Affichage des articles dont le libellé est John McTiernan. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est John McTiernan. Afficher tous les articles

10 novembre 2020

Nomads

Un anthropologue français (Pierce Brosnan, 32 ans, la vie devant lui, un accent pas français du tout, une beubar taillée pour pécho tout ce qui a deux guiboles, et des chemises en flanelle de toutes les couleurs), après dix années passées à écumer la planète à la recherche de tribus et autres communautés humaines sortant de l’ordinaire, décide avec sa femme de poser ses valises à Los Angeles, il a accepté un poste à l’UCLA. Concernant leur emménagement, c’est lui qui a choisi leur nouvelle demeure, en solo, sa femme lui accordant une confiance aveugle sur ce coup-là, il ne l’a jamais déçue auparavant, elle est folle de lui, il est beau comme un camion. Et malheureusement pour elle, son mari a le goût du risque puisqu’un meurtre violent a été commis dans cette maison. Brosnan en a été informé, il a hurlé à l’agent immobilier "I TAKE IT, TA GOULE !" après avoir quand même demandé à ce que la moquette imbibée du sang de l’ancien proprio soit changée avant que sa femme ne se pointe.


  

Peu de temps après avoir emménagé, Pommier, c’est son nom, se rend compte que de drôles d’oiseaux rodent autour de sa nouvelle propriété. Il découvre des tags incompréhensibles mais menaçants sur la porte de son garage tandis que les noctambules individus tout de cuir vêtus zonent à proximité. L’anthropologue aventureux prend le pas sur le mari prudent et notre héros part, appareil photo reflex en bandoulière, traquer ces présumés tagueurs partis à bord d’une camionnette. Alors qu’il a dit à sa femme qu’il partait faire un tour, il ne revient que deux jours plus tard. Pris dans sa fascination pour des êtres qui donnent l’impression de commettre le mal par simple jeu, il a perdu la notion du temps et il finit par pouvoir observer de très près ses nouveaux sujets d’étude pour quelques clichés en plan rapproché dans une atmosphère surréaliste et apparemment jouissive pour notre héros médusé.




Pressé de développer ses dizaines de pellicules utilisées pendant ces deux jours de jeu du chat et de la souris, Pommier s’enferme dans sa chambre noire et finit par n’obtenir que des clichés de bitume, mobilier urbain, immeubles typiques de Los Angeles, ruelles sordides ou parcs dans lesquels il ne fait pas bon d’aller se balader en solo la nuit. Pas un seul de ces énergumènes sur ses photos. Invisibles, ils n’ont pas imprimé la pellicule ! Pommier est-il fou, a-t-il halluciné pendant ces deux jours ? Ou bien est-il en présence de ce qu’il redoute ? Des Nomades, encore appelés Innuats, esprits malins qui déambulent dans certaines contrées et croyances de certains peuples ? Impossible en milieu urbain dense et civilisé comme Los Angeles ! Pourtant il faut se rendre à l’évidence, Pommier semble bien avoir affaire à de telles apparitions, se manifestant ici sous la forme de motards tout de cuir vêtus...




Se sentant épié, traqué dans sa propre maison, notre anthropologue réfléchit, boit du vin et part prendre l’air en pleine nuit. Sauf que ses sujets d’étude, qu’il a manifestement approchés d’un peu trop près, ne le lâchent plus ! Cerné, poursuivi, aux abois, il se réfugie dans un vieil immeuble à l’abandon qui est en fait habité par une bonne sœur âgée. Mais est-elle réelle ? Est-il en train de délirer ? Cette courte respiration dans ce film au rythme soutenu est la bienvenue. Autour d’un thé chaï latté, la religieuse lui conseille d’arrêter de faire le malin et de prendre les jambes à son cou face à des forces trop puissantes pour lui malgré sa beaugossitude et sa beubar de dingue. Se réveillant en sursaut dans sa caisse, entouré de ses nouveaux amis qui ne le lâchent plus, il décide de passer à l’action à coup de démonte-pneu sur le leader du groupe. Relaxé par cette explosion de violence, il rentre chez lui, déchire sa chemise, se fout à poil et engage un acte sexuel brutal et passionné avec sa femme qui semble apprécier à sa juste valeur cette manifestation de tendresse. Pas de chance, quand notre héros se réveille au petit matin, délassé par une nuit de sexe torride, le corps de sa victime biker a disparu. Malgré tout, tel François Hollande quand tout s'effondre autour de lui, il considère que "ça va mieux". Partant faire un peu de tourisme avec sa bonne femme, ils décident d’aller voir un magnifique POV (point of view) de Los Angeles au sommet de l’un ses plus hauts buildings. Pas de chance pour lui, il est toujours traqué ! Et alors que l’un de ses harceleurs s’approche et le nargue, ni une ni deux, il le fait passer par dessus la rambarde pour une chute qui rappellera aux vrais amateurs de McTiernan celle de Hans Gruber dans Die Hard. Après avoir mis sa femme à l’abri, Pommier retourne là où tout a commencé, dans sa maison, pour faire ses valises et fuir pour de bon. Sauf qu’il est attendu par des dizaines et des dizaines d’innuats nomads qui lui font sa fête. Suite à un tabassage, plus suggéré que montré, il finira sa misérable vie, délirant, à l’hôpital, terrassé par ce qui ressemble à un AVC fatal...




Toute cette histoire, que je vous ai allègrement spoilée (je vous en ai gâché le plaisir comme on dirait à l’Académie Française), est racontée à travers les souvenirs d’une neurologue qui est la dernière personne à avoir approché notre anthropologue vivant. Au moment de son ultime AVC, Pommier lui souffle une incantation étrange et, comme on le verra par la suite, ses souvenirs, son âme, sa conscience pénétreront au plus profond de la jeune femme. Affublée de ce terrible fardeau, notre neurologue, campée avec courage par Lesley-Anne Down, revit tous les souvenirs et toutes les situations des derniers jours de son patient. Échappant de peu aux bikers-innuats-fantômes avec la femme de Pommier, elles décident de quitter la Californie pour de bon. Quelle ne fut pas leur surprise lorsque, pensant être tirées d’affaire, elles croisent la route de l’un de ces motards qui s’avère être Pommier himself ! Il est devenu l’un d’Eux ! Dans un plan devenu iconique, Pommier enlève ses grosses lunettes de conduite et montre sa tronche enfarinée de motard à qui on ne la fait pas. Sans violence, comme si son ancienne vie influait encore ses actions, il laisse les deux femmes s’échapper au moment de passer la frontière californienne. Le message est clair, la Californie est désormais terra non grata pour ces dames. Un superbe plan réalisé à l’aide d’une superbe grue nous montre le motard faire demi-tour tout en dévoilant le panneau marquant la frontière californienne.




Après avoir vu ce film, un certain Arnold Schwarzenegger a accouru dans le bureau de Joel Silver, il a tapé son gros poing austro-américain sur la table, et a dit avec son inimitable accent "Je veux ce mec pour réaliser Predator, personne d’autre, bite !". Autre anecdote, le rôle de Pommier a d’abord été proposé à Depardieu, Gérard Depardieu ! Mais cet homme non visionnaire a évidemment refusé, passant à côté de l'opportunité de devenir une star aux USA malgré le statut de petit film de Nomads. Dommage pour lui ! De mon côté, je peux désormais affirmer sans mentir avoir bel et bien vu tous les films de John McTiernan. Tous. Je crois...


