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3 septembre 2022

Terreur dans le Shanghaï express

Malgré la présence en tête d'affiche des mythiques Peter Cushing et Chrisopher Lee, exceptionnellement appelés ici à s'allier face à la terrible menace en présence, et malgré une histoire trépidante et lovecraftienne en diable, multipliant les rebondissements inattendus et convoquant l'horreur cosmique inhérente au papa de Cthulhu, je ne ferai pas de Terreur dans le Shanghaï express une pépite méconnue du cinéma fantastique que je vous recommanderai de voir sans plus attendre, quand bien même nous tenons là une petite curiosité effectivement digne d'intérêt. Ce film, que l'on doit à l'espagnol Eugenio Martín, nous raconte le voyage en train pour le moins mouvementé, à travers la Russie, d'une petite galerie de personnages amusants, parmi lesquels, en plus du toubib et du professeur incarnés par les deux stars, un simili-Raspoutine et une jolie comtesse polonaise, tous confrontés à un très curieux passager : un proto-humain fraîchement extirpé des glaces qui, d'abord coincé dans une caisse de transport, finit par se réveiller, s'échapper puis élimine et contamine son monde en absorbant les connaissances de chacun par le regard (oui, oui). Rien ne va plus dans le Transsibérien (curieusement devenu le Shanghaï express pour son exploitation française) et c'est un véritable huis clos sur rails qui nous attend.



 
 
De cette espèce de variation ferroviaire de La Chose d'un autre monde, je retiendrai une idée aussi audacieuse qu'amusante. Après avoir réalisé une autopsie des victimes et du corps momentanément inerte de la créature impie, Peter Cushing et Christopher Lee examinent tour à tour au microscope le liquide prélevé dans le funeste globe oculaire de la bête. Chaque coup d'œil jeté dans le tube optique de l'appareil est un bond dans un passé de plus en plus lointain qui leur amène une sordide et terrible révélation. Ils voient d'abord le visage effrayé de la dernière victime en date de l'immémorial yéti, puis ils découvrent, stupéfaits, un dinosaure, puis la Terre et, enfin, une planète inconnue vue de l'espace... Ces différents éléments apparaissent à l'écran tels des vignettes flottantes dans un liquide dont la couleur grenadine rappelle un peu celle des lampes inactiniques utilisées pour la photographie. L'idée, en soi, est complètement saugrenue, pas crédible pour un sou, mais elle produit un résultat si simplement séduisant à l'image, et nous place face à un si vertigineux abîme – ce double effet, d'attirance et d'effroi, cher à l'horreur cosmique lovecraftienne –, que l'on ne la remet nullement en cause, on l'accepte telle qu'elle est, sans discuter, et on la savoure, appréciant au passage l'ambition du scénario de cette production britannico-espagnole par ailleurs très modeste. 



 
 
Dans le même esprit, j'ai également beaucoup apprécié les tout premiers mots prononcés en voix off par le professeur de paléontologie interprété par Christopher Lee qui, sur un ton d'autant plus inquiétant qu'il semble très mesuré, nous met en garde quant aux conséquences de son horrible découverte scientifique tandis qu'à l'écran nous voyons évoluer son équipe à travers des paysages enneigés, en direction des entrailles d'une montagne d'Asie, prêts à tomber nez à nez face au terrible secret qu'elle renferme... Des phrases alarmantes et riches en sous-entendus qui nous introduisent idéalement dans le film et pourraient être directement tirées d'un des meilleurs récits de Lovecraft, dont la méthode infaillible consistait justement à débuter ainsi ses nouvelles pour mieux accrocher d'entrée le lecteur. Après ça, on ne peut que regretter que le film, qui procure moins de frissons qu'un banal déplacement avec la SNCF (ou qu'une simple connexion à leur nouveau site web), ne soit pas vraiment à la hauteur de cette sombre promesse inaugurale... 


Terreur dans le Shanghaï express (Pánico en el Transiberiano / Horror Express) d'Eugenio Martín avec Christopher Lee, Peter Cushing, Telly Savalas et Silvia Tortosa (1972)

