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13 janvier 2023

Cœurs / Morse

Je n'ai découvert que cette année le Morse de Tomas Alfredson, sorti en 2008, que John Carpenter cite souvent comme la réussite du cinéma de genre de ces vingt dernières années quand on lui pose la question. On peut le piger. J'ai aimé ce film, qui n'est pas le seul à le faire mais qui intègre avec finesse et intelligence le mythe des vampires dans la société contemporaine sous une forme plutôt réaliste, à travers la relation entre un jeune garçon suédois de 12 ans, Oskar (Kåre Hedebrant), victime de harcèlement scolaire, et une gamine, Eli (Lina Leandersson), du même âge, récemment installée dans le même bâtiment avec son "père". Eli s'avère assez vite être une petite vampire. Elle vit recluse dans sa chambre et la nuit venue ose fouler la cour de l'immeuble où elle erre, pâle et les yeux dilatés, pieds nus dans la neige et le froid qui ne l'atteint pas. 
 
 


 
C'est là qu'elle rencontre Oskar. Lui passe son temps sur un portique pour enfant à fantasmer et mimer le poignardage vengeur de ses harceleurs. Ils font connaissance. Oskar prête son Rubik's cube à Eli. Après leurs échanges, elle rentre chez elle, où son tuteur (Per Ragnar) la fournit régulièrement en sang frais après avoir commis de sordides meurtres dans les environs. Rassasiée, Eli communique encore avec Oskar, en morse, à travers le mur mitoyen de leurs chambres. Voilà pour les prémices du scénario de Morse, sans trop en dire sur le deuxième assassinat commis par le fournisseur en hémoglobine d'Eli, d'un pilier de bar du coin, qui tourne plutôt mal, et dont un voisin est témoin, ni sur la révolte pour le moins radicale d'Oskar face à son principal agresseur. Non, plutôt dire un mot de ce plan du film d'Alfredson qui m'a ramené non pas en 2008, son "acte de naissance", mais en 2006, deux ans avant la sortie de Morse, et à un autre film sorti cette année-là, vous l'aurez compris, il s'agit de Cœurs, d'Alain Resnais, que, quant à lui, j'ai vu à sa sortie, il y a 14 ans donc, deux ou trois fois même, je crois, une au cinéma puis dans chez moi, mais que je n'ai pas revu depuis.





Sorti trois ans après un opus relativement mineur de Resnais, Pas sur la bouche, et signant le retour du cinéaste français vers les sommets, avant les trois derniers grands films que seront Les Herbes folles (2008), Vous n'avez encore rien vu (2011) et Aimer, boire et chanter (2013), Cœurs est un film choral hivernal mêlant les destinées de plusieurs personnages, qu'ils se rencontrent ou non, également reliés dans le montage par des plans de chutes de neige. Le film de Resnais en convoque lui-même d'autres, bien sûr, comme On connaît la chanson (1997) avec ses séquences collées non par des plans de neige mais par des plans de méduse, ou encore, pour remonter plus loin, Hiroshima mon amour (1959) et son fameux faux-raccord sur les mains et les bras d'Emmanuelle Riva caressant le dos d'Eiji Okada, mains et dos d'un seul coup couverts de cendres, celles de la ville rasée et reconstruite, puis de poussières humides et luisantes.
 
 


 
Le plan qui y fait écho, dans Coeurs, est sûrement le plus mémorable du film : il s'agit de ce plan, également monté en faux-raccord, sorti de nulle part et voué à y retourner, qui évoque la mémoire lui aussi, la mort, où le personnage de Sabine Azéma, Charlotte, pose sa main sur celle, tout à coup morte, sombre comme un morceau de bois, un bras de marionnette ou un corps pourri, du personnage qu'incarne Pierre Arditi, Lionel, au beau milieu d'une conversation dans laquelle ce dernier, pour la première et seule fois, comme une parenthèse dans sa vie, se confie sur ses relations à son père déclinant. La table autour de laquelle ils échangeaient jusque là se retrouve soudain, dans ce plan, couverte de neige, contre toute vraisemblance : ils sont à l'intérieur, dans la cuisine de Lionel, à l'abri de la neige qui tombe dehors, dont l'apparition est impossible et qui disparaîtra dès le plan suivant. On pourrait même penser, avec tout ça, à Smoking / No Smoking, étant donné les deux acteurs en présence, tout à coup autres, transportés ailleurs, dans une autre réalité, peut-être une autre version d'eux-mêmes, par ce simple raccord magique et mélancolique. Les personnages de Charlotte et Lionel (Lionel était déjà le prénom d'un des avatars d'Arditi dans le diptyque de 1993) sont d'ailleurs eux-mêmes assez versatiles et semblent vivre plusieurs vies en une, en particulier Charlotte, qui se montre sous des jours très différents.





Mais, j'ai maintenant découvert Morse, et ce plan du film de Resnais me transportera aussi, quand je reverrai Cœurs, vers le futur, vers le Morse d'Alfredson. En fait, donc, un peu partout dans le temps de l'Histoire du cinéma, temps long, qui défie la mort, temps de vampire (je ne sais plus qui, mais je crois que c'était Serge Daney, qualifiait les cinéphiles de zombis...). Aussi reverrai-je un jour ou l'autre Morse comme un petit cousin du cinéma d'Alain Resnais, bizarrement. Le cinéaste français hantera ce film de genre suédois aimé de Carpenter dans lequel une jeune vampire en proie aux pires difficultés (outre sa réclusion, elle se retrouve rapidement seule, obligée de se nourrir sur site et traquée) s'évertue, alors que le sort s'acharne contre elle, à accompagner un garçon timide, à devenir son amie et sa confidente et à lui donner du courage et de la force pour affronter les débiles qui l'ennuient à l'école. Il me semble que c'est quelque chose de très présent dans le cinéma de Resnais, tiens, qu'un de ses personnages se donne du mal pour en soutenir un autre et lui transmettre un peu de force dans une mauvaise passe. Je crois (c'est plus une impression, une intuition, qu'une affirmation, il faudrait revoir les films) que les personnages de Sabine Azéma en particulier ont souvent à un moment donné ce rôle de soutien. Elle aide son époux revenu d'entre les morts dans L'Amour à mort ou sa sœur accablée par une dépression post-thèse dans On connaît la chanson (où elle vient aussi en aide à l'autre dépressif du film, interprété par le regretté Jean-Pierre Bacri). Je crois voir Sabine Azéma tirer d'autres êtres à bouts de bras dans d'autres films de Resnais, peut-être dans certains "et si..." de Smoking / No Smoking ? C'est à confirmer (ou pas).





