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27 janvier 2015

Bilan 2014


Chaque année, nous faisons partie des derniers blogueurs ciné à livrer leur verdict sur l'année cinématographique passée. Chaque année, nous invoquons de nouvelles excuses ; cette fois-ci, nous attendions d'avoir vu Dracula Untold avant de boucler nos classements. En janvier 2011, c'est à reculons que nous nous étions soumis pour la première fois à cet exercice ; pas préparés, nous avions à peine été capables de fournir un malheureux top 5 chacun. En janvier 2012, c'est à reculons que nous nous étions adonnés pour la deuxième fois à cette pratique désormais incontournable et, pour la franchir, nous avions eu la chic idée d'unir nos forces, lors d'une froide après-midi d'hiver, autour d'un kefta-chocolat auch, passée à rédiger ensemble et sans effort une fine analyse de l'an de grâce cinématographique 2011, accompagnée du top officiel de QT, livré un exclusivité. En janvier 2013, rebelotte : kefta, chocolat, et c'était plié. Mais, déjà, l'écriture se  faisait plus laborieuse, la difficulté de l'exercice nous rattrapait et l'année suivante, cette "session" où la rédaction du top annuel était seule à l'ordre du jour, se transformait en un épinglage en règle d'un film de Rob Reiner que nous gardions depuis trop longtemps en travers de la gorge. C'est donc séparément, sans ardeur, que nous avions écrit puis regroupé nos grifouilles, surtout satisfaits de se débarrasser de ce fardeau régulier. Aujourd'hui, alors que des kilomètres nous séparent, nous avons choisi de faire plus court et, après des années de tergiversations, nous allons pour la première fois vous proposer un top commun, réunissant donc nos films préférés de 2014 en un seul et même classement de 20 titres. Une décision prise face à la si grande similarité de nos tops respectifs, et malgré la présence, un peu embêtante pour l'un d'entre nous, du Gone Girl de David Fincher. Voici donc notre top 2014 :



http://ilaose.blogspot.com/2014/02/tonnerre.html
 

http://ilaose.blogspot.com/2014/07/bird-people.html

http://ilaose.blogspot.com/2014/04/night-moves.html
 
http://ilaose.blogspot.com/2014/05/the-battery.html
 
http://ilaose.blogspot.com/2014/04/aimer-boire-et-chanter.html

http://ilaose.blogspot.com/2014/03/her.html

http://ilaose.blogspot.com/2014/12/mister-babadook.html

 


1/ Under the Skin
2/ Tonnerre
3/ Deux jours, une nuit
4/ Bird People
5/ Night Moves
6/ The Battery
7/ Aimer, boire et chanter
8/ Her
9/ Mister Babadook
10/ Sils Maria
11/ Still the Water
12/ Les Bruits de Recife
15/ Sunhi
16/ P'tit Quinquin
18/ Boyhood


Il aura été assez difficile cette année d'établir un ordre précis, surtout en tête de classement. Aucun film ne s'est véritablement et très nettement détaché à nos yeux. Au lieu d'un élu écrasant, trônant seul et de façon incontestable sur l'année, on perçoit plutôt, couronnant le tout, un lot de très beaux films avec leurs petits défauts, des œuvres pour le moins différentes mais ô combien estimables. Puisqu'il en faut une, la première place revient à Under the Skin du surdoué Jonathan Glazer, peut-être le film le plus surprenant, le plus remuant, le plus ambitieux, qui sait, de l'année. Nous ne l'avons pas encore critiqué dans ces pages mais il a suscité une longue et foisonnante conversation entre tous les membres de la rédaction, trop longue et trop foisonnante sans doute pour que l'un d'entre nous trouve le courage de s'y attaquer dans un article. Pourtant le cœur y est.


Kleber Mendonça Filho, retenez ce nom, il aura une Palme un jour ! Les Bruits de Recife, son "soap opera filmé par Carpenter" est déjà une belle proposition de cinéma et, surtout, une sacrée promesse.

