29 avril 2011

Last Action Hero

Voici le "film dans le film" par excellence, j'ai nommé Last Action Hero. Exemple typique du film qui n'a pas eu le succès qu'il méritait : Last Action Hero. Pure illustration du film qui marque le début de la fin d'un réalisateur talentueux mais trop en avance sur son temps : Last Action Hero. Certes, John McTiernan a pu réaliser l'excellent Die Hard 3 peu de temps après, mais avec le recul on se rend compte que ce fut son chant du cygne. Last Action Hero marque véritablement le début des emmerdes dans la vie bien remplie de ce surdoué du film d'action. Un réalisateur atypique qui avait réussi par exemple à nous faire avaler sans broncher des grosses pilules telles que des Russes qui se mettent d'un coup sec à parler dans un anglais des plus châtiés au moment où il décidait de partir A la Poursuite d'Octobre Rouge avec Shawn Connery. Il a tenté le même coup quelques années plus tard lors d'une scène mythique et tutoyant le ridicule du 13ème Guerrier dans laquelle Antonio Banderas regardait ses potes vikings se foutre de sa gueule puis leur répondait dans leur langage sous leurs yeux ébahis et hostiles. Cette scène était conclue rageusement par un Banderas tapant du poing dans le brasier en hurlant "J'ai écouté, merde, j'ai écouté, voilà, merde quoi !". Revenons à Last Action Hero, qui permet à McTiernan et Schwarzy de reformer le duo implacable de Predator. Les deux hommes se retrouvent pour réaliser une parodie de tous les films d'action des années 80-90 dont l'acteur autrichien est l'évident porte-drapeau. Un film plus complexe qu'il n'y paraît et qui n'a, de ce fait, pas su rencontrer un public décontenancé, alors justement habitué à des blockbusters linéaires maniant rarement le second degré, entièrement dédiés à la gloire de la star.


Sur ce cliché, on dirait que Schwarzy porte un chapeau, mais en fait ce sont seulement ses cheveux bizarrement chaloupés qui créent cette illusion d'optique.

Dans ce film, un gamin gagne un ticket d'or lui permettant d'assister en avant-première et en solo au quatrième volet des aventures de Jack Slater, son plus grand héros, incarné à l'écran par Arnold Schwarzenegger. Le ticket d'or se révélant fortuitement magique, le gamin se retrouve parachuté dans le film, en plein milieu d'une scène de poursuite en voitures de tous les diables avec un Schwarzy seul contre tous. Dès cette séquence, McTiernan s'amuse des exagérations habituelles des films d'action bourrés de testostérone. Explosion de voitures au premier impact de balle, fille du héros ressemblant à une poupée Barbie, chutes de 25 mètres qui se terminent par une petite égratignure à l'épaule, chef de la police colérique au point de briser les vitres de son bureau par ses seuls hurlements, héros portant toujours la même tenue (et ouvrant un placard contenant 25 répliques de cette tenue).... Tout y est ! Et tout cela est agrémenté de clins d’œil amusants comme par exemple le caméo de Robert Patrick (le T1000 de Terminator 2) et, plus mémorable encore, la fameuse affiche de Sylvester Stallone en Terminator rencontrée dans un vidéo-club.


Sur ce cliché, le pastiche clin-d'oeil pour un pote de toujours qui aurait pu en effet "en être" comme il se plaît à le rabâcher à longueur d'interviews. Il a maigri François Hollande, il fait peine à voir.

Ici, le concept de film dans le film fonctionne à plein régime. On assiste ainsi à de nombreux allers-retours entre réalité et fiction : le gamin se retrouve dans le film, revient dans la réalité avec son héros, puis retourne de nouveau dans le film, etc... Jack Slater est amené à rencontrer le vrai Arnold Schwarzenegger, qui en profite pour se tourner en dérision en passant pour un idiot complet. Slater est amené à se rendre compte des différences entre son monde et la réalité, comme par exemple lorsqu'il brise une vitre de bagnole pour la voler et qu'il se rend compte qu'il souffre énormément des métacarpes après coup. Ou tout simplement quand il se prend un balle dans un des moments les plus tragiques du 7ème art. Ou encore lorsqu'il tente de défier un ennemi à "la dégonfle", ce défi crétin consistant à se foncer dessus en bagnole pour voir qui aura peur en premier et se détournera de sa course. Ce défi que Jack Slater gagne systématiquement dans ses films, personne n'en sort vainqueur dans la réalité puisque les deux voitures s'encastrent lamentablement.


Le vrai du faux, le faux du vrai ? Moi ça me ratiboise le cerveau. En tout cas, l'effet spécial est digne du T-rex dans Jurassic Park 2 !

Last Action Hero est donc un blockbuster singulier et audacieux comme il ne s'en fait plus. Un film qui n'a pas eu la chance de rencontrer son public lors de sa sortie et qui fut plus tard renié par sa star. Heureusement, il a eu la chance d'avoir une seconde carrière honorable grâce aux diffusions télé et aux dvds. D'ailleurs, sachez que le dvd est devenu une pièce de collection très prisée car en rupture de stock depuis des années (vendu entre 5 et 10€ sur la toile, soit une plus value de -20% facile !). Et moi j'en ai un, avec en bonus le clip musical d'AC/DC "Big Gun" que je me suis envoyé des dizaines de fois au point de rayer mon dvd à cet endroit.


Last Action Hero de John McTiernan avec Arnold Scharzenegger, Austin O'Brien et Charles Dance (1993)

27 avril 2011

Mulholland Drive

Rédactrice exceptionnelle du blog, Nônon Cocouan m'a rejoint pour parler à quatre mains du film le plus coté de ces dix dernières années, celui qui a ouvert la voie au cinéma du 21ème siècle.

Qu'on se le dise, il y a un avant et un après Mulholland Drive. Avec ce film, on quittait le traditionnel "Attention ! Changement de réalité", pour entrer dans la pure fusion schizophrénique de ces réalités. Matrix et eXistenZ avaient déjà ouvert la voie à ce type de confusion concertée mais ces films-là distribuaient des clés et se donnaient finalement à lire, sans ambiguïté pour le premier, dans toute son ambiguïté pour le second, avec son fameux système de twists. Aucun de ces deux films n'avait créé un engouement interprétatif comme celui qu'a suscité le mystérieux film de Lynch (mystérieux, Lynch, doux pléonasme*). Chacun y allait de son explication plus ou moins vaseuse, cherchant à comprendre le pourquoi du comment en décortiquant un à un tous les éléments de l’œuvre. L'oncle Lynch avait pourtant bien dit qu'il n'y avait rien à comprendre et qu'il était inutile de chercher, mais les fans incorrigibles n'écoutèrent pas leur nouvelle idole et s'époumonèrent à forcer le film, à lui faire dire ce qu'il ne disait pas (bien que n'interdisant aucun de ces discours poussifs).


Combien de Rita dans cette image ?

Par exemple, sur l'élément le plus énigmatique du film, le fameux loup-garou qui apparaît derrière le bar Winkie's et qui est en "réalité" (mais où est la réalité ?) un vieux clodo crado : tout a été dit. Qu'il s'agissait d'une affirmation de la portée psychanalytique du film via l'apparition du "surmoi" de Freud sous la forme d'un ouistiti ; mais encore, pour certains terre-à-terre, que ce clochard couvert de poils et de merde avait pour vocation de représenter toute la misère que le miroir aux alouettes clinquant d'Hollywood tend à dissimuler. Naomi Watts en personne, subjuguée par le talent divin de son pygmalion, y est allée de sa petite hypothèse : d'après elle cette scène serait la prophétie lynchéenne annonçant sa gloire à venir et sa future collaboration avec le gros gorille d'Hollywood (on parle bien sûr de Peter Jackson, pas de King Kong). Finalement, las de toutes ces spéculations et déçu que personne ne l'ait reconnu, Lynch a fini par révéler le pot aux roses : fan d'Hitchcock, il a voulu comme son maître apparaître dans son film avec un caméo de tous les diables. Son image de dandy en a pris un coup puisqu'on l'a tous pris pour un gros chien.


Sous la merde, le dandy.