1 novembre 2019

Dracula et ses femmes vampires

La grande idée de cette adaptation du classique de Bram Stoker, c'est d'embaucher Jack Palance pour incarner Dracula. On peut débattre du type d'homme qu'est le célèbre comte, grand lord portant beau à la voix de stentor (tendance Christopher Lee) ou chauve rabougri pâle et souffreteux tout en murmures (Klaus Kinski dans l'immense Nosferatu de Werner Herzog). Palance serait dans la première catégorie, encore qu'il apparaît ici plutôt vieux déjà, et fatigué. Mais c'est précisément un assez bon compromis. Puissant physiquement, Jack Palance, l'éternel salop des westerns et autres films de gangsters (il est inoubliable dès l'un de ses premiers rôles, dans Shane, et le sera encore dans l'un de ses derniers, en vraie peau de vache mais faux méchant cette fois, dans la comédie La vie, l'amour, les vaches), Palance c'est ce visage large, carré, émacié, ce front et ces joues comme des façades, ces pommettes intimidantes, ce nez légèrement épaté et ces petits yeux perçants, ces traits d'européen de l'est (Volodymyr Palahniuk est son vrai nom), comme tirés en arrière et douloureux, impressionnants en réalité, remodelés après un crash d'avion pendant la seconde guerre mondiale. Mais les tempes ici sont grises et les paupières lourdes. La voix de Jack Palance, aussi, est parfaite pour la prêter au maître vampire, cette voix grave toujours couverte d'un voile inquiétant.




Le seul problème, et c'est un fan du bonhomme qui le dit, c'est que je ne suis pas sûr et certain que Jack Palance fut un grand acteur. Je crois qu'il doit beaucoup à son physique, à sa silhouette, à son allure et à sa prestance. Mais en termes de jeu, Palance n'était peut-être pas remarquablement talentueux. Or, pas très bien dirigé, dans un film moins que moyen et dans des gros plans où il s'agit d'en faire un minimum et de le faire avec une extrême finesse pour dépasser le ridicule potentiel des fausses canines et du reste, le bât blesse. C'est regrettable car Palance avait la carrure. Il faut dire qu'il ne s'en sort pas si mal dans ce film raté, où les autres acteurs sont quant à eux assez mauvais et mal choisis, ce film connu pour être le premier à avoir affublé Dracula du souvenir d'une femme aimée des siècles plus tôt et retrouvée sous les traits de la belle Mina, idée absente du roman de Stoker, reprise plus tard entre autres par Coppola dans le mal nommé Bram Stoker's Dracula. Le titre français du film de Dan Curtis, qui ajoute ce "et ses femmes vampires" au Dracula original, est bien bête aussi puisque les trois goules du comte, peu présentes, n'ont ici quasiment aucune importance. Pas beaucoup plus d'ailleurs que Lucy et Mina, qui sont réduites à des poupées séduisantes et séduites, comme dans la grande majorité des adaptations de ce livre génial où ces personnages sont ô combien plus intéressants (en particulier Mina, qui insiste pour faire partie de la troupe jusqu'au bout, malgré son envoûtement, et dans ce but résiste aux tentatives de dissuasion de ces messieurs partis en croisade contre le vampire de Transylvanie). Et comme dans beaucoup d'adaptations, chez Dan Curtis, dont le scénario est pourtant signé Richard Matheson, les meilleures scènes du livre ne sont pas filmées ou le sont très mal. Décidément, et malgré tout, on ne se souviendra que de Jack Palance, une fois de plus.


Dracula et ses femmes vampires de Dan Curtis avec Jack Palance (1974)

23 octobre 2019

L'Île au trésor

Bizarrement, ce téléfilm de 1990 est peut-être la meilleure adaptation du classique de R.L. Stevenson, auquel il est très fidèle. Les décors sont bien choisis (en particulier l'auberge de l'Amiral-Benbow, le fortin sur l'île, le passage sous la cascade où se manifeste la voix d'un fantôme), l'action est portée par une sympathique bande-son aux tonalités irlandaises, et surtout le casting est réussi. L'acteur le moins convainquant, c'est finalement le jeune Christian Bale dans le rôle de Jim Hawkins, un peu trop grand peut-être, un peu trop serein, impassible même, et sûr de lui, avec sa voix de basson. Le jeune acteur, qui avait déjà officié, et avec plus de talent, dans L'empire du soleil, peine aussi (mais il n'est peut-être pas seul fautif) à exprimer ce mélange de crainte et de fascination, de mépris et de sympathie, qui caractérise la relation du jeune Hawkins au vieux Silver dans le roman. Mais pour le reste des personnages, on y est. 





Outre Charlton Heston, grinçant à souhait devant la caméra de son fiston en Long John, le trio d'acteurs qui interprète le Dr. Livesey, Trelawney et le capitaine Smollet, est au poil, un certain Nicholas Amer, par ailleurs abonné aux séries TV (j'entends par là qu'il a joué dans un million d'entre elles, pas qu'il capte OCS) s'avère très bon dans le rôle du formidable Ben Gunn, mais surtout, présents tous deux quelques minutes seulement et néanmoins inoubliables dans leur rôle, Oliver Reed, dans la peau de Billy Bones, et Christopher Lee, dans celle de Pew l'aveugle, marquent les esprits (du moins marquèrent durablement celui de l'enfant que je fus).





