardon. Alors qu'ils sont sur le point de faire l'amour après une victoire éclatante - de nuit - contre les Austro-Hongrois, Drácula a une soudaine envie de cou saignant. Perso, je demande toujours bien cuit.

Un conseil, si vous souhaitez voir un film sur le comte Dracula, préférez le Nosferatu de Werner Herzog... Quitte à se déplacer jusqu'à Baden-Baden et le voir dans une langue que vous pigez encore moins que l'espingouin...


Dracula Untold de Gary Shore avec Luke Evans, Dominic Cooper, Sarah Gadon et Charles Dance (2014)

20 janvier 2015

Whiplash

"Un film coup de poing", "Jouissif", "Une claque"... Voilà quelques-uns des termes qui accompagnent Whiplash depuis sa découverte au dernier festival de Sundance, et plus encore depuis sa sortie sur les écrans français. Le film semble laisser son public dans un état étrange, entre euphorie et hébétude. Il est vrai que Whiplash est un film étourdissant, au sens premier du terme. On est à peu près constamment emporté par son énergie, son rythme, son montage virtuose et fou : beaucoup, beaucoup de plans très courts, d'inserts, de très gros plans sur des bouts de visage, de mains, de batterie, de cuivres... Cette frénésie formelle, en accord avec la musique, a quelque chose d'immédiatement satisfaisant voire réjouissant, et puis quand on essaye de s'éclaircir un peu les idées pour y penser, et encore plus après le film, on se dit qu'il y a quand même un problème.




On peut penser qu'une des idées fondatrices de Chazelle fut de transposer la première partie de Full Metal Jacket dans le milieu des grandes écoles de jazz : Andrew, un jeune batteur de 19 ans qui rêve de devenir le nouveau Buddy Rich, subit comme la plupart de ses camarades la terreur psychologique et parfois physique de son prestigieux professeur et mentor, Terrence Fletcher, qui de temps en temps se fait doux comme un agneau pour mieux l'humilier ensuite. Le schéma est immuable : adoubement, humiliation, compliment, violence, compliment, humiliation, réconciliation, humiliation... pendant 1h50. La morale de cet homme, et celle du film si on en croit sa conclusion, c'est que cette violence et un entraînement forcené, jusqu'à s'en faire saigner les mains, sont nécessaires et finalement salutaires. C'est comme ça qu'on forme les génies quitte à sacrifier les hommes. Car Andrew, dans sa quête de perfection, se voit obligé de renoncer à toute véritable relation familiale, amicale ou amoureuse (là encore le film en fait autant, la jeune fille avec qui Andrew entame une histoire étant expédiée en deux scènes de séduction et de rupture, toutes deux dans un restaurant ; même chose pour le père, qu'on ne voit guère que partager du pop-corn avec son fils devant des mauvais films).




Le problème n'est pas tant la minceur ou le côté douteux du propos du film (un film n'a aucune obligation de défendre un propos) que la façon qu'il a de se perdre dans ses répétitions et sa frénésie, qui s'apparentent parfois à de la gesticulation. On peut objecter qu'il s'agit du sujet-même du film : Andrew se noie dans la répétition, obsessionnelle et violente, des mêmes gestes, qu'il veut toujours plus rapides et plus parfaits, jusqu'à s'en étourdir et jouer dans un état proche de l'inconscience. Mais ce choix de mise en scène, pour immersif qu'il soit, déçoit sur la durée par trop de démonstratisme. La longue scène où Andrew arrive en retard à un concours, à cause d'un pneu crevé, puis de l'oubli de ses baguettes, puis d'un accident de voiture, avant qu'il n'atteigne quand même sa batterie, en sang, tout ça filmé et monté à 100 à l'heure... c'est trop, trop d'esbrouffe et de surlignage. Même chose pour l'attendue et interminable scène finale, qui scelle l'issue du duel entre l'élève et le mentor.