Nomads de John McTiernan avec Pierce Brosnan, Adam Ant et Lesley-Anne Down (1986)

10 février 2019

Looker

Albert Finney est un chirurgien esthétique d'exception, sans doute le meilleur de sa profession. Très demandé, il doit réaliser les exigences saugrenues de mannequins déjà très belles mais désireuses d'approcher encore davantage de la perfection, celle dictée par une obscure agence de publicité qui s'appuie sur des critères très précis, établis au millimètres près ! Après avoir réalisé son travail, Albert Finney apprend la mort de quatre de ses patientes... Soupçonné par la police, il entame lui-même une enquête pour comprendre ce qui pousse les modèles au suicide et il décide de prendre sous son aile l'une des jeunes femmes. Au cours de ses investigations, Albert Finney va lever le voile sur une société de productions publicitaires qui, s'appuyant sur des expériences scientifiques poussées, souhaite utiliser une forme d'hypnose dans ses spots pour atteindre immanquablement ses cibles et mieux vendre ses produits, et, pourquoi pas, manipuler les masses...  





Sorti en 1981, Looker est un "techno-thriller" signé Michael Crichton, spécialiste du genre. Il aborde des thèmes intéressants, toujours valables, et son scénario surprend même encore aujourd'hui, à l'heure où les publicités peuvent, à grand renfort de récupération massive de données, être si personnalisées et que nous pouvons désormais analyser très précisément les impacts sur les consommateurs potentiels des images et sons qui leurs sont diffusés. La même histoire, entre les mains d'un cinéaste plus doué, aurait ainsi pu donner un excellent thriller mâtiné de science fiction, soulevant avec acuité des questions plus que jamais d'actualité. Il s'agit là d'un talent que l'on ne peut guère enlever à Michael Crichton, assez habile pour mettre le doigt, très tôt, sur des grandes problématiques posées par le progrès technologique et les placer au service de récits de science fiction prometteurs. Looker nous rappelle hélas que si l'écrivain est une redoutable boîte à idées, une poule pondeuse de pitchs de SF alléchants, il est aussi un bien piètre cinéaste, trop limité, voire arrogant, il suffit de se rappeler le rôle qu'il a joué dans le désastre du Treizième Guerrier de John McTiernan.





Un peu moins haletant que Morts Suspectes ou Mondwest, Looker ne réussit pas à développer cette atmosphère paranoïaque qui aurait été plus que la bienvenue. Il ne parvient pas non plus à faire naître un suspense efficace et donne même à voir quelques scènes très pauvres, plates, où rien ne se passe alors que l'enjeu y est pourtant important. Soyons honnête et relevons tout de même une ou deux bonnes séquences, à l'impact visuel réel : je fais ici surtout allusion à l'analyse du mannequin incarné par la blonde Susan Dey, dont le corps est littéralement passé au crible, sous différentes lumières, pour, à l'image, des effets simples mais franchement réussis. Malheureusement le film ne maintient jamais ce pouvoir de fascination. Le final apparaît même assez mollasson, les quelques idées de mise en scène (Albert Finney et James Coburn se retrouvant parachutés dans des décors différents lors de l'affrontement final dans les studios de la société de production) ne sont jamais vraiment bien exploitées. Au bout du compte, bien que le film de Michael Crichton suscite clairement une certaine sympathie grâce à son côté visionnaire, son pitch malin, son casting solide (impeccable Albert Finney) et une ou deux scènes bien emballées, il laisse surtout un goût de regret et ne parvient pas, loin de là, à se hisser au niveau des vraies réussites du cinéma de SF des années 80. C'est dommage : entre les mains d'un vrai cinéaste, ce film aurait certainement fait date. Il suffit d'imaginer un Jurassic Park réalisé par Crichton pour se dire que donner une caméra à ce type n'était pas l'idée du siècle.


Looker de Michael Crichton avec Albert Finney, Susan Dey et James Coburn (1981)

9 février 2019

The Predator

Le nouveau Predator fait partie de ces catastrophes industrielles qui laissent songeur quant au fonctionnement des studios hollywoodiens. Comment un tel scénario peut-il avoir le feu vert ? Comment peut-on tourner ça ? C'est la grande question. Devant un film si bancal et raté, on se dit qu'il a forcément dû y avoir de gros soucis dans le développement du projet, que le réalisateur n'a pas pu faire ce qu'il voulait, qu'on lui a mis des bâtons dans les roues, qu'il y a eu un couac quelque part. Ceci expliquerait cela. De rapides recherches sur internet m'informent que seule la fin a dû être reprise suite à des projections tests désastreuses. Ça me paraît bien maigre étant donné que le film part en vrille dès les premières minutes, et je n'ai pas le courage de fouiller davantage pour comprendre un tel fiasco...




Shane Black a sans doute été jugé plus légitime qu'un autre pour réaliser un nouvel épisode à la franchise sous prétexte qu'il a joué dans le premier film de John McTiernan. Un calcul malin des exécutifs pour rassurer la fanbase. On connaît la volonté affirmée du réalisateur et scénariste de renouer avec un certain cinéma d'action des années 80-90 dont il a lui-même participé à la renommée en signant les scénarios de L'Arme Fatale ou du Dernier samaritain. Des films qui mêlaient avec plus ou moins de bonheur l'action à l'humour et qui sont effectivement sans équivalent aujourd'hui malgré les tentatives répétées de s'en approcher (on pense par exemple au pénible The Hitman's Bodyguard). Avec The Nice Guys, sorti il y a trois ans, Shane Black a lui-même tenté de nous livrer un buddy movie comme au bon vieux temps, en s'appuyant sur un duo d'acteurs a priori prometteur, Ryan Gosling et Russell Crowe, appelés à collaborer pour une enquête dans le Los Angeles de la fin des seventies. Le résultat à l'écran était hélas assez décevant, flingué par une histoire des plus laborieuses dont on se foutait éperdument, coincé dans un fétichisme lourdingue et une nostalgie épuisante pour les années 70 et, surtout, obnubilé à l'idée d'être "cool" et "culte" à tout prix. Malgré cela, cet essai non transformé appelait tout de même à une certaine bienveillance grâce à deux ou trois scènes plutôt marrantes qui nous faisaient relever les yeux de temps à autre et entrevoir à peine le film que cela aurait pu être.




Impossible de faire preuve de la même mansuétude ce coup-ci. Shane Black, ce grand nostalgique devant l'éternel des films d'actions US de la belle époque ne parvient qu'à nous rendre encore plus nostalgique nous aussi. En nous proposant un si piteux spectacle, il réussit à anéantir pour de bon toute espèce de petite sympathie que l'on pouvait encore avoir pour lui. Ce nouveau Predator est une merde infâme, bien pire que ce que l'on pouvait craindre à l'annonce du projet, à la lecture du pitch ou à la vue de la bande-annonce. Ce déchet à 150 millions de dollars de budget n'a même pas le petit côté vaguement sympathique d'un truc certes raté mais qui, au fond, est empli de bonnes intentions.