Pourquoi chercher à tout prix à élucider le mystère quand toute la beauté et la richesse du film résident précisément dans ce mystère ? Ne cherchons pas en vain à inventer des réponses pour chaque énigme de ce film, apprécions-en plutôt les abysses métadiscursifs et laissons-nous prendre au pur jeu cinématographique de Lynch. Le cinéaste à mèche folle a pour intention première d'explorer la fascinante puissance d'illusion du cinéma et de nous manipuler alors à sa guise en se jouant des codes rigides de la "grammaire" du cinéma dit classique. Il lui suffit par exemple de faire légèrement flotter sa caméra pour rendre onirique et inquiétant un banal dialogue en champs-contrechamps dans le fameux Winkie's ; ou de carrément rompre la continuité du procédé avec un faux raccord sur les énormes nichons plastifiés de Laura Elena Dern, implants mammaires qui constituent sans nul doute le plus gros mystère du film. Lynch joue avec ce que le spectateur croit connaître du cinéma en faisant disparaître Betty au détour d'un panoramique ou en la dédoublant avec un simple travelling en vue subjective.


Le plastique, c'est fantastique...

Qu'est-ce qu'un personnage de cinéma ? C'est peut-être la question la plus vertigineuse que pose Lynch dans son film : est-ce qu'il est identifiable par sa couleur de cheveux ? Sa voix ? Son vécu ? Sa mémoire ? Son costume ? Son lieu de résidence ? Ou suffit-il de le nommer pour qu'il prenne vie ? C'est déjà ce que se demandait Hitchcock avec le personnage de Roger Thornill/George Kaplan dans La Mort aux trousses, autre grand film sur la désorientation et les faux-semblants. A ce titre, Lynch use de tout un réseau référentiel (de Sunset Boulevard à Rosemary's Baby en passant par Persona et Le Mépris, sans oublier Vertigo), pour bouleverser nos attentes, nos habitudes et nos certitudes en faisant fonctionner à plein tube notre mémoire cinéphilique. C'est un autre tour de force de Lynch car ces références ne sont jamais des béquilles indispensables à l'intérêt de son film, comme ce peut être le cas chez De Palma (cinéaste incontournable quand il est question de mise en abyme, et que par conséquent nous contournerons**). Reconnues, ces références sont autant de valeurs ajoutées : sans elles le film opère de façon indépendante et remplit allègrement son cahier des charges en charmant aussi bien le spectateur aguerri que le néophyte.


Le caoutchouc, super doux !


Encore que pour être charmé il faille apprécier l'humour noir décalé et absurde, les histoires sans queue ni tête, le manque de tendresse et d'humanité, les énigmes à la noix et l'absence de véritable point d'achoppement émotionnel. On peut penser comme moi que c'est le comble de la facilité qu'un film ne donne aucune réponse pour laisser le spectateur faire tout le boulot et ramasser les lauriers d'une intelligence hermétique auto-proclamée, ou qu'il s'agit de la quintessence du métafilm le plus maîtrisé, libre et foisonnant qui soit, comme je le pense. On peut trouver ça pourri ou génial, pour moi ça l'est. C'est un putain de chef-d’œuvre complètement à chier.


* Rappelez-vous notre définition de l'adjectif "lynchéen".
** Nous ne le contournerons pas longtemps puisqu'une prochaine semaine thématique lui sera entièrement consacrée !


Mulholland Drive de David Lynch avec Naomi Watts, Laura Elena Harring et Justin Theroux (2001)

26 avril 2011

L'Ombre du vampire

L'Ombre du vampire, le deuxième long-métrage de l'obscur cinéaste Elias Merhige, revient sur le tournage de Nosferatu, où des évènements bien étranges se produisent. On y suit l'équipe du film, retirée en Tchécoslovaquie pour les besoins du tournage, et amenée à côtoyer le mystérieux acteur incarnant Nosferatu, Max Schreck, dont seul le réalisateur, Friedrich Murnau, connaît la véritable identité. Mais L'Ombre du vampire n'est pas un banal film de vampire, loin de là. Très vite, nous sommes amenés à nous demander qui est le vrai monstre, qui est le pire vampire de cette histoire. La véritable créature de la nuit que semble être Max Schreck ou le cinéaste Friedrich Murnau qui pousse ses collaborateurs, et en premier lieu ses comédiens, dans leurs derniers retranchements, afin d'aspirer leur vitalité avec l’œil tout-puissant de sa caméra. Assurément, Elias Merhige traite avec ironie du rôle du metteur en scène et, plus largement, celui de l’artiste, du créateur. Son film mêle habilement fiction et réalité, s’emparant des rumeurs bien réelles qui entouraient l'énigmatique comédien Max Schreck, à travers une mise en abyme originale et bien pensée.



Les deux comédiens principaux sont à saluer. En particulier Willem Dafoe, qui est ici continuellement sur la corde raide. Toujours entre la justesse et le ridicule, dans lequel il parvient miraculeusement à ne jamais tomber pour de bon, même lors de cette scène où on le devine attraper au vol une chauve-souris pour la grignoter. C’est donc là une belle prestation pour un acteur qui prend vraisemblablement du plaisir à jouer un tel personnage. John Malkovitch n’est pas en reste. Son éternel strabisme discret qui lui donne un regard si particulier, complice mais sournois, convient parfaitement au Murnau vicelard qu’il est supposé incarner. On pense immanquablement au superbe film de Michael Powell, Le Voyeur (Peeping Tom en version originale), lorsque l'on voit l’attitude de Murnau, tellement obsédé par son art qu’il en vient à commettre l’impensable, à filmer la mort survenant sous ses yeux, sans jamais sortir de son rôle de cinéaste, d'artiste, et au contraire, en l’étant à ce moment-là plus qu’à aucun autre.



Tout cela, ajouté à ce dont je parlais dans mon premier paragraphe, fait de L’Ombre du vampire une œuvre intéressante, assez riche et sans aucun doute propice à l’analyse. Mais le problème du film est peut-être de trop susciter cette analyse, de l'appeler trop lourdement. Le film a ainsi le cul entre deux chaises, et ne choisit jamais vraiment son objectif. Les scènes supposées faire peur ne touchent strictement jamais leur but. Et, mis à part lors de la scène finale, Elias Merhige parvient à ne créer aucune tension. Son film ne décolle jamais véritablement, même s’il intrigue tout du long. Malgré tout, cela reste un bel hommage au chef-d’œuvre de Murnau plus qu’au cinéaste qu’il était… Hélas, si Merhige est fasciné par le film de Murnau, autour duquel il démontre que l'on peut créer encore et encore, il en oublie l’essentiel. Son film paraît uniquement conçu pour se prêter à une analyse froide, détachée de toute poésie et de toute passion.


L'Ombre du vampire d'Elias Merhige avec John Malkovitch, Willem Dafoe et Udo Kier (2000)

25 avril 2011

Scream 4

Nous avons donc droit à un nouveau Scream, plus de dix ans après la sortie du troisième opus qui était supposé avoir clôt la saga sans éclat. Une bonne idée motive-t-elle ce retour en fanfare ? Pas vraiment, puisque si Scream 2 suivait les soi-disant règles d'une suite et Scream 3 celles du "dernier acte d'une trilogie", celui-ci donne tout simplement l'occasion d'un remake du premier épisode, avec tout ce que cela implique. Il s'agit donc plutôt d'un retour aux sources : Scream 4 renoue avec le ton référentiel puis auto-référentiel des deux premiers opus et les procédés a priori bienvenus de mise en abyme qui font l'originalité de cette saga horrifique. Dès ses premières scènes d'introduction gigognes, qui apparaissent au bout du compte comme le moment le plus osé et le plus amusant du film, Scream 4 se présente comme la copie conforme des Stab, cette série de films d'horreur ridicules tirés des sinistres évènements survenus à Woodsboro dont le personnage campé par Neve Campbell est l'éternelle survivante. Scream 4 met ainsi le spectateur pointilleux dans une drôle de position dès cette introduction suicidaire...