C'est d'ailleurs le début du film qui est le plus réussi. Avec ce défilé de pirates, la bande de Flint, dans l'auberge de Jim et sa mère, et ce Billy Bones, vieux loup de mer gueulard et malade, accroché à son coffre et à son épée comme un naufragé, tout bouffi d'alcool et d'angoisse, constamment sur le qui-vive, en attente de la fameuse "tache noire" que bientôt lui remettra l'aveugle Pew. Deux beaux plans scandent cette grande introduction, celui où Bones apparaît tel un fantôme scrutant l'horizon sur le replat d'un rocher, et cet autre où Jim, Trelawney et Livesey découvrent l'Hispaniola, le navire déjà infesté de pirates qui les conduira vers l'île éponyme. C'est un plan simple, qui ne montre pas la mer comme une pure menace (ça c'était le précédent), mais comme une promesse où couve la menace. Tout le roman d'aventure est là. Dans ces deux plans. On aurait aimé en voir davantage dans le genre, mais c'est déjà pas mal.


L'Île au trésor de Fraser Clarke Heston avec Charlton Heston, Christian Bale, Oliver Reed et Christopher Lee (1990)

27 novembre 2013

Dracula (1979)

J'ai récemment vu deux adaptations que je ne connaissais pas encore du formidable classique de Bram Stoker : le Dracula 3D de Dario Argento, sorti ce mois-ci, et le Dracula tout court de John Badham, réalisé à la fin des années 70. Du premier, je ne dirai mot : par principe, je n'ai jamais dit du mal de Dario Argento car les amis de mes amis sont mes amis, et il s'agit d'un pote de John Carpenter (même si là, force est de reconnaître que le cinéaste italien offre le bâton pour se faire ruiner la tronche). Au second, je consacrerai ce modeste billet, car il le mérite amplement !

Quand on évoque les adaptations du fameux livre de Bram Stoker, on pense inévitablement au fabuleux Nosferatu de Murnau, à la version de 1930 signée Tod Browning avec l'inimitable Bela Lugosi, au phonétiquement impeccable "Dracula de Coppola" ou aux nombreux films de la Hammer qui opposent l'increvable Christopher Lee au flegmatique Peter Cushing. Sorti dans l'indifférence générale en 1979, à l'heure où le goût était plutôt aux parodies et à la dérision, ce très sérieux et classique Dracula réalisé par John Badham est injustement tombé aux oubliettes et appelle désormais à être reconsidéré et revu à la hausse.


Dracula, encore sur le point de pécho, sous les yeux d'un public éberlué face à son savoir-faire ancestral.

Notons d'abord qu'il s'agit peut-être, avec le Nosferatu de Werner Herzog, de la plus fidèle adaptation de l’œuvre de Bram Stoker, elle met joliment en image des passages hautement cinégéniques du livre qui sont le plus souvent ignorés. Elle nous propose également une incarnation remarquable du personnage éponyme, qui prend ici les traits nobles et gracieux de l'acteur Frank Langella. Son Dracula, séducteur et envoûtant, parvient à exister et à se différencier très subtilement de tous ceux déjà existants. A l'image du reste du casting, Frank Langella offre une prestation très appliquée et concernée. Un esprit qui, on l'imagine aisément, devait animer l'ensemble du plateau, étant donné le soin également apporté par John Badham dans la mise en scène, la magnifique photographie signée Gilbert Taylor jouant idéalement des clair-obscurs, les somptueux décors particulièrement riches en toile d'araignée du château de Dracula, et la musique diablement inspirée de John Williams. Pour revenir aux acteurs : Donald Pleasance est comme toujours excellent dans le rôle du sympathique Docteur Seward, apportant quelques touches d'humour inattendues mais bienvenues, et l'actrice qui joue Mina, Jan Francis, est véritablement à croquer ; seule la prestation de Laurence Olivier pose un peu problème, l'acteur se dotant d'un accent ridicule pour donner vie à un Van Helsing difficilement supportable.


 
 
Petit hommage personnel au joli minois de la méconnue Jan Francis, qui incarne Mina. La voici dans différentes situations, dont une qui n'est pas du tout issue du Dracula de Badham. Hélas, et c'est là l'une des différences avec le livre de Bram Stoker, les personnages de Mina et de Lucy sont étrangement intervertis. La belle Mina devient donc rapidement un vampire relégué au second plan, cet imbécile de Dracula étant plutôt obnubilé par une Lucy au charme beaucoup moins évident... Je répare ici cette terrible injustice faite à cette actrice en lui accordant cette place centrale démesurée.