On pouvait au moins espérer un divertissement débile, on a là quelque chose de si mal écrit et mal réalisé que cela en devient presque difficile à suivre. L'action est incompréhensible et illisible. John McTiernan pleurerait à chaudes larmes en regardant la sale tronche du dernier rejeton qu'a généré son film. Le predator en prend un sérieux coup dans l'aile, sa pauvre mythologie n'en sort guère enrichie, bien au contraire. On découvre que la race des predators convoite notre planète et s'intéresse de plus en plus aux humains, considérés comme une espèce en voie d'extinction (contrairement à Trump, le film prend en compte le réchauffement climatique, les predators aussi), faisant donc de nous des trophées de chasse convoités. Il existe des predators plus costauds, hauts de trois mètres, et l'un d'eux est envoyé sur terre accompagné d'une paire de chien-predators hideux pour pourchasser un predator plus rachitique qui fout le bazar et a laissé ses armes hi-tech à droite à gauche. Un convoi de soldats débiles se retrouve au milieu de ce vaste bordel et va essayer de survivre, rapidement rejoint par une scientifique spécialiste de l'évolution. Il serait inhumain de ma part de vous infliger un résumé plus précis des événements.




Shane Black est tellement aux abois qu'il en vient à inventer un personnage atteint du syndrome de la Tourette pour justifier le langage très fleuri qu'il affectionne tant. Faut-il être tombé bien bas pour faire appel à un tel subterfuge qui, en plus, ne donne rien d'amusant... Son blockbuster sans queue ni tête ne trouve même pas son salut dans son manque de sérieux et son humour assumés. Les quelques vannes minables à base de "Quelle est la différence entre ta mère et un poisson-chat ?" finissent vite par lasser. Malgré la présence au casting d'un gars comme Keegan-Michael Key, que l'on sait capable d'être drôle et d'un bel abattage, les dialogues entre ces soldats déglingués sont juste pathétiques. Comme dans tout reboot/remake/sequel actuel, nous avons aussi droit à des clins d’œil miteux aux autres films de la saga, comme lorsque la scientifique dit du predator en le découvrant sur le billard, "you're one ugly motherfucker". Brillant...




Le comble de l'horreur n'est guère atteint par le predator XXL et les boucheries en CGI qu'il provoque mais par un gamin autiste campé par l'affreux Jacob Tremblay, une tête à claques insupportable supposée incarner le futur de l'humanité. Comment réagirions-nous, en tant que parent, si notre gosse venait par malheur à ressembler à cette chose ? Comment peut-on éprouver le moindre amour pour une tronche de cake pareille ? On a juste envie de l'éclater... Je préfère m'arrêter là pour ne pas retomber dans mes travers. Trop tard.


The Predator de Shane Black avec Olivia Munn, Boyd Holbrook et Trevante Rhodes (2018)

3 février 2015

Salem's Lot

Mini-série signée Tobe Hooper et adaptée d'un roman de Stephen King, Salem's Lot a ensuite été regroupée en un film de 3h07 qui, malgré sa longueur, passe comme une lettre à la poste, grâce entre autres à un charme discret mais constant et à un rythme accueillant. On entre dans cette histoire du King et on s’y plaît. Tout repose sur l’ambiance de cette petite ville de Salem que nous visitons en même temps que Ben Mears (David Soul), de retour au bercail après une longue absence. On voyage lentement entre les habitants de la bourgade : ce couple au bord de la rupture, madame trompant son mari bedonnant avec le patron de l'agence immobilière où elle travaille ; ce flic à la petite semaine qui bouffe des sandwichs et des donuts entre deux interrogatoires (et rappelle les enquêteurs bonhommes de Twin Peaks - et autant dire, quitte à être seul sur ce coup, que je me sens mieux devant la petite série de Tobe Hooper que devant celle, cultissime, de David Iench) ; cet enfant passionné par le paranormal ; ou encore ce vieil homme étrange qui vit dans la maison hantée du coin (celle qui terrifie notre héros depuis toujours, au point qu'il semble être revenu sur les lieux uniquement pour en finir avec elle), et qui ne cesse d'annoncer la venue d'un estimé collègue, attendu de pied ferme pour ouvrir avec lui son petit magasin d'antiquaire et, on s'en doute déjà, bien plus que ça.




Salem's Lot est un film télé de vampires assez simple en soi, et peu prodigue en véritables coups de théâtre, mais qui pourtant ne cesse d’étonner, à sa modeste mais bien efficace façon. Et notamment par son art de réinventer les vampires. Ils contaminent les innocents du village la nuit, en venant se présenter à leur fenêtre, flottant lentement dans les airs, sans précipitation aucune, et attirant leurs proies par un regard lumineux envoûtant avant de venir, presque délicatement, les prendre au cou. Cette belle idée de croiser, si l’on peut dire, et notamment dans la première partie du film, un récit de vampires avec l’univers des contes (on ne peut s'empêcher de penser à Peter Pan), éloigne le film des codes du genre, à tel point, Tober Hooper tardant à filmer une morsure proprement dite, que l’on met un certain temps, après avoir déjà vu des disparus venir se présenter à la fenêtre de leurs proches, à se rappeler du titre français du film, Les Vampires de Salem, et de la véritable nature de ceux que l'on avait fini par prendre pour de simples fantômes surgis d'entre les morts pour hanter, sans velléité maléfique, les nuits des vivants.




Certains effets spéciaux sont évidemment un peu grossiers, mais comme dans certains des plus beaux films gothiques de Roger Corman, la délicatesse de la réalisation et la sincérité que l’on sent derrière tout cela évitent, ou devraient logiquement éviter, les rires du spectateur. Les quelques apparitions de vampires un rien grotesques (façon marionnette surgissant d'une boîte à chapeau) sont en outre contrebalancées par toutes celles qui fonctionnent à merveille. Par exemple celle du jeune enfant, première victime du « maître vampire » (un Nosferatu pur jus, à la peau bleue de toute beauté), qui vient faire crisser ses ongles contre les carreaux de la fenêtre de son grand frère. Ce dernier est d'ailleurs au cœur d'une belle scène lui aussi quand, contaminé à son tour puis retrouvé mort, un des villageois l'exhume et le découvre, allongé dans sa tombe, inanimé certes, mais les yeux jaunes grands ouverts. Sans oublier, toujours du côté des personnages diaboliques, l'antiquaire du coin, le sublime James Mason, avec sa voix aussi élégante que traînante et son bel accent aristocratique, qui livre là une prestation à sa mesure, en serviteur raffiné du mal.