Deux autres films de notre top 10 n'ont pas généré de bafouilles sur ce blog, à commencer par l'excellent film des frères Dardenne, Deux jours, une nuit, œuvre profondément bouleversante, aussi galvaudé que soit ce mot. Comme d'autres grands films de cette année (ceux de Pascale Ferran ou de Spike Jonze, par exemple), celui des Dardenne prend notre époque à bras-le-corps (avec une triste mais évidente justesse, n'en déplaise à certains critiques pourtant habitués à mieux, qui lui ont reproché de s'arranger avec la vérité et n'ont que prouvé leur terrible méconnaissance de ladite vérité, celle du monde contemporain en général et de l'entreprise en particulier), et hausse à un niveau encore jamais atteint le cinéma des frères aux pieds palmés venus tout droit des Awires, mot compte automatiquement double au Scrabble. Tout compte double avec les Dardenne : ils sont deux, ils ont deux Palmes, l'histoire de leur dernier film se déroule sur deux jours, et ils possèdent bien deux paires de couilles grosses comme des marmites.


Le petit Ellar Coltrane zieute la même chose que nous : ce petit téton qui pointe sous le débardeur de sa mère.

L'autre "lauréat" de notre bilan qui ne figure pas encore parmi les 1040 titres (toujours bon à rappeler) de notre index, c'est Sils Maria, de l'ami Olivier Assayas, qui fêtait ses 60 ans hier (bon anniv Ounivié !). Ce film à double visage, qui puise dans toute une histoire du cinéma au risque de manquer de surprises, mais se révèle par ailleurs d'une rare maîtrise et permet à son auteur de renouer avec les sommets, trouve une place logique et somme toute assez confortable à mi-chemin de notre grand classement commun. Les autres films ? Inutile d'en dire plus, nous les avons pour la plupart critiqués (cliquez sur les liens, y'a de l'hypertexte à tous les étages sur ce blog à la pointe). Mais ne tardons plus et passons directement à l'essentiel, autrement dit à vos classements, le top et le flop de nos chers lecteurs :



http://ilaose.blogspot.com/2014/03/12-years-slave_4.html


Même si nous avons chaque année beaucoup de titres en commun, c'est la première fois que nous partageons le même n°1 que vous, et nous en sommes ravis. Under the Skin, pour le coup, domine votre classement de la tête et des épaules. L'écart qui le sépare des suivants est vertigineux. Pour le reste, le classement a somme toute bien fière allure et, si cette phrase a le moindre sens, nous pouvons dire que nous ne sommes pas peu fiers de nos lecteurs.

Autant d'ailleurs pour votre Top que pour votre Flop, qui réunit une belle envolée d'oies galeuses sur lesquelles, pour une bonne partie, nous avons tiré à feu nourri cette année (à commencer par vos trois vainqueurs, 12 Years a Slave, Lucy et Maps to the Stars, mais aussi l'inévitable Gilliam qui obtient un zéro pointé pour son archi-naze Zero Theorem). Autant d'oiseaux de mauvais augure que nous sommes ravis de voir s'éloigner pitoyablement vers les rivages de l'opprobre avec des tonnes de plomb dans l'aile. Un seul film nous semble injustement mitraillé, le très clivant Her de Spike Jonze, qui arrive 7ème de ce par ailleurs très juste flop infamant et 10ème de votre glorieux top (exploit déjà réalisé par David Cronenberg avec Cosmopolis en 2012 et par Harmony Korine avec Spring Breakers en 2013).

On remarque, statistiquement parlant, et on en terminera sur cette analyse, que le flop contient six titres de films en un seul mot. Six sur dix ! Après un petit calcul nous pouvons assurer que cela représente 60% des suffrages. Hasard ou coïncidence ? Claude Lelouch hésite en clignant des paupières comme un dingue, mais une chose est sûre, c'est que les films dont le titre tient en un mot sont manifestement plus menacés d'être à chier et de finir épinglés sur le mur de la tehon en fin d'année. Ceci expliquerait peut-être la présence forcée de Her dans le flop, malgré ses indéniables qualités. Et aurait pu justifier que Nymphomaniac y finisse aussi, qui le mérite, du coup, objectivement. Ceci est, quoi qu'il en soit, un sérieux avertissement lancé aux cinéastes qui s'apprêtent à sortir un film en 2015.