Ce Dracula, dont je m'étais longtemps tenu éloigné du fait de sa mauvaise et sotte réputation, baigne dans une ambiance gothique, brumeuse et funéraire du plus bel effet, qui aurait sans doute beaucoup plu à l'écrivain irlandais. On se souviendra de cette scène où Dracula, apparaissant d'abord la tête à l'envers vue à travers le carreau de la fenêtre, s'immisce lentement dans la chambre de Lucy puis s'empare brutalement de sa victime. Le film nous propose alors un étonnant trip psychédélique aux couleurs très vives qui tranchent avec l'image quasiment noir & blanc de l'ensemble. Il s'agit de l'une des scènes les plus marquantes d'un film ponctué par quelques fulgurances géniales, comme par exemple cet autre moment où Dracula arrive au cimetière à cheval, au ralenti, au rythme de la musique tonitruante de John Williams.


 
Sur la photo du haut, Frank Langella fait la connaissance de Jan Francis. En-bas, il la mate en cachette alors qu'elle prend son bain.

Alors certes, le film n'est pas entièrement réussi. Son rythme est assez inégal et il s'essouffle un peu dans sa dernière partie, donnant ainsi l'impression qu'il peine à se conclure. Mais tant d'images restent en tête, tant de scènes proposent une illustration amoureuse et inspirée du roman, entre autres qualités précédemment évoquées, que l'on ne peut que recommander chaudement sa vision. Et puis si la fin est laborieuse à venir, le film a tout de même la fort belle idée de nous quitter sur une dernière image sublime où le simple envol d'une cape vers le ciel vient submerger notre imagination et nous donne l'assurance d'avoir bel et bien vu une petite pépite injustement sous-estimée. Redonnons une chance au Dracula de John Badham !


Dracula de John Badham avec Frank Langella, Jan Francis, Donald Pleasance, Laurence Olivier et Kate Nelligan (1979)

28 décembre 2012

Dark Shadows

Malgré une piètre introduction plantant très maladroitement le décor, j'ai longtemps trouvé le dernier film de Tim Burton plutôt sympa et, en tout cas, beaucoup moins affreux que je l'imaginais. Je me disais surtout qu'il s'agissait d'un très honnête divertissement pour enfants, capable de les amuser convenablement, sans trop les abrutir, avec quelques petites idées plaisantes ici ou là. J'étais en outre très agréablement surpris par le rythme du film qui, passée une petite mise en place trop rapidement expédiée, est globalement calme, tranquille, et non hystérique comme c'est actuellement la règle dans toutes les grosses machines américaines destinées au jeune public. Dark Shadows respire et nous laisse le temps de prendre nos marques dans son univers singulier : bien que l'action se déroule au début des années 70, le film s'inscrit très souvent en hommage à l'horreur gothique de la Hammer des années 50 et 60 (Christopher Lee fait d'ailleurs une apparition) ; les jeunes personnages du film, imprégnés de culture hippie, et sa BO, faite de chansons d'Alice Cooper, de Donovan, et des Stooges mêlées à la composition de l'inévitable Danny Elfman, viennent régulièrement nous rappeler ce décalage intéressant. Ce patchwork original participe au petit charme du film. Un plaisir communicatif, partagé par les acteurs et le metteur en scène, plus inspiré qu'à l'accoutumée, se dégage même de ce joyeux bordel. J'étais affalé sur mon canap' et je ne passais pas un mauvais moment, je dois vous l'avouer.