Les autres acteurs s’en tirent plutôt bien aussi. C'est vrai de tous ces seconds rôles que l’on aime toujours recroiser (Elisha Cook Jr. en tête, dans le rôle d'un poivrot, ou Fred Willard, le patron de Ron Burgundy dans Anchorman, idéal en petit directeur d'agence immobilière). C'est vrai aussi de David Soul, dans le premier rôle (qui jouera, presque dix ans plus tard, dans une autre mini-série particulièrement chère à mon cœur et elle aussi dotée d'un casting quatre étoiles : Le Secret du Sahara). Sans oublier Bonnie Bedelia, l’éternelle ex-femme de John McLane dans Die Hard. A force d’incarner madame tout-le-monde aux côtés de Bruce Willis dans la saga initiée par McTiernan en 88, magnifiée par lui en 95, et depuis complètement tombée en ruines, elle finissait par ressembler à madame dégun. Elle est ici ô combien plus ravissante, certes avec dix ans de moins, et plus captivante, à l’image de cette mini-série horrifique dont elle est la touche féminine non-négligeable.




Film-fleuve, Salem's Lot se laisse apprécier en toute simplicité et réserve son lot de scènes mémorables, via de bien petites choses a priori : une simple caisse en bois, étrangement glaciale, transportée dans un camion ; une conversation entre un vieux prof et son ancien élève autour d’une table de restaurant recouverte d’une de ces nappes à carreaux rouges et blancs dont les américains ont le secret ; ou encore un type, laissé raide mort sur son lit dans la scène précédente, retrouvé assis dans une chaise la scène suivante, les mains sur les accoudoirs, immobile, le regard fixe et terrifiant. Autant de beaux moments qui font le sel de cette plongée de trois heures dans un huis-clos aux mesures d'un village condamné, Salem, qui n'est plus le berceau des sorcières (ni de la "chasse aux sorcières" des années MacCarthy, comme dans la sublime pièce d'Arthur Miller, The Crucible), mais bien celui de vampires shakespeariens, obstinés à venir charmer et posséder leurs proies en flottant, faussement innocents, à leur balcon.


Salem's Lot de Tobe Hooper avec David Soul, Bonnie Bedelia, James Mason, Fred Willard, Elisha Cook Jr., Lance Kerwin, Lew Ayres, Julie Cobb, George Dzundza, Ed Flanders, Geoffrey Lewis et Kenneth McMillan (1979)

18 avril 2014

Speed

Speed, de Jan de Bont, a longtemps été notre film préféré. En 1994 c'est le film qu'on a vu au ciné. Mais qui est Jan de Bont ? Il fut directeur de la photographie de John McTiernan à son zénith, chef opérateur des premiers films néerlandais de Paul Verhoeven, caméraman de Joel Schumacher pour sa période "unplugged", responsable des prises de vues chez Ridley Scott le temps d'une collaboration sans lendemain mais marquante pour l'histoire de la science-fiction, cadreur de Richard Donner pour le plus explosif et le plus controversé des Armes Fatales, et chef électricien chez lui dans sa période un peu creuse. Quand, à l'automne 93, on lui permet de mettre un film en images sans supérieur hiérarchique, son choix se porte naturellement sur le genre qu'il connait le mieux, le film d'action, et faute de pouvoir tourner un Die Hard, il en tourne un quand même, avec Keanu Reeves dans le rôle de Bruce Willis. C'est d'ailleurs Will Smith qui devait tenir l'affiche au départ, mais au dernier moment l'acteur préféra être Prince de Bel-Air pour l'ultime saison de la série, celle de la mort de Tonton Scefo. L'histoire se répétera encore plus cruellement pour Will Smith, puisqu'il refusera ensuite le rôle de Néo ET celui de Moebius (l'élu et le prophète devaient initialement être joués par le même bonhomme) dans Matrix, au profit, une fois de plus, de Keanu Reeves.




Mid 90s, il fallait en avoir de grosses pour miser sur le seul acteur asiat' de la période. Keanu Reeves est le fruit d'un métissage impliquant les cinq continents. Ca peut aussi donner Booder, le comique troupier français à tronche de pachiderme malingre, mais pour le coup ça a donné Keanu Reeves. Avec la jolie Sandra Bullock, notre eurasien formait un duo sexy qui n'a pas qu'à moitié contribué à propulser le film au rang des succès surprises passés à la postérité. Speed est si célèbre qu'il a eu droit à ses petites questions au Trivial Pursuit mouture septembre 1995 : "Sous combien de miles à l'heure le bus de Speed ne doit-il pas rouler sous peine d'imploser ?", ou encore "Combien de fois Sandra Bullock a-t-elle raté son permis de conduire ?". Pour le jeune d'aujourd'hui ça doit paraître dingue d'imaginer que Sandra Bullock a pu rendre des gens incandescents grâce à son rôle dans ce film, mais c'est aussi l'alchimie d'un look dans l'air du temps, avec ce gilet bon marché et trop lâche qu'elle porte nonchalamment, ce jean bleu usé et ces godios de chantier, tous ces trucs pas faits pour être portés et pourtant si bien achalandés sur un corps 100% naturel et ne dévoilant rien de ses atouts pourtant apparents et bien connus depuis la fameuse scène de Traque sur internet où Bullock découvrait les joies d'une batterie longue autonomie sur une chaise longue tandis que certains d'entre nous découvraient les joies d'une jolie gaule impréparée. Keanu Reeves ne s'y était pas trompé qui passe tout le film une main sur le dossier du fauteuil, l'autre sur le tableau de bord, le périscope sur le volant pour aider Bullock à conduire et les yeux emmitouflés dans le décollebac de l'actrice.




L'actrice passe tout le film aux premières loges des aisselles trempées du bellâtre natif de Rangoon, seul rescapé du fameux séisme de Taipei. Cette position virile, un bras tendu au-dessus de la tête de la demoiselle, est quitte ou double, c'est le test ultime pour voir si on a une chance, ça passe ou ça casse. Quand c'est Jan de Bont qui, tout sourire, donnait ses instructions scéniques à son actrice ("N'oublie pas que t'as une bombe sous le cul ! Et n'oublie pas que j'en ai une dans le slip !"), remplaçant temporairement Keanu Reeves, sa star aux yeux d'oriental, Sandra Bullock avait envie de "mourir sur place", c'est en tout cas ce qu'elle déclare dans le commentaire audio qui accompagne le dvd japonais du film. Au Japon, Speed a une horde de fans hardcore qui se déguisent régulièrement en bus et qui attendent encore Speed 2, après ce qu'ils ont à juste titre considéré comme le poisson d'avril le plus coûteux de l'histoire du cinéma. Quand ils ont découvert la suite tant attendue de leur film favori, réalisée par le même Jan de Bont, les japonais ont menacé de déclarer une nouvelle fois la guerre aux USA et d'aller une fois de plus chier tout leur saoul sur le paillasson de Pearl Harbor, puis ils ont appris que De Bont était hollandais...

Retour sur Speed, qui fait partie de ces films où il était plus que primordial de réussir le casting du méchant. Jan de Bont, grand fan devant l'éternel de The Last Movie, le deuxième long métrage de Dennis Hopper, tourné en état de grâce et monté en mode schizo entre deux gang bang enfumés, a tôt fait de contacter le génie à l'origine d'Easy Rider, lequel, dirigé par le hollandais volant, en fait des caisses à l'image ! Dirigé, dirigé... C'est vite dit. Parce que Dennis Hopper faisait ce qu'il voulait sur un plateau, c'était le diable de tasmanie dans un studio comme dans la vie. Quand on demandait à Hopper ce qui l'avait poussé à accepter ce rôle, il frottait son pouce contre son index et se passait les deux doigts sous le nez, signifiant sans doute par là qu'il voulait "sentir le fric" ou quelque chose comme ça. Il confiait aussi, quand il voyait dans le regard de ses interviewers que ce geste ne suffisait pas et qu'il était en outre difficilement restituable sur papier, qu'il adorait la musique du film, composée par Mark Mancina, et on le comprend.