 A coup sûr, l'une des tronches marquantes de l'année 2014.

Que dire pour conclure ? Sinon merci. Cette année encore, vous avez été nombreux à participer aux votes, et nous tenons à vous remercier. Notamment Fabrice Guedon (aussitôt rebaptisé, au vu de son top tonitruant, Fabrice Guedin), Sylvain Métafiot (notre ptit, ptit, ptit, ptit métafillot), Pierre Guilho (qui a toujours du mal à établir son top de fin d'année, la faute à une persistance rétinienne de malade qui fait que les images des films de l'an passé sont encore imprimées dans sa tronche) Olivier Père (et Dieu sait que nous vous engageons à régler votre pas sur le pas de notre Père), Hamsterjovial (nous aimerions que ces jours où il est en verve et nous lâche quelques uns de ces commentaires dont il a le secret soient des jours sans fin), Le Ciné-Club de Caen (des années que nous envoyons nos souscriptions sous forme de chèques et toujours pas reçu le moindre programme, ça tourne au moins ?), Gondebaud (qui cette année nous a un peu fait faux bon de gaud), Thibault et Olivier (nos dirlo photo travelo), Édouard Sivière (qu'on attendait au tournant sur Night Moves - Nage Nocturne en VF - cette année), Max L. Ipsum (dit "Max l'Opossum" sur Senscritique.com), Camille Larbey (dont le top est tout à fait zarbey), Céline P. (que nous remercions pour les triples glaucomes dus à l'ancienne présentation de son, au demeurant, très chouette blog), le dr. Orlof (accro à la piquouse, et qui ne nous en a donc pas trop voulu d'avoir loupé son giga anniversaire cette année, une patte ce doc, bon anniv ! on est dans les temps ?), Inisfree (c'est quand que tu payes ta tournée ?!), Guillaume A. (la ramasse sur le flop, comme d'hab), Josette K. (notre chef machino, à gauche, sous le lien, sur la photo), Émilien (qui n'a pu voir que les films qui passaient dans le quartier chinetoque de Paname...), Jean-Pascal Mattéi (qui n'a pas mattéi grand chose cette année, si ce n'est son pote Taddéi), Asketoner (littéralement "demandez-le à elle", donc vous gênez pas), Fred MJG (quand se décidera-t-elle a changer de boîte mail ? Pour la 3ème fois, on ne reçoit pas tes messages !), Kevin Watrin (il a changé la première lettre de son nom, ça a changé sa vie), Victor Coulon (& the gang), Tepepa (test), Semmelweis (si vous pouviez nous en ramener un ou deux de votre prochain séjour en Suisse ? paraît que ça porte la chkoumoune !), Nolan (le changement de nom, ça suit son cours ?), Rick et Pick (mais aussi leurs acolytes Colégrame, Bour et Bour et Ratatam), Mathieu Ash (tes souhaits), Magenta Prod (frère de Pascal ? On espère pas...), et d'autres, nous avons sûrement oublié des noms, que leurs porteurs se manifestent gentiment et nous pardonnent, ou se taisent à jamais.


On espère à présent que l'année 2015 sera faite de moments de grâce, comme ceux qui parsèment le beau Still the Water de Naomi Kawase.

Mais remercions aussi nos collaborateurs fidèles de cette année, à commencer par celui qui, pour la première fois, a maté des films, déjà, puis a chaussé ses lunettes et pris la plume, nous avons nommé Vincent, routier cinéphile en direct de Salamanque (où il est connu comme le loup blanc sous le surnom de Piso 2C), mais aussi les vieux routards : Poulpard, jamais avare en racontards, Joe G. et ses multiples avatars, qui ne perd pas une occasion de foutre tout le monde mal à l'aise, Nônon Cocouan, juge et parti dans cette affaire, toujours prodigue en coups de latte pour ses têtes de turcs favorites, et puis Simon, le "darron", fan de Dominique A.(bus de voix aigüe est dangereux pour la santé) et dénicheur de gros coups invétéré (mais après coup).