Dans Cœurs, elle tente de mettre du baume sur celui de son collègue agent immobilier Thierry (André Dussolier) en lui refilant des cassettes vidéo soporifiques, enregistrements de variétés religieuses, qu'il se force à regarder jusqu'au bout, profitant d'être seul quand sa petite sœur Gaëlle (Isabelle Carré), en mal d'amour, sort rejoindre ses tristes rencards, pour pouvoir faire face à sa sympathique collègue le lendemain matin. Il découvre alors, au bout des vidéos et après une brève plage de "neige", d'autres enregistrements plus croustillants dans lesquels sa collègue folle en christ danse, donc, visage coupé par l'angle de caméra, en tenue sexy sur des rythmes peu catholiques. Mais en fait, ça ne concerne pas qu'Azéma. La plupart des personnages du film tentent d'aider leur prochain. Alors, certes, la méthode employée par Eli pour sauver Oskar de la noyade à la fin de Morse n'est pas franchement "resnairienne". N'empêche. Le coup de main est là. Comme un pont entre les films. Vous me direz peut-être que je force un peu la parenté. Et vous n'aurez pas tout à fait tort.





Mais enfin il me faudra revoir Coeurs en l'envisageant lui aussi d'un autre œil et, qui sait, peut-être comme un film de vampires, en particulier avec le personnage de Lionel (Pierre Arditi), barman la nuit, accaparé le jour par un père en fin de vie, qu'on ne voit jamais mais que l'on entend (c'est la voix de Claude Rich) sans cesse l'invectiver et insulter les aides à domicile que son fils engage l'une après l'autre pour prendre soin de lui chaque nuit. Il finira, après avoir essuyé mille démissions, par tomber sur Sabine Azéma, encore elle, qui ne se contente pas de son salaire d'agente immobilière mais donne de sa personne avec un sens de l'abnégation à toute épreuve, toujours par charité chrétienne, quitte à endurer sans fléchir les pires humiliations du paternel acariâtre d'Arditi, ce fantôme qui hante les nuits de ses protectrices, et que Charlotte, la bigote, hantera bientôt à son tour en lui offrant l'une de ses danses de l'enfer sur une musique peu catholique.





C'est ce Lionel qui, s'épanchant enfin sur sa dure vie, reçoit sur la main, noire et enfoncée dans la neige, celle, pleine de sollicitude, de Charlotte, avant de retourner servir des cocktails toute la nuit à de pauvres hères moins malheureux que lui mais tout aussi déprimés, comme Dan (Lambert Wilson), qui noie son chagrin de militaire dégradé et alcoolique loin de sa très dynamique femme Nicole (Laura Morante), auprès de cet éternel barman de nuit sans âge, dont il ne sait rien mais qui l'écoute et le soutient, empathique et souriant malgré tout. Tomas Alfredson, disciple de Carpenter et de Resnais ? On connaît mariage plus attendu mais moins prestigieux (qui aura cependant possiblement donné un fils complètement taré, car si Morse annonçait une belle carrière, les opus suivants de Tomas Alfredson n'auront guère convaincu). Pierre Arditi dans son seul rôle de vampire ? Ou de fils de vampire, nourrissant secrètement son vieux père détestable, barricadé dans sa chambre, de la dignité de ses aides à domicile ou du sang des cœurs dépressifs qui hantent son bar ? Je ne suis pas sûr de ce que je raconte (j'en aurai tartiné du clavier avec deux plans qui se ressemblent, dommage que je ne sois pas payé à la ligne), mais voilà de quoi revoir Morse et Cœurs encore et encore, pour moi à jamais liés par deux plans fugaces, qui cependant n'ont pas besoin de ça pour mériter d'être revus. Oubliez tout ce que j'ai dit.
 
Ces deux jeunes mains serait-ce la vérité, ces deux jeunes mains
Enfouies sous la neige qui tombe sans cesse
Et l'année prochaine quand le printemps
S'unira au ciel derrière la fenêtre
Il naîtra de son corps
Des sources vertes, des branches légères
Et elles fleuriront - ô ami, ô seul et unique ami
 
Croyons à l'aube de la saison froide...
 
Forough Farrokhzâd, "Croyons à l'aube de la saison froide"
traduit du persan par Laura et Ardeschir Tirandaz  
 
 
Cœurs d'Alain Resnais avec Sabine Azéma, Isabelle Carré, Pierre Arditi, André Dussolier, Lambert Wilson et Laura Morante (2006)
Morse de Tomas Alfredson avec Kåre Hedebrant, Lina Leandersson et Per Ragnar (2008)

26 octobre 2018

Garde alternée

Quel étrange film... Bon. D'abord on s'attend à une pure comédie, mais en réalité le film s'ouvre par des scènes plutôt lourdes, où Valérie Bonneton découvre que son mari, Didier Bourdon, la trompe depuis quelques mois avec Isabelle Carré. Je nomme les actrices et les acteurs au lieu des personnages, vous aurez compris. Je n'ai aucun souvenir des prénoms de ces personnages, tout le monde s'en fout. Excédée, Bonneton met son mari Bourdon, prof de littérature à la fac, au pied du mur devant tout un amphi. Ensuite, ça se déride un peu, mais on ricane quatre ou cinq fois maximum, grâce à une poignée de répliques qui font mouche, bien aidées par la tension qui s'empare du spectateur et lui provoque des spasmes nerveux incontrôlables. Mais surtout, le postulat de départ tire sur la corde de la crédibilité, puisqu'il faut bien accepter l'idée que Didier Bourdon dans ce film est irrésistible et subit les assauts répétés et insistants de toute la gent féminine comme de toute la gent masculine, sans que jamais rien, en dehors de sa beauté physique (l'éventuel côté brillant ou éloquent du prof émérite étant à oublier), n'explique la fascination et l'adoration qu'il suscite. Il est même assez puant, notamment avec son ami homo, interprété par Laurent Stocker, dernier vampire sociétaire de la Comédie Française. Dieu sait qu'on a une immense sympathie pour Didier Bourdon, mais de là à voir en lui un Dom Juan des années 2010, il y a quelques kilomètres (150³°°°km env.). Ce postulat de départ, qu'il convient d'épouser sous peine de passer à côté du film, nous amène tout droit vers de bien étranges scènes. 