Ce film c'est aussi la mort la plus tragique de l'histoire du cinéma, celle du personnage de Jeff Daniels, l'associé du flic joué par Keanu Reeves, qui passe tout le film au téléphone, à se montrer poli, serviable, aimable, disponible, à l'écoute, attentif, aidant et altruiste, condamné à la vie de bureau, et qui, la première fois qu'il sort de chez lui, se fait exploser la tronche par le sociopathe Dennis Hopper. Faut dire que notre spécialiste des explosifs et des mines anti-personnelles se rend dans le domicile fixe d'un maniaque de la nitroglycérine qui a logiquement prévu qu'on allait s'intéresser à sa piaule, et il s'y rend la fleur au fusil, le gilet pare-balle sous un bras et le casque sous l'autre. Il n'a que le temps de tirer une tronche de six pieds de long quand il entend un vulgaire "bip, bip, bip" annonçant un grand "boom" final. La bêtise de cette mort la rend d'autant plus cruelle et déchirante. Et puis c'est Jeff Daniels qui saute sous nos yeux. La tronche du bon pote par excellence. La gueule du plombier qu'on invite à boire le café, qui reste à bouffer pour le repas du soir et qu'on retrouve le lendemain matin, sans pouvoir s'empêcher de sourire de joie, affalé sur notre canapé avec un exemplaire signé du bail de l'appart sous le coude. Rappelons aussi (remettons-nous dans le contexte) que c'était l'année Jeff Daniels. En 1994, l'acteur a "JUSTE" joué dans Dumb & Dumber et dans Speed, soit les deux plus grands films de tous les temps. Dans les deux films il s'appelle "Harry" et affiche le même sourire aussi zarb qu'irrésistible.




Pour finir sur une petite anecdote méconnue, savez-vous qu'il existe officieusement deux versions du final de Speed ? Dans la version grand public (hélas), celle que M6 devrait rediffuser chaque semaine, celle que CinéCinémaClassic devrait disséquer à la lanterne des lumières d'Eddy Mitchell, on se souvient que Keanu Reeves et Sandra Bullock, après avoir décapité Dennis Hopper sur le toit d'une rame de métro, sont propulsés au sein de cette même rame en plein milieu d'une rue new-yorkaise. Petit suspense de mes deux avant que des passants ne s'émerveillent de découvrir un couple d'amoureux partageant un baiser qui n'a rien de cinéma tant il n'a rien de simulé. Dans l'autre version, celle que seul Jan de Bont a conservée dans un moulin en Hollande, les mêmes passants s'émerveillent tout autant de découvrir la simplicité de la nature, à savoir le même couple d'amoureux en train de terminer un acte sexuel sans complexe, bref mais intense pour les deux partis en présence, et qui se conclut par une soudaine accélération des mouvements de bassin frénétiques de Keanu Reeves. Quand on l'interroge sur cet over happy end, De Bont explique qu'il rêvait que les bruits de tapotement des testicules rasés net et bien dessinés de son acteur amérindien sur les cuisses glabres et cuivrées de Sandra Bullock s'accordent parfaitement aux applaudissements de la foule de spectateurs en délire amassés autour de la scène, et les encourage même. Une pure idée de cinéma en somme, née dans l'esprit fertile et forcément européen d'un Jan de Bont en pleine épiphanie personnelle.


Speed de Jan de Bont avec Keanu Reeves, Sandra Bullock, Jeff Daniels et Dennis Hopper (1994)

25 février 2014

Le 13ème Guerrier

"2m06 d'emmerdes". On ne vous parle pas de la fameuse remarque dyslexique de Seguei Bubka devant la barre positionnée à 6m02 avant son saut légendaire du 23 juin 1987 à Prague. On vous parle de la façon qu'avait John McTiernan de désigner Michael Crichton sur le tournage du film considéré comme son chant du cygne, Le 13ème Guerrier. Il faut dire que l'écrivain l'avait bien cherché, en terrorisant quotidiennement le cast & crew du film. Avec comme matériau de base son livre en bois et un apport non négligeable de dollars sur ses deniers personnels, Michael Crichton s'est cru permis de faire la pluie et le beau temps sur le plateau et d'imposer ses idées rétrogrades à McT. Crichton est même crédité comme réalisateur fantôme, du fait de nombreux reshoots réalisés dans le dos du cinéaste. Après près d'une décennie d'emmerdes artistiques, familiales et judiciaires, McT sort aujourd'hui de taule et revient directement aux affaires pour réaliser Red Squad. Derrière les barreaux, il décorait parait-il sa cellule comme celle de Ray Finkle dans Ace Ventura, "Eat dead shit Michael !" remplaçant "Laces out !". Le 4 novembre 2008, McT aurait repris deux fois des moules.




Je fais partie de ceux qui soutiennent ardemment la thèse selon laquelle Le 13ème Guerrier aurait été un film fabuleux, l'un des hits des années 90, un film dont tout le monde reparlerait encore aujourd'hui avec des étoiles dans les yeux, si et seulement si McTiernan avait eu les mains libres et les pleins pouvoirs ! On peut déjà voir, dans le film tel qu'on le connaît, des éclairs de génie, notamment lors des chevauchées nocturnes des wendols faites de son et lumière, de nuit et brouillard. Ces passages-là me procurent systématiquement des frissons (bien que je n'aie vu le film qu'une fois), avant de me plonger dans un océan d'amertume et de regrets. Le 13ème Guerrier avait tout pour être le film de vikings tant attendu et définitif. Je m'arrête là, car j'ai déjà épuisé tous mes arguments. Mais croyez-moi, je suis convaincu.


Le 13ème Guerrier de John McTiernan avec Antonio Banderas, Omar Sharif, Vladimir Kulich et Dennis Storhøi (1999)

10 juin 2013

Die Hard 5 : belle journée pour mourir

On va faire notre auto-critique sur ce coup-là. On a tout passé à Bruce Willis. Pourquoi ? A cause de sa bonne gueule et de ses heures de gloire de jadis. En gros à cause de la première trilogie Die Hard, du Dernier samaritain, de Hudson Hawk, de L'Armée des douze singes, de Pulp Fiction, Sixième sens et Incassable. En vérité on avait surtout de l'affection pour cet acteur, qui a été le héros de quelques gros films ayant accompagné nos adolescences en mal de plaisirs. Depuis, à chaque catastrophe cinématographique, on le dédouane. On l'absout. On s'en prend à tout le monde sauf à lui et on regrette seulement que son nom sanctifié soit associé à de telles saloperies, comme s'il était victime de notre triste époque. Quand on a parlé de Die Hard 4, on s'en est pris à Justin Long et bien entendu à Len Wiseman. Quand on a brocardé l'arnarque Looper, on a tapé sur Nolan et ses avortons, sur Gordon Levrette et Emily Blunt, mais pas un mot plus haut que l'autre sur Bruce Willis, qu'on excusait à demi-mot de figurer dans une énième merde. Mais Bruce Willis ne fait-il pas partie intégrante de son époque ? Ne contribue-t-il pas à sa médiocrité ? N'est-il pas le pylône soutenant la nouvelle trilogie Die Hard, son producteur exécutif et certainement son consultant de la première heure ? N'a-t-il pas les coudées franches sur la réalisation de ces projets, autant qu'un Tom Cruise sur la franchise Mission Impossible ? Notre petit doigt nous dit qu'il est pour beaucoup dans le naufrage du film d'action contemporain et notamment de notre cher John McClane...