Je notais bien quelques grosses fautes de goût assez regrettables et difficilement compréhensibles dans un ensemble de plutôt bonne tenue, mais ça passait, et j'encaissais sans trop me plaindre. Je ne comprenais pas toutes les subtilités du scénario, un véritable foutoir sans nom qui vise vraisemblablement à synthétiser les 1225 épisodes de la série dont il est adapté, mais je faisais avec, peinard, et je ne me focalisais pas là-dessus. De justesse, le positif l'emportait donc, jusqu'à ce drôle de moment où, sans prévenir, Docteur Hoffman (Helena Bonham Carter) se met à pratiquer une fellation sauvage pour le plus grand plaisir du pâle zigouigoui de Bar-Tabac le vampire (Johnny Depp), dans une scène certes étonnante mais qui n'a rien à faire là. Le film s'enfonce encore davantage lors de cette scène lamentable où notre vampire à la libido décidément galopante se laisse aller et démonte carrément Angie-la-sorcière (Eva Green), dans un vacarme assourdissant doublé d'une chorégraphie misérable. Je n'ai rien contre quelques moments graveleux pour ce côté "décalé" si cher à Burton, mais ceux-là m'ont simplement rendu définitivement indigeste le vaste bordel qu'est ce film, et je me suis mis à le mépriser tout entier. Mes derniers espoirs se seraient de toute façon définitivement envolés lors de cette ultime demi-heure totalement insupportable où le décor s'embrase, explose, et où tout le monde se tombe dessus, se fout dedans, se transforme en monstre, s'affronte à coups de fusil à pompe et se bouffe le cou à tour de rôle dans un déluge d'effets spéciaux ridicules dont la laideur culmine quand la petite Chloë Grace Moretz devient loup-garou. J'ai donc fini par rendre les armes, assez dégoûté après avoir tenu aussi longtemps et rudement bataillé avec moi-même, armé des meilleures intentions du monde, pour voir le verre à moitié plein. J'ai finalement accordé la note de 3/10 à Dark Shadows et je ne le conseillerais même pas à mes petits neveux... Depuis, le délirant Frankenweenie est venu nous rassurer sur l'état de santé mentale du cinéaste.


Dark Shadows de Tim Burton avec Johnny Depp, Eva Green, Michelle Pfeiffer, Jackie Earle Haley, Chloë Grace Mortez, Bella Heathcote et Helena Bonham Carter (2012)

13 décembre 2012

Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi

Voici enfin l'épisode final de la trilogie, un épisode sans début mais avec une putain de fin, à la hauteur du mot "fin", une fin qui dure près de deux heures (dans la version longue, une heure et demi dans la version normale, car il faut rappeler que chaque opus de la trilogie possède une version longue qui rajoute trois quart d'heures à des films déjà longs de quatre fois une heure chacun). On peut donc comprendre la longueur de cette fin, qui n'est pas juste la fin du troisième film mais la fin des trois épisodes, soit la fin de près de 12 heures de supplice pour les non-fans de la saga, c'est-à-dire pour environ 99,999% des gens de cette planète. Durant ces deux heures de fin, on voit les hobbits et leurs potes se lécher les couilles à qui mieux mieux et au ralenti, dans la tradition des purs Joe d'Amato, le fameux réalisateur italien de pornos et inventeur du gangbang. On assiste tétanisé à deux heures montre en main d'embrassades, d’œillades complices et équivoques, de tripotage en règle, de sauts sur des lits, de bataille de polochons, de sourires narquois, de larmes aux yeux, de merde au cul, de Gandalf qui abuse de son autorité avec sa baguette magique, d'Aragorn qui lance sa langue sur Liv Tyler (l'actrice avouera avoir "pris son pied" tandis que l'acteur avouera avoir "pris son cul") au milieu d'une foule numérique qui assiste à leurs ébats non simulés sur le toit d'une tour ovale remplie à craquer et ne pouvant accepter un invité de plus sous peine de le voir se tenir dans le vide.




Cette fin, aussi imbuvable soit-elle, colle à merveille à l'ambiance qui se dégage des bonus du film, lesquels durent 50 heures en tout, 50 heures au bas mot d'entre-branlage, à l'issue desquelles chaque intervenant à le gland violacé ou littéralement décollé. Certains fans malades se sont envoyé ces journées entières de bonus d'une traite, acceptant avec le sourire cette chaîne sans fin d'anecdotes de tournage putrides. Quid d'Orlande Bloom qui raconte avec délice cette fameuse soirée où John Rhys-Davies, aka Gimli le nain (sachant que l'acteur est l'équivalent physique du colosse de Rhodes mais passons), avait piqué son costume d'elfe pour faire une blague potache à un Peter Jackson écroulé de rire en devinant la flèche de Gimli bandant l'arc de Legola. C'est aussi l'occasion de voir Sean Bean, littéralement Jean Haricot, raconter la tournure que prit son haricot magique en voyant Arwen enjamber son cheval avec un "prout" digne du pet bucal, ce fameux "pff", de Gandalf au moment de sa chute avec le Balrog dans un puits sans fond à la fin du premier film. On peut aussi s'extasier d'entendre Peter Jackson lui-même raconter comment il a perdu ses lunettes dans le Rohan. Ou écouter Cate Blanchett, qui tourne en tout et pour tout trois scènes sur la totalité des 12 heures du film mais qui s’enorgueillit d'être restée présente sur toute la durée du tournage pour tenir la perche, étant le seul individu de plus d'1m70 à des kilomètres à la ronde. Et enfin, qui ne lâchera pas sa larme en regardant Peter Jackson nous expliquer qu'il a demandé à ses acteurs de re-tourner les derniers plans d'enculage amical des centaines de fois pour que le tournage ne finisse jamais, ce qui nous a valu l'insatiable fin tournant en boucles du troisième film, conclusion que Peter Jackson aurait découpée en deux "chapitres" pour faire plus de blé si cette mode chère aux producteurs des Twilight et autres Harry Potter avait eu cours en 2003.




