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7 octobre 2019

Crawl

Alexandre Aja, sous l'égide de son producteur si avisé Sam Raimi, se spécialise dans le film d'horreur avec créatures aquatiques féroces. Après les piranhas, il s'intéresse cette fois-ci aux alligators, au pluriel. Dans le domaine de la série B, qu'il semble particulièrement affectionner, c'est toujours un bon prétexte pour filmer du sang et des culs. Aja avait peut-être aussi conscience qu'il existe encore un créneau à prendre dans ce sous-genre précis du film de crocos tueurs, avare en véritables bons films, où aucun titre ne fait autorité. Il paraît dominé par Tobe Hooper et son Eaten Alive, à l'ambiance poisseuse si sympathique, où le crocodile n'a toutefois qu'un rôle accessoire puisqu'il est simplement le fidèle compagnon quasi invisible d'un maniaque, gérant d'un hôtel miteux perdu au fin fond de la Louisiane, qui offre ses victimes au reptile. L'action se déroule ici en Floride, lors d'une terrible tempête. L'héroïne, campée par Kaya Scoledario, est coincée dans le sous-sol de l'ancienne maison familiale avec son papa, qu'elle retrouve déjà très amoché par l'une des bestioles. En 80 petites minutes, Alexandre Aja nous conte le récit de leur survie...


On a tous vécu ça : un grand frère qui chie dans la baignoire alors qu'on s'amusait bien... Et le colombin qui tout à coup surgit à la surface parmi les Playmobil © dégoûtés.

Calamité... Très, mais très vite, dès le début, on a envie de tout envoyer chier. Alexandre Aja est certainement un type sympathique, mais ses films sont d'une nullité crispante. Cela arrive, comme ça, d'être un bon bougre mais de pratiquer un job qui n'est pas fait pour soi. On en connaît d'autres. On ne lui en veut pas. Mais quand par malheur on se retrouve devant Crawl, c'est plus difficile. Dès le début du film, avec cette très mauvaise séquence du concours de natation, où les plans sont tous plus nuls les uns que les autres, et qui se termine avec des scènes au ralenti et un flashback merdeux, où l'héroïne, jeune nageuse qui vient de foirer sa compétition à deux centièmes près, se revoit enfant avec son père qui la coachait, déjà perdante à l'époque, on sait à quoi on aura droit : mademoiselle va devoir mettre ses capacités de poiscaille à l’œuvre pour échapper aux gencives d'une tétrachiée d'alligators affamés et très laids (des grosses patates en CGI), et pour une fois elle se surpassera, pour sauver papa, cette vieille enflure qu'elle déteste mais qu'au fond elle aime tant. 


Le clébard n'a aucune utilité dans ce film : il ne sauve personne et ne se fait pas bouffer. Cool pour lui.

Ce qu'on vient de vous débiter là, on se le dit au bout de 4 ou 5 minutes de film, disons pour les plus lents à la détente, comme nous, mais soyons clairs : c'est exactement ça, cette connerie vue un demi-million de fois, qu'on va voir. Ni plus ni moins. Deux cons ensemble, un père et sa fille, qui se foutent dans la merde en pleine tempête comme les abrutis qu'ils sont, et la fille sauvera le père avec le sourire, en nageant comme une anguille après trois énormes morsures d'alligators géants dont le quart d'une seule suffirait à vous couler un sous-marin de guerre. Avec à la clé la petite scène de confidences qui va bien, au beau milieu du film, où papa explique pourquoi il a quitté maman et comment il a toujours cru en sa petite fille, avec une musique à trois balles par-dessus, mais aussi la sempiternelle scène du flashback libérateur (un alligator fait tournoyer l'héroïne sous l'eau pour la néguer, tout en lui broyant l'épaule, tel Roger Lemère massacrant celle de Titi Henry pendant France-Brésil 98, mais elle se revoit enfant avec son papa et ça lui donne la force de cramer un centimètre du futur sac-à-main qui lui mâchouille l'omoplate avec une fusée éclairante et de s'en sortir une millième fois), et puis le plan final où le même père déchiqueté de partout se marre parce que sa fille agite un fumigène sous l'hélico qui va les sauver. Faire un film d'horreur en 2019 et penser que des personnages aussi nazes, des enjeux émotionnels aussi clichés, et pour tout frisson trois crocos qui tournent autour des gambas de deux glands, cela suffit, c'est d'une tristesse inouïe. Mais le film a fait un succès. Apparemment, pour beaucoup, cela suffit. Paix sur leur âme.


Crawl d'Alexandre Aja avec Kaya Scodelario et Barry Pepper (2019)

12 décembre 2017

Evil Dead III - L'Armée des Ténèbres

Des effets spéciaux artisanaux conçus avec amour, un acteur vedette au sommet de sa forme dans la peau d'un héros iconique, des hommages sincères et des références de classe disséminés ici ou là pour les amoureux du genre, des situations et des dialogues pleins d'humour et d'inventivité, un scénario ingénieux, sans temps mort et, pour couronner le tout, un doublage français aux petits oignons : le troisième volet de la saga Evil Dead de Sam Raimi, préférant l'humour à l'horreur, n'a pas volé son statut de film culte ! Sorti en 1992, cette Armée des Ténèbres constitue pour moi le point culminant de la carrière de son auteur. Un petit film d'horreur comique, humble, terriblement attachant et plein de charme.

Plus charismatique que jamais, Bruce Campbell, acteur fétiche et grand ami de Sam Raimi, reprend donc son rôle de Ash, rendu célèbre par les deux premiers volets de la saga. Attaqué par la "chose" qui l'aspire dans une autre dimension, il se retrouve cette fois-ci bloqué dans une époque médiévale fantastique. Après une scène d'introduction d'une efficacité redoutable et littéralement décoiffante, Ash est contraint de s'amputer la main droite, aussitôt remplacée par une bonne vieille tronçonneuse. Egalement armé d'un fusil à pompe porté en bandoulière dans un étui en cuir, Ash se transforme dans cet épisode en un véritable personnage de comic book, doté d'une allure terrible, immédiatement reconnaissable et d'une cinégénie indiscutable. On n'est pas étonné de constater que le film a effectivement donné lieu à une adaptation en bandes dessinées. Ash est la plus grande attraction d'Evil Dead III et Bruce Campbell se fait plaisir en enchaînant les tronches pas possibles, dignes d'un dessin animé Tex Avery. 