Bruce Willis est sans aucun doute coupable de ce film autant que les autres mais il garde quand même ce vieux fond de classe dont l'énorme tête de nœud à côté de lui ne bénéficiera jamais.

Comme dans Indiana Jones 4, quand l'acteur devient trop vieux et qu'on espère réaliser une enfilade de gros films d'action hyper rentables, on fait débarquer le fils du héros histoire d'assurer le passage en douceur vers une renaissance de la saga sous les traits d'un personnage plus sexy et à la légitimité toute fabriquée. Mais si ce n'était que ça, que la présence d'un fils prodigue débile avec une grosse tête ronde d'abruti fini. Le pire c'est que derrière la caméra se tient un énième guignol du même acabit point de vue intellect, qui se dit fan de la première trilogie et qui croit que ça suffit pour la massacrer dans une suite ignoble. Avait-on seulement demandé à Renny Harlin de regarder un seul film américain avant de mettre sa patte viking au service d'une suite au scénario solide, 58 Minutes pour Vivre, film qu'on ne revoit plus aujourd'hui mais qui n'a rien de honteux et qui a eu le mérite inouï d'amener le terrible troisième épisode signé McT. Pour signer le cinquième film, Bruce Willis et ses sbires ont fait appel à John Moore, auteur de Max Payne, fameux jeu vidéo mais film atroce à l'esthétique digne des pires séries TV sur lesquelles on zappe en quatrième vitesse tout en détournant le regard.


Tous ceux qui ont croisé par mégarde la bande-annonce de cet immondice hollywoodien ont aussi croisé cette scène racoleuse, qui n'apparaît pas dans le film.

Le scénario de ce nouvel opus est misérable. Quelques allusions inévitables à l'âge avancé de Bruce Willis (qui joue comme un vrai connard là-dedans), des personnages secondaires qui se secouent sur le talent de tireur toujours intact de ce "vieux McClane, toujours au top", bien sûr impeccable lors d'une session de tirs au début du film où il dégomme tous les stands avec le sourire, des vannes morbides quand il y en a (ces petites répliques bien placées et qui nous foutent les larmes aux yeux, en particulier quand McClane passe le film à répéter qu'il est censé être en vacances et que ça ne l'étonne qu'à moitié d'encore les passer à faire sauter tout ce qui bronche), des scènes d'action nulles à souhait, auxquelles on ne comprend rien, qui sont toutes horriblement filmées et où tout est sujet à explosion, comme pour combler les désirs d'un enfant de quatre ans qui voulait faire du ciné pour casser ses jouets, bref, ce film est honteux, navrant, y'a pas de mot. On mate ça et on se cache pour oublier, on n'en parle à personne, on se tait après. 


Bruce Willis vient d'être décoré de l'insigne de commandeur dans l'ordre des Arts et des Lettres. Il était "ému aux larmes" selon les journaux. Nous aussi on a chialé.

Certains fans de la série disent que pour faire un bon Die Hard il faut un McTiernan et au moins un frère Grüber. Jugement bien pessimiste. On aimerait que ce soit possible autrement et que Bruce Willis ait un jour l'intelligence de faire appel à de bons scénaristes (deux ou trois maximum, pas toute une armée de trépanés se refilant la patate chaude pour accoucher d'un vaste gag à tiroirs involontaire) et surtout à un réalisateur qui aurait un minimum de talent et de quotient intellectuel. Même si ça marche rarement, les impératifs des studios imposant leur loi, Tom Cruise essaie d'embaucher des cinéastes potentiellement capables de renouveler sa saga chérie, Stallone lui-même a déniché le réalisateur de Red Hill pour Expendables 3, idem pour Schwarzy qui est allé tourner avec le réalisateur coréen de J'ai rencontré le diable. Dans tous les cas ça n'a pas donné grand chose mais c'était bien tenté. Bruce Willis, dont on se demande même s'il voit seulement la différence entre la première trilogie et celle qu'il est en train de faire capoter dans les grandes largeurs, a quant à lui logiquement choisi le réalisateur de Max Payne, John Moore. Arrête-toi ! 


Die Hard 5 : belle journée pour clamser de John Moore avec Bruce Willis (2013)

4 avril 2013

Predator

John McTiernan part en cabane aujourd'hui et c'est l'occasion pour nous de vous parler du chemin parcouru pour arriver à collaborer au quotidien. On vous a dit qu'on s'était bastonné sur le terme "film d'horreur" à l'occasion de la rédaction de notre dossier consacré au genre, mais sachez qu'il y a une baston à l'origine de la plupart de nos papiers et qu'il y en a une grosse à la base même de la création de ce blog. Un après-midi de chien lambda de novembre 2005, vos deux serviteurs participaient par écrans interposés à un jeu en ligne consistant à se faire deviner des films par de simples images. Quand l'un d'entre nous a posté un photogramme délicieusement choisi de Predator, on en est rapidement venu à se prendre la tronche sur ce film sur un forum communautaire duquel nous avons ensuite été bannis. N'ayant plus d'espace de conversation pour poursuivre notre échauffourée après ce coup de pied au cul virtuel irrémédiable, nous nous sommes "ajoutés" sur MSN pour continuer à s'insulter gaiement. L'un soutenait mordicus que Predator était un chef d'oeuvre du genre, l'autre le considérait comme un film d'action assez bas du front. C'était le début d'une grande amitié... Trois ans plus tard, en 2008, après déjà deux ans de colocation, on créait ce blog. C'est en somme grâce au film de John McT - que nous n'avons pas revu depuis mais que l'un d'entre nous a tout de même acheté en dvd - que nous sommes là. Grâce à Monsieur John McTiernan.




