31 mai 2022

Sunday Too Far Away

De la bière, de la sueur, et... de la laine de mouton. C'est tout le programme de Sunday Too Far Away, un film réalisé par Ken Hannam en 1975 qui nous propose de suivre une bande de tondeurs engagés pour la tonte longue de plusieurs semaines d'un de ces gigantesques troupeaux de l'outback australien. L'action se déroule vingt ans plus tôt, en 1955, afin de coller à la petite histoire : cette année-là fut en effet marquée en Australie par une grève des tondeurs de pas moins de 9 mois suite à une décision défavorable à leurs revenus. Les enjeux étaient importants pour nos amis tondeurs dans ce pays où l'on compte les brebis par dizaines et dizaines de millions mais, comme l'indiquent les quelques mots de conclusion : "It wasn't the money so much. It was the bloody insult". Le mouvement de grève porta ses fruits nous informe ce carton final et le film, notamment par cette formule effrontée, épouse l'esprit revêche des personnalités en présence. Ken Hannam s'amuse, et nous amuse, du caractère intraitable des tondeurs, de leur esprit de corps, malgré les petites rivalités et ces étincelles qui auront, tout le long, ponctué le film. Bien que nous soyons en 1955, le décalage temporel est totalement invisible tant l'action paraît saisie sur le vif. La caméra du cinéaste colle aux mocassins crados des tondeurs, nous place par-dessus leurs épaules dégoulinantes, entre leurs mains laborieuses, au ras du sol poussiéreux, la tronche dans les toisons qui s'enchaînent. Nous pouvons presque sentir la chaleur moite et l'odeur caractéristique de la bergerie où se déroule principalement le film. 



 
 
Sunday Too Far Away, dont le titre est emprunté à la complainte d'une femme de tondeur*, a un fort aspect documentaire, très captivant, donnant l'impression que tout se passe au moment d'un tournage où l'objectif était de capturer la réalité du travail des tondeurs. L'intrigue, qu'il est inutile d'essayer de résumer, compte fort peu. Une paire de scènes, comme l'impressionnant accident de voiture d'introduction – très inutile en dehors de sa faculté à saisir le spectateur dès les premiers instants – ou le semblant de romance amorcé avec la jeune fille du proprio de la ferme – loin d'être assez étoffé pour intéresser un brin – semblent indiquer que le cinéaste n'a pas pu faire exactement ce qu'il voulait au moment du montage. Mais ce n'est pas très grave, le film, assez court, au rythme prenant, vaut le coup d'œil. Ken Hannam y dépeint également une petite galerie de personnages sympathiques, plutôt rigolos dans leur rivalité somme toute très frivole et typiquement masculine, souvent tournée en dérision, parfois touchants quand on prend en pleine figure toute la tristesse de leur misérable existence.  



 
 
Sunday Too Far Away rappelle inévitablement, mais avec quelques divisions d'écart et un impact incomparable, le terrible Wake in Fright de Ted Kotcheff, tourné quatre ans plus tôt. Le tondeur vedette, une sorte de Bart Simpson de 30 balais que l'on aurait croisé avec le gros Barney compte tenu de sa consommation de bière – quoique ça ne le distingue en rien des autres puisqu'ils ont tous une sacrée descente –, est incarné par Jack Thompson, un acteur très charismatique que l'on se plaît à suivre et qui avait justement commencé sa carrière dans le film de Kotcheff pour un rôle plus secondaire. Nous sommes en plein dans la nouvelle vague du cinéma australien et, aussi étonnant que cela puisse paraître étant donné son sujet a priori limité, Sunday Too Far Away rencontra un succès retentissant à sa sortie qui participa à cette bonne dynamique, remportant au passage les principaux oscars de son pays. Tout pourrait avoir lieu à quelques kilomètres de là où se joue Wake in Fright, dans les rades voisins, à la différence que ce ne sont pas les kangourous qui trinquent mais les brebis, traitées sans grand égard. On retrouve une même ambiance lourde et virile, les mêmes hommes noyés dans la bière et dans les jeux d'argent, sans but. Rien ne compte vraiment sous ce soleil de plomb et dans cet enfer orange brûlé. Une drôle d'impression d'énergie débordante qui chauffe, surchauffe mais tourne à vide. 