Merci à tous d'avoir participé à ce bilan 2014 et, d'une manière ou d'une autre, à la vie de ce blog, que nous espérons encore longue en votre compagnie.

26 mars 2014

Her

Ça par exemple… Si je m’attendais à aimer le dernier film de Spike Jonze… Force est d'avouer qu'une armée d'a priori négatifs m'ont assailli à l'approche de ce fameux Her, signé de la main du réalisateur d'une centaine de clips et, tout dernièrement, de Max et les Maximonstres. Scénariste plein de bonnes idées mais pénible et besogneux (à l’instar du célèbre Dans la peau de John Malkovich, film parti sur de bonnes bases dont il n’a su que faire), au style visuel pompier et lassant, Jonze ne partait pas d'un bon pied, encore moins à la vue de cette affiche ô combien inquiétante. Et pourtant le film est une bonne, une vraie surprise. D'abord parce que le cinéaste cesse de jouer la carte de l'épate ou de la séduction et peint un futur terriblement proche de notre présent, sans emphase, sans esthétisme criard, dépourvu de toute quête d’inventivité échevelée, de tout coup de manche narratif, et loin de tout goût affiché pour un "visuel" excessif. Spike Jonze a lui-même écrit son scénario et se libère ainsi de la lourde patte Kaufman, auteur de Synecdoche New-York et scénariste non seulement de Dans la peau de John Malkovich mais aussi d'Adaptation, l'autre long métrage de Jonze. Charlie Kaufman a également commis, pour Michel Gondry, autre clipeur professionnel adepte du tout-visuel, le script d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Et l'on pouvait craindre que Her se rapproche de ce cru de la filmographie de Gondry, récit aussi mignon que mélancolique d'une histoire d'amour vouée à l'échec mais recommencée ad vitam æternam par deux paumés dépressifs et adorables...




Mais Her vole bien au-dessus de tout ça en refusant d'être un pot pourri de petites idées bricolées, de séduire son petit monde avec force détails mignonnets, en mettant au rebut toute mise en clip superficielle et toute velléité de livrer son petit délire cheap pseudo ravissant. Optant en fin de compte pour une simplicité absolue et pour un discours tout en finesse, Jonze parvient enfin à mettre l'émotion au premier plan. Il filme un futur qui est déjà au présent, poussant notre quotidien à peine plus loin qu'il ne va déjà et, ce faisant, il réalise l'un des films les plus intéressants de ces dernières années sur des questions aussi cruciales et d'actualité que le problème de l'individualisme et de la solitude de l'homme moderne, celui de la communication virtuelle, de la dépersonnalisation émotionnelle, de la mise en gérance des histoires personnelles ou du développement des intelligences artificielles. Sans asséner de réponses toutes tracées, et sans tirer de plans sur la comète, Spike Jonze avance des hypothèses non seulement originales mais terriblement convaincantes : et si, au fond, les nouvelles technologiques de communication, au lieu de révolutionner absolument le destin du genre humain, ne faisaient que rejouer son drame profond, l'échec amoureux, en l'accentuant sans véritablement le dénaturer ? Et si les robots, doués de personnalité et d’une authentique capacité au sentiment, venaient à tomber amoureux des hommes, et réciproquement, au lieu de vouloir les soumettre et les abattre, comme, pour vulgariser leur propos, dans 2001 l’Odyssée de l’espace ou Terminator ? Et si l'intelligence artificielle, au lieu de prendre le contrôle du monde et de vouloir asservir ses propres créateurs (pour quoi faire au juste ?), comme l'ont prophétisé tant de films, se mettait simplement à évoluer à une telle allure et de façon si indépendante que l'homme n'aurait plus rien à lui apporter, que l'humain la désintéresserait totalement et qu'elle finirait par mettre un terme à tout rapport avec lui pour fuir dans un ailleurs inventé par elle ?