Predator de John McTiernan avec Arnold Schwarzenegger (1987)

11 décembre 2012

Le Seigneur des anneaux : Les Deux tours

Le deuxième épisode de la trilogie de l'anneau a déçu quantité de fans pour la seule et unique raison qu'il n'a ni début ni fin. En effet, véritable épisode de transition, le film démarre sur des chapeaux de roue pile poil là où La Communauté de l'anneau se terminait, et se finit en queue de poisson exactement là où commencera le troisième film, sur une scène où des arbres se bastonnent avec un immeuble. Les défenseurs du film en revanche ont mis en avant son sous-texte politique, le titre imaginé par le précog Tolkien en 1954 faisant directement référence à l'attentat du World Trade Center survenu en 2001, année de sortie du premier épisode. C'est dans ce film que Gandalf fait une lessive et porte des fringues blanches après s'être trimbalé en guenilles grises pour obtenir la promotion canapé de sa vie. C'est là aussi que Gimli se découvre des affinités avec Legola, le nain et l'elfe faisant du skate en plein milieu d'une bataille cruciale pour l'avenir de leur monde, la bataille du goof de Helm. C'est ici que les hobbits apprennent à aimer Gollum, soit Marion Cotillard dans son meilleur rôle à ce jour, et que nous apprenons quant à nous à le (la) détester violemment. C'est encore là que Brad Dourif a mis un terme public à sa carrière dans le rôle insupportable de "Langue de pute", un odieux personnage aux sourcils rasés à la serpe. Mais surtout, la première demi heure du film est entièrement consacrée à une randonnée avec sac-à-dos quetchua à la clé pour tous les membres de la communauté, rando durant laquelle Legola affirme : "Une aube rouge se lève, beaucoup de sang a été versé dans la nuit", dévoilant là à des compagnons de marche qui n'en désiraient pas tant qu'il vient d'avoir ses premières ragnagnas.


Gollum est le personnage central de cet opus, cherchant à récupérer à tout prix l'Anneau, dont il se sert comme "sphincter magique" lui permettant de palier son incontinence fécale qui l'avait forcé à vivre reclus dans les montagnes.

Dans ce deuxième épisode, Peter Jackson confirmait aussi qu'il allait bel et bien apparaître dans chaque film, comme Hitchcock himself. Rappelons que dans le premier opus, Peter Jackson incarne un Uruk-hai, ces énormes créatures sorties de la boue et puant la merde, sans aucun maquillage. Dans le deuxième, il galope sur ses quatre pattes velues parmi les Ouargues, ces espèces de fauves effrayants qui s'en prennent aux chevaux et aux cheveux des cavaliers du Rohan, toujours without make-up. Dans Le Retour du Roi, c'est l'un des mammouths énormes, les Thimothy Oliphants, le troisième en partant de la droite lors de la bataille décisive des champs du Pelennor. Mais le vrai rôle joué par Peter Jackson avec cette trilogie est celui du Santa Claude puisqu'on a tous eu droit aux dvds des films de la trilogie pour Noël en 2002, 2003 et 2004, dvds ramenés au Gibert Occasion dès le 26 décembre pour s'acheter à manger.


Les trois caméos légendaires de Peter Jackson dans chaque épisode de sa trilogie.

Le point d'orgue des Deux Tours, c'est la bataille du Gouffre de Helm, tellement point d'orgue qu'elle dure 1h30 et se voit entrecoupée par des séquences interminables où un arbre discute philo, débat de Rousseau et praxise à mort face à deux hobbits assis en cercle qui se revendiquent plutôt de Voltaire. La bataille du Gouffre de Helm se déroule de nuit, dans le noir complet, sous la pluie, comme dans le bouquin sauf qu'à l'image on ne voit rien et que l'action est aussi illisible que dans les scènes de combat de la trilogie Batman de Nolan, et c'est pas un compliment. N'est pas McT qui veut... Un chien de berger bourré et myope aurait mieux réalisé cette séquence. D'ailleurs, anecdote vraie de vraie, Peter Jackson a avoué qu'il soufflait un vent terrible sur le Rohan à ce moment-là du tournage et que ses lunettes ont foutu le camp, d'où peut-être le flou terrible de l'image. Plus terrible encore, l'affiche du film, un de ces rejetons des posters de Star Wars où s’agglutinent toutes les tronches des acteurs en présence. Mais ce que nous reprochons personnellement à ce film, c'est l'absence d'humour, de touche slapstick, bref d'un comique de répétition qui soit enfin volontaire.


Le Seigneur des anneaux : Les deux tours de Peter Jackson avec toujours les mêmes cons (2002)

22 août 2011

Hantise

Y'a pas d'affiche de ce film sur Allociné. J'ai dû aller en commander une sur Allposters.com, la scanner à la COREP sur leur matos dernier cri pour ensuite la réduire avec Adobe Photoshop et la mettre en vignette ci-contre à gauche. Quand y'a pas l'affiche d'un film sur Allociné, c'est parlant, c'est un signe. Quand y'a pas un seul type d'Allociné (troisième PME de France derrière le PMU), qui s'est dit : "Aaaaaallez, je m'y colle ! Je vais commander l'affiche de cette merde sur Allposters.com, la scanner chez COPYRAMA, sur le T1000, pour ensuite la réduire avec TuxPaint for Mac et la mettre en vignette ci-contre à gauche de mon site en jaune et blanc qui fait ramer même les pires bêtes de foire de chez Intel i7", quand y'a pas un seul type d'Allociné qui s'est dit ça, c'est mauvais signe.




Ce film est signé Jan de Bont, prononcez Yann de Bont. Ce réal a été au top, mais pas longtemps. C'est une étoile filante. La plus filante d'Hollywood. Il a réalisé Speed, succès surprise au box office qui a fait de Sandra Bullock et de Keanu Reeves les deux stars que l'on connaît : l'une a fini avec l'Oscar, s'il vous plaît, l'autre c'est juste l'élu, y'a pas d'autre mot. Après ce phénomène sur quatre roues (j'ai parlé du film pendant un an non-stop après l'avoir vu au ciné), De Bont a continué sur sa voie en faisant preuve une nouvelle fois d'une science infuse du "couple qui tâche" quand il a casté Bill Paxton et Helen Hunt pour Twister. L'idée du film c'était de faire courir la sublime Helen Hunt en t-shirt mouillé au devant des tornades, et de montrer Bill Paxton en contrechamp, au volant de son 4x4, filmant la scène avec la banane en grand amateur de tempêtes devant l'éternel. C'était peut-être pas l'idée de script du siècle, mais les effets spéciaux étaient du tonnerre ! Après ce deuxième succès d'estime, De Bont, qui rappelons-le était au départ le dirlo photo des plus grands (Verhoeven pour Basic Instinct, McTiernan pour Piège de cristal, Richard Donner pour L'Arme fatale 3, etc.), a eu l'idée folle, boosté par un chèque en bois, de réaliser Speed 2 Cruise Control, dont le principe était de remplacer le bus par un bateau... Keanu Reeves, qui a toujours eu un flair d'enfer (c'est lui qui a chipé le rôle de Néo à Will Smith dans Matrix), a intelligemment dit "Stop", remplacé au pied levé par un Robert Patrick moins clairvoyant et moins bandant. C'était remplacer Guivarc'h (meilleur buteur du championnat de France 1997/1998) par Diomède : on courait à la catastrophe. S'étant donc enterré vivant avec Speed 2, l'un des plus gros flops de l'Histoire du Cinéma (parlez-en à Bob Weinstein pour lui plomber sa journée), De Bont cherchait le contrat juteux et le film à pétrole pour se relancer, ne sachant pas qu'il allait au lieu de ça jeter la dernière pelletée de béton sur son propre cercueil, s'enlisant dans un bunker fatal dont il ne ressortirait jamais.