* "Friday night [he's] too tired ; Saturday night too drunk ; Sunday, too far away"


Sunday Too Far Away de Ken Hannam avec Jack Thompson, Max Cullen et Robert Bruning (1975)

22 mai 2022

Rapport confidentiel

Une suite de flashbacks s'enchaînant à un rythme assez soutenu et épousant différents points de vue nous révèlent progressivement comment un policier débutant a pu tuer une jeune collègue infiltrée dans le milieu de la drogue. Nous sommes au début des années 70 et le film de Milton Katselas cristallise les tensions de cette époque en nous dépeignant un New York poisseux et bouillonnant où la police est plus occupée à couvrir un scandale qu'à faire régner la justice dans des rues où la drogue et la prostitution sont omniprésentes. C'est donc un rapport confidentiel (le titre français du film, qui lui va plutôt bien, étant donné sa si modeste et injuste notoriété) dont nous avons l'impression d'éplucher chacune des pages en détail, du début de l'affaire, qui correspond à l'entrée dans la police de ce flic frêle et sensible, à sa résolution, c'est-à-dire les choix faits, dans le secret de grands bureaux à la lumière tamisée, par le chef de la police pour limiter ses conséquences, pour couvrir les failles et les incompétences des uns et des autres.


 

 
On peut d'abord craindre que le personnage au centre de l'intrigue, ce rookie au charisme inexistant qui apparaît d'emblée si fragile, ne soit un peu trop léger et transparent pour nous intéresser. Mais nous découvrons petit à petit la belle personnalité de cet ancien hippie qui reconnaît, face à ses interrogateurs, s'être engagé dans les rangs des forces de l'ordre pour faire plaisir à son père suite à la mort de son frère au Vietnam. Ce jeune flic, campé avec sensibilité par un Michael Moriarty très crédible, n'a pas peur d'afficher ses convictions et ses valeurs au collègue plus expérimenté qui lui est assigné, incarné par le sympathique Yaphet Kotto, et ses idéaux vont se confronter à la rude réalité. Nous percevons, sans que cela ait besoin d'être trop appuyé, le léger trouble qu'il ressent lorsqu'il rencontre la flic infiltrée, là encore solidement jouée par une charmante et énigmatique Susan Blakely. Ce personnage singulier prend donc peu à peu une vraie épaisseur et finira même par nous émouvoir, victime d'un monde impitoyable, lors d'un ultime plan cruel qui reste durablement en tête et achève de faire de ce Report to the commissioner une charge virulente contre la police et ses dérives. Milton Katselas semble également prendre la photographie d'une période : il nous montre sans chichi le racisme et la violence sous-jacente de la société américaine d'alors, avec le traumatisme, si prégnant, de la guerre du Vietnam, régulièrement évoquée dans les dialogues, et l'évocation explicite de la lutte pour les droits civiques des noirs. 


 

 
Le scénario, que l'on doit à deux spécialistes du polar (Abby Mann et Ernest Tidyman), est tiré d'un bouquin de James Mills, un type qui devait bien connaître l'ambiance du New York d'alors puisqu'il est également l'auteur du roman Panique à Needle Park à l'origine du mémorable film de Jerry Schatzberg avec Al Pacino. Ce scénar, c'est du costaud : il est assez subtil et jamais manichéen, mais aurait peut-être mérité d'être plus clair, plus explicatif, sur certains points, pour éviter que l'on suspecte la moindre incohérence. Le cinéaste donne l'impression de compter à fond sur la vigilance du spectateur, qui n'a pas intérêt à rater la moindre réplique s'il tient vraiment à comprendre le pourquoi du comment et à saisir chaque détail. Trois moments forts sortent du lot : une poursuite très originale entre un cul-de-jatte équipé d'une planche à roulettes et un taxi dans les rues bondées de la ville ; une autre course poursuite, cette fois-ci à pieds, depuis les toits des buildings jusqu'au hall d'un grand magasin, en passant là encore par les trottoirs surchargés de la métropole ; puis ce climax étonnant, long et tendu, claustrophobe... Il se déroule en bonne partie dans un ascenseur bloqué entre deux niveaux où flic et dealer se retrouvent face à face dans un des plus longs mexican standoff de l'histoire avant de devoir faire preuve d'une certaine solidarité puis d'être tous deux pris pour cible lors d'un final glaçant qui nous rappelle que nous sommes loin d'être tous égaux face à une horde de flics prêts à appuyer sur la détente. Auparavant, nous aurons notamment eu l'occasion de reconnaître Richard Gere dans un second rôle de mac au look douteux, pour sa première apparition au cinéma, et de regretter parfois la musique un peu datée d'un Elmer Bernstein en mode pilote automatique. Certes, il manque au film un brin d'intensité et une mise en scène plus enlevée pour être du niveau des plus grands thrillers policiers américains des années 70, mais il n'en reste pas moins une œuvre sous-estimée, injustement méconnue, qui mérite clairement le coup d’œil.
 
