29 novembre 2022

House of Gucci

Quand on n'est pas au meilleur de sa forme, on a tendance à se réfugier dans une certaine facilité, à éviter les efforts inconsidérés. Or, si vous avez lu mon dernier papier, vous savez que mon ventre de cinéphage me joue actuellement de bien vilains tours. Bref, quand je lance un film, je veux éviter tout problème. Tout comme un individu normal va privilégier une alimentation mixée puis moulinée afin de se remettre de ses pires tracas digestifs, un cinéphage va naturellement s'orienter vers des films faciles à avaler, tranquilles à suivre, aisés à comprendre. Cela ne rime hélas pas toujours avec grand cinéma, mais c'est déjà un premier pas dans le cadre d'une convalescence maîtrisée et d'un retour vers une vie normale. Face à la montagne d'œuvres de consommation rapide et expulsion immédiate à ma disposition, je me disais qu'un p'tit Ridley Scott passerait crème. Ce vieux type est en mode pilote automatique depuis des lustres, mais ce qu'il fait reste toujours vaguement rythmé et efficace. En bref, ça se mate, toujours. Et c'est encore le cas ici, avec House of Gucci. J'ajoute que j'avais aussi très envie de pouvoir me débarrasser une bonne fois pour toute du fichier mp4 du film (qui flirtait avec les 3Go). 




Il s'agit donc d'une sorte de film de mafieux, mais dans le contexte de la mode et du luxe, figurez-vous ! Je n'y connaissais rien du tout à l'histoire de Gucci. Faut dire que j'en ai jamais rien eu à secouer. J'ai donc appris pas mal de choses, ça m'a évité la lecture d'un article Wikipédia (quand bien même rien ne m'aurait amené sur cet article-là en particulier). C'est très long, mais Ridley Scott a toujours ce petit savoir-faire qui nous permet de rester plus ou moins attentif, de tenir sans souci. Il parvient à nous donner cette impression qu'il filme quelque chose d'important, ce truc typique du cinéma américain, alors que son dernier rejeton rejoindra bien vite les limbes cinéphiles et qu'au fond, il ne raconte vraiment rien de neuf et pas grand chose d'intéressant. C'est donc une famille qui se démolit pour de l'argent à cause d'une femme, un brin excessive et manipulatrice, qui, a priori par amour et pour préserver le prestige de la marque, va provoquer leur inéluctable dégringolade. Je vous la fais très courte, ça sert à rien de s'éterniser là-dessus.




Comme souvent, le casting y est pour beaucoup dans la capacité du film à nous tenir en haleine. Adam Driver est très bien, rien à dire, il confère une part de mystère à son personnage, il a un charisme qui nous accroche, il est illisible tandis que tout autour de lui s'agitent des personnages aux agissements très prévisibles. Comme d'habitude, j'ai d’abord eu du mal avec Lady Gaga, me demandant comment j’allais pouvoir supporter sa ganache pendant plus de deux heures, mais elle s’en tire finalement pas si mal, elle met suffisamment d'énergie dans son jeu pour emporter le morceau et on finit par s’habituer à son gros visage. Du côté des seconds couteaux, Al Pacino m’a plutôt botté. Il ne fait aucun effort, il est là pour se marrer, passer du bon temps, et sa décontraction participe à donner au film un côté plus léger, humoristique, moins solennel et sérieux. Même chose pour un autre ancien, Jeremy Irons, dont la classe est toujours au beau fixe. 




