22 février 2008

Je suis une légende

L'homme, quand il est seul, certain de n'être pas observé, a des manies bien étranges. L'homme, par exemple, adore ses odeurs. L'homme au sens générique du terme j'entends, la femme est dans le même bateau. Quand il est seul, l'Homme se cure les pieds et sent ses doigts, il se passe les phalanges entre les couilles et les porte invariablement, machinalement, à son nez. La femme fait pareil en passant le bout de ses doigts sous ses seins, ou sous ses aisselles, ou contre son entre-jambes, sans doute. Les deux font ça avec leurs panards ou leurs culs. C'est quelque chose de très étrange et de pourtant tout à fait naturel. De même l'Homme pète et baigne dans son pet, aussi abominable puisse-t-il être, il s'en délecte et ramène l'odeur vers lui avec ses mains pour mieux en apprécier toute l'horreur. Horreur qui n'est perçue ainsi que lorsque le pet vient d'un autre. Quand il est nôtre, le pet est toujours agréable, voire d'autant plus agréable qu'il est puant. On secoue les draps quand on pète dans son lit pour être certain de recevoir toute les fragrances de son pet et pouvoir mieux le mesurer. Mesurer son importance. Laquelle dépend de sa puanteur. Plus un pet sent, il faut bien le dire, la merde, ou le renfermé, plus il est important et plus on en est fier. C'est très intéressant de voir comme l'homme est toujours d'autant plus fier de ce qui émane ou sort de son corps que ce qu'il dégage est plus répugnant. Tout le monde se retourne après avoir chié. Notre fierté peut se voir quand on va aux chiottes. On sait que personne ne nous regarde, alors on étudie la taille de notre besogne, et on est plus ou moins content de nous selon l'importance de nos déjections. On est fiers de ce qu'il y a de plus dégueulasse qui puisse sortir de notre corps, et on l'est plus ou moins selon sa grosseur et sa coloration. Ces rejets sont un insondable tabou en société parce qu'on les adore absolument en privé et que c'est évidemment une profonde honte pour tout un chacun. Tout le monde se retourne après s'être torché. Pas juste pour tirer la chasse d'eau, non, c'est pour bien regarder ses selles, passer un moment en tête à tête avec elles. Parce que tout le monde a peur. Tout le monde est inconsciemment effrayé par la perte de fluide corporel, c'est pour ça qu'on se retourne toujours pour regarder notre merde quand on l'a chiée.




Ce film est une étude théorique sur ces questions. Will Smith est seul à New-York, personne ne le regarde, alors il sent ses doigts.

Francis Lawrence, qui a signé cette merde, n'a de cesse de revoir son film, pour contempler ce qu'il a chié, et croyez-moi, il en est fier.


Je suis une légende de Francis Lawrence avec Will Smith (2007)