En gros, l'épouse, Bonneton, professeur de violon, et la maîtresse, Carré, libraire, se disputent bec et ongle Didier Bourdon. La femme légitime, mise en échec, prétend alors qu'elle n'a plus de libido et qu'elle se fout que son mari tire ailleurs. Le propre père de Bonneton (Jackie Berroyer, un vrai tombeur lui aussi) trompe sa mère (Hélène Vincent) depuis des décennies, dans le plumard de toutes les femmes du quartier, avec le consentement tacite de sa chère et tendre. En fait, le film présente le couple comme obligatoirement voué à l'adultère et l'homme comme obligatoirement plié aux caprices anarchiques de son membre viril. Bonneton en a bien conscience, et n'a semble-t-il plus beaucoup de passion pour son homme après 15 ans de mariage, mais elle tient à garder un père à la maison pour ses enfants. Elle propose donc à la maîtresse une garde alternée de Bourdon : une semaine chez l'une, une semaine chez l'autre. En réalité, ce n'est qu'une manœuvre. Elle veut récupérer son mari. Et vu que la maîtresse est raide dingue de ce dernier, les deux femmes se livrent une guerre sans pitié pour l'obtenir.




Ce qui pousse les concurrentes à un comportement qui laisse songeur. On reste pantois, par exemple, quand Valérie Bonneton se trémousse et prend des poses ultra suggestives en lingerie fine devant sa propre maman improvisée photographe pour ensuite faire triquer son mari en lui envoyant ces images par texto, pimentées par quelques phrases comme "Je t'embrasse sur la raie. Sur ta petite raie" (sic).  Et cela fonctionne à ravir puisque le soir même Bourdon regagne ses pénates, laissant ses gosses dans les pattes de sa maîtresse pour s'envoyer en l'air avec son officielle, dans la chambre de leur petit garçon. L'étonnement redouble quand Isabelle Carré décide de passer toute sa semaine de "garde" à pomper Bourdon pour le décharger totalement afin qu'il ne touche plus sa femme la semaine suivante. Elle programme le réveil à 2h et à 4h du matin, avec une alarme nommée "PIPE" (sic encore) et se met à sucer Didier Bourdon. Elle le réveille deux fois par nuit, complètement dans le gaz, pour le pépom. Et rebelote chaque nuit. A la moindre occasion, dans la journée, elle le suce aussi. Y compris un dernier coup juste avant qu'il change de domicile, sur le pas de la porte. Je précise que je n'invente strictement rien.




A la fin du film, les deux prétendantes, devenues très proches (elles prennent leur bain ensemble), viennent à bout du plus si fringant Didier Bourdon, qui n'en peut plus de faire l'aller-retour entre les deux baraques et de se faire littéralement vidanger à chaque voyage. Le pauvre homme, toujours aussi ventripotent mais dont les noyaux sont secs comme l'amadou et dont le petit quinquin pompe trop de sang à longueur de journée pour permettre à son cœur et à son ciboulot de s'alimenter convenablement, fait un AVC sous les yeux de ses deux groupies incrédules et mortes de rire. La fin ne laissera pas de nous surprendre une fois de plus puisqu'on retrouve les deux ex-rivales ravies de partager une maison de vacances dans le Lubéron avec leur Didier Bourdon devenu un légume. Le film se termine quand Bourdon, sans raison, allongé sur une bouée dans la piscine, chope de nouveau le marbre, sous l'oeil réjoui de Bonneton et Carré, qui semblent soulagées que son calibre marche encore, car c'est bien l'essentiel, et c'est effectivement à l'extraordinaire pouvoir d'attraction de sa bite que se résume exclusivement ce bon vieux Didier Bourdon dans ce film dont on ressort différent.


Garde alternée d'Alexandra Leclère avec Didier Bourdon, Valérie Bonneton, Isabelle Carré, Laurent Stocker et Michel Vuillermoz, Hélène Vincent et Jackie Berroyer (2018)

12 octobre 2015

Hors de prix

Je suis retombé sur ce film hier, diffusé sur France 2. C'était ça ou France-Danemark sur TF1. « Retombé », c’est bien le mot. Et plus dure fut la chute. Je me souviens avoir découvert Hors de prix en compagnie de mon acolyte à une époque où nous partagions les mêmes murs, les mêmes tomes de gruyère et, parfois, les mêmes dessous. Un jour, Félix a dû me dire quelque chose comme : « Mec ! j’ai pécho Hors de prix et ça m'a pas coûté cher ». Le soir même, nous nous sommes lancés dans le film sans appréhension, avec confiance au contraire, munis du seul espoir de passer un chouette moment devant une comédie finaude et sympathique, réalisée par Pierre Salvadori, qui nous avait offert l’excellent Les Apprentis, portée par Gad Elmaleh, comique de métier, et Audrey Tatum, comédienne de profession. C’est typiquement le genre de soirée qu’on ne peut pas trop foirer, sur le papier. On avait tout pour se mettre bien.


La robe de Gad Elmaleh (si je me fie à l'affiche, c'est le nom de l'actrice) a changé de couleur entre le poster et le film, énième preuve qu'on ne peut se fier à rien.

Mais au bout de quoi, cinq secondes ? dix secondes ? un quart d’heure à tout casser ? pas longtemps en tout cas, je nous vois d’ici, on a dû se mater en chiens de faïence, se scanner mutuellement, avec des rayons X de haine dans chaque pupille, des kilo-tonnes d’amertume arrimés aux commissures des lèvres. Comment ne pas en vouloir à la terre entière face à un tel spectacle. Pour résumer : Audrey le Toum' joue une péripatéticienne qui se vend aux vieillards pleins aux as les plus offrants. Gad Elmaleh, lui, joue un employé d’hôtel qui couche avec elle en se faisant passer pour un milliardaire. Tautou découvre finalement le pot aux roses et demande à Elmaleh de remballer le matos. Elmaleh justement, dont le personnage est un pur débile, se ruine ensuite pour coucher avec elle encore une ou deux fois. Sur la paille, il finit par devenir gigolo lui aussi. Tout en essayant de faire cracher leurs riches victimes au maximum, les deux jouent de connivence et finissent par tomber amoureux. Fin de l’histoire. Et jusqu’au bout du supplice, pas l’ombre d’une vanne. Audrey Tautou* et Gad Elmaleh jouent pieds et poings liés. Elmaleh en particulier donne l’impression qu’il s'est fait bodysnatcher, qu’il est incapable d’exprimer quoi que ce soit. Selon certaines sources proches du comédien, ce dernier était en communication, par voie d’oreillette, avec les ravisseurs de ses parents, qui l’insultaient en continu et lui demandaient une gigantesque rançon tout en lui disant de ne rien laisser paraître sous peine de tailler les crayons de son père et de buter son chien. Triste film quoi qu'il en soit, sorti au milieu de pas mal d’autres du même genre, qui semble nous dire : c’est la crise, tout tourne autour du pognon, tout chlingue autour de vous, et c’est pas ce soir que vous allez prendre votre pied.