Toutes ces hypothèses sont à vrai dire fascinantes, et la force de Spike Jonze est de les poser sans se croire obligé, une fois n’est pas coutume, d’extrapoler, d’exagérer, de pousser chaque idée à son paroxysme avec l’air de celui qui a tout compris et à qui on ne la fait pas : ces hypothèses sont simples et Jonze les traite avec toute la simplicité qu’elles réclament. Le cinéaste nous donne ainsi à penser les données du monde tel qu'il est, ou tel qu'il va vraisemblablement devenir, sans refermer aucune porte et en évitant les lieux communs, surprenant constamment son spectateur. Qui ne s'attend pas à ce que Samantha (Scarlett Johansson), le système d'exploitation dont Theodore (Joaquin Phoenix) tombe amoureux, se mette, par jalousie, à parasiter la vie de son installateur, à prendre le contrôle de son existence en utilisant toutes ses données intimes accessibles et en court-circuitant ses relations en toute discrétion ? Il n'en est rien. Au contraire, lorsque Samantha se permet un droit d'ingérence dans la vie de son protégé et amant, écrivain public de lettres intimes pour particuliers, c'est dans le but d'obtenir la publication en volume tant espérée de ses plus belles missives virtuelles. Savoir qu'elle est capable de cette initiative suffit à nous laisser imaginer le pire, la prise de contrôle tyrannique de la vie humaine par une machine, sans que le scénario ait à s'y astreindre. On pouvait aussi s'attendre à ce que la relation de Samantha et de Theodore ne soit pas aussi exclusive que le jeune homme l'espérait. Cette attente est pour le coup confirmée mais, loin de s'abaisser à un retournement de situation banal et désespérant (Theodore surprenant par exemple un ami ou collègue en plein ébat virtuel avec sa dulcinée artificielle), Spike Jonze va au plus simple et pourtant au moins attendu : Theodore constate le détachement de sa maîtresse, lui demande s’il n’est pas le seul, elle lui dit la vérité, que Theodore écoute tout en observant ces dizaines d’individus qui se croisent dans le métro et qui parlent, comme lui, à une voix sans corps, peut-être à la même...




C’est parce que cette situation est connue de tout un chacun que Jonze parvient à nous toucher, parce que le numérique, le virtuel, l’artificiel, ne font qu’augmenter horriblement le nombre des dialogues potentiels, sentimentaux ou non, entretenus de concert par l’être aimé avec d’autres que l’amoureux délaissé. Loin de jongler au petit bonheur la chance avec des idées, des concepts ou autres théories plus ou moins farfelues, comme il l’a fait par le passé, le cinéaste observe avec une sincérité et une forme de respect, d’amour, disons-le, cet humain qui jadis lui servait de jouet. Jonze filme, sans esbroufe, sans en faire de sympathiques freaks, pivots d’une satire pontifiante ou mesquine, un homme et son corps, l’excellent Joaquin Phoenix (Her lui doit beaucoup), il filme une femme, artificielle ou pas, en tout cas sa voix, celle (parfois irritante il est vrai) de Scarlett Johansson, soit des sujets au centre d’une histoire, et non de simples rouages dans une quelconque démonstration. On pense finalement moins à Michel Gondry qu’à James Gray, celui de Two Lovers. Joaquin Phoenix nous gratifie d’ailleurs une nouvelle fois de sa déjà célèbre danse solitaire, aussi drôle qu’émouvante, exécutée pour la première fois en boîte de nuit, en 2008, pour séduire Gwyneth Paltrow. Cette danse et ce film, Two Lovers, sublime et plus important qu’on ne croit, ont donc déjà fait des petits. Outre Her, le récent Tonnerre de Guillaume Brac leur emprunte beaucoup (Vincent Macaigne rejouant la danse de Joaquin Phoenix pour séduire la belle Solène Rigot), et ces trois films sont au fond liés, au-delà de leurs sujets et des figures qu’ils mettent en scène, par la qualité pas si commune de leur regard porté sur l’humain.