Damien Chazelle jouit déjà d'une réputation de petit génie, et il serait injuste de nier son talent pour le découpage (en tous cas un certain genre de montage, très nerveux), pour la création d'une atmosphère, d'une tension... On est plus dubitatif sur sa capacité à créer de l'émotion sur la durée (à l'origine Whiplash était un court-métrage, sûrement très bon) par une vraie qualité de regard, des enjeux narratifs et des personnages forts. Car si les comédiens font le job (encore que J.K. Simmons en fait parfois des tonnes en père fouettard insultant au crâne rasé et à l'oeil bleu acier, sans pour autant rivaliser même de loin avec la prestation aussi terrifiante qu'hilarante de R. Lee Ermey dans le film de Kubrick), on ne sort jamais des rails que Chazelle semble avoir posé pour eux dès le départ. Andrew comme Fletcher semblent condamnés à la souffrance, à l'aliénation, toute notion de plaisir leur semble interdite. Et notre propre plaisir devant la qualité formelle indéniable de beaucoup de scènes s'en trouve fortement altéré.


Whiplash de Damien Chazelle avec Miles Teller, J.K. Simmons, Melissa Benoist, Paul Reiser (2014)

18 janvier 2015

Une Rencontre

Nous rêvons de tourner le remake de ce film, à ceci près que la rencontre concernerait un de nos pires glaviots et l'objectif de la caméra de Lisa Azuelos (voire une parcelle, même infime, de l'un de ses costumes en marbre). Pourtant Azuelos tourne ici son meilleur film. Pourquoi ? C'est le plus court. Une heure dix montre en main. On en est agréablement étonné. Et puis, nouveauté chez Azuelos, le film a une très forte et une vraie cohérence visuelle d'un bout à l'autre : c'est de la chienlit du premier instant jusqu'au tout dernier. A l'image de l'affiche, le projet consiste en des tonnes de halos et de lens-flares-du-bec avec dominantes violet et orange, deux couleurs effectivement complémentaires mais qui se foutent sur la gueule constamment tout au long du film, comme dans le jeu Seven Colors (le premier jeu PC de l'histoire, jamais compris le principe).




Marceau... On l'a souvent épargnée pour les pires raisons, promotion canapé oblige, mais faut revoir sa filmographie à la loupe, ses choix de carrière, les phrases qu'elle débite en interview et qui n'ont aucun sens, son jeu aussi, si on peut parler de jeu, car elle s'amuse toute seule. L'actrice préférée des français est aussi la meilleure amie d'Azuelos. Or rappelez-vous que les amis de mes ennemis sont mes sacrés ennemis, mes pires ennemis même vu qu'ils sont les meilleurs amis de mes ennemis. Quand on voit certains cinéphiles s'en prendre à des gens comme Juliette Binoche, ou Catherine Deneuve, en les traitant de cruches ou de bourgeoises insupportables, on se demande ce qu'il faudrait dire de Sophie Marceau. Mais à la rigueur, on commence à s'habituer à la voir enchaîner les horreurs, depuis environ La Boom.




Alors que Cluzet... comment gérer le cas Cluzet ? Quelle attitude adopter devant cet homme qui peut être attachant, agréable à vivre, et qui régulièrement fout la rouste à notre bon sens. Par exemple quand il va tourner pour Azuelos, dont le film est un enchaînement de clips exécrables qui donnent l'occasion à la réalisatrice de nous confirmer que ses goûts musicaux sont aussi cradingues qu'on pouvait l'imaginer. Mine de rien, Azuelos est en train de se fabriquer une filmographie singulière dans le paysage cinématographique mondial, qui a la particularité de dégager une odeur digne de ces égouts londondiens qui ont fait le buzz l'an passé parce qu'ils étaient remplis à craquer de formidables amas de graisse de cuisine et de déjections organiques embaumant les rues et répandant dans les nez un mal équivalent à celui qu'est supposé renfermer le Necronomicon.


Une Rencontre de Lisa Azuelos avec François Cluzet, Sophie Marceau, et mon poing affûté (hope so) (2014)

15 janvier 2015

Jodorowsky's Dune

Cinéphile très attiré par les œuvres aussi cultes qu'obscures, je n'ai pourtant jamais regardé le cultissime western psychédélique d'Alejandro Jodorowsky, El Topo, le film le plus connu de son auteur. J'ai bien essayé, un beau soir, en compagnie de mon acolyte, mais nous nous étions endormis très vite avec, à notre réveil, la certitude que nous ne retenterions guère l'expérience de si tôt. Preuve en est, quelques années plus tard, nous ne l'avons toujours pas vu ! Mais l'envie existe et elle vient même d'être sacrément ragaillardie par la vision de ce documentaire consacré à l'un des plus fameux projets inachevés de l'Histoire du cinéma : la tentative d'adaptation de Dune par l'insaisissable Jodorowsky, un cinéaste dont ma connaissance se limite en réalité à l'étrange Santa Sangre, vu il y a des années et dont je garde un souvenir assez trouble.