En revanche, il y a le problème Jared Leto, déjà pointé du doigt par les critiques du monde entier. Ridicule, il flingue littéralement chacune de ses scènes, et il y en a pas mal. Il ne pousse pas assez son jeu pour être réellement drôle et il en fait beaucoup trop pour être crédible. Il est dans un entre-deux très gênant. C’est complètement débile d'avoir pris cet acteur de merde pour le couvrir de maquillage pendant cinq plombes et aboutir à un tel résultat. Vraiment n'importe quoi et une nouvelle preuve d’un début de sénilité avéré chez papy Ridley Scott. Je n’ai rien dit de Camille Cottin, qui apparaît lors du troisième acte, dans un rôle mineur mais décisif puisqu'il provoque l’implosion définitive du couple Driver - Gaga. Je me laisse ici la possibilité d’ajouter des lignes à ma critique quand sa prestation m’aura inspiré quelque chose. Je sais, ce n’est pas très pro, mais cela arrive parfois d’être totalement à court sur un sujet. Je n’ai vraiment rien à dire sur Camile Cottin.




J'en ai donc appris beaucoup sur l'histoire de Gucci et ça me fait une putain de belle jambe. Peut-être peut-on associer cela à de la "culture générale" ? J'ose l'espérer en tout cas. Je crois hélas avoir déjà tout oublié. Ce n’est pas forcément un film que je recommande, mais il n'y a pas eu d'effets secondaires à déplorer chez moi. Mon transit de cinéphage n’a en rien été perturbé, bien au contraire. J’ai pu ensuite m’orienter vers des films plus consistants. Merci Ridley, t'es un vrai pote.


House of Gucci (La Maison de Gucci) de Ridley Scott avec Lady Gaga (Demoiselle Gaga), Adam Driver (Adam Conducteur), Al Pacino, Jared Letocard et Jeremy Irons (2021)

26 novembre 2022

L'Amour c'est mieux que la vie

J'ai eu une p'tite gastro récemment. Ça arrive de temps en temps dans la vie d'un cinéphage, il faut s'y préparer. Un film a dû mal passer. Je soupçonne Claude Lelouch. L'Amour c'est mieux que la vie, plus précisément. J'en ai vu un extrait sur Canal, complètement par hasard, je l'ai pris en cours de route. J'ai longtemps cru qu'il s'agissait d'un sketch tiré d'une nouvelle émission comique moisie à l'espérance de vie ultra limitée de la chaîne cryptée, avec tout un tas d'acteurs has been ou de guignols pur jus venus faire les marioles pour arrondir leurs difficiles fins de mois. Des amis de Bolloré qui s'amusent entre eux, quoi, un classique. Puis, en mettant le son, j'ai petit à petit compris que c'était un film à part entière. Un Lelouch, le dernier (#fingerscrossed). Le type innove encore. Du haut de ses 98 berges, il tourne, explore les limites, continue de tester les nôtres. C'est Kev Adams qui m'a achevé, j'en suis sûr. A un moment il sourit en gros plan et c'était trop pour moi. Mon corps a dit stop. C'est quand Gérard Darmon présente sa nouvelle conquête, Sandrine Bonnaire, de 30 ans sa cadette, à sa bande de potes, tous réunis dans un bistrot parisien leur servant de repère. Une belle scène de merde, y'a pas d'autres mots, tout en silences lourds de sens et en regards qui en disent longs. Insupportable et d'une laideur agressive. 