Deux ans après ce fiasco, on a dit à De Bont : "On te donne un dernier gros billet, en échange, fais revivre le cinéma de genre !". Il lui a tiré une balle entre les deux yeux avec Hantise, ce remake d'un classique de Bob Wise, tiré d'une histoire fausse, et qui a coûté une centaine de millions de dollars pour un tournage en studio entre quatre murs (ça revient cher le mur). Le casting coûtait un bâton : Catherine Zeta-Jones (c'était la tuerie de l'époque, elle en a fait suer des fronts dans les années 90), Liam Neeson (alors auréolé de son rôle de Juste dans La Liste de Schindler), Lili Taylor (abonnée aux rôles de camées dans tous ses films et qui n'a jamais vraiment percé) et le débutant Owen Wilson (dans le rôle de la femme de chambre), qui tournait gratos à ce moment-là et qui n'a jamais été payé depuis, pour aucun de ses rôles. De Bont a tué le sous-genre "Film de Maison Hantée" dans ce nanar qui tire sur la corde et dont les effets spéciaux étaient déjà datés à l'époque. C'est le seul film que j'ai vu en pionçant comme une souche au cinéma. En signant son nom au générique de ce taudis cinématographique, De Bont gravait son blaze sur sa propre pierre tombale dans le cimetière des plus gros cons d'Hollywood.


Hantise de Jan De Bont avec Liam Neeson, Catherine Zeta-Jones, Lili Taylor et Owen Wilson (1999)

18 août 2011

A bout portant / Pour elle

Il y a quelques années, Fred Cavayé vivait en Cité U et occupait son maigre temps libre à écrire des scénarios. Il s’octroyait parfois le plaisir d’aller au cinéma pour voir les derniers John McTiernan ou Michael Mann, des films qu’il regardait avec des étoiles plein les yeux, des rêves plein la tête. Aujourd’hui, Fred Cavayé est le cinéaste français qu’Hollywood nous envie le plus. Deux films l’ont fait exploser :  Pour elle et A bout portant, deux thrillers sans temps mort ou des pauvres types sans histoire se retrouvent dans la merde du jour au lendemain et doivent sauver leurs bonnes femmes si peu dégourdies en un temps record. Des tag-lines similaires fendaient les affiches de ces deux films : « Il a 72 heures pour sauver celle qu’il aime et la sortir de cabane ! » pour le premier, « Il a 3 heures et des brouettes pour retrouver sa femme et lui faire la peau ! » pour le second. En ce qui me concerne, quand je lance un film de Fred Cavayé, je lui donne un gros quart d’heure pour me choper. Si Pour elle avait réussi à me captiver du début à la fin, réalisant là une vraie prouesse, ce n’est pas le cas de son dernier rejeton, qui m’a très tôt perdu.




Il faut dire que dans Pour elle, on suivait Vincent Lindon en train d’échafauder un plan machiavélique pour extirper Diane Kruger de prison. Un Vincent Lindon égal à lui-même, capable de sauver n’importe quel film par sa seule présence, le regard fou, les tics survoltés et le front hyperactif. Dans A bout portant, le héros n’est autre que Gilles Lellouche. "Gilles Lellouche", "héros"… voilà des mots que je ne pensais pas devoir associer un jour. Et pourtant, Fred Cavayé a osé. L’acteur n’a cependant pas grand-chose à se reprocher, il fait de son mieux, avec ce que la Nature, dans un malheureux hasard, lui a donné : un profil d’aigle inélégant, une voix de beauf trop familière, une piètre allure générale, le dos toujours un peu voûté, le cou en avant, le regard vide et stupide. Cette piteuse panoplie ne fait pas de son personnage quelqu'un que l'on veut voir réussir et vaincre. Mais si le film n’est pas parvenu à me captiver, ce n’est pas spécialement sa faute. Je me suis simplement retrouvé face à l’impossibilité de me passionner pour cette histoire de flics ripoux et magouilleurs, très loin de la simplicité et donc de l’efficacité du pitch de Pour elle, qui passe désormais pour une vraie réussite dans le genre.




Qui plus est, j’ai très tôt repéré que le gros souci venait de Gérard Lanvin, qui campe donc le gros méchant tirant toutes les ficelles. J’ai vite compris que le comédien était dans un rôle de sale con inhabituel vu qu’il ne décroche jamais les mâchoires et parle toujours de sa voix la plus grave, sans jamais articuler. L’acteur a peut-être pris du plaisir à jouer un méchant de façon si grossière, mais pour nous autres spectateurs, c’est un bien triste spectacle qui s’offre à nous. A part ça, les personnages ne font que se courir après, se menacer, se tirer dessus, viser à côté, à court de munitions se tabasser et finissent souvent par se tabasser et s'invectiver en rappelant le peu de temps qu'il reste avant la fin du film ; un film qui, de mon côté, m'a paru bien long. Ces individus nerveux ne peuvent jamais se faire confiance et doivent toujours s'assurer que l'un a les mains vides quand l'autre fait mine de s'approcher. C'est un climat d'incertitude et de haine assez usant, pesant, d'autant plus quand on est, au quotidien, assez travaillé et miné par un avenir très flou, par la sale tronche de notre président, par des relations pas toujours faciles avec un animal domestique et par le triste état du monde en général. Las et abattu, j’ai vite décroché d'A bout portant. Des fois, on a pas envie de voir des gens passer leur temps à se foutre sur la gueule. 





Pour elle avait eu le bonheur d’être remaké par Paul Haggis et Russell Crowe via le film Les Trois prochains jours. Il paraît que lorsque Fred Cavayé a appris la nouvelle, il n’y a pas cru. Il se serait exclamé « Russell Crowe, le Russell Crowe de Point Break ? Non mais arrêtez les conneries, c’est de la folie douce, c’est un rêve de gosse qui se matérialise ! J’avais 8 ans quand j’ai écrit cette histoire à la con, dans ma Cité U à Nanterre-les-olives, et voilà que le grand Russell Crowe va l’incarner ?! Anything for She, a dream come true, sans blague ?! Je n’en reviens pas ! ». Après en être revenu, Fred Cavayé aurait plus tard ajouté « Quand j’ai vu mon nom accolé à celui de Russell Crowe sur le net, j’ai inséré mon doigt dans mon ventilo pour m’assurer que je ne rêvais pas. J’ai perdu un doigt. J’en reviens juste toujours pas ! » A bout portant, renommé Point Blank par des distributeurs internationaux visiblement bien peu soucieux que ce titre soit déjà pris mille fois, passera-t-il à son tour à la moulinette hollywoodienne ? On peut l’imaginer. Moi je vois déjà Shia LaBoeuf à la place de Gilles Lellouche, courir dans tous les sens, tout étonné de ne pas voir des twingos se transformer en Lego ! Et j'imagine bien Bob Duvall dans le rôle du flic véreux sans scrupule.


Pour elle de Fred Cavayé avec Vincent Lindon et Diane Kruger (2008)
A bout portant de Fred Cavayé avec Gilles Lellouche, Roshdy Zem et Gérard Lanvin (2011)