Après un accueil difficile, Ash passera pour le Messie tant espéré auprès d'une petite peuplade en proie aux forces démoniaques. Mais en réalité, Ash est plutôt un imbécile arrogant qui n'a strictement rien d'un sauveur. Il veut simplement retourner dans sa fichue époque ! Il devra, pour cela, mettre la main sur le fameux Necronomicon (pour une fois, le nom de l'ouvrage maudit inventé par Lovecraft n'est guère sali !), ce qui permettra également d'éradiquer les forces du Mal. Hélas, rien ne se passera comme prévu ! Ash étant incapable de se souvenir de la formule magique à absolument prononcer avant de récupérer le Necronomicon ("Klaatu barada nikto", une phrase pour la première fois entendue dans le classique de la SF des années 50, Le Jour où la Terre s'arrêta de Robert Wise), ce qui nous vaudra l'une des plus tordantes scènes du film.





Véritable héros de jeux vidéos ou de comic book, Ash traverse ici une série d'étapes, d'épreuves, permettant à Sam Raimi de déployer des idées de mise en scène plus ou moins heureuses, mais toujours audacieuses. Un long passage pratiquement muet durant lequel Ash affronte des doubles maléfiques dans un moulin abandonné s'avère particulièrement réussi et bluffant. Tout au long du film, et tout particulièrement lors du passage évoqué, le cinéaste en roues libres se permet des clins d’œil et des citations qui raviront les spécialistes, en allant du cinéma d'horreur des années 30 (les Frankenstein de James Whale) aux animations image par image de Ray Harryhausen. Des références variées qui attestent d'un amour sincère et communicatif pour le cinéma de genre et ne parasitent jamais le film, bien au contraire. Evil Dead III dégage une fraîcheur, une humilité, une sincérité et une légèreté qui l'éloigne de toute lourdeur et le rend infiniment sympathique. Le film est aussi cool et amusant que le personnage qu'il met en scène !





La beauté des effets spéciaux du film se déploie notamment lors de l'assaut final des "cadavéreux" (l'armée des ténèbres du titre, des squelettes belliqueux réveillés de leur cimetière par le maladroit Ash !). Le travail sur le look des squelettes est des plus minutieux, au même titre que l'animation image par image. Pour ne rien gâcher au plaisir, un thème musical inspiré, signé Danny Elfman, vient accompagner ce chouette moment. En version française, le film est farci de petites phrases marrantes, prononcées avec des voix et des intonations terribles. Les doubleurs s'en sont donné à cœur joie, très inspirés par une oeuvre particulièrement propice à cela. On garde aussi un souvenir ému de cette scène, survenant juste avant l'arrivée des cadavéreux, durant laquelle un Ash aux abois essaie de remotiver ses troupes puis invente une série de machines pour le combat. Le personnage fait alors enfin preuve d'ingéniosité, prenant son rôle de héros au sérieux, et finit par gagner l'adhésion des autres hommes. "Je te suivrai où que tu ailles !", "Mon épée est tienne !", "Tu peux compter sur moi", toutes ces phrases sont alors dites avec des voix plus débiles les unes que les autres. Un moment d'anthologie dans un film qui en comporte plus d'un... On adore également le monologue prononcé au début du film par un Ash tout juste ressorti victorieux d'une bagarre avec quelques démons, qui se montre plus arrogant que jamais et se met à haranguer avec son fusil une foule complètement médusée. Encore une bien belle scène dans un pur régal de cinéphage !





J'ai découvert Evil Dead 3 aux alentours de 10 ans et j'en suis immédiatement tombé sous le charme. Un de mes classiques instantanés ! J'ai dû le revoir une bonne dizaine de fois depuis. J'y reviens régulièrement. Des situations et des dialogues sont gravés en moi à jamais. Je repense souvent à ce pauvre personnage qui, lors d'un combat avec une sorcière, reçoit une marmite d'eau bouillante dans la tronche et s'écrie "Aaaaaaaah, mes yeux ! Ça brûle ! Je n'y vois plus ! Je suis aveugle !" dans une plainte pathétique. Ce film est à mes yeux une vraie pépite dans le genre trop souvent galvaudé du cinéma d'horreur comique. Je le connais si bien que j'en appréhende désormais les temps un peu plus faibles, trop impatient d'arriver à mes scènes, mes gags et mes répliques préférés. J'envie les personnes qui ont encore à découvrir ce chef-d'oeuvre intemporel. 


Evil Dead III - L'Armée des Ténèbres de Sam Raimi avec Bruce Campbell, Marcus Gilbert et Embeth Davidtz (1992)

9 octobre 2013

Conjuring : les dossiers Warren

Véritable phénomène au box office mondial cette année, The Conjuring est l’œuvre d'un cinéaste qui semble avoir compris ce que recherchent aujourd'hui les spectateurs de films d'horreur. Je ne me lance pas dans de grandes déductions, je m'appuie seulement sur le buzz provoqué à sa sortie et les chiffres, qui font de The Conjuring le plus grand succès du cinéma d'horreur depuis des lustres, derrière L'Exorciste et Le Projet Blair Witch. James Wan avait déjà su engranger les dollars et conquérir les foules avec Insidious, son précédent film, où les fantômes, les démons et les maisons hantées servaient aussi de décorum. Insidious s'insérait dans la même logique, le même schéma, souvent résumé, chez les critiques francophones, par l'expression bien pratique et assez juste de "train fantôme". La surenchère tape-à-l’œil, l'accumulation frénétique d’effets-chocs et l'empilement jusqu’au-boutiste de poncifs usés jusqu'à la corde sont en effet le fond de commerce de James Wan, qui ne vise rien d'autre que le sursaut immédiat.


Quand je vous dis qu'il faut se méfier des cinéastes qui font trop gaffe à leurs looks... Visez un peu la chevelure de James Wan, je veux la même !