J'ai vu qu'un coffret intégrale Claude Lelouch - 60 ans de cinéma - venait de sortir pour Noël. 299,99€. Des documentaires, des scopitones, et surtout quarante-quatre longs métrages de fiction dont un seul que j'accepterai d'avoir dans ma collection perso : La Bonne Année, ce film si original dont Kubrick était fan et qui fait figure d'anomalie dans la filmographie infernale de Lelouch. Tout le reste, je le balance direct. Rien qu'à lire les titres, mon ventre s'affole, la nausée revient. Vivre pour vivre (un James Bond, je crois), Si c’était à refaire (bah je materai pas ton film), Viva la vie (mais pas le cinéma), Il y a des jours... et des lunes (la ponctuation de ces titres me rend malade), Tout ça… pour ça ! (en effet...), Hommes, femmes, mode d'emploi (celui-ci m'a toujours particulièrement flingué, allez savoir pourquoi), Une pour toutes (j'avoue tout de même me souvenir de l'affiche avec Olivia Bonamy), And Now... Ladies and Gentlemen (apprêtez-vous à voir une daube), Salaud, on t'aime (le salaud du titre est Johnny Hallyday, le reste est donc faux), Un plus une (je suis sûr qu'il est content de lui quand il trouve ses titres, en plus), Chacun sa vie (chacun son chemin, passe le message à ton voisin), et enfin, peut-être le pire, L'amour c'est mieux que la vie, qui nous renvoie à cette chanson minable que les acteurs sont invités à reprendre à tout de rôle lors d'une scène où le ridicule n'est plus tutoyé mais incarné sur pellicule comme il ne l'a jamais été. Connaît-on une filmographie pouvant rivaliser avec celle-ci en termes de titres à la con ? Je n'en vois aucune. Bravo Lelouch, ça te fait une belle médaille. Je ne me remets que tout doucement de la pire gastro de ma vie de cinéphage. 


L'Amour c'est mieux que la vie de Claude Lelouch avec Gérard Darmon, Kev Adams et Sandrine Bonnaire (2021)

21 novembre 2022

Vortex

C'est long 2h22, surtout en compagnie de deux vieux croulants. Je pense que cela aurait pu durer deux fois moins longtemps (voire juste un quart d'heure), Gaspar Noé aurait quand même eu le temps de caler ses deux idées et de nous faire compatir avec ce couple en fin de vie. Son idée du split screen n'est pas mauvaise, en soi, elle a du sens, mais je ne la trouve pas toujours bien pensée (pourquoi le split screen persiste quand on quitte temporairement le duo Argento/Lebrun ?) et très facile, finalement. On sent le cinéaste regarder son propre dispositif avec un petit sourire en coin, très satisfait de lui-même. Le duo d'acteurs est irréprochable, les approximations d'Argento en français collent bien à la situation et le choix de l'improvisation porte ses fruits en procurant un sentiment de vérité assez saisissant par moments. M'enfin, tout ça me laisse tout de même bien circonspect. Après le succès retentissant d'Amour, auquel Vortex ressemble évidemment, force est de constater que cela paye drôlement bien de s'intéresser ainsi à la mort, vu l'accueil critique et les récompenses dont a bénéficié Gaspar Noé… 




...un succès à nuancer, vu le nombre d'entrées ridicule, m'indique-t-on en coulisse. Mon regard était sans doute biaisé par ma propre expérience toulousaine : un dimanche après-midi grisâtre, ma compagne et moi allions au ciné pour une séance programmée pile au même moment que l'avant-première de Vortex en présence de Gaspar Noé. Il y avait un monde de dingue, j'avais jamais vu ça, et principalement des jeunes. La file d'attente s'étendait sur toute la rue et même au-delà. L'effervescence était telle que nous avions des difficultés à nous frayer un chemin vers notre propre salle. Et en essayant de me faufiler dans le ciné par des voies détournées, quitte à contourner les cordons de sécurité spécialement mis en place pour contenir toute l'excitation autour de cet événement grandiose, j'ai failli percuter à deux reprises Gaspar Noé himself ! Il avait son fameux bonnet, son bouc et son regard fuyant, mais il ne m'a pas eu l'air si antipathique. Il y en a bien d'autres qui, dans une telle situation, m'auraient au moins lancé un regard noir. Je n'avais rien à faire là et ce n'est pas à une mais à deux reprises que j'ai été à deux doigts de le percuter de plein fouet par inattention. Cela m'a aussi fait réaliser à quel point sa fanbase est relativement jeune, ou en tout cas que je pourrais carrément y correspondre… Sauf que non. Repenser à cette interminable file d'attente et à toute cette ambiance bouillonnante m'amuse encore plus après avoir vu le film. Un tel enthousiasme pour ça !




