26 septembre 2011

Batman Begins

Nônon Cocouan se joint à moi pour vous parler du premier volet de la nouvelle trilogie Batman signée Christopher Nolan, le directeur du fond monétaire hollywoodien.

Un jour viendra, dans plusieurs années, où des gens, les quelques chanceux qui seront passés à travers les gouttes, ou ceux qui seront tout simplement nés après la bataille, auront envie de combler leurs éventuelles lacunes cinéphiliques en voyant ce film, aguichés par Christian Bale dans le rôle titre, acteur charismatique et très doué qui monte en flèche en ce moment et atteindra peut-être, qui sait, des sommets dans quelques années. Mais ce sera sans compter sur la présence derrière la caméra de Christopher Nolan, l'homme qui a calfeutré la légende de Batman sous une chape de plomb, l'homme qui a donné le premier rôle le plus creux qui soit au pourtant excellent Christian Bale, l'homme qui a réalisé cette purge inégalable nommée Inception, bref le cinéaste le plus chiant, le plus sérieux, le plus plat, le plus ennuyeux et le plus surcoté du marché.



La première heure du film se focalise sur l'avant-Batman. Dès le départ Nolan (qu'on est tenté de prononcer "nullard") creuse donc sa propre tombe puisqu'il décide de se lâcher allègrement sur les raisons de la psychologie perturbée de Bruce Wayne. Cette psychologie d'une richesse à se taper la tête contre les murs, Timur Burton, auteur du tout premier Batman, nous l'avait pourtant déjà bien expliquée dans ses opus précédents (les parents plein aux as de Bruce Wayne, à ne pas confondre avec John, ont été assassinés par un voyou pour une paire de Ray-ban et c'est à cause de criminels démunis et trépanés que le personnage est devenu orphelin, donc la criminalité c'est mal et il faut la combattre en arborant un collant noir et un masque à petites oreilles). Burton avait même ajouté à cela quelques petits trucs intéressants sur l'identité, les origines du personnage et compagnie. Wayne veut donc se venger, ou plutôt faire régner la justice. Mais ça ne suffit pas pour Nolan, forcément. Le nouveau petit maître d'Hollywood fait son "Begins", il faut bien qu'il trouve des choses à mettre dans son reboot pour qu'il ne sente pas complètement le réchauffé. Du coup notre homme rajoute des tas de couches bien épaisses sur les traumatismes de Bruce à grands renforts de flash-back miteux (le pauvre gosse est tombé dans un puits de dix mètres de profondeur plein de chauves-souris, depuis il a peur des chauves-souris, et c'est à cause de ça qu'il chope les foies devant une pièce de théâtre avec des chauves-souris, qu'il demande donc à sortir de la salle, là ses parents sont tués, et à cause de tout ça il devient "Le" Batman, l'homme chauve-souris. Eurf). Peut-être que cette histoire, avec tous ses liens de cause à effet lourdingues, était déjà dans le comics, sauf que Christobal Nolan, bien conscient de nous servir là une soupe infâme à laquelle on a déjà goutée, se dit qu'il faut de toute façon rajouter des ingrédients. Il en fait donc des caisses dans le pathos et présente tout ça dans un vague désordre, histoire de nous faire croire qu'il est un grand cinéaste moderne qui met en place des récits complexes et que tout ce qu'il nous dégueule est inédit. Alors que concrètement on a droit à quoi ? A un Bruce Wayne tiré d'une prison type goulag et recueilli par une sorte de sage mystique guerrier (Liam Neeson) qui va le traîner en haut d'une montagne enneigée pour lui apprendre le kung-fu, lui enseigner à dépasser sa peur et sa colère pour faire régner la justice, le tout à grands coups de petites sentences philosophico-dogmatico-pragmatiques mêlant les préceptes de Mahatma Gandhi à ceux de Rocky 4. Le résultat n'est jamais qu'un amalgame foireux, long et chiant entre Star Wars et Karaté Kid.



La suite est un poil mieux (relativement à cette interminable introduction crétine à souhait), c'est-à-dire le moment où Bruce Wayne retourne au bercail, y retrouve sa vieille tante aveugle nommée Alfred (Michael Caine) et le black à moustaches qui lui fabrique ses gadgets (Morgan Freeman). Pas de quoi se taper le cul par terre non plus : les petites piques amicales entre vieux de la vieille et la présentation d'armes secrètes et discrètes façon James Bond, on a déjà vu ça 1000 fois. En prime Nolan ne fait malheureusement pas l'économie de personnages clichés et de petites répliques très connes répétées comme si elles étaient géniales (au début la fille, Katie Holmes - Nolan a le génie du casting, y'a pas à dire - lance à Bruce : "Ce n'est pas ton for intérieur qui compte, mais tes actions", et Batman répète cet enchaînement de mots compte simple au scrabble à la même fille à la fin du film, ce qui fait toujours son petit effet, pour lui faire piger qu'il vaut le coup et qu'il est das Batman). Quant au méchant (toujours Liam Neeson, qui s'est retourné contre son apprenti afin que ce dernier doive tuer le père dans une réécriture de Freud à se tailler les veines), il est ni plus ni moins pitoyable. C'est une chose que de vouloir lui attribuer des mobiles un peu plus originaux que le simple fait d'être salop gratuitement et pour entasser du blé, comme c'est souvent de rigueur dans les comic books, mais encore faut-il avoir une bonne idée à la place, et non pas ce truc ridicule du super-vilain qui veut faire régner la justice à coup de kärcher au prétexte qu'une ville vérolée doit subir la politique de la crème brûlée : cramer tout le monde et repartir de zéro sur des cendres. Ce mobile vieux comme le monde lui tient à cœur à notre gros vilain, censé être une sorte d'immortel à la Highlander vivant depuis des millénaires (et pour le coup incarné par un acteur jadis brillant mais aujourd'hui en lambeaux), qui avait déjà pratiqué cette politique de la table-rase à Londres, ravageant la ville par la peste et trouvant ça génial. L'idée n'est pas forcément inintéressante (encore que facile, comme ça l'est souvent lorsqu'il s'agit de convoquer des faits historiques pour donner une pseudo-épaisseur à un personnage) mais il aurait fallu écrire des dialogues un poil plus intelligents et composer un personnage de méchant légèrement plus consistant pour que tout ça ne se résume pas à une grosse boutade qui n'aboutit à rien, sinon à beaucoup de bruit pour rien.