N'étant pas spécialement amateur de ce cinéma d'horreur-là, c'est naturellement avec une certaine crainte que j'ai lancé The Conjuring. Force est pourtant de reconnaître que la première heure du film fonctionne plutôt bien. Passée une scène d'introduction inutile qui, à la manière du sous-titre français ("les dossiers Warren"), laisse envisager un film d'horreur à sketchs - format qui serait d'ailleurs peut-être plus approprié au savoir-faire et au style de James Wan - on suit les déboires d'une famille nombreuse venue s'installer dans une ferme isolée qui s’avèrera méchamment hantée. Durant, disons, les trois premiers quarts d’heure, nous quittons rarement la demeure et strictement tous les incontournables du film de maison hantée se succèdent à un rythme trépidant. C'est une énumération sans faille. Tout y passe.


Manque le clebs. Pour vous donner une idée, il a le regard du père et la tignasse de la mère.

C’est d’abord le iench de la famille qui ne veut pas rentrer dans la maison, s’agrippant de toutes ses forces sur le perron et aboyant à en perdre haleine, comme s’il sentait une présence néfaste. C’est d’ailleurs le seul point noir d’un déménageot qui se passe sans souci. Une fois la famille emménagée, par contre, les choses se gâtent rapidement. Des portes qui claquent, le parquet qui grince, des horloges qui s'arrêtent toujours à une heure fixe, des cadres qui tombent des murs avec fracas, on découvre un sous-sol caché (il suffisait de faire le tour de la maison pour découvrir les énormes soupiraux et suspecter sa présence, mais il faut croire que les nouveaux proprios n’ont jamais eu cette curiosité…), des gros bleus apparaissent pendant la nuit sur le corps de la maman (Lili Taylor, qui n’a pas besoin de ça), on croise des reflets étranges dans les miroirs et on trouve de drôles d'objets près de cet arbre mort à la forme ultra menaçante planté non loin. Bref, je pourrai continuer longtemps, mais je ne souffre pas de la même maladie que James Wan. C'est bien simple, ce dernier n'oublie strictement aucun des effets attendus dans un tel contexte. Tout y passe, je vous dis !


"On vient de gagner 150m² de surface habitable, chérie ! On a une putain de cave ! Les enfants, dites adieu à vos lits superposés."

James Wan paraît tout à fait conscient que son audience a certainement déjà vu tout ça ailleurs, il fait parfois même des clins d’œil innocents et pas méchants, mais il vise l'originalité par cette accumulation acharnée et ce rythme rapide, sec, sans temps mort. Si vous aimez les films d'horreur psychologiques, qui prennent le temps de construire une ambiance étouffante et apportent un soin particulier à leurs personnages, alors The Conjuring n'est clairement pas fait pour vous. C'est au bout de 45 minutes de film que je me suis rendu compte que la famille en proie aux phénomènes paranormaux comptait cinq enfants. Cinq filles qui sont de simples pantins que James Wan aime placer ici ou là selon la situation et l'effet recherché. J'étais pourtant prêt à faire mon mea culpa car si tout cela n’a rien d’original et encore moins de génial, ça se suit sans déplaisir. Le "train-fantôme" fonctionne à plein tube. Les résultats faramineux au box office me sont expliqués par cette première partie.


Il faut garder à l'esprit qu'il n'existait pas encore de lampe de poche dans les années 70.

Et puis vers l'heure de film, quand les Warren, c’est-à-dire les véritables chasseurs de fantômes incarnés par Patrick Wilson et Vera Farmiga, débarquent dans la maisonnée pour commencer leur enquête, tout se délite et part en vrille. Le film bascule définitivement dans un grand n’importe quoi terriblement agaçant. Ce triste basculement s’opère à cet instant crucial où, en général, un film de maison hantée classique doit trouver une explication, en levant progressivement le voile sur les évènements terribles survenus dans ladite maison, jusqu’à leur résolution dans le présent. Mais ça, ça n’est pas du tout ce qui intéresse James Wan. En un clin d’œil, Lorraine Warren regroupe coupures de journaux et vieilles photos pour expliquer toute l’histoire à son compagnon, apparemment habitué, et à nous autres, sur le cul ! Une sorcière sataniste vachement rancunière est dans le coup ; comme quoi, nous avons bien fait de les noyer. Le scénario est totalement manichéen. Une fois débarrassé de cela, James Wan peut alors continuer son train-train habituel, dans un déluge de scènes de trouille qui iront crescendo jusqu’à la fin, et réussiront à atteindre des sommets de ridicule. Il s’engage sur les terres savonneuses du film de possession démoniaque, en embrassant encore une fois tous ses clichés, et cela commence à faire beaucoup. Une force invisible traîne l’une des filles par les cheveux. Patrick Wilson improvise un exorcisme pathétique en lisant du latin avec toutes les difficultés du monde et un accent dégueulasse. Lily Taylor campe une bien vilaine possédée. Un duo de techniciens (avatars du cinéaste lui-même et de son scénariste habituel, Leigh Whannell), engagés pour filmer les Warren, viennent ajouter leurs cris au brouhaha général. La suggestion qui dominait la première partie du film est définitivement abandonnée au profit du grand guignol. On pourrait en rire, on est surtout très gênés.


Drôle d'époque où les abat-jours faisaient par contre office de jupe longue... Notez la tronche de cake de Patrick Wilson en plein cours magistral, faisant tout pour être pris au sérieux dans son costume de magicien.

Le film perd alors toute sorte d’impact et devient d’une superficialité assommante, à l'image de cette reconstitution maniaque des années 70. En plus de voler la photographie des films d'horreur de cette période, James Wan surmaquille, surdéguise et suréquipe ses acteurs. Déjà fort peu charismatique au naturel, Patrick Wilson est ainsi condamné à porter des rouflaquettes ridicules et à conduire un Volkswagen Type 2 flambant neuf (vous savez, ce fameux van tant apprécié des hipsters). Tous les habits des comédiens ont l'air de fraîchement sortir de la friperie Groucho (une super adresse à Toulouse que je vous recommande chaudement, soit dit en passant !) ou d'avoir été spécialement conçus pour l'occasion. Aucun n'a l'air à l'aise à l'intérieur, à commencer par le père de famille et sa collection de chemises à carreaux trop cintrées. Sans parler des traces de pli dues à l'acharnement des techniciens au fer à repasser... Tous les décors visent aussi à faire immédiatement penser aux années 70, des tapisseries de mauvais goût en passant par la grosse télé à l'écran bombé placée bien en évidence. La musique vient évidement renforcer cet effet, bien qu'elle aurait pu être encore plus présente. Cette reconstitution est en fin de compte aussi superficielle et fabriquée que la peur suscitée par ces jumps scares incessants que James Wan met en scène. Elle contribue à nous éloigner du film, à nous placer en tant qu'observateur de la mécanique mise en place et à constater le soin apporté dans l'attraction créée par le réalisateur. L'étiquette "inspirée d'une histoire vraie", pourtant lourdement rappelée au début du film et lors du générique final, où de véritables photos des personnes impliquées dans ce fait divers apparaissent à l'écran avec le nom des acteurs les incarnant à côté, n'a ainsi aucune espèce d'incidence. Tout sonne si faux et calculé...