Il est inutile de connaître la carrière de Jodorowsky ou d'aimer ses quelques films pour être pris d'affection pour l'individu qu'il semble être devant l'excellent documentaire réalisé par Frank Pavich. Ce dernier s'intéresse donc en détails au projet mené par le cinéaste d'origine chilienne au début des années 70, celui d'adapter l'un des livres les plus lus au monde pour en faire une sorte de film ultime, une expérience sensorielle et mystique dépassant le cinéma, recherchant à provoquer l'effet d'une drogue, et visant donc à provoquer de terribles hallucinations. Tout au long du documentaire, "Jodo" nous décrit longuement son projet faramineux, son rêve démesuré, des étoiles encore plein les yeux, l'esprit hyperactif, dévoilant à tout-va des anecdotes qui paraissent toutes fraîches, comme si tout cela lui était arrivé hier et, surtout, comme si tout avait réellement pu se concrétiser, comme si le film existait vraiment.




Jodorowsky en parle avec une passion terriblement communicative, celle-là même qui peut animer un cinéphile lambda quand il s'invente un film idéal à partir d'un scénario rêvé. Dune, cette adaptation incroyable de l'incontournable pavé signé Frank Herbert, Dune, ce film de science-fiction dépassant le 2001 de Kubrick par son ampleur, sa force et son ambition, Dune, ce chef-d’œuvre messianique dont on ne ressort pas indemne, Dune, ce classique absolu qui n'existe pas, Alejandro Jodorowsky le regarde quand il veut, il se le passe dans sa tête, il le connaît par cœur et nous le raconte avec la folie et l'enthousiasme de son créateur-spectateur halluciné.




Le documentaire nous dévoile progressivement la dream team que réussit à former Jodorowsky pour préparer son film : Dan O'Bannon, pour les effets spéciaux car ceux de Dark Star l'avaient séduit, H. R. Giger, engagé suite au refus de Douglas Trumbull et dont les travaux seront réutilisés pour Alien des années plus tard,  Moebius, qui concevra un story-board très détaillé et présenté comme une œuvre à part entière, les Pink Floyd, qui acceptèrent de signer la musique parce que Roger Waters était un fan d'El Topo, et enfin Salvador Dalí, embauché pour un salaire astronomique qui aurait fait de lui l'acteur le mieux payé au monde... Suivre rétrospectivement la constitution de cette fine équipe a quelque chose de très plaisant.




Jodorowsky et les autres intervenants, parmi lesquels le producteur Michel Seydoux, Nicolas Winding Refn, Amanda Lear et Gary Kurtz, retracent ainsi l'histoire de ce film manqué, et essaient finalement d'expliquer les raisons de son échec. Le documentaire en fait peut-être un peu trop quand il insiste, lors de sa dernière partie, sur l'influence forcément immense qu'eurent les préparatifs de Dune sur quelques grands classiques sortis par la suite et ayant vraisemblablement puisé dans le story-board et beaucoup d'autres éléments visuels créés pour le film. Mais on s'en fiche, l'essentiel n'est pas là. On a tôt fait de se rendre compte que Dune n'est pas vraiment le sujet central du documentaire mais qu'il s'agit en fait de Jodorowsky lui-même.




Jodorowsky's Dune est avant tout le portrait en creux d'un artiste fou mais diablement attachant. Frank Pavich se plaît à nous montrer ce vieux poète illuminé être interrompu dans ses monologues enflammés par son chat siamois, accueilli amoureusement sur ses genoux. Il porte sur cet homme encore obnubilé par ses rêves et ses idées sans limite un regard rempli d'une affection hautement transmissible. On sort de ce documentaire sans ressentir l'amertume d'être passé à côté de ce qui aurait dû être une date dans l'Histoire du cinéma, mais avec ce plaisir simple que l'on peut ressentir après une très jolie rencontre. Ce docu passionnant est à la fois le fascinant portrait d'un homme un peu allumé, artiste jusqu'au bout des ongles, et un très beau film sur le cinéma, dont on aimerait qu'il soit bien plus souvent si intimement rattaché au rêve.