A posteriori, je crois qu'il s'agissait de ma plus intense interaction avec une vedette internationale d'une telle envergure depuis mon échange de regard avec le serial buteur Lilian Laslandes lors d'un mémorable TFC-Bordeaux (score final 0-3) de la saison maudite 98-99 (celle qui vit le sacre des Girondins au détriment de l'armada phocéenne coachée par Courbis et comptant dans ses rangs Köpke, Lolo Blanc, Pirès, Duga, Florian Maurice et toute la fine clique, équipe qui avait évidemment ma préférence et à laquelle le titre aurait dû être décerné d'office le soir d'un Montpellier-OM gravé dans toutes les mémoires de footix). J'ai le sentiment d'avoir réellement touché du doigt la vraie personnalité de Gaspar Noé, sa nature profonde, celle qu'il tente en vain de nous dissimuler derrière son crane si lisse, sa moustache épaisse et son regard torve, pour essayer de passer pour un artiste ténébreux et torturé. Sa personnalité est en réalité douce et bienveillante, apaisée. Je n'aime pas ses films, mais il ne mérite peut-être pas que j'en parle ainsi, avec une telle négligence, je me rattrape donc en affirmant que Gaspar Noé me semble être une personne recommandable et sympathique, d'agréable et saine compagnie. Un gentil.




Je repense, enfin, au titre du film, Vortex. Ok, ça claque. Un seul mot, qui se termine en x, comme le précédent Noé, Climax, y'a pas à dire, ça sonne ienb, et c'est important pour ce cinéaste, à l'évidence. Mais après avoir vu le film, je lis vortex et je le prends au pied de la lettre : cela m'évoque tout simplement le tourbillon de la chasse d'eau, de ces chiottes dans lesquels Françoise Lebrun, ne sachant plus ce qu'elle fait, vide la poubelle, puis balance les écrits de travail d'Argento, ces chiottes banales et laides devant lesquelles Lebrun finit aussi par passer un long moment, pour y jeter tous ses médocs, s'amusant ensuite à mélanger le tout, dans un tourbillon orangeâtre sordide et peu ragoûtant. Je lis Vortex et je pense donc à des chiottes. Et je me dis que ce titre-là ne claque pas tant que ça, finalement.


Vortex de Gaspar Noé avec Françoise Lebrun, Dario Argento et Alex Lutz (2021)