Vera Farmiga a de beaux yeux et prend un plaisir évident à les rouler dans tous les sens.

The Conjuring est également doté d’une propagande religieuse franchement embarrassante, qui pourrait passer sans vrai souci si elle n’était pas aussi grossièrement amenée. Quand le père de famille avoue, un peu honteux, qu'ils ne sont pas croyants et qu'aucune de ses filles n'est baptisée, Patrick Wilson lui répond du tac-o-tac "Revoyez votre copie", lui expliquant ensuite en une paire de phrases lapidaires que quelques crucifix, un peu d'eau bénite et une foi chrétienne retrouvée pourraient bien les sauver. C’est un aspect très secondaire dans l’ensemble, mais il mérite tout de même d’être pointé du doigt car il est représentatif de l'extrême manque de finesse de James Wan. Il faut aussi dire que son film n'est pas non plus aidé par des dialogues lamentables, parfois assez gênants. Comment peut-on avoir peur d'un esprit démoniaque quand celui-ci est comparé, de la bouche du démonologue en personne, à un vieux chewing-gum qui serait bien décidé à rester collé à la semelle de votre godasse ? On a connu plus flippant, on a connu des monologues un peu plus inspirés. Mais il faut croire que James Wan ignore totalement que l'on peut aussi faire peur par le seul langage, par les mots, quand ceux-ci sont correctement écrits et prononcés par des acteurs doués. Je ne lance toutefois pas la pierre à Patrick Wilson, qui fait ici beaucoup d’efforts, ça se voit.


C'est Papy Wilson qui a dû tirer la tronche en découvrant où était passé son fameux gilet jacquard.

James Wan multiplie les effets de manche, les angles impossibles, les mouvements de caméra étonnants et les plans-séquences. C'est souvent osé et l'effet recherché est parfois atteint, cela correspond tout à fait à ce cinéma d'horreur qui s’échine à en mettre plein la vue et à ne laisser aucun répit à son audience, mais ça n'est pas fait avec une réelle vision de cinéaste. Cela vise seulement l'effet immédiat, il n'y a rien que l'on puisse retenir, il n'y a aucune image à laquelle on repensera en fermant les yeux avant de se coucher, ou dans le noir lors d'une de ces escapades nocturnes, animé par une fringale tardive, avec le frigo comme objectif. Ces films-là ne laissent pas de trace. Ils font peut-être peur sur le moment, mais ne laissent aucune marque dans l'imagination ni ne l’émoustillent. Pour cela, il faut être plus talentueux, plus patient, plus ambitieux, et viser un peu plus haut que le porte-monnaie du public.


Le grand Max Von Sydow peut pioncer tranquille, la relève ne lui arrive pas à la cheville.

S'il y mettait plus d'humour, plus de relâchement et plus de folie, James Wan pourrait un jour réaliser un film d'horreur véritablement sympathique. Il lui faudrait pour cela trouver cet équilibre qui lui manque cruellement, ou choisir son camp une bonne fois pour toutes. Il pourrait se placer aux côtés d'un Peter Jackson ou d'un Sam Raimi, produire l'équivalent d'un Braindead ou d'un Evil Dead. Il ne grimperait pas spécialement dans mon estime, car il persisterait dans un registre que je n’affectionne pas beaucoup, mais il trouverait au moins à mes yeux une certaine cohérence. Pour l'instant, je le perçois surtout comme un imposteur, opportuniste et malin, sans réel intérêt, bien plus proche du forain que du cinéaste. C'est tout de même dommage car, aujourd'hui, aucun autre réalisateur spécialisé dans le genre ne jouit d'un tel statut et ne peut bénéficier d'une telle marge de manœuvre. Alors il y a un léger mieux, il faut l'avouer. Mais quand on part de zéro, c'est toujours plus facile et, avec The Conjuring, James Wan finit tout de même par retomber complètement dans ses insupportables travers et semble même vouloir faire sien ce style si lucratif. En fait, il s'installe progressivement comme le réalisateur préféré de ceux qui n'aiment pas le cinéma d'horreur.


Conjuring : les dossiers Warren de James Wan avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Lili Taylor et Ron Livingston (2013)

22 juillet 2013

Evil Dead

Contrairement à John Carpenter, Wes Craven, Tobe Hooper et tous ces autres "maîtres de l'horreur" dont les classiques ont été revus et corrigés récemment, Sam Raimi s'est pleinement impliqué dans le remake de son Evil Dead et en revendique ouvertement la paternité. Il est donc en plein dans ma ligne de mire, au tout premier rang à la barre des accusés. Car disons-le tout net : cet Evil Dead version 2013 est un des trucs les plus moches et cons qu'il m'ait été donné de voir depuis un bail. On est typiquement en présence de ce que le cinéma d'horreur peut proposer de plus minable et de plus laid. C'est une insulte adressée à tous les amoureux du genre. C'est le genre de films qui pousse mon amour pour le cinéma d'horreur dans ses derniers retranchements, qui me fait me dire "Putain, mais pourquoi tu mates ces trucs-là ?". Evil Dead est une véritable abjection, un film d'une inqualifiable stupidité et d'une laideur de chaque instant. Je me répète déjà...