Le regard éternellement taquin du vétéran Wes Craven, ce prof de philo reconverti en cinéaste, spécialisé dans l'horreur par défaut et non par vocation

Comment pourrait-on en effet dire du mal d'un film qui se moque à ce point de lui-même mais aussi de nous autres, ses propres spectateurs ? Peut-être en regrettant que Scream 4 se contente justement de n'être que cette auto-caricature pathétique, alors que, tout naïf que je suis, j'espérais que Wes Craven aille au-delà, et qu'il finisse enfin par surprendre véritablement. Hélas... Le bonhomme est coutumier du fait et ce n'est pas à 70 ans passés qu'il allait changer. Ce bon vieux Wesley Earl Craven a effectivement toujours démontré qu'il était un adepte de la mise en abyme. Cela pouvait notamment se voir dès le premier Freddy, où l'on avait parfois du mal à faire la distinction entre rêve et réalité, et le cinéaste allait plus loin dans l'ultime épisode de la saga originelle, celui qui porte justement pour titre dans sa version française Freddy sort de la nuit. Dans ce film sorti en 1994, le fameux croque-mitaine à la main droite acérée et au célèbre pull à rayures se montrait désireux de sortir de la fiction et choisissait pour cela de s'en prendre directement à son créateur, Wes Craven (dans son propre rôle donc), et à l'ensemble du casting du film original. Mais là encore, le film n'allait pas vraiment au bout de son intéressante idée de départ et, d’après mes souvenirs, finissait par répéter bêtement la même recette que les précédents opus. Hé bien c’est exactement la même chose qui arrive à ce quatrième Scream, où (ceux qui redoutent les spoilers, sautez la fin de ce paragraphe !) nous avons finalement droit au sempiternel duos de tueurs auxquels on ne croit pas une seconde et qui, lors d’un final lourdingue retombant comme un soufflé, nous expliquent le pourquoi et le comment d’un tel carnage. L’impression de déjà-vu était le risque d’un tel procédé, elle annule ici tout effet de surprise et, pire encore, ne manque pas de provoquer un agacement certain. Si, pour conclure le film, on avait simplement eu droit à un nouvel effet de mise en abyme jusqu’au-boutiste nous révélant cette fois-ci un Wes Craven au regard narquois, tranquillement installé sur son canapé face à sa téloche, mettant fin à son propre film via sa télécommande avant de s'en moquer ouvertement, j'aurais trouvé ça autrement plus réussi. La boucle aurait été bouclée, le film se terminant comme il a commencé. Et cela aurait été un joli pied-de-nez du cinéaste vieillissant adressé à son public et à sa propre filmographie. J'imagine malheureusement qu'un tel scénario est inimaginable dans un film destiné à s'emparer du box office et ne devant donc pas trop décontenancer son audience. Un public dont il ose pourtant se moquer allègrement...


Toute la fine équipe est de retour pour ce film, dont l'inénarrable David Arquette, que l'abus d'alcool a curieusement très bien conservé, le gars n'a pas bougé d'un poil !

Au-delà du fait que le choix des acteurs fait sens (en autres, la charmante Emma Roberts et le hideux Rory Culkin apparaissent particulièrement bien choisis pour camper ces deux individus cherchant désespérément à se faire un prénom, la première étant la nièce de Julia Roberts et le second le frérot de Macaulay), la chose la plus intéressante de Scream 4 est clairement ce sado-masochisme étrange dont il fait preuve. Il aime se tirer une balle dans le pied en se foutant des Stab dont il est pourtant la réplique exacte ; et, dans le même temps, il se moque de son public de jeunes gens plus ou moins abrutis. Bien qu'il s'aventure plus souvent que ces prédécesseurs dans la parodie pure, Scream 4 n’est en réalité rien d’autre qu’un slasher de plus, peut-être plus efficace que la moyenne (ce qui n’est pas véritablement un compliment), mais finalement pas beaucoup plus malin. Un film justement destiné à ce jeune public dont il épingle les travers, sans réelle méchanceté toutefois : ces gros accros aux réseaux sociaux, toujours scotchés à leurs écrans de portables ou d'ordinateurs, qui s’envoient des films comme Windows lance en douce des programmes inutiles, en fond de tâche, sans réellement les mater, y trouvant par exemple autant de prétextes pour des jeux à boire. C'est une démarche pour le moins cynique et contradictoire qui ne grandit pas spécialement le film de Wes Craven, mais qui lui donne paradoxalement une certaine singularité... Malgré ses défauts, j'imagine que Scream 4 satisfera sans aucun mal les moins regardants, dont les personnages à l'écran sont des reflets. D'où l'assurance d'une suite prochaine, en cas de bons résultats au box-office. Et donc Scream 5 (ou 5cream, pour anticiper), serait alors le remake de Scream 2 et son ou ses tueurs y suivraient les règles communes aux remakes de suite ? Ouais... Pas obligé non plus de le tourner, Wes.


:-(

Je ne peux écrire une critique de ce film sans réserver quelques lignes à l'actrice Courteney Cox, que l’on pourrait sans forcer son imagination renommer Courteney Botox. Je vais vous faire une confession de derrière les fagots : ado, je faisais partie de cette petite minorité de téléspectateurs de Friends qui disaient préférer Monica à Rachel. Mais c’était sincère : elle était alors l'incarnation de mon idéal féminin, je préférais la brune aux yeux bleus que la bombe H aux tétons aux aguets. Maintenant je kiffe les deux, je dégommerais même Chandler. Mais je m'écarte du sujet. Mes premières navigations sur internet avaient souvent pour but de zieuter quelques photos d’elle et je le reconnais sans honte (quoique...). Dans Scream 4, je ne sais pas si c’est pour correspondre à son personnage de vieille garce aux dents qui rayent le parquet qu’elle a choisi de ressembler à un sac plastique Leclerc géant, mais j’en doute fortement ! Je crois plutôt que l’on assiste au spectacle tragique et bien connu d’une actrice qui a été très belle et qui, dans la peur de vieillir (et, d'après elle, de s'enlaidir), en vient à commettre l’irréparable. Emmanuelle Béart Syndrome ! Courteney Cocks semble à présent venir d’une autre planète. Et là encore, ça n’est pas du tout compliment, il ne faut pas l’interpréter dans le sens « une telle beauté vient d’ailleurs ». Non, bien au contraire. Ce serait plutôt un extra-terrestre dans le genre de ceux qu'on doit éjecter dans l'espace par le sas d'aération pour pas qu’il nous bouffe tout cru. A un moment du film, son personnage en vient à porter le fameux masque du tueur pour passer incognito. Hé bien sachez que c’est à ce moment précis que l’actrice fout le moins les j’tons et que sa tronche correspond le plus à celle d’une femme de son âge lambda. Dans Scream 4, c'est la nouvelle tronche de Cox qui m'a le plus captivé, ça, et l’œil gauche bizarroïde d'Emma Roberts. Ça fait toujours un petit pincement au cœur quand on constate d'un seul coup la dégringolade terrible d'une idole passée, et je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir dû vous en parler…


Scream 4 avec Neve Campbell, Emma Roberts, David Arquette, Courteney Cox, Rory Culkin et Hayden Pannetiere (2011)

22 avril 2011

The People Under the Stairs

Dans mon article à venir sur Scream 4, peut-être ma façon de causer de Wes Craven vous indiquera-t-elle que je conserve toujours une part d'affection pour ce bonhomme, malgré sa filmographie en dents de scie faite de ratages considérables et de quelques titres plus glorieux qui, on pourra en penser ce que l'on veut, ont réussi à marquer trois décennies du cinéma d'horreur. J'ai découvert et aimé ses films pendant mon adolescence et je ne suis pas du genre à renier ceux que j'ai un jour aimés, un trait de caractère dont je ne me vante pas non plus lorsque cela m’oblige à ne pas décrocher les posters pourris des murs de ma vieille chambre : Posh Spice y côtoie Thom Yorke, Cindy Lauper et autres membres de la famille Manson, dans un décor morbide peu harmonieux mais tristement représentatif de l'état de mon ciboulot à cette période. Mais revenons au cas Wes Craven : pour que vous compreniez mieux, je vais à présent vous expliquer d'où provient toute la sympathie que j'éprouve à l'égard de cet ancien hippie, pote de Carpenter et Romero, fan de la Nouvelle Vague et de Frank Zappa.


Miracle pour un film d'horreur : les personnages de gosses ne donnent pas envie qu'on les trucide, au contraire, ils sont attachants, et les jeunes acteurs n'y sont pas étrangers.

Ce n'est certainement pas en découvrant ses deux premiers films que je me suis mis à apprécier ce réalisateur spécialisé malgré lui dans l’horreur. Au-delà de leurs jolis titres et de leur statut de films cultes ayant d'ailleurs chacun eu droit à un remake, La Dernière maison sur la gauche et La Colline a des yeux sont d'après moi deux films ayant assez mal vieilli qui supportent difficilement d’être revus aujourd’hui. Ils frisent parfois l’amateurisme, et c'est surtout leur violence assez extrême qui a fait leur réputation. Non, si je me suis mis à apprécier ce type et à ensuite regarder tous ses autres films, c’est surtout grâce à The People Under the Stairs, vulgairement renommé dans sa version française Le Sous-sol de la peur, un titre qui abandonne hélas le double-sens original. Ce film nous raconte en effet l'histoire d'un petit garçon noir impliqué dans le cambriolage d'une immense demeure de la banlieue chic de Los Angeles, animé par l'espoir d'y dérober un butin suffisant pour payer l'opération qui pourrait sauver sa mère d'une mort certaine. Un cambriolage qui, évidemment, ne se passe pas du tout comme prévu. Le petit garçon se retrouve enfermé dans la maison et celle-ci s'avèrera être habitée par une petite fille tenue prisonnière qui lui viendra en aide. Les choses se compliqueront encore davantage pour lui avec l'arrivée du couple de gros malades propriétaire des lieux. Des dégénérés pleins aux as qui se font justement leur fric sur le dos des pauvres du ghetto malfamé dont le jeune héros est issu.


