Remarqué à sa sortie, pourtant survenue au beau milieu de l'été, Mister Babadook est le premier long métrage de l'australienne Jennifer Kent. Je l'ai lancé en ignorant tout de l'histoire et en craignant, de par les quelques visuels entraperçus, un énième film d'horreur à destination d'un public adolescent à la recherche du frisson facile, dans la lignée des petits tours de train fantôme à succès organisés par le triste forain James Wan (Insidious, The Conjuring...). J'avais tout faux et quel ne fut pas mon plaisir de découvrir une œuvre ambitieuse, singulière et maîtrisée, révélatrice de la personnalité d'une cinéaste dont on suivra les prochaines créations avec beaucoup d'espoir et de curiosité.
Mister Babadook est un film d'horreur adulte, sérieux, qui réussira peut-être rarement à vous faire sursauter (quoique...) car, aux frayeurs superficielles, sa réalisatrice préfère distiller un malaise profond en s'attaquant à des thèmes récurrents du cinéma horrifique quand celui-ci s'attache à creuser la psychologie de personnages sombrant dans la folie dépressive. C'est donc ce qui arrive à la pauvre Amelia, mère fatiguée d'un petit garçon de 6 ans, toujours pas remise de la mort brutale de son mari. La découverte d'un livre pour enfants particulièrement inquiétant mettant en scène un sombre personnage à l'allure menaçante, le fameux Mister Babadook, va être l'événement déclencheur qui accélérera la chute démente, en provoquant hallucinations et autres peurs incontrôlables, chez le garçon et, surtout, sa maman.
Mister Babadook est un film d'horreur adulte, sérieux, qui réussira peut-être rarement à vous faire sursauter (quoique...) car, aux frayeurs superficielles, sa réalisatrice préfère distiller un malaise profond en s'attaquant à des thèmes récurrents du cinéma horrifique quand celui-ci s'attache à creuser la psychologie de personnages sombrant dans la folie dépressive. C'est donc ce qui arrive à la pauvre Amelia, mère fatiguée d'un petit garçon de 6 ans, toujours pas remise de la mort brutale de son mari. La découverte d'un livre pour enfants particulièrement inquiétant mettant en scène un sombre personnage à l'allure menaçante, le fameux Mister Babadook, va être l'événement déclencheur qui accélérera la chute démente, en provoquant hallucinations et autres peurs incontrôlables, chez le garçon et, surtout, sa maman.
Deuil impossible, maternité pénible, enfant maléfique, désamour maternel et croque-mitaine métaphorique... Amelia, incarnée par une irréprochable Essie Davis, est le personnage central d'un film qui aborde des thèmes largement traités par le fantastique, ayant déjà accouché d’œuvres majeures bien ancrées dans les mémoires, que le récent et réussi Babycall s'était également approprié. Mais Jennifer Kent parvient tout de même à se distinguer en beauté et à trouver le ton juste. Elle se concentre sur le désarroi tragique d'une mère et de son fils, progressivement avalés par leurs démons, qu'elle filme avec une réelle sincérité, croyant fort en son histoire et en ses personnages. Sa mise en scène très soignée, épurée, au rythme ciselé, dégage un vrai style. Si le scénario ne brille pas par son originalité, on suit donc son déroulement sans aucun souci. On ne s'ennuie jamais.
À de très rares reprises, Jennifer Kent s'égare dans des effets de style propres au genre et un peu trop référencés, pas loin du grotesque, et quand le délire atteint son paroxysme, dans la dernière partie, le film n'est pas loin de nous perdre temporairement, de basculer du mauvais côté, mais c'est aussi parce que la jeune réalisatrice ose, et ose souvent, qu'elle ne peut pas toujours viser juste. On lui pardonne donc aisément, d'autant plus qu'elle parvient plus régulièrement à atteindre son but, à saisir quelques fulgurances, quelques visions marquantes. On se souvient ainsi d'une scène d'accident de voiture particulièrement efficace lors de l'unique apparition diurne du Babadook et d'un plan assez terrible illustrant une nouvelle hallucination, ce moment où la mère voit son fils recroquevillé sur le canapé, couvert de sang (désir refoulé ou vision de pur cauchemar ? la réalisatrice a le talent de provoquer ce questionnement avec subtilité).
Jennifer Kent joue intelligemment avec ces peurs enfantines persistantes, ravageant ici une mère dépassée. Les premières scènes de frayeurs sont vraiment réussies, les apparitions du Babadook sont rares mais mémorables, systématiquement accompagnées de motifs sonores terrifiants. La cinéaste peut aussi s'appuyer sur une actrice idéale. Tour à tour séduisante, repoussante, inquiétante ou carrément flippante, Essie Davis porte aussi le film sur ses épaules. Notons qu'elle déploie une large gamme de vocalises, une diversité rarement observée dans ce domaine, réellement impressionnante. Ses hurlements d'effroi, ses menaces soudaines prononcées d'une voix grave et ses hoquets de surprise ont tous l'air très travaillé, pour un effet garanti. Face à cette actrice principale en grande forme, le petit gamin (Noah Wiseman) s'en sort avec les honneurs, sa tronche apparaît très bien choisie : on a souvent envie, comme la mère, de l'étrangler, ou de le prendre en pitié...
Les enfants, c'est l'enfer. Par petites touches furtives, l'air de rien, Jennifer Kent nous met dans des situations délicatement inconfortables. Lors d'une scène a priori anodine dans un resto lambda, une colonie de gosses excités inonde l'arrière-plan sonore, accentuant le stress de la mère et celui du spectateur. La réalisatrice fait parfois preuve d'un souci du détail très plaisant. On pourra peut-être regretter ces toutes dernières minutes trop explicatives, où l'allégorie devient trop lourdement surlignée. Mais c'est encore un bémol assez dérisoire face à la si belle impression laissée par ce modeste et élégant Babadook. J'aurais d'ailleurs du mal à réagir face à quelqu'un qui ne verrait pas la différence entre un tel film et, par exemple, Mama ou The Conjuring. C'est si évident... Mister Babadook est à n'en pas douter l'un des meilleurs films d'horreur sortis sur nos écrans cette année.
Mister Babadook de Jennifer Kent avec Essie Davis, Noah Wiseman, Daniel Henshall et Hayley McElhinney (2014)