Bon, que nous raconte-t-on exactement cette fois-ci ? Grosso modo la même chose qu'il y a 30 ans, à quelques menus détails près. Ça valait donc bien le coup de s'y mettre à plusieurs pour écrire tout ça. Trois ou quatre scénaristes, dont Sam Raimi, sont en effet crédités au générique. Après une rapide recherche sur le web, on apprend que la savante Diablo Cody a également été mêlée au projet, sans doute pour apporter sa science pour tout ce qui concerne l'écriture de personnages d'adolescents américains crédibles et vivants. On sait la scénariste experte en ce domaine, depuis Juno, Young Adult, Jennifer's Body et toutes ces merdes révoltantes qui nous proposaient autant de portraits sans aucune épaisseur d'une jeunesse américaine qu'on avait simplement envie d'étouffer sous nos pets. Les personnages, incarnés par des acteurs tous lamentables dénués du moindre charme, sont ici autant de clichés insupportables qui n'existent à aucun instant, de la chair juteuse purement et simplement livrée à l'abattoir. On remercie encore Diablo Cody, la scénariste 2.0, pour son apport, on sent clairement sa patte personnelle...




Une bande de jeunes décident donc de nouveau de passer quelques jours dans une cabane perdue dans la forêt, à l'architecture plutôt inquiétante. On comprend qu'ils sont là pour tenter de faire décrocher l'une des leurs de son addiction à la drogue, en l'empêchant de décamper au premier bad trip. Des tensions naissent aussitôt dans le groupe, certains jugeant cette méthode un peu trop radicale. Un livre maudit est découvert dans le sous-sol (le "Necronomicon" de l'original, qui a ici perdu son nom car la grosse référence à Lovecraft a peut-être été jugée de trop haute volée pour la crétinerie du public cette fois-ci ciblé - l'écrivain de Providence ne s'en porte que mieux). Un personnage, le plus con du lot, lit quelques phrases à voix haute malgré le fil barbelés qui renferme solidement le bouquin et les contre-indications menaçantes griffonnées sur chaque pages. Il réveille ainsi une force surnaturelle malfaisante. Le carnage peut alors commencer pour de bon. Je raconte presque trop bien...




N'étant pas un amoureux de l'original, j'étais tout de même curieux de découvrir ce film dont le maketing avait tout osé. "Vivez l'expérience cinématographique la plus terrifiante" assène la gigantesque tagline sur l'affiche, tandis que les multiples bandes-annonces nous promettaient l'Enfer, un traumatisme assuré, une date déjà inscrite dans l'Histoire du cinéma d'horreur. En vérité, nous avons affaire à un pur produit dont la prétention de l'emballage n'a d'égal que le cynisme glaçant de ses fabricants. On jurerait que ce remake est le fruit d'une paresseuse analyse de marché. "Ils veulent de l'horreur qui tache, ils veulent du gore ?" se sont-ils dit dans les couloirs des studios, "Hé bien, ils en auront !". Assurez-vous de bien avoir débranché vos cerveaux, on vise simplement à vous retourner le bide, pas plus. On imagine aisément une douzaine de gars commandés par Sam Raimi, soucieux de redorer sa statue (lui qui s'était déjà adonné à l'auto-citation couillonne avec l'infâme Jusqu'en Enfer), réunis autour d'une table ronde pour l'opération de rajeunissement de son vieux bébé. A chaque fois que le moins débile de la bande levait la main pour dire "Ah ! J'ai une idée !", les autres l'écoutaient mollement, avant que le plus imbécile du lot ne prenne la parole pour dire "Ok, ok, mais on va essayer de faire encore pire !", et ainsi de suite. Bon, je me fais peut-être des idées, mais le film ressemble vraiment à un collage lamentable de scènes gores sans inventivité, à un déluge de sang et de cris animé par la seule incapacité totale et l'affligeant manque de talent de toute l'équipe aux commandes de ce si triste projet. Et le pire c'est que ça marche ! Le film a rapporté près de 100 millions de dollars pour un budget 10 fois moindre. On annonce désormais pour bientôt la suite du remake dont on ne sait pas s'il s'agira d'une suite à part entière ou du remake de la suite de l'original qui, rappelons-le, était elle-même un remake de l'original par son propre auteur, qui laissait dès son second film ses dernières idées de cinéaste.




On tient là un film dont l'énergie insupportable et le rythme trépidant paraissent totalement fabriqués, calculés, à des années lumières de la spontanéité réelle et rafraîchissante qui faisait le charme juvénile de l'original. C'est un obscène rouleau-compresseur de cruauté crasse et de violence sotte. On y voit entre autres une jeune femme se faire tronçonner la tête depuis l'intérieur, la lame de l'appareil enfoncée dans la bouche, dans un feu d'artifice barbare où éclate joyeusement dans le plan plus de sang que cent corps humains ne doivent en contenir. Une autre jeune femme se découpe le bras à l'aide d'une scie électrique curieusement retrouvée dans la cuisine de la vieille cabane abandonnée, pendant qu'une autre se taillade le visage avec la lame mal affutée d'un couteau rouillé avant que son petit-ami ne décide de lui fracasser compulsivement le crâne à l'aide d'un morceau de lavabo, en pleine hystérie. On regarde ça les sourcils légèrement relevés, profondément consternés et animés d'un mépris grandissant pour toutes les personnes impliquées là-dedans, à commencer par qui-vous-savez. Ces moments de violence sauvage sont filmés avec une complaisance qui fait se poser pas mal de questions. La mise en scène sans aucune personnalité est signée Fede Alvarez, un chicanos choisi par Sam Raimi himself, probablement pour le remercier d'un coup de main rendu pour régler une sombre affaire personnelle dont on ne veut rien savoir.




Le pire, c'est que la surenchère n'est jamais poussée assez loin. Ce n'est strictement jamais drôle, jamais effrayant, jamais dérangeant. Evil Dead 2013 est un sous-Destination Finale écarlate et condensé, auquel on aurait retiré toute espèce de second degré, toute esquisse de drôlerie et d'ironie. Autant dire qu'il ne reste plus rien, sachant que la franchise lancée par James Wong n'est déjà pas connue pour sa qualité... Le film de Fede Alvarez n'a aucun ton identifiable, et c'est peut-être la seule chose qui lui donne un semblant de mystère. On n'est ni dans la parodie ou dans l'humour, ni dans l'horreur véritablement sérieuse et premier degré, mais dans un entre-deux indéfinissable et inconfortable au possible. Bref, on ne sait pas trop où on est, si ce n'est face à une daube d'une envergure assez inédite pour la vague de remakes horrifiques qui n'en finit pas de déferler depuis des années et qui nous avait pourtant habitué à une moyenne terriblement basse.