Wes Craven (au centre) semble ici très fier du duo décapant que forment Everett McGill et Wendy Robie, déjà partenaires dans la série Twin Peaks.

Les gens sous les escaliers et, pourrait-on aussi dire, tout en bas de l'échelle sociale, ce sont donc tous ces miséreux qui survivent tant bien que mal tandis que les riches et les puissants vivent à leurs dépens. Wes Craven profite ainsi de ce film d'horreur pour étaler ses idées humanistes et gauchisantes, de façon certes assez naïve (il faut voir la toute fin du film, et la vision très terre-à-terre que Wes Craven nous offre de la redistribution des richesses), mais ça reste tout à son honneur. Le père de Freddy nous propose donc une critique au vitriol de la société américaine, en dépeignant l’avilissement des classes aisées par l’argent, et leur désir de littéralement écraser les minorités. De façon plus littérale, les gens sous les escaliers sont évidemment toutes ces personnes maintenues captives par le couple démoniaque, pour une raison que je ne vous dévoilerai pas. Je vous en ai de toute façon déjà trop dit sur le scénario particulièrement riche en rebondissements de ce film surprenant. Un film qui conquiert d'abord grâce au rythme trépidant qu'il parvient à installer et surtout à maintenir du début à la fin. Comme dit précédemment, nous allons véritablement de surprise en surprise grâce au scénario d'un Wes Craven inspiré qui parvient toujours à sortir des impasses vers lesquelles il se dirige pourtant tout droit. Wes Craven réussit aussi avec talent à rendre menaçante la grande maison de banlieue, apparemment banale mais pleine de secrets, dans laquelle l'action du film se déroule presque intégralement. Il rend cet univers typiquement urbain propice à l'horreur, il en fait très intelligemment une terre fertile à l'imagination la plus macabre et malsaine. Un tour de force rarement accompli par le cinéma d'horreur américain, qui préfère généralement s'éloigner des villes et s'aventurer dans des endroits reculés pour nous faire peur. Faire peur, le film de Wes Craven y parvient parfois, mais ça n'a pourtant pas l'air d'être le premier objectif du cinéaste.


La fin du film est un spectacle grand guignol réjouissant.

Non, à l'évidence, Wes Craven cherche avant tout à nous divertir, et il y parvient merveilleusement, en faisant notamment preuve d'un humour noir et totalement débridé tout à fait bienvenu. En outre, le cinéaste semble s'être fait plaisir sur certains dialogues de son film. Même en VF, quelques tirades sont véritablement croustillantes, surtout lorsqu'elles sont déblatérées par un Ving Rhames au top de sa forme (son doubleur l'est aussi !). Je me souviens notamment d'une ligne savoureuse, au début du film, lorsque le petit malfrat qu'incarne Ving Rhames force la porte d'entrée de la maison et lance au jeune héros crédule : "Sept ans, c'est pas le bon âge, t'es trop vieux pour téter et trop jeune pour te faire sucer". C'est immensément laid et bête, certes, mais dans la bouche de son personnage débile et d'un tel acteur, ça fait mouche, croyez-moi !

Au bout du compte, Le Sous-sol de la peur est une sorte de film d'horreur social en huis-clos très divertissant, avec des idées à revendre, des personnages haut en couleurs, et n'hésitant jamais à faire dans la démesure pour notre plus grand plaisir. A l'évidence l'un des meilleurs films de son auteur, même si je rappelle qu'il sera pour moi toujours associé au bonheur que fut sa découverte quand j'étais ado.


The People Under the Stairs (Le Sous-sol de la peur) de Wes Craven avec Brandon Adams, A. J. Langer, Sean Whalen et Ving Rhames (1991)

Kaboom

Avant de voir ce film je pensais que Gregg Araki et Xavier Dolan étaient des sortes de doubles. Faut dire que dans mon esprit Gregg Araki c'était l'acteur principal de Kaboom (interprété par Thomas Dekker en réalité), donc ça faisait de lui un jeune cinéaste homosexuel jouant un adolescent homosexuel dans son propre film. Ajoutons à cela une vague ressemblance physique et y'avait de quoi s'y méprendre. Xavier Dolan et Thomas Dekker partagent les traits apparemment communs aux adolescents homosexuels cinégéniques : chevelure noire sophistiquée et entretenue, maquillage discret autour des yeux et visage poupin, pour faire vite. Mais en fait Gregg Araki est un vieil eurasien maigrelet qui pourrait être le père, voire le grand-père, de Xavier Dolan. Pourtant ils semblent avoir le même âge mental. Leurs deux derniers films se ressemblent assez : formellement d'abord, notamment avec ces images ultra colorées, jusqu'au monochrome, ou avec l'usage prépondérant de la musique (on peut légitimement se pendre devant la fin du film en entendant l'un des morceaux phares de Placebo), fondamentalement ensuite avec cette présumée crudité lorsqu'il est question de déblatérer des sexualités diverses et variées (jusqu'à l'auto-suçage) abordées librement sur le mode de l'adolescence débile et débridée. Tant qu'il en reste là, le film de Gregg Araki dépasse facilement et largement Les Amours imaginaires, le pauvre clip de Xavier Dolan, sans pour autant nous emmener bien loin, mais disons que notre attention est ménagée et que nos sens ne sont pas trop malmenés, malgré quelques répliques de bande-annonce dignes des sempiternelles vannes d'American Pie. Un seul exemple : "Ce que tu bouffes c'est ma teucha, pas un plat de lasagnes", belle...


Gregg Araki en pyjus sur le tournage. Au cas où y'aurait quelqu'un à tirer...

Puis, assez subrepticement, le film prend un virage inattendu en conjuguant une dimension fantastique à son scénario initial de pure chronique adolescente dans la veine de Larry Clark mais sur un ton festif et psychédélique. Aux prémisses de ce tournant, que le film assume d'abord dignement et qu'il emprunte mystérieusement, il y a de quoi se réjouir de voir le scénario dériver et s'élargir. Mais finalement l'énigmatique cède le pas au grand n'importe nawak. Les personnages qui se tronchaient les uns les autres sans y penser jusque là se révèlent être demi-frères, abandonnés dans leur enfance par un même père qui est le gourou de la plus grande secte du monde, chef d'orchestre d'un complot mondial ayant mis la main sur toutes les ogives nucléaires de la planète pour déclencher une troisième guerre mondiale et y survivre dans un bunker souterrain pour finalement faire régner le "Nouvel Ordre" sur Terre, dont notre héros sans saveur serait "le fils élu", el hijo de pu en espagnol... Toute cette saloperie nous est expliquée dans la dernière scène du film, pendant un quart d'heure, d'une façon encore plus chiante que celle que je viens d'employer pour vous en faire part. Et voilà comment on se retrouve devant un épisode inédit de Charmed, sans le fessier endiablé d'Alyssa Milano pour nous scotcher sur place (et c'est pas la fadasse Roxane Mesquida qui s'en chargera). Il est évident que Gregg Araki a conscience de la nullité de son dénouement et qu'il en joue avec ironie. Sauf que c'est pas drôle et qu'on se demande pourquoi on perd son temps à regarder ce navet.