Ce qu'on se demande "à l'heure d'aujourd'hui", comme disent les trépanés, en revoyant cette abominable fin, c'est "que sont-ils devenus ?". Quid (on ne se lasse pas de cette formule) de Cate Blanchett qui depuis s'est contentée de se prendre un taxi en pleine poire dans L'Affreuse histoire de Benjamin Button et de jouer un transgenre russe dans l'odieux Indiana Jones 4, et pourtant c'est peut-être celle qui s'en tire le moins mal parmi ceux qui composent le casting de la trilogie (Mortensen mis à part, qui s'est taillé un nom en traçant La Route chez Cronenberg avec History of Violence, Les Promesses de l'ombre et Dangerous Method, et qui reste un putain d'artiste peintre). Orlando Bloom quant à lui, à défaut de se tailler une véritable place dans l'actorat hollywoodien, a su tailler quelques pipes et s'est ainsi retrouvé dans un nouveau rôle féminin au sein d'une autre saga d'enfer, Pirates des Caraïbes. Pour les autres, qu'il s'agisse d'Elijah Wood, de Sean Astin, de Sean Bean, de Dominique Monaghan, Hugo Weaving ou Billy Boyd, la suite de leur carrière s'apparente à un encéphalogramme plat. Les vieux ne s'en sortent pas beaucoup mieux (Ian McKellen, Ian Holm ou Christopher Lee), mais ils ont le tout petit avantage sur leurs camarades d'être vieux, précisément, et d'avoir fait une carrière avant le désastre. Peter Jackson de son côté n'est pas beaucoup mieux loti puisqu'après avoir réalisé des saloperies telles que King Kong ou Lovely Bones, il en est réduit, comme George Lucas en son temps, à tourner le prequel de son grand succès, comme un aveu d'échec. Mais peut-être qu'en renouant avec la trilogie il parviendra à accoucher d'un film au moins regardable, ce que ses derniers films ne sont pas.


Le Seigneur des anneaux : Le retour du roi de Peter Jackson toujours avec la même bande de bras cassés (2003)

9 mars 2012

Hugo Cabret

Il y a de quoi être partagé sur le dernier bébé de Martin Scorsésé (il paraît qu'il faut prononcer comme ça, comme il faut prononcer "Schpielberg", "Cassavétès", "Frank Borzégui" et "James Cameroun"). Hugo Cabret, adapté du roman pour enfants à succès signé Brian Selznick, raconte l'aventure d'un fils d'horloger devenu orphelin, vivant seul dans les coulisses et les engrenages mécaniques d'une grande gare parisienne en quête d'une clé unique capable de faire fonctionner un automate déniché par feu son père dans un musée, machine supposée contenir un message posthume laissé par ce dernier. Poursuivi par un gendarme tenace traquant les orphelins (Sasha Baron Cohen), Hugo se fait prendre en train de chaparder des pièces d'horlogerie par Papa Georges (Ben Kingsley), un vieux vendeur de jouets rustre et cruel. Mais Isabel, la nièce du vieil homme, va l'aider plus qu'elle ne l'espère, elle qui possède mystérieusement la clé manquante pour résoudre l'énigme de l'enfant. Voila pour le départ de l'intrigue de ce film présentant de nombreuses qualités mêlées de menus défauts qui le maintiennent dans une sorte d'entre-deux dont, il faut bien le dire, on ressort tout de même plutôt conquis.



La première partie, très enfantine, a du charme malgré une esthétique parfois proche de celle de Jean-Pierre Jeunet dans la peinture du Paris folklorique des années 30. Les visions d'ensemble de la capitale comme d'un grand mécanisme sont pourtant heureuses, mais contrebalancées par des clichés un peu grossiers sur le microcosme de la gare avec sa jolie vendeuse de fleurs, son gardien à jambe métallique flanqué d'un chien terrible, ses musiciens de bal musette à moustaches et favoris et autres gros personnages truculents. Hormis ce décor boursouflé, le film ne contient rien de visuellement laid, et même si le long travelling à 100km/h tout en effets spéciaux qui ouvre le film dans la gare est inutile et plutôt désagréable, Scorsese le fait vite oublier ensuite par des effets très simples mais plutôt jolis, comme quand Hugo et Isabel ouvrent la boîte à dessins de Papa Georges et que les illustrations s'envolent pour révéler autant de créatures et de fées en mouvement. Autre point positif, les personnages sont intéressants et agréables, de Papa Georges au bibliothécaire incarné par Christopher Lee en passant par l'historien du cinéma adorateur de Méliès (incarné par le Michael Stuhlbarg de A Serious Man en double de Scorsese) et Isabel (campée par la remarquable Chloë Grace Moretz, sosie juvénile de Virginie Ledoyen dans L'Eau froide !), à l'exception du gendarme incarné par Sacha Baron Cohen, peint à gros traits et fatiguant à la longue avec ses attributs physiques lourdingues et sa psychologie de faux méchant estampillé Walt Disney.