Inutile de dire qu'on se demande un peu pourquoi un tel film n'a pas soulevé de débat du côté de la censure, quand la violence bien plus mesurée d'un autre, sorti au même moment, Only God Forgives, réalisé quant à lui par un cinéaste, un vrai, était pointée du doigt par nos ministres. Peut-être parce que l'étiquette de "film d'horreur" permet de tout faire passer, tandis que la vision d'un artiste, dont on connaît la radicalité, ne vaut plus grand chose et mérite qu'on s'y attaque. N'y voyez pas là les remarques réactionnaires d'un spectateur trop sensible, je me fiche un peu de tout ça et Evil Dead est un film si raté qu'il n'a strictement rien provoqué chez moi, malgré les litres d'hémoglobines à l'écran et l'enchaînement sans fin de scènes de massacres ridicules. En réalité, je me demande seulement qui peut prendre du plaisir à regarder un spectacle si déprimant et abrutissant. On est au niveau zéro de l'horreur filmée, face à un abîme de nullité aussi misérable qu'incompréhensible.




Par pur hasard, un autre film d'horreur produit récemment nous propose de suivre les mésaventures de personnages qui choisissent, eux aussi, de se cloîtrer dans une cabane perdue dans les bois pour les besoins d'une cure de désintoxication radicale. C'est diablement plus intelligent et original, ça a été fait avec trois euros en poche mais un véritable amour pour le genre, ça s'appelle Resolution et ça ne sortira pas au cinéma. En attendant de le découvrir par d'autres voies et d'en lire la critique par ici, ne perdez pas votre temps devant cet Evil Dead, ce film sans âme dont même les auteurs sont dépourvus car ils l'ont depuis longtemps revendue chez Prix Bas.


Evil Dead de Fede Alvarez avec une bande de cons (2013)

27 juin 2013

Dark Skies

Dark Skies débute sur les chapeaux de roue. C'est à ma connaissance le seul film d'horreur dont le moment le plus flippant survient dès la toute première seconde, alors que le film n'a, à vrai dire, pas du tout commencé. C'est une citation que l'on doit à Arthur C. Clarke, une pointure de la science-fiction, qui aurait écrit un jour : "Two possibilities exist : either we are alone in the Universe or we are not. Both are equally terrifying." Des mots terribles qui apparaissent blanc sur noir lors du générique d'ouverture et qui ne manquent pas de nous procurer le premier et seul frisson du film. Vous pourrez ressortir cette citation en soirée lorsque le sujet de conversation s'y prêtera, cela fera toujours son petit effet, à condition bien sûr de la placer au moment opportun, de la prononcer en anglais et avec conviction, elle perdrait autrement beaucoup de son impact. Pour ma part, ce film m'a simplement rappelé cette citation, car mon frère Poulpard, ufologue amateur de son état (il préfère le terme d'ovniologue), l'avait faite imprimer sur la première page de sa thèse de biologie dont le sujet, portant sur les interactions entre plantes et herbivores dans un contexte d'invasion biologique, était pourtant "à des années-lumières, que dis-je, à des milliards d'années-lumières !" comme lui a répété son plus virulent examinateur lors de sa soutenance, malgré les menaces physiques et verbales de notre mère sise juste derrière cet énergumène.


D'étranges constructions faites avec les ustensiles de cuisines...

C'est donc ainsi que débute Dark Skies, minuscule film d'horreur qui ressemble à s'y méprendre à un mauvais épisode de X-Files, où une famille de banlieusards américains se retrouve prise pour cible par des extraterrestres invisibles. Ces extraterrestres adorent vider les tiroirs et mettre la cuisine sens dessus dessous pendant la nuit, ce qui fait d'abord croire à des crises de somnambulisme du petit dernier de la famille (il est toujours facile de pointer du doigt le plus faible), les parents étant vraisemblablement fans de Step Bro et peut-être un brin naïfs et cruels. A un rythme suffisamment soutenu pour maintenir l'attention, les péripéties et phénomènes paranormaux accompagnant les intrusions extraterrestres s'enchaînent et se veulent de plus en plus inquiétantes. Cela fait un mois que j'ai vu le film, et je me souviens seulement de cette scène où une flopée d'oiseaux vient s'écraser sur les fenêtres de la maison, comme s'ils étaient irrésistiblement  attirés par cette modeste et banale bâtisse. Quoique non, je me souviens aussi de ce superbe passage où la fort sympathique Keri Russell (la maman) se tape plusieurs fois la tête contre la porte vitrée de sa demeure, en proie à de violentes migraines dues aux ondes néfastes propagées par les aliens.


Des dessins chelous, inspirés par des nuits agitées...

Le film prend une tournure grotesque mais salutaire (on peut enfin en rire pleinement !), quand le petit couple s'en va chez un expert en ufologie (un ovniologue donc) dont ils ont trouvé l'adresse sur internet. Ce dernier, après leur avoir fait passer un questionnaire ridicule (à base de "Un membre de votre famille a-t-il saigné du nez récemment ? Des animaux se sont-ils comportés de façon inhabituelle autour de chez vous ? Votre chien répond-il à son nom ? Avez-vous pensé à mettre du papier alu autour du pénis de votre mari ?"), leur apprend qu'ils sont la cible des Gris, l'espèce extraterrestre la plus souvent observée sur notre planète, et qu'ils risquent très probablement une abduction. L'illuminé est incarné par J. K. Simmons, une "tronche" bien connue du cinéma américain (notamment vue dans Juno et la trilogie Spider-Man de Sam Raimi), et l'acteur s'en donne à cœur joie, semble-t-il bien conscient de l'énormité de la situation, lui dont le personnage est condamné à porter des lunettes aux verres teintés et un vieux sombrero bien enfoncé sur le crâne pour, dit-il, "limiter les intrusions des Gris, télépathes malveillants capables de commander nos actions à distance".


Nos perruches perdent la tête !!