Kaboom de Gregg Araki avec Thomas Dekker et Roxane Mesquida (2010)

20 avril 2011

Les Trois prochains jours

Je suis déçu. Déçu par ce film et par le traitement qui en a été fait. Si je ne m’abuse, il devait s’agir du remake "made in USA" de Welcome, le pamphlet contestataire de l’insaisissable Philippe Lioret, porté par la superstar Vincent Lindon. Et je me réjouissais par avance qu’un tel brûlot social soit repris par la grande machinerie hollywoodienne pour ainsi voir son impact dédoublé, que dis-je, octuplé ! Quand j’ai su que Paul Haggis reprenait le flambeau allumé par Lioret, ça faisait sens, et je trouvais tout à fait logique qu’un cinéaste ayant prouvé qu’il était sensible aux questions de société s’attaque à un tel projet. Il n’y a qu’à se balader Dans la vallée d’Elah ou se prendre son Crash frontal pour s’en assurer : cet homme se sert de son art pour transmettre un message de paix et d’amitié entre les peuples. En somme, un artisan de l'universel. Quand j’ai appris que Vincent Lindon était remplacé, poste pour poste, par Russell Crowe, je me disais que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, tel un remake approuvé John Carpenter, et que l’on se dirigeait tout droit vers le chef d’œuvre ultime tant espéré. Je sais pas vous, mais moi, entre d’un côté la tronche ravagée, les milles tics par minute et le charisme vagabond de Barry Lindon et de l’autre, la voix abîmée par l’alcool, le regard las et l’allure rustique de son collègue australo-néo-zélandais, mon cœur balance et, dans tous les cas, chavire. Tandis que le second est un éternel amoureux des chevaux, à tel point qu’il a bien du mal à s’en séparer entre chaque tournage, le premier perd ses cheveux dès qu’il n’est pas sous les feux de la rampe, cheveux qui repoussent par magie dès qu'un projecteur est braqué sur son crâne par un intermittent du spectacle. Autant de points communs surprenants qui m’amenaient à penser qu’il s’agissait du choix idéal.


Sur ce cliché pris à la sauvette, vous avez le seul type qui arrive à avoir la classe sur une plage du Nord-Pas-de-Calais en hiver.

Mes premiers doutes sont apparus lorsque j’ai pris connaissance du titre choisi pour la version américaine du film de Lioret. Assez naïf, j’avais déjà imaginé que le film aurait pu s’intituler Bienvenue, comme un pied-de-nez amical adressé à l’œuvre initiale. J’étais loin du compte… Mais ça n’était que le début d’une série de désillusions terribles dont j’ai à présent du mal à me remettre. Je m’étais déjà longuement amusé à américaniser le scénario de Philippe Lioret avant d’avoir vent de la trame réelle du film de Paul Haggis. Aussi je m’étais mis à penser que la piscine du remake serait plus longue, que Russell Crowe se trimballerait tout autour dans un monokini plus saillant que le bas de survêt jadis porté par Lindon, une tenue mettant plus judicieusement en avant le mastodonte de petit-petit-petit-fils d'aborigènes qu'est l'acteur oscarisé. Et surtout, je m'étais dit que le clandestin, prenant alors les traits d’un cubain égaré à Homestead (Florida), aurait désormais pour but de traverser le détroit de Floride à la nage, et non la Manche, toujours guidé par le même espoir de rejoindre sa fiancée restée au pays. Hélas, j’avais tout faux !


Sur ce cliché, admirez l'effort fait par Russell Crowe pour ressembler à tout le monde et à personne à la fois, une girl-next-door au masculin, l'alter-ego baraqué de Paul Hagard de l'est.

Je suis tombé des nues face à ce thriller décousu et lent, où un Russell Crowe qui n'a vraisemblablement pas l'intention de jouer le rôle du mari transi et prêt à tout pour sortir sa bien-aimée de sa geôle, mais plutôt celui du pervers sexuel qui se complaît à prendre discrètement des photos des entre-jambes des demoiselles ayant eu le malheur de se trouver en jupe face à cet étalon venu tout droit d'Océanie et dont le visa expire dans deux jours ! En somme, nous sommes bien loin des méthodes de l'actor's studio mises à mal par Al Pacino dans Maniac Cop, retitré Serpico en France. Dans le script, le personnage incarné par Russell Crowe se donne pour mission de sortir sa bonne femme de taule afin d’aller vivre un avenir plus radieux en Thaïlande avec leur fils autiste. On se rend compte que Welcome est bien loin, et la transformation du projet pourrait faire l’objet d’une thèse passionnante. Un bémol cependant : pourquoi risquerait-on sa vie à libérer sa femme de prison lorsque celle-ci a le physique disgracieux d’Elizabeth Banks ? Là encore, le film français, où la jeune femme était incarnée par la charmante Diane Kruger, l’emporte haut la main et enterre son remake américain. "Bigger, louder, better, dick stronger" ? Pas convaincu.


Les Trois prochains jours de Paul Haggis avec Russell Crowe et Elizabeth Banks (2010)

18 avril 2011

Rabbit Hole

Rédacteur exceptionnel sur ce blog et véritable électron libre de la critique cinématographique belge, Thomazinette a vu de son œil gourmand l'intriguant Rabbit Hole de John Cameron Mitchell, en ce moment dans les salles, et il nous en dit quelques mots :


La première scène de Rabbit Hole est d'une vigueur et d'un enthousiasme prometteurs : la main bien charnue de Nicole Kidman éventre d'un grand geste un gros sac de terreau, et, rejointe par sa comparse, la main verte de Nicole Kidman, elle plonge à grandes poignées dans cette bonne terre bien noire et humide. Cette phrase virile me donne, rien qu'à la lire, envie de faire des grands bruits de gorge et autres râles exclamant ma joie. Il faut dire qu'avec le printemps, je transporte du fumier pour mon plus grand bonheur d'un bout à l'autre de la Belgique. Je fais le tour des manèges de la région, je prends ma fourche et j'enfourne ce bon gros tas d'excréments fermentés dans un sac bien étanche. S'il n'y a pas de fourche, j'y vais à mains nues, et je découvre alors pourquoi on appelle cela du fumier. Pas pour le doux fumet, non, celui-ci s'estompant au fil de la fermentation. Mais la température à l'intérieur du tas est si chaude qu'elle vous fait vous sentir dans une ratatouille en cuisson ; ça peut atteindre jusqu'à soixante degrés Celsius ces petites usines à amendements, et dès lors vous gratifier de jolis petits signaux de fumée. Diable que j'aime m'y frotter.




J'ai donc naturellement beaucoup apprécié cette façon d'ouvrir le film, qui nous augure une histoire terreuse, bien fumante et nourrissante, les deux mains dans cette glaise, les mains dans le cambouis de la vie, cambouis en l'occurrence souillé par le sang versé d'un enfant. À ce moment-là, on se dit "chic, on n'y va pas avec des pincettes". Et en effet, durant tout le film, on sent que Nicole Kidman, la mère en deuil, est là surtout pour une chose : déglinguer brutalement les gens compatissants autour d'elle, briser la fausse prévenance et rentrer dans le bide de la gêne qui s'est installée entre elle et les autres. Elle gifle les dames dans les supermarchés, refourgue les vêtements de feu son fils à sa sœur enceinte sans se poser de question ("juste pour les économies"), fait la course avec un bus, se fout à dos tout un groupe de thérapie en se moquant publiquement et avec hilarité des pleureuses... Bref, elle fonce dans le lard de tout ce qui bouge comme un taureau déjà bien amoché à la corrida.


On est bien sûr touchés par cette femme désorientée qui cherche à rester digne sans pouvoir résister à la brutalité qui accompagne son désespoir. Mais on est surtout heureux quand cette brutalité se tourne vers celui dont le visage appelle les baffes comme l'aimant appelle la limaille de fer. Le mari de Kidman est campé par Aaron "aron, petit patapon" Eckhart, avocat de formation, reconverti en acteur suite à une blague de ses collègues de bureau, qu'il a pour notre plus grand malheur prise au premier degré. Celui qu'on appelle toujours Maitre Eckhart dans le cinéma, dans l'espoir qu'il prenne ses cliques et ses claques et retourne derrière le barreau, m'était inconnu avant la vision de ce film. J'ai vu le film avant-hier, et j'ai déjà tout oublié de ses expressions faciales (sans doute qu'il n'y en avait pas) ; la seule chose dont je me souviens c'est que son visage a le contour d'un gros rectangle posé verticalement sur son cou. Son visage est une brique de lego et son personnage en est à la hauteur puisqu'il se sent obligé d'incarner Ken, la petite poupée mâle assortie à toutes les poupées Barbie. Décide-t-il de se faire homme-enfant pour pallier à la perte de son gamin préféré ? Rien ne permet de le dire, mais c'est bien un festival de caprices et de pleurs infantiles que nous offre le Maitre Eckhart. Réfugié dans son travail, dans son squash, ses grosses motos, les joints et son gameboy, il bloque dans le passé et s'apitoie faiblement, suscitant un certain agacement. Mais cet apitoiement a quelque chose de beau lorsqu'il est manifesté par une scène où Eckhart essuie ses larmes sur la peau flexible de son chien. Emmitoufflé dans ce gros doudou de toutou, il pleure à grandes larmes d'enfant en se frottant contre les poils du chien, qui feint la compassion avec un jeu d'acteur bluffant.


