9 février 2019

The Predator

Le nouveau Predator fait partie de ces catastrophes industrielles qui laissent songeur quant au fonctionnement des studios hollywoodiens. Comment un tel scénario peut-il avoir le feu vert ? Comment peut-on tourner ça ? C'est la grande question. Devant un film si bancal et raté, on se dit qu'il a forcément dû y avoir de gros soucis dans le développement du projet, que le réalisateur n'a pas pu faire ce qu'il voulait, qu'on lui a mis des bâtons dans les roues, qu'il y a eu un couac quelque part. Ceci expliquerait cela. De rapides recherches sur internet m'informent que seule la fin a dû être reprise suite à des projections tests désastreuses. Ça me paraît bien maigre étant donné que le film part en vrille dès les premières minutes, et je n'ai pas le courage de fouiller davantage pour comprendre un tel fiasco...




Shane Black a sans doute été jugé plus légitime qu'un autre pour réaliser un nouvel épisode à la franchise sous prétexte qu'il a joué dans le premier film de John McTiernan. Un calcul malin des exécutifs pour rassurer la fanbase. On connaît la volonté affirmée du réalisateur et scénariste de renouer avec un certain cinéma d'action des années 80-90 dont il a lui-même participé à la renommée en signant les scénarios de L'Arme Fatale ou du Dernier samaritain. Des films qui mêlaient avec plus ou moins de bonheur l'action à l'humour et qui sont effectivement sans équivalent aujourd'hui malgré les tentatives répétées de s'en approcher (on pense par exemple au pénible The Hitman's Bodyguard). Avec The Nice Guys, sorti il y a trois ans, Shane Black a lui-même tenté de nous livrer un buddy movie comme au bon vieux temps, en s'appuyant sur un duo d'acteurs a priori prometteur, Ryan Gosling et Russell Crowe, appelés à collaborer pour une enquête dans le Los Angeles de la fin des seventies. Le résultat à l'écran était hélas assez décevant, flingué par une histoire des plus laborieuses dont on se foutait éperdument, coincé dans un fétichisme lourdingue et une nostalgie épuisante pour les années 70 et, surtout, obnubilé à l'idée d'être "cool" et "culte" à tout prix. Malgré cela, cet essai non transformé appelait tout de même à une certaine bienveillance grâce à deux ou trois scènes plutôt marrantes qui nous faisaient relever les yeux de temps à autre et entrevoir à peine le film que cela aurait pu être.




Impossible de faire preuve de la même mansuétude ce coup-ci. Shane Black, ce grand nostalgique devant l'éternel des films d'actions US de la belle époque ne parvient qu'à nous rendre encore plus nostalgique nous aussi. En nous proposant un si piteux spectacle, il réussit à anéantir pour de bon toute espèce de petite sympathie que l'on pouvait encore avoir pour lui. Ce nouveau Predator est une merde infâme, bien pire que ce que l'on pouvait craindre à l'annonce du projet, à la lecture du pitch ou à la vue de la bande-annonce. Ce déchet à 150 millions de dollars de budget n'a même pas le petit côté vaguement sympathique d'un truc certes raté mais qui, au fond, est empli de bonnes intentions.




On pouvait au moins espérer un divertissement débile, on a là quelque chose de si mal écrit et mal réalisé que cela en devient presque difficile à suivre. L'action est incompréhensible et illisible. John McTiernan pleurerait à chaudes larmes en regardant la sale tronche du dernier rejeton qu'a généré son film. Le predator en prend un sérieux coup dans l'aile, sa pauvre mythologie n'en sort guère enrichie, bien au contraire. On découvre que la race des predators convoite notre planète et s'intéresse de plus en plus aux humains, considérés comme une espèce en voie d'extinction (contrairement à Trump, le film prend en compte le réchauffement climatique, les predators aussi), faisant donc de nous des trophées de chasse convoités. Il existe des predators plus costauds, hauts de trois mètres, et l'un d'eux est envoyé sur terre accompagné d'une paire de chien-predators hideux pour pourchasser un predator plus rachitique qui fout le bazar et a laissé ses armes hi-tech à droite à gauche. Un convoi de soldats débiles se retrouve au milieu de ce vaste bordel et va essayer de survivre, rapidement rejoint par une scientifique spécialiste de l'évolution. Il serait inhumain de ma part de vous infliger un résumé plus précis des événements.




Shane Black est tellement aux abois qu'il en vient à inventer un personnage atteint du syndrome de la Tourette pour justifier le langage très fleuri qu'il affectionne tant. Faut-il être tombé bien bas pour faire appel à un tel subterfuge qui, en plus, ne donne rien d'amusant... Son blockbuster sans queue ni tête ne trouve même pas son salut dans son manque de sérieux et son humour assumés. Les quelques vannes minables à base de "Quelle est la différence entre ta mère et un poisson-chat ?" finissent vite par lasser. Malgré la présence au casting d'un gars comme Keegan-Michael Key, que l'on sait capable d'être drôle et d'un bel abattage, les dialogues entre ces soldats déglingués sont juste pathétiques. Comme dans tout reboot/remake/sequel actuel, nous avons aussi droit à des clins d’œil miteux aux autres films de la saga, comme lorsque la scientifique dit du predator en le découvrant sur le billard, "you're one ugly motherfucker". Brillant...




Le comble de l'horreur n'est guère atteint par le predator XXL et les boucheries en CGI qu'il provoque mais par un gamin autiste campé par l'affreux Jacob Tremblay, une tête à claques insupportable supposée incarner le futur de l'humanité. Comment réagirions-nous, en tant que parent, si notre gosse venait par malheur à ressembler à cette chose ? Comment peut-on éprouver le moindre amour pour une tronche de cake pareille ? On a juste envie de l'éclater... Je préfère m'arrêter là pour ne pas retomber dans mes travers. Trop tard.


The Predator de Shane Black avec Olivia Munn, Boyd Holbrook et Trevante Rhodes (2018)

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