Jodorowsky's Dune de Frank Pavich avec Alejandro Jodorowsky, Brontis Jodorowsky, Chris Foss, Michel Seydoux, Nicolas Winding Refn, Devin Faraci, Christian Vander et Diane O'Bannon (2014)

13 janvier 2015

How do you know

Je me suis franchement demandé pourquoi ce film apparaissait dans tant de tops de fin d'année en 2011 (pas tant que ça en réalité, mais même si peu c'était mystérieux). Ne voulant surtout pas être passé à côté d'une grande comédie romantique américaine contemporaine de merde, je me suis dit "vois-le, y'a peut-être moyeeeen...". Je l'ai donc lancé comme on va au boulot. Si je devais essayer d'expliquer de façon organisée et respectable la raison du succès relatif de ce film auprès d'une certaine frange de la cinéphilie française, je dirais, aidé dans ma quête de sens par mon acolyte Félix, qui a lancé ce film de son côté longtemps avant moi et qui n'a pas tenu un quart d'heure devant, que c'est à cause de James L. Brooks, réalisateur, quatorze ans plus tôt, de Pour le pire et pour le meilleur, une comédie romantique plaisante, le haut du panier de ces vingt dernières années, ménageant la romance idyllique entre un vieux tocard plein de tics (Jack Nicholson) et une serveuse à gros nibards (Helen Hunt), avec un électron libre homosexuel entre les deux incarné par un Greg Kinnear à voile et à vapeur.




C'est assez typique de certains critiques français que de s'amouracher d'un ou deux auteurs de films populaires plus finauds que la moyenne et de vouloir dénicher à tout prix LA comédie ricaine maudite, incomprise, méprisée par le commun des mortels incapable d'en saisir tous les enjeux narratifs et de déceler un discours passionnant derrière des pirouettes légères, pour mieux lui rendre justice de façon tout à fait démesurée. Funny People, du triste Judd Apatow, a pu bénéficier du même traitement de faveur usurpé. On trouve une profondeur folle à des saloperies terribles qui, même si elles ont peut-être deux ou trois idées de plus que la base des films du genre, restent essentiellement laides, et sont une telle plaie à regarder qu'on devrait s'en foutre royalement. Quelques fans se sont extasiés sur la scène dont est tiré le photogramme ci-dessus, qui se veut un pur cadeau de James L. Brooks pour Owen Wilson (je ne dirai pas un mot d'insulte envers ce con dans cette critique), ici dans la peau d'un sportif plein aux as et totalement débile (personnage très "apatowien" d'ailleurs, en décalage par rapport aux autres protagonistes du film) qui passe le script à draguer Reese Witherspoon. Une fois arrivé avec elle en bas de l'hôtel qui lui sert de garçonnière, il recule aux côtés du portier pour laisser à sa conquête "de l'espace pour réfléchir" et prendre sa décision avec les coudées larges. Cette drôle d'idée donne lieu à une scène étrange, ni drôle ni franchement brillante, tout juste surprenante par son déroulement aussi improbable que sans intérêt, qui a suscité chez certains un engouement incroyable et les a poussés à parler pour James L. Brooks d'un génie du traitement de l'espace ! Rien que ça... C'est du délire mais franchement j'ai envie de saluer sincèrement, et sans ironie, les gens qui arrivent à se mettre en mode "analyse" devant un truc si naze, et à porter un jugement aussi excessivement enthousiaste sur des scènes merdiques au pire, complètement factices et faiblardes au mieux. Faut quasiment avoir un grain pour faire ça mais c'est cool d'être fan à ce point.