Her de Spike Jonze avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams, Rooney Mara et Olivia Wilde (2014)

3 mars 2011

Tamara Drewe

Je veux vous parler de ce film brutal, violent, chamboulant. Un film qui vous assomme volontairement. Qui vous frappe, vous secoue, vous remue, un film qui affiche clairement la volonté d'ouvrir les plaies et de ne pas les refermer. Un film choc ! Tamara Drewe est un pur électrochoc pour le spectateur non-averti. C'est un film miné, réalisé par un homme dont l'ambition affichée est de vous ébranler en véritable sismologue des âmes fragiles, il vous bouleversera via une terrible onde de choc vouée à meurtrir le regard en vue d'un impossible apaisement. Soyez prêts à tomber dans un précipice que vous ne connaissez pas. Préparez-vous à un soubresaut inoubliable : on en sort ravagé, moralement déboussolé, en perte totale de repères. C'est une expérience capable de vous faire tourner de l’œil. Malgré les apparences je ne vous parle pas de Délivrance ou de Voyage au bout de l'enfer, mais c'est tout comme. Il faut s'accrocher pour ne pas céder face à une terrible sensation de trop-plein. Y jeter un œil c'est y jeter les deux, on en sort aveuglé à jamais. Nous voilà ni plus ni moins poussés dans nos derniers retranchements. Et ce sentiment naît du vide intersidéral qui règne ici.


Toute la bande-annonce reposait sur cette image. J'ai moi aussi cédé à la tentation en me commandant le même mini-short en jean sur Sarenza.com. J'ai une sacrée dégaine là-dedans.

Que dire sinon que c'est une "comédie pastorale légère" comme l'affirme fièrement Stephen Frears lui-même. Je suis obligé d'aller vérifier le nom de ce réalisateur après l'avoir écrit car j'ai toujours un doute. Je confonds Stephen Frears et Brendan Fraser quand je ne le confonds pas avec Mike Leigh, autre réalisateur anglais plus très frais, auteur de comédies acides sans intérêt. J'essaie de justifier cet amalgame que je fais systématiquement alors que franchement je n'ai aucune raison valable. Je les confonds, c'est tout. Je confonds aussi Mike Leigh et Spike Lee, Spike Lee et Spike Jonze, Spike Jonze et Fredéricks/Goldman and Jones. Du coup je confonds Stephen Frears avec une grosse noire et deux guitaristes de variété... Je souffre probablement d'un grave problème psychiatrique et c'est pas toujours facile de m'y retrouver.



Que filme Stephen Frears ? Un lavabo ou les nichons de Gemma Arterton ? On sent que le réalisateur n'a pas su choisir.

Stephen Frears c'est Héros malgré lui, un film sympa avec Dustin Hoffman mais qui remonte à 1993, c'est High fidelity, le navet préféré de tous les zicos manchos, et c'est The Queen, avec une Helen Mirren grabataire pour incarner Lady Di, soit la pire erreur de casting de l'Histoire du cinéma. Fort de ce C.V. en contreplaqué, Stephen Frears a voulu adapter le célèbre roman graphique du même nom racontant l'histoire de cette fameuse Tarama Drue : "avec son nez refait, ses jambes interminables, son derrière de rêve, son job dans la presse people, ses aspirations à la célébrité et sa facilité à briser les cœurs, Tamara Drewe est l'Amazone londonienne du XXIe siècle". Cette dernière formule n'est pas de moi et j'en remercie le Ciel. Voilà pour le pitch de ce bien triste film tel que tiré de son dossier de presse, film pas très drôle, caricatural au possible et qui se conclut sur une espèce de morale piteuse lorsque le personnage du mari adultère est "puni" par un troupeau de vaches qui le piétine jusqu'à ce que mort s'en suive. C'est donc un gros veau-de-ville raté, qui se prend pour du Chabrol mais qui se retrouve dans la lignée des fours de Jean Lefebvre : à chier. "Mais j’aime bien dire aussi que Tamara Drewe est une comédie pastorale !", insiste Stephy Frears à longueur d'entretiens. Soit, Steven, dis-le si ça te fait du bien. Le cinéaste ne dit d'ailleurs pas que ça, il dit aussi qu'il a réalisé un film "à la Clint Eastwood", ce qui donne une meilleure idée du délabrement de la carrière de ce dernier. Stephen Frears, comme feu Eastwood, est désormais bon pour le bûcher des vanités.