 
Rapport confidentiel (Report to the commissioner) de Milton Katselas avec Michael Moriarty, Yaphet Kotto et Susan Blakely (1975)

14 mai 2022

Bull

C'est par respect pour la chronologie des médias que je vous parle seulement aujourd'hui de ce film que j'ai découvert bien avant vous. Non distribué dans nos salles mais projeté lors de quelques festivals plus ou moins confidentiels consacrés au cinéma de genre, Bull est désormais visible en VOD. Une destinée hélas prévisible pour ce revenge flick british hyper violent qui a la modeste prétention de nous faire passer 88 petites minutes de haute intensité en très très mauvaise compagnie. Le pitch pourrait être le fruit de l'imagination débridée d'un ado d'une dizaine d'années amateur de légendes urbaines et d'anecdotes sordides, et c'est aussi ce qui fait tout son charme. Bull nous raconte une histoire de vengeance d'une terrible simplicité que seul le montage malin et non linéaire du récit rend surprenante et intéressante. Impitoyable homme de main d'une petite bande de gangsters de la campagne anglaise dirigée par son beau-père, le (très à propos) surnommé Bull revient au bercail après dix ans d'absence, bien décidé à en découdre avec ceux qui l'ont éloigné de force du seul être qui suscitait chez lui un peu de douceur et d'humanité, son fils. Dans les faits, cela se traduit par l'élimination méthodique et sanglante, perpétrée à l'aide de scotch américain et d'une machette bien aiguisée, de toutes les personnes que Bull estime impliquées dans cette séparation forcée, à commencer par celui dont il était jadis le gendre pas si idéal que ça... 




Paul Andrew Williams a donc l'heureuse idée de développer deux trames temporelles que son montage malin et sans affèterie agence de la façon la plus simple qui soit : le présent de la froide vengeance du personnage principal, animé par une rage implacable, nous est ainsi progressivement éclairé par des scènes de son passé. Passé comme présent se jouent sur un temps très resserré, une paire de jours tout au plus, ce qui participe grandement à l'agréable concision du film et à la clarté de son intrigue qui convoque une galerie d'énergumènes fort peu recommandables (le vieux chef de meute, campé par David Hayman, sortant du lot grâce à la répugnance feutrée que l'acteur écossais parvient à susciter avec ses petits yeux vicieux sous son petit crâne ridé et tâché). Pour couronner le tout, et je vous invite ici à ne plus me lire si vous avez la moindre chance de regarder ce film un jour, Bull s'achève par un twist assez osé et dingue puisqu'il nous fait d'un coup basculer sans ambages dans le surnaturel, ni plus ni moins. Cette pirouette finale nous conforte dans la charmante impression que ce thriller quasi horrifique, à l'humour noir discret mais salvateur, aurait pu être la concrétisation en images de quelques sombres fantasmes d'un jeune et enthousiaste esprit avide d'histoires glauques. Ce twist diabolique renforce aussi ce sentiment fugace : celui de voir en ce protagoniste craint de tous, friand d'arme blanche, à la gestuelle et aux expressions plutôt minimalistes, à la démarche résolue et toujours égale, laissant désolation et cadavres saignants dans son sillage, un lointain cousin anglais de l'impassible et immortel Michael Myers. Une parenté d'autant plus inattendue et presque amusante quand on sait que notre personnage éponyme est puissamment incarné par Neil Maskell (déjà vu et apprécié dans Kill List, du regretté Ben Wheatley – paix à son âme), tout en rage mal retenue et éclats de folie et d'ultra violence coupante. Or, le sympathique Neil Maskell est un sosie bedonnant de Will Forte, cet acteur comique américain que l'on imagine difficilement faire du mal à une mouche... Autant de rapprochements plaisants, à l'image de cet ultime retournement audacieux, qui font de Bull un film de genre concocté avec malice qui remplit dignement son office.