* qui rivalisait la même année avec Isabelle Carré dans Quatre étoiles, film tout aussi triste mais au moins réveillé, à intervalles réguliers, par un François Cluzet allumé. L'acteur, à l'époque, transportait de temps en temps de la cocaïne dans son tube digestif. Précision : il n'était pas passeur, c'était simplement le moyen "le plus pratique" (sic.) que Cluzet avait trouvé pour trimballer ses doses de tournage en tournage. Régulièrement, notre acteur fétiche était victime d'un éclatement de body pack, comme il l'a raconté plus tard au magazine Life. Aucun de ces accidents n'a eu la peau de François, coriace s'il en est, mais 100 grammes de drogue dure dispersés en une fraction de seconde et sans prévenir dans son corps eurent des effets visibles et spectaculaires sur son jeu d'acteur, contribuant largement à sa résurrection artistique (toutes ces informations sont disponibles sur la page wikipédia du comédien).


Hors de prix de Pierre Salvadori avec Gad Elmaleh et Audrey Tautou (2006)

21 septembre 2012

Cherchez Hortense

On sort du nouveau Bonitzer et la logique voudrait donc qu'on donne notre avis sur le film en tant que blogueurs ciné, qu'on se place sur l'échiquier critique, qu'on prenne position en tant qu'anti ou que pro, alors on se lance, même si à la manière du cinéaste qui cherche Hortense on cherche de notre côté l'envie de l'épingler. Il faut déjà commencer par se limiter et par trier le grain de l'ivraie, car là on a envie de vous parler de ce moment où Kristin Scott Thomas invite Bacri à croquer dans un plateau d'huîtres "numéro 3", en précisant bien "numéro 3", de ces amphithéâtres hi-tech et vieillots à la fois où Bacri donne des cours en commençant toujours par : "La Chine, vous l'ignorez, ne voit pas le ciel comme nous autres occidentaux…" avant un cut salvateur pour lui, de ce personnage du beau-frère coiffeur maigrelet et très efféminé mais finalement sanguin comme le pire des ultras olympiens (supporters de l'OM pour les béotiens) déçu après un centre-tir de Gignac en direction de Mandada, qui massacre Bacri d'un uppercut travaillé à l'entraînement entre deux permanentes posées sur des vieillardes. Mais tous ces détails qui nous reviennent parce que le film est encore frais ne sont pas forcément bons à retenir et d'ailleurs ils ne diront rien à ceux qui n'ont pas encore vu le film (99,99999998% de la population mondiale, chiffre à relativiser étant donné qu'Avatar reste un film inconnu pour disons 94,999999998% de la même population humaine sur Terre) et qui en prennent déjà plein la gueule.




De telles statistiques n'ont jamais eu cours et n'ont certainement jamais été rapportées dans aucune critique de film depuis circa 1890, il nous faut donc changer de paragraphe après ça. Ce film est donc signé Pascal Bonitzer. Cet homme est une encyclopédie du cinéma, un critique émérite et un théoricien respecté par ses pairs, cité à tours de bras dans les études les plus sérieuses à travers le monde. Il est en effet l'auteur d'un livre intitulé Le Champ aveugle qui a fait date et qui est actuellement posé sous mon macbook pro pour que la ventilation fonctionne à plein. Un vrai bouquin de chevet. Quand on voit les films de Bonitzer, y compris le spectateur totalement ignorant du travail de recherche de notre ami, on ne peut s'empêcher de penser que le cinéma est un passe-temps pour lui, une petite fantaisie, un side-project. On sent bien qu'il se fait plaisir avant tout en invitant ses amis, et Bonitzer dispose d'un beau carnet d'adresse allant de Jackie Berroyer à Benoît Jacquot (qui fait un caméo dans le film, sa famille le reconnaîtra) en passant par Agathe Bonitzer, la propre fille du cinéaste, sans oublier pour le coup Jean-Pierre Bacri et Kristin Scott Thomas.




A propos de ces deux acteurs, on peut dire que Bacri porte le film sur ses épaules et fait passer la pilule. Bien que rasé à la hache et d'un teint plus gris que jamais, l'acteur est là, il a toujours ses petites facéties qui font mouche et sait faire aimer son personnage, ce dont le film avait bien besoin vu qu'il le marque à la culotte, et Dieu sait que c'est pas Indiana Jones, ses aventures se déployant entre le Palais Royal, un resto japonais et son appartement dans un triangle des Bermudes ma foi assez monotone. Quant à Kristin Scott Thomas, qui commence à empiler les films comme on remplit un casier judiciaire, elle passe sous nos yeux comme une vague connaissance ou comme une vieille cousine qu'on recroise de temps en temps sans plaisir. Sa voix, son physique atypique, son phrasé, son parler (en fait ça tourne surtout autour de sa voix), son allure, son âge indécidable (mais au-delà des soixante ans), son élocution, son accent, sa diction, bref tout ça nous frappe de plein fouet dès qu'on la retrouve d'un film à l'autre, et des personnages meurent sous la présence de l'actrice que l'Angleterre nous a envoyée en représailles de la guerre de cent ans. Petit message à tous les vieux papas qui nous lisent (en général cette actrice est l'idole de nos vieux paternels) : ce n'est pas parce que cette femme est bien conservée qu'il faut la conserver davantage.