17 novembre 2022

Yella

De Claude Chabrol à M. Night Shyamalan, en passant par George Romero, David Lynch ou Alejandro Amenabar, nombreux sont les cinéastes à avoir été plus ou moins influencés par l'unique film de Herk Harvey, le fascinant Carnival of Souls. A cette liste, nous pouvons également ajouter l'allemand Christian Petzold qui en a signé un remake déguisé et officieux en 2007, Yella. Yella, c'est Nina Hoss, l'actrice fétiche du chef de file de l'Ecole de Berlin, une femme qui essaie de s'extirper des griffes de son ex-compagnon toxique en s'en allant vivre et travailler loin de lui, dans une autre ville. Un accident de voiture provoqué par notre harceleur en puissance ne suffira pas à empêcher le départ de Yella, bien décidée à tout plaquer, à s'enfuir vers une nouvelle vie... Difficile d'en dire plus sur l'histoire d'un film qui ne tient qu'à un fil, de bout en bout. Un fil si ténu que l'on a parfois un mal fou à s'y accrocher, malgré des thèmes intéressants, très pertinents, et quelques idées de mise en scène, trop rares, toujours subtiles, qui émaillent le film et l'amènent parfois à la lisière du fantastique voire de l'épouvante. Vu le talent intermittent de Christan Petzold pour surprendre et captiver par des moyens très simples, on peut regretter que ses excursions dans le genre soient si timides. Le reste du temps, le cinéaste se consacre à instaurer insidieusement une ambiance anxiogène en alimentant une angoisse très actuelle lorsqu'il filme de froides discussions entre loups de la finance, comptables, avocats et entrepreneurs en faillite. Des scènes répétitives de négociations et de transactions financières à la tension très sous-jacente, plus que feutrée, dans des bureaux gris et anonymes, où sont évoquées les situations d'entreprises en faillite qui essaient de revendre leurs biens. Christian Petzold capte bien quelque chose de notre triste monde, mais il le fait avec une froideur qui nous tient pas mal à l'écart, à l'image de son personnage principal, souvent déconnecté des autres, en retrait, à part. Et son film finit par ressembler à ces chambres d'hôtel sans âme, à ces réunions pénibles et à ces trajets en voiture qui ne le sont pas moins durant lesquels notre pauvre Yella doit continuellement se dépêtrer du type aux dents rayant le parquet qui l'a engagée pour l'aider dans son travail. Sur ce plan-là encore, Petzold est dans le coup, épinglant comme il se doit la pression masculine, la virilité toxique, diffuse ou manifeste, que subit Yella, incarnée avec talent par une évanescente Nina Hoss qui entretient jusqu'au bout le mystère autour de son personnage. Point de mire de la caméra amoureuse de Christian Petzold, l'actrice au regard anxieux et à l'allure fragile apporte au film ce tout petit supplément d'âme, un indéfinissable charme, une petite flamme, ce je ne sais quoi, que d'autres n'ont pas et qui nous met dans un drôle d'état. Mais ça ne suffit pas et, en dépit de la brièveté du film, tout cela paraît assez long, jusqu'à une conclusion qui se veut surprenante mais dont vous aurez sans doute deviné la pirouette dès ma première phrase si vous connaissez l’œuvre autrement plus envoûtante de Herk Harvey... 




Yella de Christian Petzold avec Nina Hoss (2007)

9 novembre 2022

Chérie, j'ai rétréci...

Tout au long de sa vie de savant fou, Rick Moranis en a fait des belles. De belles conneries. Les plus mémorables ont été immortalisées sur grand écran, à travers une série de longs métrages aux titres un brin répétitifs mais qui ont tout de même le mérite d'exister. Je veux bien évidemment parler de la série des "Chérie, j'(en ai fait une belle)". Le premier, Chérie, j'ai rétréci les gosses, sorti en 1989 et signé Joe Johnston, génie des effets spéciaux à qui l'on doit Jurassic Park 3, a marqué tous les esprits. C'est un incontournable pour les gamins qui ont grandi dans les années 90 et dont nous faisons partie. On se souvient tous de la fourmi géante, de la grande sœur et... c'est à peu près tout. Mais petit, on était bien scotchés devant ça, 1h30 de tranquillité garantie pour nos parents et, depuis, on a eu la chic idée de s'en tenir éloigné pour en conserver un doux souvenir. Avec un peu de recul, nous pouvons affirmer aujourd'hui sans prendre un grand risque qu'il doit s'agir d'une variation divertissante de la célèbre histoire de Richard Matheson, L'Homme qui rétrécit, qui avait déjà donné lieu à un chouette film de Jack Arnold en 1957.