Bull de Paul Andrew Williams avec Neil Maskell, David Hayman et Lois Brabin-Platt (2021)

10 mai 2022

Vigilante

D'ordinaire assez peu friand des films d'auto-justice, je dois avouer que celui-ci m'a bien botté ! Il est l’œuvre de William Lustig, un drôle de loustic à qui l'on doit également la trilogie Maniac Cop et, surtout, le terrible Maniac, sordide portrait hyperréaliste d'un serial killer new yorkais qui marqua nombre de cinéphiles avides de sensations fortes – je l'ai pour ma part découvert sur le tard, assez récemment, et, bien qu'aguerri à ce type de films parfois dépassés par leurs propres réputations, j'ai pu constater que celle-ci n'était guère usurpée. Pour son deuxième long métrage, réalisé en 1982, William Lustig reprenait à sa sauce la recette du polar sécuritaire, très en vogue depuis le milieu des années 70 et le retentissant succès d'Un Justicier dans la ville, ce film de Michael Winner où Charles Bronson appliquait à sa façon la tolérance zéro dans les rues sombres de la Grosse Pomme. C'est ici Robert Forster qui voit rouge. Bob Forster, cet acteur, décédé en 2019, à la tronche de boxeur, à la filmographie longue et cabossée, homonyme du co-leader des Go-Betweens, que Tarantino avait remis en selle dans Jackie Brown, et dont le charisme est ici à son zénith. Le brun au regard si dur en vient aux armes après l'agression de son épouse et le meurtre de son fils par un gang sans foi ni loi. Remonté à bloc, écœuré par l'impuissance de la police et le système corrompu de la justice, Forster rejoint un groupe d'auto-défense, organisé par ses collègues ouvriers, afin de venger sa famille. Un groupe d'une redoutable efficacité mené par le magnétique Fred Williamson, grande vedette de films de blaxploitation, dont les monologues habités constituent sans doute mes passages préférés. C'est d'ailleurs l'un d'eux qui ouvre Vigilante et annonce d'emblée le ton du film : sec, direct et efficace.  


 
 
On tient là une pure série b, totalement assumée, un western urbain nerveux qui aborde l'auto-justice avec un tel nihilisme et un tel jusqu'au boutisme que l'on tend quasiment vers l'absurde. On se fiche pas mal que les réactions des personnages soient parfois difficiles à avaler, on n'est pas du tout là pour ça. Vigilante captive par son ambiance délétère, son rythme toujours égal, sa mise en scène soignée, et par la faculté de William Lustig à nous plonger dans les coins les plus sombres de la ville, à nous traîner dans la fange. Le film est également émaillé de longues scènes de poursuites à pieds ou en voiture qui valent franchement le détour. Très vraisemblablement inspirées par celles de French Connection, ces courses-poursuites sont accompagnées par une bande son d'enfer qui participe grandement à faire de Vigilante une pépite du genre. Le puissant thème musical soutient le meilleur moment du film, en tout cas mon favori, celui où nous voyons notre héros, plus ténébreux que jamais, sortir de taule et rejoindre le groupe d'auto-défense après avoir traversé, impassible, un terrain de squash en plein air en gênant tous les joueurs. Tous le matent en se disant "Mais il est con ou quoi ?" et la réaction, très fugace, en arrière-plan, de l'un d'eux, vaut son pesant d'or. Robert Forster a toute la place pour les éviter et ne pas faire de vague, mais non, il passe là où ça les enquiquine le plus, vraisemblablement déjà désireux d'en découvre avec le premier qui osera lui chercher des noises. C'est là l'attitude d'un homme qui a tout perdu et n'en a plus rien à foutre de rien...
 