Enfin bref, on ne peut même pas dire que "ça se mate d'un œil", car en fait ça ne se mate pas sans pioncer comme une souche. Et puis c'est globalement si risible... Enfin non, justement, on aimerait que ce soit "risible", au moins on pourrait se marrer un peu, parce qu'encore une fois Nolan est désespérément dépourvu d'humour ou de distance vis-à-vis de son triste sujet et fait preuve d'un sérieux assommant. Why so serious, Nolan ? Il se prend terriblement au sérieux alors que son film est loin d'avoir assez d'envergure pour ça. Idem pour Memento ou Inception, qui se croient géniaux. Autant de films qui auraient pu être bons et qui, sous l'égide de cet incapable, sont devenus de terribles saloperies. Et le pire c'est que Nolan est si sérieux et prétentieux qu'il a voulu rejouer le mythe cinématographique de Batman en mode mineur, sur un ton sérieux et sombre, dark en un mot... Il n'est apparemment pas au courant qu'il a les deux pieds dans un phénomène de mode pathétique qui consiste à essayer de revaloriser ce type de films en leur donnant une dimension soi-disant sombre, et qu'il va falloir faire un petit effort pour sortir vraiment du lot. Nolan est comme un gland alors qu'il avait tout dans son cabas : une sujet "fort" (Batman...) qui a déjà prouvé qu'il fonctionnait et qu'il pouvait générer un univers particulier et complexe ouvrant à tout l'imaginaire possible. Il a des montagnes de fric pour le faire, des petites mains qui vont bien, les acteurs qu'il veut (même si à Bale, Freeman et Caine s'opposent Katie Holmes et Cillian Murphy, le blanc-d'œuf humain), eh bien non, même avec tout ça il n'est pas foutu de pondre un film qui aurait un minimum de gueule. La fin de l'histoire est un enchaînement de conneries scénaristiques et d'action gonflante, qui conclue le film de la pire des façons, en fait un bel amas d'inepties et de foutage de gueule et ouvre idéalement vers le second opus, moins minable d'un point de vue narratif mais qui s'avère être un film assez infect : The Dark Knight.



Une petite remarque, pour terminer. Christian Bale a la particularité physique d'avoir une bouche très spéciale, il zozotte pratiquement, il a la lèvre supérieure qui redescend sur ses dents de devant et la lèvre inférieure qui rentre sous ces mêmes dents quand il parle, comme une sorte de lapin dégénéré, sauf son respect, et c'est un signe distinctif évident. Si on nous montrait un panel de plans serrés sur la bouche de tous les acteurs américains en vogue en train de déblatérer, on reconnaîtrait Bale Christian en premier et en un battement de cil. Or on ne voit que la bouche du Batman à cause de son masque, mais rien qu'en regardant sa bouche n'importe quel personnage qui connaît aussi Bruce Wayne devrait pouvoir deviner illico que c'est lui Batman, or les personnages font semblant de ne rien voir, et c'est d'un agaçant... Qu'on ne reconnaisse pas Superman en Clark Kent, ok, même si c'est le seul type à Metropolis de plus de trois mètres de haut et qui fait "TCHLONG" quand on lui tape sur l'épaule, mais là... Quitte à tenter de griller un acteur pour jouer ce rôle absolument creux, sans intérêt, lisse et chiant, il aurait fallu prendre un type qui n'a pas une bouche si facilement identifiable... Le trimard cache toute sa tronche pour pas qu'on le reconnaisse sauf sa bouche mais il possède le seul double-bec de lièvre de toute la ville ! C'est comme si Maiwenn jouait une super-héroïne au visage masqué mais à la bouche apparente, on aurait du mal à croire les personnages qui ne feraient pas le lien avec elle une fois écartée l'hypothèse de la bête du Gévaudan.


Batman Begins de Christopher Nolan avec Christian Bale, Liam Neeson, Morgan Freeman, Michael Caine, Katie Holmes et Cillian Murphy (2005)