10 novembre 2020

Nomads

Un anthropologue français (Pierce Brosnan, 32 ans, la vie devant lui, un accent pas français du tout, une beubar taillée pour pécho tout ce qui a deux guiboles, et des chemises en flanelle de toutes les couleurs), après dix années passées à écumer la planète à la recherche de tribus et autres communautés humaines sortant de l’ordinaire, décide avec sa femme de poser ses valises à Los Angeles, il a accepté un poste à l’UCLA. Concernant leur emménagement, c’est lui qui a choisi leur nouvelle demeure, en solo, sa femme lui accordant une confiance aveugle sur ce coup-là, il ne l’a jamais déçue auparavant, elle est folle de lui, il est beau comme un camion. Et malheureusement pour elle, son mari a le goût du risque puisqu’un meurtre violent a été commis dans cette maison. Brosnan en a été informé, il a hurlé à l’agent immobilier "I TAKE IT, TA GOULE !" après avoir quand même demandé à ce que la moquette imbibée du sang de l’ancien proprio soit changée avant que sa femme ne se pointe.


  

Peu de temps après avoir emménagé, Pommier, c’est son nom, se rend compte que de drôles d’oiseaux rodent autour de sa nouvelle propriété. Il découvre des tags incompréhensibles mais menaçants sur la porte de son garage tandis que les noctambules individus tout de cuir vêtus zonent à proximité. L’anthropologue aventureux prend le pas sur le mari prudent et notre héros part, appareil photo reflex en bandoulière, traquer ces présumés tagueurs partis à bord d’une camionnette. Alors qu’il a dit à sa femme qu’il partait faire un tour, il ne revient que deux jours plus tard. Pris dans sa fascination pour des êtres qui donnent l’impression de commettre le mal par simple jeu, il a perdu la notion du temps et il finit par pouvoir observer de très près ses nouveaux sujets d’étude pour quelques clichés en plan rapproché dans une atmosphère surréaliste et apparemment jouissive pour notre héros médusé.




Pressé de développer ses dizaines de pellicules utilisées pendant ces deux jours de jeu du chat et de la souris, Pommier s’enferme dans sa chambre noire et finit par n’obtenir que des clichés de bitume, mobilier urbain, immeubles typiques de Los Angeles, ruelles sordides ou parcs dans lesquels il ne fait pas bon d’aller se balader en solo la nuit. Pas un seul de ces énergumènes sur ses photos. Invisibles, ils n’ont pas imprimé la pellicule ! Pommier est-il fou, a-t-il halluciné pendant ces deux jours ? Ou bien est-il en présence de ce qu’il redoute ? Des Nomades, encore appelés Innuats, esprits malins qui déambulent dans certaines contrées et croyances de certains peuples ? Impossible en milieu urbain dense et civilisé comme Los Angeles ! Pourtant il faut se rendre à l’évidence, Pommier semble bien avoir affaire à de telles apparitions, se manifestant ici sous la forme de motards tout de cuir vêtus...




Se sentant épié, traqué dans sa propre maison, notre anthropologue réfléchit, boit du vin et part prendre l’air en pleine nuit. Sauf que ses sujets d’étude, qu’il a manifestement approchés d’un peu trop près, ne le lâchent plus ! Cerné, poursuivi, aux abois, il se réfugie dans un vieil immeuble à l’abandon qui est en fait habité par une bonne sœur âgée. Mais est-elle réelle ? Est-il en train de délirer ? Cette courte respiration dans ce film au rythme soutenu est la bienvenue. Autour d’un thé chaï latté, la religieuse lui conseille d’arrêter de faire le malin et de prendre les jambes à son cou face à des forces trop puissantes pour lui malgré sa beaugossitude et sa beubar de dingue. Se réveillant en sursaut dans sa caisse, entouré de ses nouveaux amis qui ne le lâchent plus, il décide de passer à l’action à coup de démonte-pneu sur le leader du groupe. Relaxé par cette explosion de violence, il rentre chez lui, déchire sa chemise, se fout à poil et engage un acte sexuel brutal et passionné avec sa femme qui semble apprécier à sa juste valeur cette manifestation de tendresse. Pas de chance, quand notre héros se réveille au petit matin, délassé par une nuit de sexe torride, le corps de sa victime biker a disparu. Malgré tout, tel François Hollande quand tout s'effondre autour de lui, il considère que "ça va mieux". Partant faire un peu de tourisme avec sa bonne femme, ils décident d’aller voir un magnifique POV (point of view) de Los Angeles au sommet de l’un ses plus hauts buildings. Pas de chance pour lui, il est toujours traqué ! Et alors que l’un de ses harceleurs s’approche et le nargue, ni une ni deux, il le fait passer par dessus la rambarde pour une chute qui rappellera aux vrais amateurs de McTiernan celle de Hans Gruber dans Die Hard. Après avoir mis sa femme à l’abri, Pommier retourne là où tout a commencé, dans sa maison, pour faire ses valises et fuir pour de bon. Sauf qu’il est attendu par des dizaines et des dizaines d’innuats nomads qui lui font sa fête. Suite à un tabassage, plus suggéré que montré, il finira sa misérable vie, délirant, à l’hôpital, terrassé par ce qui ressemble à un AVC fatal...




Toute cette histoire, que je vous ai allègrement spoilée (je vous en ai gâché le plaisir comme on dirait à l’Académie Française), est racontée à travers les souvenirs d’une neurologue qui est la dernière personne à avoir approché notre anthropologue vivant. Au moment de son ultime AVC, Pommier lui souffle une incantation étrange et, comme on le verra par la suite, ses souvenirs, son âme, sa conscience pénétreront au plus profond de la jeune femme. Affublée de ce terrible fardeau, notre neurologue, campée avec courage par Lesley-Anne Down, revit tous les souvenirs et toutes les situations des derniers jours de son patient. Échappant de peu aux bikers-innuats-fantômes avec la femme de Pommier, elles décident de quitter la Californie pour de bon. Quelle ne fut pas leur surprise lorsque, pensant être tirées d’affaire, elles croisent la route de l’un de ces motards qui s’avère être Pommier himself ! Il est devenu l’un d’Eux ! Dans un plan devenu iconique, Pommier enlève ses grosses lunettes de conduite et montre sa tronche enfarinée de motard à qui on ne la fait pas. Sans violence, comme si son ancienne vie influait encore ses actions, il laisse les deux femmes s’échapper au moment de passer la frontière californienne. Le message est clair, la Californie est désormais terra non grata pour ces dames. Un superbe plan réalisé à l’aide d’une superbe grue nous montre le motard faire demi-tour tout en dévoilant le panneau marquant la frontière californienne.




Après avoir vu ce film, un certain Arnold Schwarzenegger a accouru dans le bureau de Joel Silver, il a tapé son gros poing austro-américain sur la table, et a dit avec son inimitable accent "Je veux ce mec pour réaliser Predator, personne d’autre, bite !". Autre anecdote, le rôle de Pommier a d’abord été proposé à Depardieu, Gérard Depardieu ! Mais cet homme non visionnaire a évidemment refusé, passant à côté de l'opportunité de devenir une star aux USA malgré le statut de petit film de Nomads. Dommage pour lui ! De mon côté, je peux désormais affirmer sans mentir avoir bel et bien vu tous les films de John McTiernan. Tous. Je crois...


Nomads de John McTiernan avec Pierce Brosnan, Adam Ant et Lesley-Anne Down (1986)

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