 
 « I'll tell you this. Sooner or later, man, we're gonna run out of places to hide. What do we do then, huh ? Climb on some high mountain where it's nice and safe ? Wrong. After they finish turning this neighborhood into a cesspool, what makes you think they're not gonna look up at that high mountain of ours and want that too. »
 
Une poignée de moments trop bon trop con comme celui évoqué juste avant, de très chouettes scènes d'action pure, une BO du tonnerre, quelques dialogues en or balancés avec une étonnante ferveur, un casting composé de tronches pas possibles que l'on est heureux de recroiser (Woody Strode, Joe Spinell, Richard Bright...), un scénar qui surprend par sa noirceur et semble avancer, inexorablement, dans la nuit et les rues poisseuses de NY... il y a là tout ce qu'il faut pour passer un bon moment de détente amorale et malsaine. 

 
Vigilante de William Lustig avec Robert Forster, Fred Williamson, Carol Lynley, Woody Strode et Joe Spinnell (1982)

4 mai 2022

Sweet Country

Cinéaste australien d'origine aborigène récompensé à Cannes d'une Caméra d'Or en 2009 pour son premier film (Samson et Delilah), Warwick Thornton a depuis continué son petit bonhomme de chemin, en officiant en tant que chef opérateur ou en réalisant quelques documentaires, sans se faire trop remarquer. Jusqu'à son troisième long métrage, Sweet Country, grand vainqueur à l'équivalent des oscars australiens et récipiendaire du prix spécial du jury à Venise en 2018. Malheureusement non distribué dans nos salles, les prix récoltés par le film sont tout à fait justifiés. Warwick Thornton nous livre là un western beau et intelligent qui, s'inspirant d'une histoire vraie, a la noble ambition d'exposer au grand jour et sans ambages les tensions racistes sur lesquelles son pays s'est construit.


 
 
Ce film, que l'on pourrait facilement diviser en trois parties, nous plonge d'abord dans la région inhospitalière du nord de l'Australie, au début du siècle dernier, dont on découvre le triste fonctionnement. Des aborigènes sont exploités par des anglais qui, alcooliques ou traumatisés par la guerre, semblent avoir échoués là contre leur gré. Employés pour les travaux agricoles et comme homme et femme à tout faire, ils sont le plus souvent traités comme des esclaves. Seul le grand Sam Neill, un saint homme à l'écran comme dans la vie, se comporte avec la plus grande dignité. Il commet toutefois l'erreur fatale d'autoriser l'un de ses cons de voisins à user des services de son ami aborigène, Sam Kelly (incarné par l'impressionnant Hamilton Morris). Après avoir dû tuer, en état de légitime défense, cet homme raciste, ivre et particulièrement belliqueux, Sam Kelly sera contraint de prendre la fuite avec sa femme...


 
 
Rien de très original à première vue, et le scénario nous propose effectivement beaucoup de situations assez prévisibles, familières, ce qui empêche peut-être Sweet Country d'accéder à un autre rang, mais Warwick Thornton fait ça très bien et son film a vraiment belle allure. Sur un rythme très tranquille, peut-être un peu trop, on suit donc avec plaisir la fuite et la traque de Sam Kelly, à travers les paysages si cinégéniques de l'outback australiens, que le cinéaste filme avec talent et un sens du cadre évident. Autre particularité de sa mise en scène : des affèteries de montage, intéressantes mais pas toujours pertinentes, sous la forme de flashforwards très fugaces qui produisent un effet de déjà-vu lorsque les événements arrivent bel et bien. Ainsi, quand frappe la terrible fatalité, on ne peut guère reprocher à Thornton de ne pas nous avoir prévenus...


 
 
Sweet Country prend une subtile nouvelle tournure et regagne un plus vif intérêt dans sa dernière partie, où se déroule le procès de Sam Kelly et sa femme. Nous sommes alors pendus aux lèvres de chaque personnage, le cœur serré, espérant que la justice ne se trompe pas. Le film parvient alors à développer une assez forte tension dramatique, jusqu'à une fin cruelle qui ne manque pas de nous ébranler. On ne peut alors que reconnaître que Warwick Thornton a atteint son but. Les derniers mots reviennent à Sam Neill qui, désespéré, lâche "What chance have we got ? What chance has this country got ?" résonnant encore quelques temps après la fin du film.


Sweet Country de Warwick Thornton avec Hamilton Morris, Shanika Cole, Bryan Brown et Sam Neill (2018)