Tamara Drewe de Stephen Frears avec Gemma Arterton, Roger Alam et Bill Camp (2010)

11 janvier 2011

Max et les Maximonstres

Je vais jouer cartes sur table. Ce film-là, je l'ai depuis un bail en divx sur mon disque dur externe. Pratiques ces choses-là, ça me permet d'avoir toute ma discothèque sur moi en permanence. Réalisé par Spike "Eternal Shoeshine" Jonze, avec la voix pourrie de Charlotte Gainsbarre, une BO de malade signée Arcade Fire et 56 affiches toutes plus belles les unes que les autres : y'avait qu'à mater la bande-annonce ou trainer dans la rue en décembre 2009, pour se faire avoir, ce film est un gros piège à cons. Depuis des mois, j'ai donc de côté Max et les Maximonstres, dans la racine de mon dd. Je vais le virer, je me vois mal le mater. En réalité, et j'ai honte de vous l'avouer : je comptais un peu sur ma copine pour m'encourager à lancer ce film. Je me disais assez bêtement "Allez si ça se peut elle trouvera ça mignon, les renards empaillés et tout, les peluches géantes, et du coup elle voudra le voir et moi je serais curieux de subir un nouveau Spike Jonze, ça me permettra d'avoir vu ce film, un de plus de cette année où je suis au taquet niveau cinoche". Mais tu parles... Des fois je la prends pour une débile ma meuf, je vous jure. Elle s'en branle des renards et autres maximonstres. Elle est pas trépanée. Une fois je lui avais proposé, elle m'avait juste répondu "VTFF". Elle est rude aussi. Bon, à côté de ça, je m'envoie tous les films de chiens et de chevaux.



Et si je parle quelques fois de "renards" dans mon article, c'est parce que ça marche également avec le film Fantastic Mr Fox, qui lui aussi finira par disparaître de mon disque dur. D'ailleurs, à la base, cette "critique", c'est juste un commentaire à la "critique" de Fantastic Mr Fox rédigée par mon collègue, un commentaire que je m'apprêtais donc à poster sur mon propre blog. Je suis coutumier du fait. Mais je me suis dit que je racontais là quelque chose d'intéressant et j'ai constaté que ça fonctionnait aussi avec Max et les Maximonstres, de Spike Jonze, autre cinéaste "indé" américain qui s'est récemment essayé au film pour gosses. Alors j'ai changé quelques mots, et je me suis dit que ça ferait un papelard. Un mauvais papelard, mais un papelard quand même. Un papelard de plus. Je n'ai pas vu ce film et je ne le verrai jamais, mais je considère l'avoir vu.


Max et les Maximonstre de Spike Jonze avec la voix merdique de Charlotte Gainsbourg (2009)

12 novembre 2010

Synecdoche New-York

C'est le dernier film en date de Charlie Kaufman, qui a pour meilleur ami Spike Jonze (Kaufman a écrit pour lui les scénarios d'Adaptation et Dans la peau de John Malkovitch), et pour concubin Michel Gondry (il a aussi écrit Human nature et Eternal Shoeshine). Or s'il est vrai que vos amitiés en disent long sur vous, ce que vous accouchez quand on vous calfeutre devant une feuille blanche finit de dresser votre portrait. Et que dire de l'autoportrait ultra vitriolé que nous adresse ainsi régulièrement Karlie Chaufman... Une pluie de "mind fuck" et d'histoires à pioncer debout, un imaginaire souffreteux de geek attardé, une suite de mises en abîmes oniriques et de personnages moribonds. Sauf que là il parachève son œuvre : Synecdoche New-York, c'est son bébé à lui, tout entier à lui, écrit ET réalisé par lui. Donc j'avais les foies en m'apprêtant à le mater. Kaufman a certes peut-être parfois de bonnes idées de départ mais il écrit toujours des scripts qui s'avèrent foireux "au finish", et qui donnent systématiquement lieu à de grosses enculades cinématographiques. Néanmoins j'étais curieux à l'approche de ce film-là, principalement à cause du pitch, que je vous copie-colle ci-dessous en direct de Wikipédia.