Pour impressionner la galerie, l'expert rappelle alors le b.a-ba de l'ufologue lambda à son auditoire crédule en édictant point par point la fameuse classification de Hynek, celle qui inspira Steven Spielberg en 1977. De la même façon que la citation d'Arthur C. Clarke, vous pouvez placer cette échelle astronomique lors de soirées entre amis voire lors de rendez-vous professionnels à couteaux tirés, quand une intervention de haute volée s'impose dans le but de mettre un point final à toute conversation tout en sauvant les apparences. Je vais donc vous faire part de cette classification de façon détaillée, en m'appuyant simultanément sur mes souvenirs du film et mes expériences personnelles (ne me remerciez pas).


J. K. Simmons livre une prestation assez ébouriffante, il faut bien l'admettre. Il est à fond dans son rôle.

La Rencontre Rapprochée du 1er type (RR1) est celle où le ou les témoins voient un OVNI, quel qu'il soit, à moins de 150 mètres. Le spécialiste des ovnis de Dark Skies avoue être passé tout près d'une RR1 dès l'âge de 6 ans. Hélas, il se tenait à 152 mètres de l'appareil venu du ciel quand il affirme l'avoir vu de ses yeux vus. Encore amer, il ajoute en serrant les poings "A deux centimètres près ! A deux centimètres près !". Après avoir retrouvé ses esprits, J. K. Simmons précise que 8 américains sur 10 effectuent une rencontre rapprochée du 1er type avant l'âge de 55 ans et sont mauvais en géométrie. Keri Russell porte alors la main à la bouche pour jouer la stupéfaction. C'est mignon.


Adepte des "nipples" et autres "see through", Keri Russell apparaît souvent en simple pyjus dans Dark Skies. Notons hélas que de simples gommettes bien placées suffirait à respecter son intimité.

Selon Joseph Allen Hynek, la Rencontre Rapprochée du 2e type (RR2) succède logiquement à la Rencontre du 1er type. Pour qu'une RR2 soit reconnue et attestée, il faut que l'OVNI laisse des preuves matérielles, comme des traces au sol, des mokos ou des fèces, voire pire. L'ufologue un chouïa allumé du film de Scott Charles Stewart désigne alors du bras la vieille étagère qui décore sobrement son salon et sur laquelle trônent une collection de merdes impressionnantes venant forcément d'outre-space. Keri Russell fait encore la moue. On en mangerait !


C'est pendant la nuit que les Gris font tout leur ramdam dans la cuisine. Cela a le don de faire sortir Keri de ses gonds.

En ce qui concerne la RR2, une précision est à faire pour vous autres lecteurs, nouveaux ufologues avertis. Certains pensent en effet que les cercles de récolte, les fameux "signes" qui ont inspiré M. Night Shyamalan, entrent dans cette catégorie. Mais les ufologues sont extrêmement divisés sur ce point, surtout depuis qu'il a été prouvé par A+B que ces étranges symboles étaient l’œuvre de deux paysans farceurs, as du râteau au propre comme au figuré. La déclassification de ces cercles de récolte en RR2 par le Center for UFO Studies en mars 1980 a même provoqué un important schisme parmi les ufologues, définitivement séparés en deux écoles de pensées. Chez les dissidents, on a constaté à cette même période un vif regain d'intérêt pour la classification que l'on doit au français Jacques Vallée (cocorico !), beaucoup plus précise et austère, et donc moins amusante. Dans Dark Skies, le personnage campé par J. K. Simmons préfère ne pas aborder la question pour ne pas rouvrir une plaie encore mal cicatrisée.


Ci-dessus le "crop circle" que réalisa mon frère Poulpard une nuit d'insomnie, dans le champ en face de la ferme de nos parents. En guise de punition, papa nous retira la prise péritel de notre SuperNes. Nous la cherchons encore. 

Les choses deviennent enfin plus intéressantes avec la Rencontre Rapprochée du 3e type (RR3) : le ou les témoins voient un OVNI et ses occupants, ou seulement les prétendus occupants d'un OVNI sans ce dernier (dans ce cas-là, la RR3 présente ceci d'original qu'elle ne se cumule pas systématiquement à une RR1). La "rencontre de Kelly-Hopkinsville" et le "grand meeting de Valensole" sont classés en RR3. Je classe ma JAPD en RR3. Et le pauvre J. K. Simmons accumule à son grand regret les RR3. Quand ça tourne mal, ces rencontres débouchent parfois sur une Rencontre Rapprochée du 4e type (RR4) : le ou les témoins prétendent alors avoir été enlevés par les occupants d'un OVNI. Ces RR4 sont plus rares, dans le sens où les personnes ne reviennent pas toujours pour effectuer le récit de leurs abductions. Elles n'en constituent pas moins l'une des plus populaires catégories inventées par Hynek et de nombreux films en ont proposé une illustration, sans qu'aucun ne parvienne à véritablement marquer les esprits (Intruders, Xtro, Communion, Fire in the Sky, The Forgotten, Fourth Kind... ces titres ne vous disent rien ? Normal).


On ne garde tout de même pas un mauvais souvenir de LA scène d'abduction de Fire in the Sky avec ses aliens particulièrement hideux. Dommage qu'elle ne survienne qu'après deux heures d'ennui.

Remédions aux carences de Dark Skies et précisons qu'il existe deux types de RR4 : dans une "RR4 de classe 1", les victimes sont non consentantes et peuvent éprouver une déformation grave de la réalité, des trous de mémoire, des symptômes caractéristiques du traumatisme du rapt tels que la crainte et l'inquiétude, des effets physiologiques comme la paralysie et une désorientation dans le temps et l'espace. C'est exactement ce qui finit par arriver à la famille de Dark Skies (spoiler). Mon frère Poulpard présente quant à lui la particularité d'avoir à la fois été l'auteur puis la victime puis de nouveau l'auteur d'un RR4 de classe 1. Je considère personnellement comme une RR4 de classe 1 la journée portes ouvertes du collège Joseph Delteil de Limoux effectuée quand j'étais en CM2. Les "RR4 de classe 2", bien que techniquement qualifiés d'enlèvement, sont des cas où le témoin déclare avoir suivi volontairement l'entité. Il s'agit parfois des conséquences du coup de foudre d'une jeune demoiselle pour un individu venant certes d'ailleurs mais répondant par miracle aux critères de beauté de notre planète (à savoir un sexe long, épais et dur). Kelly Kapowski affirme ainsi avoir été attiré par "un sosie de Brad Pitt au corps vert-de-gris" le 14 juillet 1978, en plein Arkansas. Quand le coup de foudre est réciproque, la RR4-2 peut rapidement entraîner une RR7 (un ou plusieurs témoins ont un rapport sexuel avec le ou les occupants d'un OVNI), mais, pour ne pas vous perdre, reprenons plutôt dans l'ordre...