Le film n'ennuie jamais, sauf quand il s'éternise sur ce personnage de gardien et son histoire d'amour secondaire ou sur ses comparses de la gare. Le projet cependant perd de son intérêt quand, dans la deuxième partie, beaucoup plus réussie, il délaisse un temps l'hommage à Georges Méliès pour une scène de course poursuite attendue entre Hugo et le gendarme bêtement cruel. Encore que cette séquence s'inspire judicieusement et honorablement des films muets aperçus précédemment, et notamment de la grande scène de l'horloge d'Harold Lloyd, s'élevant par là-même au-dessus du simple film d'action pour enfants et de la plupart des films actuels qui ne peuvent s'empêcher de citer à tout va sans raison là où Scorsese le fait à bon escient, de façon très claire et affichée, dans une œuvre où cela fait immédiatement sens. Le cinéaste a le bon goût de réaliser un film qui ne fait jamais le malin, un film qui plus est assez calme, dont les protagonistes ne sont pas surexcités, et dont toute l'aventure promise au départ, toute l'énigme incroyable ménagée par le scénario, ne tient que dans l'histoire d'un malheureux cinéaste injustement oublié, sauvé par des retrouvailles inattendues avec son public et avec les vestiges bien vivants de sa propre œuvre qu'il croyait disparue.



Scorsese navigue donc entre deux eaux, le pur film pour enfant avec ses poncifs lassants, et un film plus adulte (mais qui peut certainement séduire les enfants quand même et leur donnera peut-être le goût de cet art) en forme d'hommage sincère et émouvant au cinéma magique des premiers temps, incarné par la figure de Méliès (ce rapport aux origines du cinématographe justifie peut-être l'usage de la 3D comme surplus de magie, sujet sur lequel je ne m'étendrai pas n'ayant pas vu le film dans ce format). La deuxième partie, très touchante, est évidemment beaucoup plus intéressante que la première, sorte d'Oliver Twist chez Super 8, qui rappelle Spielberg par le biais de l'enfant orphelin tâchant de retrouver un message laissé par son père qui l'aiderait à supporter sa solitude, message dissimulé dans un automate à forme humaine qui n'est pas sans évoquer l'extra-terrestre qui donnait à David l'opportunité inespérée de vivre une dernière journée idéale avec sa mère à la fin de A.I..



Mais, disons-le, même dans cette première partie plus scolaire et moins originale, Scorsese ne s'en sort pas si mal, construisant de beaux personnages qu'il filme bien la plupart du temps, comme dans la scène où Hugo se souvient de son père en fixant du regard l'automate, le mécanisme de l'horloge derrière eux simulant le bruit et le faisceau de lumière d'un projecteur de cinéma projetant sur l'enfant le souvenir de son père qui, avant de mourir, l'emmenait voir les premiers films avec un enthousiasme communicatif. Hugo Cabret fait penser au cinéma de Burton (notamment quand Hugo et Isabel traversent le jardin menant à la demeure de Papa Georges - Johnny Depp a d'ailleurs produit le film et y fait une apparition), il rappelle aussi celui de Jeunet pour le pire et celui de Spielberg pour le meilleur. Il ne contient pas grand chose de Scorsese sinon une passion réelle et dévorante pour l'histoire du cinéma, un amour débordant pour cet art, que Scorsese partage assez délicatement avec les enfants comme avec les plus grands dans une œuvre appréciable dont restera le portrait d'un Méliès magicien et la joie éprouvée au seul son d'un projecteur de cinéma.