Caden Connard, metteur en scène de théâtre, est en train de monter une nouvelle pièce. Mais travailler pour un public de petits vieux aux portes de la mort dans l'obscur théâtre attaqué par les mites d'une banlieue de New York assez malfamée lui paraît bien terne. Tu m'étonnes. Sa femme, Adele, l'a quitté pour poursuivre sa carrière de peintre en bâtiment à Berlin, emmenant avec elle leur petite fille, Toundra. Madeleine, sa psy, est plus occupée à faire la promo de son nouveau livre "essentiel" (dit-elle) sur les huiles essentielles qu'à soulager ses angoisses. Suite à toutes ces déconvenues, Caden a quand même eu une aventure, mais sa liaison avec une belle et naïve jeune femme, nommée Eden Hazard, a tourné court. Et il est rongé par une mystérieuse maladie douloureuse et incurable qui s'attaque directement à son système nerveux.

Pressé par la peur de mourir prématurément, peur légitime car il va bel et bien mourir prématurément, Caden décide alors de tout quitter. Aspirant à créer une œuvre d'une intégrité absolue, il rassemble quelques comédiens dans un entrepôt de New York. Il les met en scène dans une célébration de l'ordinaire, demandant à chacun de vivre une vie artificielle dans une maquette de la ville.



Il faut être un beau con pour se laisser attirer par un script pareil. J'ai maté vingt minutes du film au bas mot. J'ai donc seulement vu la partie en gras du résumé, la partie émergée de l'iceberg, suffisamment terrifiante et déprimante pour me faire virer de bord de peur de m'empaler sur la partie immergée du merdier avant de couler à pic comme un vieux paquebot. La seconde partie est pourtant censée être un peu plus lumineuse, d'après le résumé, d'après l'affiche (j'ai rien vu de tout ça, et franchement je doute que ce soit dans le film), mais pour y avoir droit il faut passer outre la première demi heure qui s'acharne à pousser le spectateur à la dépression la plus carabinée qui soit. C'est in-sou-te-nable.



On passe trente interminables minutes à fixer du regard le gros Philip Seymour Hoffman, doté d'une voix venue des tréfonds de son propre slip sale, qui baragouine lentement des mots incomplets, lesquels ont bien du mal à trouver un chemin non-obstrué hors de son corps, et on écoute ses inepties la mort dans l'âme, confondu par le spectacle dévoyant de cet acteur qui incarne sans forcer un personnage à qui il n'arrive que merdes sur merdes dans son pavillon triste, hanté par sa femme et sa fille qui le font sans cesse chier à force d'être ultra connes et lourdes à mourir, mais qui ont le mérite d'être près de lui quelques heures encore, avant de foutre le camp pour le laisser seul avec son cancer. Et Seymort Offman va d'hôpital en hôpital pour apprendre qu'il est malade et qu'il va crever sous peu, pense donc à la mort, et explique à sa fille endormie les veines et le sang, et les maladies, et la mort qui frappe ensuite... C'est un Woody Allen plus que sombre que la moyenne et sans la moindre vanne à l'horizon, si vous préférez, ou un Bergman sans personne derrière la caméra, sans idées et sans talent. Y'a de quoi crever en matant ce truc. J'ai senti naître deux ou trois ulcères au fond de mon estomac en une trentaine de minutes, et j'ai plein de grains de beauté sous les aisselles depuis que j'ai éteint ma télé. Je pisse aussi cramoisi. J'en ai parlé à mon médecin, je lui ai dit que mes selles étaient bleu blanc rouge, il m'a dit que j'allais voter Le Pen alors que pas du tout, je dois juste être très malade. En tout cas je vais pas au top.

Je défie quiconque de lancer ce film sans être pris d'un cafard de tous les diables, d'un bourdon à crever la gueule ouverte. Je tends mon doigt à Charlie Kaufman et à son Sinecdochié New-York. C'était mon troisième film estampillé Kaufman et comme par hasard c'est la troisième fois que je bats le record d'apnée dans ma baignoire, sans que personne ne le sache. Je file un mauvais coton.


Synecdoche New-York de Charlie Kaufman avec Philip Seymour Hoffman (2009)