Au contraire, Aaron est pathétique lorsqu'il se met à vouloir jouer l'homme en colère. Sa technique crève les yeux, et c'est une recette basique et mal employée : elle consiste, pour mimer l'offusqué, à répéter ce que l'autre vient de dire sur un ton interrogatif et menaçant. Face à un gars qui passait par là, et qui annonce gentiment « bonjour, je passais par là », Eckhart, fou de rage, répond « tu passais par là !? », et cela itéré pendant cinq grosses minutes, sans convaincre personne que son accès de rage est sérieux. À cela, préférez le courroux de Nicole Kidman, qui s'insinue dans le moindre de ses gestes, comme celui de faire compulsivement tartes et gâteaux à n'en plus finir.

Il faut enfin noter que la scène la plus poignante du film se passe dans une cave, entre Kidman et sa mère, où celle-ci lui déclame une tirade très belle et émouvante sur un genre de deuil qu'elle partage avec sa fille. Et aussi que, d'autre part, ce film n'est pas aussi bourrin qu'il ne s'annonçait au début. Il y a une délicatesse et une pudeur quand même bienvenues, qui teintent la colère d'une douce amertume, ce qui n'est pas une mauvaise idée, mais fait perdre dans ce cas-ci un brin d'impact aux émotions véhiculées. Cette hésitation de ton permet cependant de bien rendre compte de la désorientation que la situation dépeinte suscite. À part ça, le réalisateur, John Cameron Mitchell, avoue lui-même avoir voulu s'effacer devant le sujet du film. Sa seule idée semble être celle, somme toute banale, de placer le quotidien du couple déchu dans une maison grande et vide, au sein d'une banlieue morne et triste du Connecticut. Il n'a donc pas fait grand-chose à part filmer sous les directives de Kidman, qui, elle, n'hésite pas à revendiquer ce film en interview comme son œuvre. Et on lui donne volontiers raison là-dessus.


Rabbit Hole de John Cameron Mitchell avec Nicole Kidman et Aaron Eckhart (2011)

17 avril 2011

The Shining

Quand on demande à Stephen King où va sa préférence parmi les 37 films adaptés d'une de ses merdes, il répond invariablement : "J'en sais rien mais ce que je sais c'est qu'il y en a un que je déteste : le Shining de Kubrick, et j'avoue avoir un faible pour mon Stephen King's Shining : Les Couloirs de la peur de Mike Garris". On a tendance à mettre ça sur le compte du terrible "brainwash" qui a succédé à son terrible accident de bagnole dans un carwash, mais il disait déjà ça avant. En effet, Steph' King déteste le film de Kubrick et a voulu le refaire à sa sauce, pour rendre à César ce qui appartient à Kubrick. Pourtant actuellement l'exposition Kubrick à la Cinémathèque de Paris fait salle comble. Il paraîtrait que c'est un record, du jamais vu du côté de Montparnasse-Bienvenüe. Qui dit du mal aujourd'hui de Kubrick ? Qui n'a pas dans sa discothèque le petit Kubrick qui va bien, pour montrer qu'on connaît. Les amateurs de film de guerre ont Les Sentiers de la gloire, les fans de films en noir et blanc ont Lolita, ceux qui préfèrent les capes et les épées se régalent de Barry Lyndon, quid de ceux qui aiment le cul et qui se rincent l’œil devant le fessier parfait de Kidman à son apogée, je ne suis jamais allé plus loin que le générique... etc. Et normalement Shining est LE film d'horreur par excellence. On le trouvera dans toutes les listes des meilleurs films d'horreur de tous les temps, c'est un intouchable. Stephen King est bien le seul à avoir fait barrière de son propre corps lors de l'ouverture en fanfare des portes de la Cinémathèque Française.



Qu'est-ce que Stephen King peut bien trouver à reprocher à Kubrick ? Un peu trop de neige ? C'est vrai qu'il y en avait un peu moins dans le livre... King parle de "dix centimètres" tandis que le film de Kubrick en montre au moins un bon mètre. Certes, certes. En tout cas le reproche principal a trait à un manque supposé de fidélité au roman. C'est pour ça que Stephen King a engagé le plus gros yesman de la téloche ricaine, Mick Garris, à ne pas confondre avec Anna Farris, pour torcher son ultimate Shining, en trois épisodes de 6 heures chacun, soit une totalité de 24 heures de métrage dans la tronche d'un schizo. Que dire sur Mick Garris ? C'est lui qui est à l'origine de la série Masters of horror, fausse bonne idée réunissant d'anciennes gloires du film d'horreur sur le déclin pour un vrai tombeau des lucioles télévisé. Dommage, bien tenté pour ce sosie de James Cameron qui porte sur la tête la même chevelure que la vieille documentaliste de mon collège de Moissac, celle qu'on appelait "La torche humaine", à moins que ce ne soit un Grammy Award fondu ? En tout cas le projet de faire un meilleur Shining, plus authentique, loin de celui de Kubrick, a de quoi dérouter quand on admire sur l'affiche un acteur tâchant d'imiter qui l'on sait, les pointes des sourcils agrafées aux coins du front pour rappeler les circonflexes un poil plus inquiétants de Jack Nicholson. On ne le voit pas sur l'affiche mais selon le même principe l'actrice de la version King du film a perdu 43 kilos et s'est enfoncé d'énormes objets dans le cul pour se faire jaillir les globes oculaires hors de la tête histoire de ressembler comme deux gouttes d'eau à l'inoubliable Shelley Duvall. Au final tout ça n'est qu'un gros péché d'orgueil de la part de Stephen King, qui n'a pas apprécié que Kubrick lui vole la vedette et transcende son torche-cul pour en faire un sacré film. En même temps il fallait oser passer derrière Kubrick, c'est le signe d'une grande audace, mais question : n'est-ce pas à ce type précis d'audace qu'on reconnaît les plus gros cons ?


The Shining de Mick Garris avec Steven Weber et Rebecca de Mornay (1997)

15 avril 2011

Le Dernier survivant

Cela faisait longtemps que je voulais voir ce film signé Geoff Murphy dont le pitch m’a toujours intrigué. On y suit les mésaventures d’un pauvre type qui se retrouve seul au monde après une terrible catastrophe. Il existe bon nombre de films de SF post-apocalyptiques aux pitchs similaires, à commencer par les adaptations plus ou moins fidèles de Je suis une légende dont nous avions épinglé la plus tristement connue : celle où un Will Smith plus mégalo que jamais, au point de détourner le sens original du titre de l’œuvre de Richard Matheson, nous laisse admirer ses séances de muscu et se complaît à humer le fumet de ses propres pets. Mais ce genre d’histoire m’attire toujours, allez savoir pourquoi… Cela doit être le fantasme, assez communément partagé, de se retrouver seul sur Terre et de pouvoir ainsi faire tout ce qu'on veut, tout ce qui est d'ordinaire interdit. Évidemment, on pense d’abord à aller dévaliser les rayons du premier supermarché venu, dans le but premier de s’envoyer toutes les bouteilles de Yop disponibles avant que la date de péremption ne soit atteinte. C’est ce que je ferais. Et figurez-vous que c’est aussi la première chose à laquelle pense le héros de ce film, incarné par le sympathique Bruno Lawrence. Nous le voyons donc se régaler de quelques bouteilles de sa boisson lactée préférée, puis pester contre son propre organisme, regrettant de ne pas pouvoir aller physiquement au-delà de 8 litres et d’arriver trop tôt à satiété. Sans parler des nombreux pets huileux occasionnés...


Il ne découvrira jamais la suite des aventures de Marty McFly...

Nous le voyons ensuite se rendre seul au cinéma et se projeter les derniers gros films hollywoodiens qu'il n'a pas encore pu aller voir, faute à un agenda surchargé. L'action se déroulant en 1985, notre héros s’envoie avec enthousiasme le premier Retour vers le Futur. Une fois la séance terminée, il parvient à nous faire beaucoup de peine lorsqu’il se met à réclamer une suite, en hurlant, hystérique et les larmes aux yeux, « Une autre, une autre, encore, enchaîne Bob Zemeckis, enchaîne ! », emporté dans un délire pathétique, celui d’un homme rendu fou par la solitude. Après s’être fait une raison et quelques bouteilles de Yop supplémentaires, nous voyons notre héros investir les plus grandes baraques de sa ville et se fusiller chacune de ses nuits en hésitant entres tous les plumards à sa disposition, allant et venant tel un mort-vivant, bien déterminé à trouver le matelas idéal. Plus triste encore, nous le découvrons sillonner les routes à toute berzingue et se servir d’essence à foison dès qu’une station service se présente à lui, pour finalement changer de bagnole dès qu’une nouvelle lui fait davantage envie, pour répéter le même cirque ad vitam. Sans surprise, nous assistons au spectacle jouissif de cet homme désireux d'essayer toutes les armes à feu disponibles et qui s'entraîne au tir sur des monuments et autres attractions touristiques, détruisant ainsi avec hargne les vestiges d'un monde perdu, d'une époque révolue. Bien entendu, nous avons aussi droit à l’inévitable petite scène comique où le dernier survivant du titre se promène cul nu dans des rues habituellement très fréquentées, collant son zob aux vitrines des grands magasins et arborant fièrement son cobra devant les caméras de surveillance... Bref, rien que du très très normal.