Hugo Cabret de Martin Scorsese avec Asa Butterfield, Ben Kinglsey, Chloe Moretz, Sacha Baron Cohen, Christopher Lee et Emily Mortimer (2011)

13 juillet 2011

Scream of Fear

Je ne savais rien de ce film avant de m’y risquer. Enfin si, à vrai dire, j’en savais suffisamment pour m’attendre à un film d’horreur gothique, production Hammer oblige. On doit en effet Scream of Fear au fameux studio britannique connu pour s’être spécialisé dans le cinéma fantastique et d’épouvante dans les années 50 et 60, avec comme figures de proue de cet âge d'or, les inoubliables Peter Cushing et Christopher Lee. Ce dernier se retrouve d’ailleurs à l’affiche de Scream of Fear, il y incarne un second rôle tout en sobriété, bien loin de ceux qui ont fait sa renommée. Il faut aussi avouer que ce film est présenté à tort comme une pure série B d’épouvante, j’en veux pour preuve son titre (vous le trouverez aussi sous celui de Taste of Fear) et son affiche, très racoleurs, qui ne reflètent en rien le contenu de l’histoire et qui correspondent finalement fort peu à ce dont il s’agit vraiment.




Réalisé en 1961 par Seth Holt, Scream of Fear est en réalité un thriller macabre au scénario très surprenant dont il vaut mieux par conséquent dévoiler le moins d’éléments possible. Nous y suivons une jeune femme anglaise, en fauteuil roulant, qui débarque en Provence pour y retrouver son père qu’elle n’a pas vu depuis dix ans. A son arrivée dans la grande demeure familiale, elle est accueillie par sa belle-mère (Ann Todd), qui la prévient que son papa est en voyage d'affaire. Décontenancée par cette nouvelle, la jeune femme le sera encore davantage quand elle se mettra à être témoin d'apparitions sinistres du cadavre de son père. D’autant plus inquiète et incrédule quant à la réelle raison de son absence, notre héroïne ne sera pas prise au sérieux par la belle-mère ni par le médecin (Christopher Lee), dont les marques d’attention sont bien loin de la rassurer. Elle décidera donc de mener sa propre investigation, trouvant une aide précieuse auprès du sympathique homme de maison (Ronald Lewis)…




Alors certes, dans sa première partie, Scream of Fear peut parfois faire penser à un bon vieux film de maison hantée, puisque l’on a droit à des scènes chocs très efficaces et propres au genre, qui correspondent aux apparitions morbides du père. Mais c’est finalement une intrigue qui n’a rien de fantastique qui va peu à peu se dévoiler sous nos yeux. On navigue même assez clairement du côté du film noir, doté d'une intrigue solide avec enquête, fausses pistes et coups de théâtre finaux astucieux et crédibles. On peut quasiment parler d’un double twist à Saint Tropez et c’est le cas de le dire vu que le film se déroule sur la Côte d’Azur. Sur ce, on se retrouve au paragraphe suivant...




Les scènes de tension précédemment évoquées sont rares mais toutes très réussies. Elles atteignent toujours leur but et ce notamment grâce à la prestation remarquable de l’actrice principale, Susan Strasberg, dont le petit minois et les immenses yeux noirs expriment la peur à la perfection. Le charme de cette actrice, fille de Lee Strasberg, est ici particulièrement éclatant, il peut aisément rappeler celui de la légendaire Audrey Hepburn. Même visage sans âge, même allure frêle et d’une rare élégance ; et surtout, les deux comédiennes sont portées par la même grâce et elles dégagent la même vulnérabilité. Le personnage qu’incarne Susan Strasberg est d'ailleurs très proche de celui campé par Audrey Hepburn dans Wait Until Dark (Seule dans la nuit) de Terence Young : deux femmes diminuées, tentant courageusement de surmonter leur handicap (la cécité chez Hepburn), autour desquelles gravitent des individus mauvais et sans scrupules, seulement guidés par leur cupidité.




Le réalisateur Seth Holt s’appuie également sur un excellent scénario signé Jimmy Sangster, des dialogues ciselés et un final ébouriffant. Le cinéaste britannique semble s’inspirer ouvertement des Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot, à travers certains détails que je tairai volontairement et qui ne manquent pas de souligner la paternité des deux films sans jamais porter atteinte à la qualité et à l’originalité de Scream of Fear. Seth Holt parvient très joliment à mettre en place une ambiance lourde, menaçante, anxiogène, filmée dans un superbe noir et blanc sublimé par la photographie de Douglas Slocombe. Tout cela fait qu'on se laisse complètement prendre dans cette histoire si bien ficelée et, quand apparaît le mot « Fin », on s'étonne que ce si chouette film ne soit pas plus connu. Un film qui porte l'empreinte de deux personnes de talent, le cinéaste et son actrice, toutes deux disparues prématurément. Un film à redécouvrir, ne serait-ce que pour leur rendre justice. Une petite merveille oubliée.


Scream of Fear de Seth Holt avec Susan Strasberg, Ann Todd, Ronald Lewis et Christopher Lee (1961)