A part ça que dire de ce film (dont on sent bien que quand il a été question de lui trouver un titre Bonitzer s'est retrouvé face à un pur casse-tête chinois) ? Pour en finir avec le casting il se compose aussi d'Isabelle Carré, avec laquelle Bacri est bien décidé à créer un couple légendaire de cinéma (ils ont déjà tourné ensemble dans Les Sentiments), mais il n'est pas prêt d'y parvenir avec de tels scénarios ; et puis Claude Rich qui s'amuse semble-t-il assez dans son rôle de mauvais père à moitié homo, bien qu'on préfère le voir s'amuser chez Resnais dans le rôle par exemple de vieillards ou de vieillardes en pleine bourre. Tous ces acteurs font ce qu'ils peuvent dans cette comédie dramatique brouillonne et rarement inspirée dont la part de critique sociale est aussi poussive qu'inoffensive. Le fil de l'intrigue tourne en effet autour d'une jeune immigrée sans papiers dont le sort est suspendu à la communication quasi impossible entre Bacri et son père. Bonitzer a au moins ceci de cohérent qu'il s'engage contre l'expulsion des sans-papiers en signant un film sans identité. On a quelque mal à se passionner pour cette quête, autant d'ailleurs que pour les difficultés du couple que forment Bacri et Scott Thomas, et autant que vous sans doute pour ce paragraphe. Pourtant, sans prétention aucune, et je crois que même Bonitzer avec son regard acéré de critique conscient de ce qu'il fait serait d'accord, cet article a déjà quasiment plus d'arguments que le film, voire plus d'idées, et en tant que pur objet formel, peut-être plus d'allure et d'ambition.


Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer avec Jean-Pierre Bacri, Kristin Scott Thomas, Isabelle Carré, Claude Rich, Benoît Jacquot, Jackie Berroyer et Agathe Bonitzer (2012)

13 juin 2012

Des Vents contraires

Ce film-là je parie que vous n'en avez pas entendu parler à sa sortie, et si vous en avez croisé la promo vous l'avez aussitôt effacé de vos mémoires, pour une simple raison : vous n'en aviez rien à foutre. Des Vents contraires est un de ces films qui sortent par dizaines et qui composent une grande partie du paysage cinématographique français, une sorte de majorité silencieuse. Chaque semaine on voit trois ou quatre films minimum de cet acabit qui sortent imperturbablement sur les écrans alors que tout le monde ou presque s'en fout complètement. A la limite ça fera passer une après-midi pluvieuse déjà flinguée devant Canal +, ou un dimanche soir cafardeux sur TF1, pas plus. Ces films-là sont de plus en plus souvent réalisés par des acteurs ou des actrices, dont les noms célèbres et les trognes connues assurent un minimum d'éclairage médiatique vital aux producteurs frileux. Neuf fois sur dix ces acteurs "passés derrière la caméra" bien que n'ayant rien de spécial à dire ou à montrer, viennent nous raconter des histoires intimes vaguement autobiographiques, des histoires de papa ou de maman disparus. Jean-Paul Rouve (Jean-Paul Rouve !) sort aujourd'hui même son deuxième film (après le nullissime Sans arme, ni haine, ni violence ; Dieu m'est pourtant témoin que j'ai maté ce navet armé jusqu'aux dents, chargé à bloc de haine à l'égard de Rouve et paré pour l'ultra-violence), et à cette occasion il est allé donner des leçons de mise en scène sur le plateau de Ruquier samedi dernier ("on peut faire des choses ma-gni-fiques ! Et très simplement ! A condition de savoir placer la caméra !"), tout en assurant qu'il ne se considère nullement comme un cinéaste... Son film, Quand je serai petit, raconte une énième histoire de papa paumé et de déficit affectif chez l'enfant abandonné, sujet certes potentiellement passionnant, voire primordial, à condition de ne pas en tirer de sombres téléfilms que seules Audrey Pulvar et Natacha Polony peuvent trouver "sublimes". Je cite Pulvar : "Il y a des plans fixes sur le clocher du village ou sur les rues du quartier qui sont de véritables tableaux magnifiques, extraordinaires, des images qui vous resteront dans la tête toute votre vie !". Faut-il n'avoir rien vu et ne pas s'en soucier pour déblatérer de telles conneries à l'antenne à une heure de grande écoute. S'extasier sur les plans de coupe de Rouve Jean-Paul et crier au monde que c'est du grand cinéma, c'est non seulement un crime contre l'humanité, mais c'est ce qu'on appelle un suicide médiatique.



Mais revenons à Des Vents contraires, le deuxième film réalisé par l'acteur Jalil Lespert, connu pour avoir joué et plutôt bien joué chez Laurent Cantet (Ressources humaines) ou Xavier Beauvois (Le Petit Lieutenant). Autant le dire tout de suite, pour son deuxième passage derrière la caméra Jalil Lespert n'a pas montré la patte de l'expert. L'histoire du film ? On la connaît par cœur. C'est vaguement celle de mille romans et d'autant de films, c'est celle par exemple de Je vais bien, ne t'en fais pas, le triste film de Philippe Lioret écrit par Olivier Adam, auteur du bouquin qui a également inspiré Des Vents contraires... C'est celle aussi de Mères et filles, le récent film pour ménagères de plus de cinquante ans de Julie Lopes-Curval, avec Marina Hands qui tentait de soutirer des informations à sa mère, Catherine Deneuve, sur le parcours de son arrière-grand-mère, Marie-Josée Croze, laquelle cinquante ans plus tôt avait quitté le foyer familial sans prévenir, abandonnant du jour au lendemain son mari et ses enfants pour ne plus jamais revenir. Le script n'est évidemment pas le même, mais on y retrouve le topos du personnage qui a perdu un être cher de façon mystérieuse et qui essaie de survivre à cette absence tout en tâchant de l'élucider, sans omettre de se fabriquer une retraite anticipée pour se reconstruire et retrouver son identité. Ici le film s'ouvre sur une dispute entre Benoît Magimel et Audrey Tautou, jeune couple en difficulté : elle est infirmière, lui est écrivain et ne parvient pas à boucler ses romans à cause de ses deux gamins dont il doit s'occuper toute la journée. Le ton monte autour d'un petit déjeuner à base de Cruesli Choco et de lait caillé. Magimel insulte carrément sa femme. "J'en peux plus, j'en VEUX plus", dit Tautou en gros plan. Le soir même elle ne rentre pas. Magimel appelle à l'hôpital puis chez une amie de sa femme, il reste cool mais ne comprend pas. Un an plus tard elle n'est toujours pas rentrée. Magimel commence à s'impatienter, il trépigne un peu, commence à être inquiet, on le serait à moins, et laisse ses gosses seuls chez lui pour aller se bourrer la gueule en boîte et s'y faire joyeusement tabasser. Il part finalement se mettre au vert avec ses enfants du côté de St Malo, bled qui l'a vu naître et où son frère a repris l'entreprise paternelle d'auto-école.