La suite des gaffes de Moranis, mise en boîte trois ans plus tard par un dénommé Randal Kleiser, a quelque chose de beaucoup plus traumatique. C'est cette fois-ci le bébé qui a été rendu gigantesque par cet abruti de Rick Moranis ! En cela, le titre du film, Chéri, j'ai agrandi le bébé, est un peu trompeur, il devrait s'intituler "Chérie, j'ai fait du gosse un putain de freak de 500 mètres de haut". Cette séquelle est hélas beaucoup moins palpitante, bien plus laborieuse. Pourquoi ? La réponse est simple, logique. Nous ne suivons plus une bande de gosses (dont la grande sœur...) transformés en lilliputiens réduits à devoir survivre dans un banal jardin devenu jungle impénétrable et menaçante, mais un immense gosse tout-puissant qui a l'air encore plus débile et dangereux avec sa monstrueuse tronche de cake dépassant tous les buildings. L'enfant roi par excellence, celui que l'on a envie de claquer d'entrée. Et que peut-il arriver à un énorme môme dominant la ville du haut de ses 2 ans d'âge mental et de ses 36 étages de peau graisseuse ? Pratiquement rien... Ceux qui sont en-dessous, en revanche, ont les foies de leurs vies ! Ils passent 89 minutes à esquiver les affreuses godasses maladroites et les mains baladeuses du bébé qui, pour ne rien gâcher, se situe en plein dans l'âge où l'on porte tout connement à la bouche pour vérifier si ça se digère et quel goût ça a. Et puis un gosse de 18 mois, ça n'arrête pas de se vautrer sur le cul : je vous laisse visualiser mentalement ce que représente, pour l'honnête citoyen arpentant la ville, la perspective de mourir écrasé par un gigantesque cul de bébé emmitouflé dans une couche garnie à ras-bord de fientes xxl...




En dehors de l'heure et demie de torture douce que constitue cette suite ratée, il y a un autre aspect du film qui torture l'esprit après coup, des années plus tard. Car petit, je n'y pensais pas, mais désormais, si. Nous y avons pourtant tous songé devant L'Attaque de la femme de 50 pieds, le cerveau masculin est ainsi fait : notre imagination galopante s'aventure forcément vers les attributs gigantesques de la dame, ses seins comme deux montagnes laiteuses et sa teucha comme un antre fascinant, réplique exacte de la grotte de Chauvet. Mais, pour le garçonnet... Vous avez pensé à tout ça ? Imaginez la mini-teub géante du môme... C'est à vous glacer le sang... Pour ne rien gâcher encore, rappelez-vous que l'enfant est aussi dans cette période compliquée où l'on se paie des mini gaules gratis et difficiles à apaiser à la moindre marque d'attention maternelle. Or, pour rappel, sa mère passe tout le film à lui faire des signes, à lui rappeler qu'elle est là et qu'on va trouver une solution pour le rapetisser. Heureusement que l'élastique tient bon... Grâce à lui, ou malgré lui, nous restons dans la pure horreur suggestive, celle qui titille notre imaginaire malade et nous fait sursauter en pleine nuit, tout suant. Entre 1989 et 1992 mes cauchemars ont changé, passant de la mort en boucle de la fourmi géante, trauma encore innocent, à la micro-érection surdimensionnée du bibendum-nourrisson...




Pour boucler la boucle, lors du troisième film de la saga, Rick Moranis se rétrécit lui-même avec sa femme et un couple d'amis innocents, venus simplement passer un dimanche en leur compagnie, dans une sorte de remake inavoué du premier opus. Réalisé par Dean Cundey, le brillant dirlo photo des plus grands (Carpenter, Spielberg, Zemeckis et, plus récemment, Sandler), Chérie, nous avons été rétrécis fut diffusé directement à la télé en été 1997 histoire de ne pas provoquer la colère tenace des spectateurs et éviter tout échauffourée en salles. Rick Moranis et sa chérie finissent encore une fois dans un bol de cheerios à faire de grands gestes ridicules avec leurs bras, prêts à être gobés tout rond par Mila Kunis, dans un de ses premiers rôles filmés. On a de la peine pour eux et on est bien contents d'apprendre que le quatrième film n'a jamais pu voir le jour, Rick Moranis ayant ce coup-ci rétréci toute l'équipe de tournage... Con de Moranis !


Chérie, j'ai rétréci les gosses de Joe Johnston avec Rick Moranis et Marcia Strassman (1989)
Chérie, j'ai agrandi le bébé de Randal Kleiser avec Rick Moranis, Daniel et Joshua Shalikar (1992)
Chérie, nous avons été rétrécis de Dean Cundey avec Rick Moranis et Mila Kunis (1997)