Le regard chafouin d'Alison Routledge, l'actrice d'un seul film...

La première demi-heure du film, pas désagréable à suivre, consiste en cet étalage sympathique de ces petits plaisirs simples et saugrenus auxquels notre pitoyable héros s’adonne dans le vain espoir de noyer son extrême solitude. Le film pose alors la question suivante : que vaut un plaisir lorsqu’il ne peut être partagé ? Pas grand-chose, à l’évidence, puisque le personnage principal finit par croiser le chemin d’une nouvelle survivante (comme quoi, le titre français de ce film n’est vraiment pas malin, et le titre original, The Quiet Earth, fait plus sens). Par chance, cette autre survivante n’est pas véritablement un cageot puisqu'il s’agit d’Alison Routledge, un beau brin de femme aux longs cheveux roux et bouclés, à la mine malicieuse et espiègle, bref, une actrice dotée d'un charme singulier fait pour lentement conquérir le cœur des spectateurs et encore plus rapidement celui du héros. Se forme alors un couple bien décidé à comprendre l’origine de cette fin du monde un peu trop précoce à leur goût. On apprend alors que le héros est plus ou moins impliqué dans ce qu’ils appellent l’Effet, cet accident terrible qui provoqua soudainement la disparition de tous les êtres vivants à la surface du globe !


...voire d'une seule scène. Elle fondera ensuite une célèbre maison d'édition d'ouvrages universitaires.

Le film se met alors à se traîner un peu et il a même eu de plus en plus de mal à retenir mon attention... Si ce n’est lors d’une courte scène a priori anodine et finalement très surprenante dans laquelle l'actrice rousse amène gentiment le petit-déj au pieu de son nouvel amant : elle est habillée en femme de chambre, ou au moins du haut, puisque lorsqu’elle se retourne pour s’en aller de la pièce, on découvre avec plaisir qu’elle ne porte rien en bas, et nous voyons son mignon joufflu s’éloigner timidement. L’actrice joue alors avec les envies du héros, et par la même occasion, les nôtres. Apparemment pas au courant de la teneur exacte de cette scène, l'acteur principal effectue alors un râle viril et un mouvement de stupeur tout à fait naturels. Un chouette moment. Ça, la première demi-heure, et peut-être la toute fin, où l’on nous gratifie d’une image de pure science-fiction assez mémorable. Tout cela fait de The Quiet Earth un curieux petit film de SF ma foi plutôt sympathique.


Le Dernier survivant (The Quiet Earth) de Geoff Murphy avec Bruno Lawrence, Alison Routledge et Pete Smith (1985)

13 avril 2011

D'un film à l'autre

Le profil d'aigle le plus malaimé du cinoche français. L'homme aux mille tics, qui soufflera bientôt sa 75ème bougie. Pour fêter ça notre tricard national a décidé de sortir un nouveau film qui se veut une compilation des meilleurs moments de sa filmographie, ou plutôt des meilleurs moments de chacun de ses cinquante films de merde, en partant de Tout ça pour ça jusqu'à Roman de gare et en passant par Homme/femme mode d'emploi. En fait c'est un clip qui enchaîne des plans de tous ses films avec une superbe musique derrière, LA chanson de Lelouch, qu'on peut entendre dans strictement tous ses films : chababada. C'est une bonne séance de rattrapage pour les chanceux qui ne se sont jamais "tapé" un film de Lelouch et qui pourront se vanter d'avoir épluché toute son œuvre après avoir subi la bande-annonce du dernier. En revanche pour les autres... Qui a déjà pensé à REvoir un seul des fameux films du 13, comme le cinéaste aime à se faire surnommer ? Lelouch a tourné le film que les César diffuseront à sa mort. C'est sympa de leur éviter cette peine. Même s'il faudra qu'ils raccourcissent le tout vu qu'une heure et demi de compile c'est un brin mégalo. Ils devront aussi supprimer ces passages où Lelouch fait du ski en caméra subjective juste pour se vanter d'être étoile noire en ski de fond. Ce vieux briscard se défend d'être un gros mégalo (je voulais trouver un synonyme pour ne pas me répéter mais mon dico m'a sorti : "Lelouch, Claude"), mais dans ce cas pourquoi contredire tous ses efforts en pondant pour écran large ce menu maxi-best-of intégral de son interminable carrière ?



A sa mort Chabrol en a étonné plus d'un, même parmi ses premiers fans, en devenant l'espace de deux mois le cinéaste le plus surcoté du marché. Ce type d'inflation se produit pour pas mal d'illustres macchabées. Rien n'affirme que Lelouch y aura droit, d'ailleurs c'est sans doute pour ça qu'il prend les devants en se rendant l'hommage qu'on lui refusera peut-être post-mortem. En tout cas c'est un film unique en son genre. Fallait oser l'auto-suçage... Pour finir, une hypothèse : peut-être que ce film est dû à la faillite financière de l'autodidacte, ce qui expliquerait une affiche minimaliste qui ne fait pas tellement honneur à sa superbe filmographie.


D'un film à l'autre de Claude Lelouch avec Claude Lelouch (2011)

12 avril 2011

Slice

Je ne suis pas près de revoir un thriller asiatique de si tôt. Ah ça non ! J’en ai ras-le-bol de ce genre de films. Dans ces pages, nous avons déjà pointé du doigt le pourtant acclamé Old Boy de Park Chan-Wook, dans une critique aussi absurde et bête que le film lui-même. Sans regret. Slice nous vient quant à lui tout droit de Thaïlande et je me le suis envoyé hier soir à la place de TopChef, il est donc encore tout frais dans mon crâne d’œuf. Plus frais que The Chaser ou J'ai rencontré le Diable, autres films un peu du même genre que j’ai vus récemment. Pour que vous compreniez là où je veux en venir, je vais me contenter de vous raconter l’histoire de Slice, en essayant d’être le plus clair possible et sans omettre le moindre détail, ce qui n’est pas du tout gagné étant donné à quel point le scénario est tordu… Alors tenez-vous bien !

Bangkok, nowadays. Le héros, prénommé Taï, est un tueur à gages emprisonné qui continue néanmoins à effectuer sa profession intra-muros en éliminant des taulards un peu trop gênants sous ordre de ses supérieurs, qui ne sont nuls autres que des policiers. Lorsqu’une psychiatre pénitentiaire lui demande comment ça va, notre héros tire la tronche et lui cause de ses rêves récurrents, qui semblent être autant de souvenirs désagréables mettant en scène un petit garçon, des valises rouges et des cadavres lacérés. Ceci nous est montré par des flash-back accompagnés d’effets de fort mauvais goût qui font très « série-télé » et agressent nos innocentes mirettes. Pendant ce temps, la ville est frappée par un svelte serial killer qui se balade dans une sorte d’immense anorak rouge. Ce psychopathe a la particularité de découper ses victimes en morceaux, de façon à ce qu’elles contiennent ensuite dans une valise rouge, qu’il dépose un peu n’importe où afin de laisser aux flics le loisir de les découvrir. Le tueur en série s’amuse aussi à arracher les parties génitales de ses victimes pour leur mettre dans le fion. Craspec. Heureusement, ceci nous est juste lourdement suggéré. En outre, ses victimes sont toutes des gros obsédés sexuels, faisant appel aux services des nombreuses prostituées de Bangkok, de préférence transsexuelles, shemales, ladyboys, trannies, ou très juvéniles. La Thaïlande, c’est des putes et des trans’ de partout, demandez à Freddy Mitterrand qui se fait appeler dans la région "two-headed dick, three cumshots", et c’est en tout cas ce que montre ce film, promis à un succès international grâce au scénario machiavélique que je vais continuer à vous dévoiler sans aucun embarras.