On espère vaguement que ce déménagement va permettre au scénariste de déballer l'événement majeur du film, et on se dit que si c'est le déménagement l'événement majeur en question, on va lentement souffrir. Malheureusement c'est le cas. On passera le reste du film à observer Magimel repeignant toute sa baraque pièce à pièce pour finalement la revendre dix minutes avant la fin de l'histoire. Tout ça pour ça. On le voit aussi essayer d'aider un voisin arabe joué par Ramzy, d'Eric et Ramzy, qui a enlevé son propre fils dont il n'avait pas la garde et que la police recherche activement. Magimel le ramène à la raison puis écoute son ami après lui avoir mis du NTM histoire de lui remonter le moral, avec une certaine efficacité. Le dialogue suivant nous vaut une très belle tirade de Ramzy, pleine de profondeur métaphorique : "Quand j'étais petit mon père lisait plein de bouquins sur le soleil, les étoiles, et il me disait qu'après un trou noir y'a la lumière, y'a Dieu". Sauf qu'après le trou noir pour Ramzy y'a un camion, qui le frappe de plein fouet dans un plan digne de celui où Brad Pitt se faisait empéguer par un poids-lourd au début de Rencontre avec Joe Black. Alors que Magimel venait de régler le problème de ce nouvel ami, père divorcé douloureusement éloigné de son fils, une gendarmette un peu zélée interprétée par Isabelle Carré, affublée d'une frange affreuse sans doute censée la rendre crédible dans ce rôle ingrat, vient arrêter Ramzy chez lui avec tout le GIGN et les équipes du RAID quand le suspect, pris de panique, tente de s'échapper et se fait aplatir par un véhicule en léger excès de vitesse mais dans son bon droit : le piéton menotté n'avait pas traversé sur les clous.



Bref Jalil Lespert a réuni ses amis comédiens (on retrouve aussi Bouli Lanners et Aurore Clément) pour leur donner plein d'émotions à jouer sur fond d'une de ces bandes originales à base de piano et de violon souffreteux qu'on devrait interdire à tout jamais à tous les réalisateurs de cinéma du monde. Bien que mis au service de personnages clichés, apparemment inévitables dans ce type de récit (le parent isolé acariâtre qui reprend goût à la vie en soulevant les vieux secrets de famille tout en aidant l'arabe dans la merde et en étant aidé par le bon bougre ventripotent du coin plein de bonne humeur ; le frère faiblard mais rassurant, qui a raté sa vie mais qui fait des efforts pour rester sympa ; la flic sèche mais humaine, dotée d'une frange qui la condamne à un métier sans éclat mais dont l'humanité perce sous des traits agréables, etc.), malgré cette galerie de stéréotypes donc les acteurs font le boulot, on peut leur reconnaître ça. Surtout Magimel, qui est parfois fabuleux comme il sait l'être, que ce soit quand il prend son air pénétré de mec dépressif cheveux aux vents et yeux plissés (il le tient sur 95% du métrage !), quand il regarde par la fenêtre alors qu'il est en pleine leçon de conduite et manque de faire un infarctus lorsque son élève (qu'il baisera ensuite, mais c'est une parenthèse) dirige sensiblement la voiture sous le capot d'une autre vers un crashtest grandeur nature imminent, Magimel redressant le volant au dernier moment en lâchant les dents serrés un très beau : "On t'a jamais dit de serrer à droiiiiiiite ?!", ou encore quand il dit à son fils : "Maintenant tu laves les cheveux de ta sœur" et que celui-ci répond "non", Magimel rétorquant "si", le gamin "non", Magimel "si !","non !", "si !", et ainsi de suite pendant 7 minutes montre en main.



Dans ce film il y a aussi Antoine Duléry, l'éternel second rôle des Mariages, Camping, Camping 2, 3, 4, 5, and counting. Faut le voir dans toutes ces scènes où il joue avec les enfants de Magimel comme les pires tontons gâteux jouent avec leurs neveux et nièce pour soi-disant les exciter un bon coup avant le repas, donnant envie à tout le reste de la famille, spectateurs forcés du spectacle de ce proche déficient, de le traiter de grosse enflure et de le rouer de coups de latte dès qu'il aura fini et que les gosses seront couchés. A la fin du film, et là gare au massive spoiler, Magimel apprend que sa femme est morte, dépecée par un taré récidiviste juste après leur dispute matinale et enterrée dans le jardin de ce voisin taré depuis plus d'un an. Magimel apprend la mauvaise nouvelle à ses bambins, et le fils de Magimel, révolté par la nouvelle, mu par une immense colère face à l'injustice, se réfugie dans les bras de son oncle Duléry et pleure tout en criant et en le rouant de coups. Il lui met une branlée impressionnante, à grand renfort de coups de poings à la chaîne, emporté par le rôle et par cette séquence poignante ! A ce moment là j'étais à la fois presque ému par la réaction physique à vif de ce gamin et presque jaloux qu'il ait eu un si bon prétexte pour tabasser Antoine Duléry un bon coup.



Le vrai problème du film c'est que Lespert n'a de cesse d'évoquer la question de la justice pour soi et de ses écarts nécessaires ou non avec la loi, celle des dissensions entre le bon sens et la bonne cause, ou de la culpabilité des victimes (Magimel a envoyé des textos d'insulte à sa femme assassinée ; le gros Bouli Lanners a tout perdu pour avoir renversé malgré lui un cycliste qui n'avait pas ses feux ; Ramzy a enlevé son fils pour le revoir...), mais le sujet, omniprésent, n'est jamais réellement traité et on ressort du film sans y penser, sans que l'émotion n'ait jamais complètement pris et sans que la réflexion n'ait porté ses fruits, les arguments qui la portent ne se résumant qu'à un regrettable enchaînement de facilités. Sur Allociné ils donnent sept bonnes raisons pour aller voir ce film, mais ils n'ont pas dû en trouver sept vu que la dernière c'est juste : "Les scènes de jeux sur la plage". Quand ceux qui ont adoré le film ne trouvent que ça à dire pour filer envie de le voir, y'a pas vraiment de raison de le descendre à leur place.