Bref, que voulez-vous, certains semblent avoir envie de trouver le film maudit du cinéaste populaire plus méticuleux qu'il n'en a l'air, réfléchi sous ses airs de yesman, reconnu par des esprits éclairés comme un véritable auteur à saluer, et à ne surtout pas ignorer, contrairement aux Américains, sous prétexte qu'il fait de la comédie. Apatow est un exemple idéal, James Leroy Brooks aussi désormais, voire même Woody Allen, qui pour le coup a un solide statut d'auteur, et qui a réalisé par le passé (ça remonte...) de très bons films, mais qui jouit quand même quelque part du privilège de ne pas plaire à ces-cons-d'Américains qui ne savent pas voir la qualité de leurs auteurs, alors que nous, spirituels européens, nous ne les comprenons que trop bien (y compris les films récents de Woody qui, et depuis déjà un paquet d'années, sont des purges horribles à côté desquelles même How do you know est un plaisir coupable de spectateur).




Mais si je devais tâcher d'expliquer, de façon moins organisée, le petit succès dont jouit ce film, je ne dirais que deux mots (qui en appellent bien d'autres, affaire à suivre) : Reese Witherspoon. Moi-même, je vous l'avoue, je ne suis pas clean sur ce coup-là, et si je n'ai pas complètement détesté ce triste How Do You Know c'est uniquement grâce à la dénommée Reesy Witherspoon. Le film dure deux heures (c'est déjà une aberration pour une comédie romantique de ce genre), or mon "dvd" (notez les guillemets et faites moi un procès !) s'est arrêté net à 1h20 de film, sans raison apparente. J'ai relancé la lecture : idem. J'ai supprimé les fichiers image et son du "dvd" officiel du film, puis je les ai re-copiés sur ledit "dvd" "acheté" "35 euros" en "version simple" sans "bonus" à la "Fnac" du coin, j'ai relancé, rebelote. Comment expliquer mon comportement de malade mental méga maso ? Comment expliquer une telle dépense d'énergie, un tel acharnement pour aller au bout de How Do You Know ? Si ce n'est par la prise de pouvoir d'un calcif Bodywear sur mon cervelet (rendu HS il est vrai par le projet inique du film de Brooks).




Tout ça à cause de Witherspoon, cette actrice qui jusqu'ici ne m'évoquait absolument rien d'autre que quelques moqueries finement ciblées sur la partie inférieure atrophiée de son visage prognathe, qui lui a valu un rôle dans Mysterious Chin de Gregg Araki. Comme plein de gens je me suis foutu de son menton de malade, qui lui a aussi permis un caméo dans The Chin du diable de Guillermo Del Toro. Tapez "chin" dans google image et la tronche de Witherspoon apparaîtra sur toutes les images de la première page de résultats, véridique ! Je n'ai pas essayé de taper "face de pioche" parce que j'ai trop peur de tomber sur les mêmes photos, et comme désormais j'ai un passif avec cette actrice, je me préserve.




Et pourtant... Witherspoon... C'était pas du tout un de mes highlights... James L. Brooks m'a pris à revers, il m'a pris en traitre avec un "service calbar", je m'attendais à tout sauf à ça, et finalement c'est là son vrai, son seul talent sur ce film, c'est d'avoir su filmer une actrice à mi-chemin entre la belle et la bête (dur...) de telle façon que le spectateur mâle ait les yeux plus ou moins scotchés à l'écran. J'avais envie de partager les tenues faussement sportswear et réellement sexy que trimballe l'actrice dans chaque scène de ce film. On sent que le réalisateur aurait aimé être tout nu derrière sa caméra, pour être plus tranquille (ça a dû lui arriver une paire de fois à mon avis). Reese Witherspoon est elle-même dénudée sans l'être, épaule perçante, jambes aux quatre coins, du rouge à lèvre sur tous les orteils, et j'en passe. Le réal devait être au moins en short lui aussi, dans la même tenue que Reese sur l'image ci-dessus, pour diriger le film depuis le fauteuil de tournage floqué à son nom, je ne vois pas comment c'est possible autrement, on ne peut porter un falzar jusqu'aux chevilles dans ces conditions. J'ai maté ça sur ma télé et j'avais moi-même envie de trancher les manches de mon pull et de mon pantalon pour mater le film tel quel, je vous le dis à vous, je pourrais le dire à d'autres.


How Do You Know de James L. Brooks avec Reese Witherspoon, Owen Wilson, Paul Rudd et Owen Wilson (2011)