En Thaïlande, cet acteur est considéré comme le Richard Gere thaï, la quintessence de la classe.

Un enquêteur camé à la chevelure blanche hirsute et abonné aux chemises hawaïennes à la Ace Ventura dispose d’un délai de 15 jours pour coincer le tueur qui commence à s’en prendre à des personnalités haut placées. La psy pour taulard l’informe alors du lien qui pourrait exister entre Taï et l'individu à capuche tant recherché. Après moult hésitations, il est décidé de donner pour mission au héros de partir à la traque du serial killer et, pour qu’il accepte, on lui promet qu’il sera ensuite libéré de taule et qu’il pourra donc rejoindre sa copine, une thaïlandaise blonde à forte poitrine prénommée Nouille dont il est éperdument amoureux.


Désolé, j'ai cherché une caps où on voyait sa forte poitrine, sans succès.

A la recherche du tueur, Taï revient sur les traces de son passé et se rend compte que ses rêves sont de simples bribes de souvenirs à peine déformés. La jeunesse du héros nous est alors contée à grand renfort de retours en arrière parfois assez inutiles mais qui permettent au film d’avoir le statut de « long-métrage ». On apprend donc que lorsqu'il avait une dizaine d’années, Taï était tiraillé entre une bande de copains brutaux, cruels, méchants, bref, en plein âge bête, et un petit garçon plus solitaire, plus tendre, plus doux, prénommé Nat. Tandis que les premiers lui proposaient d’aller mater discretos la trainée de leur village, le second l’invitait à faire du cerf-volant, à toucher son petit kiki ou à contempler le paysage perchés sur le toit d’une cabane en jouant aux playmobils. Surtout, quand la petite bande de salopards le surprenait en train de traîner avec Nat, c’était la cata : Nat se faisait rouer de coups et traiter de pédé, tandis que le jeune Taï n’esquissait pas le moindre signe de révolte, voire se défendait d’être le pote de Nat, et participait même activement à le bastonner. Nat n’étant pas du genre rancunier, il continuait malgré cela à tenter de copiner avec Taï qui, après 56 bastonnades et humiliations en règle de plus, décida tout de même de prendre le parti de son petit compagnon et de se faire rouer de coups à son tour. Mais leur amitié ne pouvait s’épanouir normalement, puisque Nat continuait d’être la risée de tout le village, et ce notamment parce qu’il était le grouillot de l’épicière (peut-être sa mère, mais j’en suis pas sûr), une femme souffrant d’une terrible maladie de peau faisant de son corps un innommable amas de pustules hideux. Un détail du film assez surprenant et je serais d’ailleurs curieux de savoir si une telle maladie existe. En outre, le petit Nat n’avait vraiment pas de chance puisqu’il avait pour papa un taré profond qui, pour le punir, lui faisait littéralement bouffer ses tongs et, quand il jugeait que la bêtise commise méritait un châtiment plus sévère, choisissait tout bonnement de l’enculer. Pour compléter le tableau, Nat avait été violé par l’un de ses professeurs dont il avait dû sucer la teub de force après qu’il ait été surpris dans son bureau alors qu’il tentait d’honorer un pari idiot avec Taï. Tu parles d'une enfance à la con ! Dans le présent, l’enquête piétine et les cadavres s’accumulent, avec toujours des meurtres que l’on devine d’une cruauté sans nom. L’une des victimes, retrouvée dans une valise rouge, finit par exemple le corps asséché par l’ingestion d’alcool fort et, pour couronner le tout, avec des playmobils profondément enfoncés dans le colon. Le tueur réalise aussi un véritable carnage dans une boîte de nuit érotique lors d'une scène horriblement filmée, incluant ralentis et effets visuels douteux.


Taï, Nat et leur cerf-volant, deux minutes avant de recevoir la baston du siècle.

Au bout d’une heure de film, le héros fait le lien entre ces victimes et toutes les personnes qui, jadis, humiliaient son pote Nat. Ce sont bien elles qui ont toutes finies dans une valise, condamnées à s’auto-administrer un terrible head-fuck ! Nat est donc le tueur , scoop ! Maintenant que l’on sait qui c’est, y a plus qu’à mettre la main dessus. C’est là que le héros se souvient que Nat et lui avaient quasiment terminé dans le petit monde de la prostitution de mineurs, macrocosme très actif en Thaïlande, d'après Fred Mitterrand. Il se remémore également de ce qui les avait définitivement brouillés : l’homosexualité manifeste du jeune Nat, qui se faisait de plus en plus collant, et qu’il avait fini par repousser en s’écriant « Oh je suis pas à voile et à vapeur ! ». Abandonné par son seul ami, le petit Nat termina dans une petite valise rouge, prêt à satisfaire des touristes en échange d'une poignée de bahts dans des chambres d’hôtel miteuses.


LA scène du film, celle qui vous fera le détester et le quitter.

Par un ressort narratif dont je ne me souviens plus exactement, notre héros, qui est au parfum que les changements de sexe vont bon train dans son pays, décide dans un éclair de lucidité de montrer une photo actuelle de Nat au chirurgien esthétique du coin (une photo préalablement empruntée à l’épicière, toujours aussi dégueue et désormais aux portes de la mort). Survient alors le twist final de ce film démoniaque. Lors d’un morphing de tous les diables à partir de la photo du visage de Nat, entrecoupé d’extraits rapides des opérations chirurgicales qu’il a subies, nous découvrons que Nat, le serial killer, n’est autre que Nouille, la bien-aimée du héros ! ma chaise s'était littéralement envolée ! J’étais sur le cul et ultra blasé ! Et je viens donc de vous spoiler le film. Mais je me disais que c’était un accord tacite entre vous et moi, acté dès le début de ce texte affreux. De toute façon, si vous m’avez lu, je ne vous ai pas seulement gâché le film, je vous ai aussi flingué la journée. Et j’en suis pas peu fier…


Heureusement que la caméra ne va pas plus près...

Mais ça n'est pas fini et quitte à raconter le film, autant aller jusqu’au bout du bout et faire ça complètement. Taï est donc un peu dégoûté d’apprendre que son amoureuse est un transsexuel homo et qu’il s’agit donc de Nat, qui l’aimait déjà alors qu’il n’était qu’un petit garçon. Éprouvant néanmoins des sentiments pour lui (ou elle ?), il choisit de le retrouver à leur ancienne cabane, suite à une ellipse bien pratique pour masquer les failles du scénario. Il découvre alors Nat les cheveux de nouveau bruns et dépourvu(e) de sa poitrine mystérieusement disparue. Après une petite causerie courtoise, et alors que les flics rappliquent, Nat demande à Taï de le flinguer, chose qu'il exécute non sans essuyer quelques larmes. Rideau.


Taï et Nat se retrouvent dans les larmes et le sang, avec toujours le sacro-saint pistolet qui règle tout.

Alors je ne sais pas si j’ai tout compris et si je n’ai pas oublié certains détails, mais une chose est sûre : je n’ai rien inventé ! Dans quel état doit-on avoir le ciboulot pour être capable d’inventer une telle histoire ? Je me le demande ! Le pire, c’est que ce genre de film captive de façon très vilaine : on veut connaître le fin mot de l’histoire, justement, pour découvrir à quel point elle est malsaine et tordue. C’est moche, c’est très moche. Et plein de films sont comme ça. On pense donc bien entendu à Old Boy, où, je le rappelle, un type est séquestré des années pour être amené à baiser sa propre fille à la sortie, sans qu’il s’en rende compte, afin d’assouvir la vengeance d’un type qui devrait plutôt jouer aux Sim's. Dans J'ai rencontré le Diable de Kim Jee-Woon, c’est aussi une histoire où la vengeance est un plat qui se bouffe congelé, puisque le héros, dont la fiancée a été victime d’un terrible serial killer, choisit, une fois qu’il a coincé ce dernier, de lui enfiler un capteur GPS dans le bide, pour mieux le relâcher, et ensuite le suivre à la trace et lui coller une raclée dès que ça le démange. Véridique.

Tous ces films sont particulièrement glauques et violents. Les personnages s’envoient des baffes pour s’adresser la parole quand une simple tape amicale sur l’épaule aurait suffit. Je viens, d’une certaine manière, de les imiter. Et je m’en veux. En effet, plutôt que de vous raconter toute l’histoire de Slice, j’aurais peut-être mieux fait de la fermer, et de simplement vous dire que c’est ultra naze. Désolé.


Slice de Kongkiat Khomsiri avec Arak Amornsupasiri, Jessica Pasaphan et Artthapan Poolsawad (2010)