Des Vents contraires de Jalil Lespert avec Benoît Magimel, Audrey Tautou, Isabelle Carré, Bouli Lanners, Ramzy Bedia, Antoine Duléry et Aurore Clément (2011)

14 janvier 2011

Les Émotifs anonymes

C'est une petite comédie sucrée qui se mange comme un bon chocolat, avec ce qu'il faut d'amertume pour le différencier d'une confiserie quelconque. Voilà le genre de critiques qu'on peut lire partout sur le web et dans les journaux, parce que les personnages du film travaillent dans une fabrique de chocolat... En dehors de toute métaphore chocolatée à la con, on se contentera de dire que c'est une comédie bien sympathique qui donne le sourire. L'histoire, qui a le bon sens de ne pas pousser à l'extrême son idée de départ (les personnages ne sont pas complètement excessifs dans leur émotivité), tient la route et ne tombe pas dans le trop convenu. Les deux personnages principaux sont attachants et les comédiens qui les incarnent sont au top de leur forme. Certains diront que le même film avec Benoît Magimel et Julie Depardieu en têtes d'affiche serait insupportable. Et c'est vrai. Julie Depardieu ne s'en sortirait pas aussi bien qu'Isabelle Carré, qui pourrait être son opposée sur l'échelle de la beauté comme sur celle du talent, et Benoît Magimel peut tuer n'importe quel film à lui tout seul... mais ça reste con de faire ce genre de comparaisons car par exemple Lady Chatterley avec Léa Drucker dans le premier rôle ça devient une sacrée grosse merde.



Après c'est vrai que les acteurs portent le film, avec une mention quand même à Poelvoorde qui m'a fait marrer un certain nombre de fois avec ses petits cris ou certaines répliques franchement bien trouvées. Le décor n'est pas si kitsch que ça, il évoque les confiseries à l'ancienne mais à la limite c'est pas gênant, ni envahissant, on est quand même loin d'Amélie Poulain. Condamner le film et traiter son réalisateur de vieux rétrograde, de néo-conservateur et de réac' minable uniquement parce que l'ancienne confiserie du film a un décor désuet et parce que les personnages sont un vieux garçon et une vieille fille, laquelle n'est pas habillée comme une pute, le tout en prenant comme cheval de bataille tel ou tel accessoire sans importance certes un peu daté, comme on le voit faire dans les revues les plus sérieuses, c'est vraiment adresser un faux procès à ce film en le chargeant d'un discours politique dont il est volontairement dépourvu. Ces accusations se basent sur des détails que le réalisateur filme comme tels et qui n'ont aucune importance pour quiconque se laisse prendre au jeu de cette histoire d'amour simple et plaisante. Le déroulement de l'intrigue n'est pas si attendu que ça d'ailleurs, au contraire, à plusieurs moments on est surpris en bien. Isabelle Carré est trop trop belle, faut le dire aussi, plus belle que jamais d'ailleurs. Bref c'est très simple, souvent drôle, chouette petit film. A recommander à ceux qui sont un peu timides, qui aiment le chocolat, les facéties de Poelvoorde et le visage angélique d'Isabelle Carré. Je crois causer à pas mal de monde.


Les Émotifs anonymes de Jean-Pierre Améris avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré (2010)

13 décembre 2010

Potiche

François Ozon. Ozon, Ozon, Ozon... Je crois bien avoir vu tous ses films. A chaque fois, l'argument de départ fait rêver, au point de nous faire oublier ce qu'Ozon a fait avant. Par exemple 8 femmes, au départ c'est huit générations de stars enfermées dans un manoir : nuit de noël sans lune, sur cent brebis il t'en reste qu'une... Récemment encore, Le Refuge, qui avait pour point de départ Isabelle Carré en cloque mode d'emploi. Je l'ai pas vu, donc, une fois de plus déçu. C'est systématique. Je mate la bande-annonce je suis comme un fou ! Je mate le film et je retrouve aucune des scènes que je m'étais repassées en boucles dans ma tête après m'être délecté d'une bande-annonce formidable revue des centaines de fois en boucle. Je ne dirai que le strict minimum sur Potiche : cette comédie n'est pas drôle une seconde. Elle est aussi peu drôle que je le suis en ce moment.
 
 
 
 
Oh ça dure bien depuis quinze jours. On m'a dit : "T'as laissé ton humour dans les roustons de ton père". Je rétorque : "Pas faux, j'ai connu des jours meilleurs. D'habitude je fais marrer toute l'assemblée et là je ne suis que l'ombre de moi-même". C'est vrai qu'en ce moment, c'est une période sans. Sans humour, sans idée, sans répartie. Je mange, je bois, je baise et je chie. Je baise un jour sur cent et je chie les 99 autres. Je passe pas des mauvaises journées. Hier je me suis régalé d'une bonne pizza. Franchement ça le fait. J'ai pas d'ennuis. J'ai pas non plus d'envie. Voilà ma vie. Mais surtout je suis pas du tout marrant. Pour écrire un article c'est un peu just. Mais je l'ai quand même fait. J'espère que c'est pas cette merde de Potiche qui m'a rendu si vide de tout. J'espère aussi que c'est pas contagieux. D'habitude quand j'écoute Le Lion est mow ce soiw de Pow-Wow, je chiale à coup sûr. Idem avec Viva la vida la viva de Coldplay. Forcément je chiale. Toujours une larme sur le dernier accord, ce petit dernier cri d'agonie du chanteur. J'ai écouté ces deux standards y'a pas dix minutes, pas un soupçon de peine dans mon âme, j'ai les yeux secs comme le désert de Gobi. Je n'éprouve plus aucun sentiment. En ce moment je suis blindé. A mon taff je suis une tuerie, je suis CRS et je dégomme des étudiants à qui mieux mieux.  
 
 
Potiche de François Ozon avec Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Judith Godrèche, Karin Viard et Fabrice Luchini (2010)

30 juillet 2009

Cliente

Il est comique de se rappeler comment Josie Balasko a vendu son film sur toutes les télés françaises. Elle a longuement raconté que son scénario avait été rejeté par tous les producteurs du pays après une vaine lutte acharnée contre la censure et les esprits étriqués d'une intelligentia hexagonale toute-puissante et outrageusement pudibonde. Désespérée de ne pouvoir tourner ce film qui lui tenait tant à cœur, Josée Balasko s'était alors résolue à faire de son script un roman, qui fut couronné d'un engouement du public fnac et massif. Forte de ce succès d'estime, Josué Tabasco s'en est donc retournée montrer patte blanche aux producteurs qui tous se disputèrent le bout de gras, en vue d'un triomphe en salle aussi lucratif que celui des libraires. Ayant fait la preuve de la qualité de son récit et de l'intérêt qu'il devait susciter chez les gens, J.G. Balardsko pouvait faire la nique à tous ces financiers désormais alléchés par son histoire de gigolos. Et c'est ainsi que son film si sulfureux, prêt à briser bien des tabous, abordant un sujet tu jusque là et parlant sans ambages de la vérité sexuelle des femmes, pouvait enfin être mis en scène au cinéma, par nulle autre que Joe Balmasqué elle-même. Regarder le film à la lanterne du souvenir de ce matraquage promotionnel devient alors comique, ou tragi-comique, puisque le film est une des "choses" les plus conventionnelles, plates et convenues sorties au cinéma. De la mise en scène au récit en passant par la palette des personnages jusqu'au dénouement sans oublier le discours, tout est un immense cliché navrant. Ce qui fait de Josiane "Grotte de" Balasko la cinquième roue du carrosse d'un Cinéma Français populaire dont tous les pneus étaient déjà bien crevés. 
 
 
 
Le film raconte l'histoire d'une bourgeoise de 50 ans pleine aux as et présentatrice de télé-achat qui se paye les services d'un escort-boy (ou gigolo) pour se faire plaisir quelques fois par semaines avec ce jeune prolo qui fait ce boulot dans le dos de sa femme qui le croit charpentier et à qui il permet d'ouvrir le salon de coiffure dont elle a toujours rêvé avec l'argent de ses coups de reins... La bourgeoise ne croit pas à l'amour mais en l'argent et elle vit en se payant ses plaisirs éphémères. Sa collègue de travail, jouée par Josiane Kosovo elle-même, est une dépressive en quête d'amour qui finit par trouver son paradis sous les traits d'un vaste Indien d'Amérique (le vrai nouveau mari de Balasqaw qu'elle a tenu à foutre dans le film pour que chacun puisse témoigner de son nouveau bonheur et se dire que tout est possible). Le gigolo et sa femme sont mal coiffés et ils vivent avec la mère et la petite sœur hystérique en pleine crise d'adolescence (interprétée par l'insupportable Mariloops Berry)... Y'a un homme noir aussi dans le tas, histoire que tout le panel de la société ait un petit morceau à se tailler dans le ventre du film de Balascrocs... La femme du gigolo (Isabelle Carré) finira par découvrir qu'il est gigolo, elle voudra le quitter, puis finira par lui demander de recommencer pour ne pas foutre la clef sous la porte, sans pouvoir pour autant supporter la situation... Le gigolo (Eric Caravaca, le jour où celui-là sera payé pour se foutre à poil, il fera chaud) finit par se tirer avec sa vieille riche qu'il aime bien mais il revient avec sa femme... Ils sont tous très différents mais on ne se mélange pas trop pour autant. La bourgeoise reste seule et les prolos retournent ensemble. 
 
 
 
Ce qui est intriguant c'est qu'une fois de plus, l'imaginaire morbide du cinéma Français dominant décrit le couple comme irrémédiablement lié à l'argent. Cliente succède à Hors de prix, Le prix à payer ou encore Combien tu m'aimes. Dans les cerveaux confits des réalisateurs populaires Français, l'amour se monnaye, le couple s'achète. Tristes sires. Pauvre France.  
 
 
Cliente de Josiane Balasko avec Nathalie Baye, Eric Caravaca, Isabelle Carré et Josiane Balasko (2008)

8 février 2008

La Guerre Selon Charlie Wilson

Avis à la population, que ceux qui veulent aller au cinéma dans les très prochains jours s'épargnent la daube annuelle des frères Coen et privilégient ce nouveau film de Mike Nichols. Une très bonne surprise. Nichols fait quelque chose de très rare aujourd'hui dans le cinéma Américain : il raconte une histoire sans déborder. Il raconte comment Charlie Wilson, un député Américain, a fourni et démultiplié au fil des ans le budget secret alloué à l'armement de l’Afghanistan, unique pays résistant à l'URSS pendant la guerre froide. Et il ne raconte que ça. Les quelques digressions qu'on pourrait trouver sont intrinsèquement liées au sujet et Nichols ne pouvait pas les éluder. Le film n'a donc aucun temps mort, voire aucun temps qui ne soit pas fort. Le film trace la réussite progressive du projet de Charlie Wilson, puis, une fois les armées soviétiques retirées du pays envahi, on assiste au refus des fournisseurs d'allouer un million de dollars à la reconstruction des écoles Afghanes alors qu'ils ont déboursé jusqu'à 1 milliard de dollars pour fournir les Moudjahidines en lance-roquettes Milan, laissant un pays à moitié peuplé d'enfants de moins de 14 ans armés jusqu'aux dents, envieux de venger leurs parents massacrés et ignorant l'histoire du conflit. Et le film se termine très vite, sur cet échec, inutile d'en faire plus. C'est d'une efficacité redoutable.




Tom Hanks fait son job correctement, comme toujours. Julia Roberts est plus hideuse que jamais et Dieu sait qu'elle l'a toujours été mais une fois n'est pas coutume ça colle assez à son personnage. Philip Témour Hoffman est très bon, et c'est sympathique de retrouver Ned Beatty vieux mais présent. Les secrétaires de Charlie Wilson c'est un défilé de gonzesses permanent. Avec en tête et très présente Amy Adams que je suis de très près depuis Catch me if you can (pour la retrouver récemment dans la série The Office). Cette fille est un savant mélange de Nicole Kidman, Jenna Fischer et Isabelle Carré, une petite merveille, et Nichols la suit à la trace à la fin du film tandis qu'elle rejoint Hanks d'un pas assuré, chaloupé, et que sa queue de cheval se balance de droite et de gauche devant sa croupe, et le vieux Mikey Nicholson s'arrête 5 bonnes minutes pour faire le point sur son fion de gazelle. Mémorable.

C'est une surprise parce que la dernière création de Mike Nichols c'était Closer. Un piètre film. Mais j'y suis allé sans sourciller parce que même quand il est raté un Nichols se regarde. Et puis ce type a quand même commencé sa carrière avec Le Lauréat. Et ses films suivants, même si aucun n'est aussi bon, font chaque année leur travail en occupant des dimanches soirs un peu ternes : le très mauvais Wolf, le bien connu Working Girl, et le moins célèbre À propos d'Henry dans lequel Harrison Ford pète les plombs.

Allez-y si vous devez aller au cinoche.


La guerre selon Charlie Wilson de Mike Nichols avec Tom Hanks et Amy Adams (2008)