 Joseph A. Hynek et Jacques Vallée : bien qu'opposés par les ufologues du monde entier, les deux hommes se respectaient mutuellement. Notons que Jacques Vallée inspira à Spielberg le personnage incarné par François Truffaut dans Rencontres du 3ème type et que Hynek y fait une apparition.

La rencontre Rapprochée du 5e type (RR5) est celle où le ou les témoins prétendent être entrés en communication avec les occupants d'un OVNI. Certaines personnes prétendant avoir vécu une RR5 se sont révélés être de purs affabulateurs. D'autres, qui visaient à mettre en garde leurs semblables, ont récemment tenté de démontrer que le 39 49 était une ligne directe vers une RR5 assurée et souvent traumatisante. Ce type de rencontre ne se produit pas dans Dark Skies, les extraterrestres du film pouvant se définir comme de véritables anti-woody aliens dans le sens où ils ne causent et ne blaguent jamais. La Rencontre Rapprochée du 6e type (RR6) ne fait plus rire personne : pour qu'elle ait lieu, un ou plusieurs témoins (ou animaux) doivent être blessés ou tués par un OVNI ou ses occupants. On peut alors parler d'une "mauvaise rencontre" ou d'une "rencontre fatale", comme l'indique mon frère Poulpard, alien ufologue amateur. Les cas de mutilations de bétail qui ne trouvent pas d'explication rationnelle sont souvent imputés à une RR6 (pour l'anecdote, le tout premier épisode de la série South Park traite avec humour de la RR6). La mort de mon chat Leviathan, dont le cadavre a été retrouvé recouvert d'abjectes cicatrices, a d'abord été classée en RR6 par mon propre papa avant d'être déclassée suite aux aveux du petit Dimitri, mon enfoiré de voisin psychopathe. Pour en revenir au film, J. K. Simmons déclare que la RR6 est la plus atroce des rencontres, étant donné qu'elle laisse généralement la victime en vie, mais traumatisée pour le restant de ses jours, or "mieux vaut crever après ça, croyez-moi" comme le personnage le répète à 36 reprises exactement (j'ai compté). Les RR7 et suivantes existent bel et bien, mais elles sont moins indispensables. Savoir par-cœur les cinq premières catégories élaborées par Hynek suffisent à briller en société et même au delà...


Quelques portraits d'Entités Biologiques Extraterrestres réalisés d'après les témoignages. Presque toutes correspondent à des "Gris". Certains farceurs ajoutent parfois à cette sinistre galerie une photographie noir et blanc en pied d'Amélie Nothomb. 

A part enrichir votre culture générale par ces précieuses connaissances et faire de vous une bestiole de foire en soirées (ce qui n'est déjà pas rien, avouons-le), Dark Skies ne vous apportera pas grand chose. Le grand film sur les rencontres du 4e type reste donc à faire. On se demande un peu pourquoi Dark Skies connaît les honneurs d'une sortie en salles quand tant d'autres restent sur les étagères. La jolie frimousse de Keri Russell, dont la régularité des traits n'a d'égal que la petitesse de sa poitrine (malheureusement personne n'est parfait), ne suffit pas à se sentir quelque peu concerné par les malheurs de cette bien terne famille, en proie à des petits hommes gris qui ne marqueront pas l'histoire de la science-fiction mais qui vous feront peut-être effectuer une recherche Google en leur honneur (c'est ce que j'ai fait, j'avoue). En ce qui me concerne, je me suis senti obligé de vous parler de ce film à cause de cette sortie inattendue sur grand écran, et c'est là qu'on sent les terribles contradictions de la vie d'un blogueur ciné, affirmant n'être guidé que par sa passion de cinéphile, mais obéissant sans rechigner au diktat impitoyable de l'actualité. 


Dark Skies de Scott Charles Stewart avec Keri Russell, Josh Hamilton, Dakota Goyo, Kadan Rockett et J. K. Simmons (2013)

31 mars 2013

Le Monde fantastique d'Oz

Le Monde fantastique d'Oz est un film pour enfants. Mais des enfants qui seraient d'accord pour se faire chier comme des rats morts pendant plus de 2 heures. Bâti sur une histoire d'une simplicité confondante pour que, justement, le jeune public auquel il est destiné puisse le suivre sans problème, ce film moribond et très laid est porté à bout de bras par James Franco. Or, l'acteur dispose ici du charisme d'un poulet de batterie et de petits bras de T-rex dont la fonction n'était sûrement pas de porter des objets lourds. Ce n'est pas ce genre d'acteur de troisième zone qui peut faire sortir le film de son carcan insipide et froid. Médiocre prestidigitateur sur Terre, James Franco arrive par enchantement dans le pays d'Oz, où il se fait passer pour le Magicien qui, selon la prophétie, doit bouter la méchante sorcière (Rachel Weisz) pour faire à nouveau régner le bonheur. Belle perspective.




De son côté, cette méchante sorcière cache son jeu et sème la terreur tandis que MC Solaar récolte le tempo. Elle est à la tête d'une redoutable troupe de babouins volants armée jusqu'aux dents. Et alors que ces sales bêtes causent panique et désolation, James Franco se laisse attendrir par la détresse des si gentils habitants d'Oz et par les formes "généreuses" de Michelle Williams (preuve qu'il doit s'acheter de nouvelles lentilles de contact). Sentant que ses seules qualités physiques ne lui permettront pas de conclure, il décide d'arrêter d'être un pleutre et de prendre les choses en main. Grâce à sa passion pour Thomas Edison et Alfred Nobel, il arrive à fabriquer tout un tas de petits gadgets inoffensifs mais fort impressionnants (feux d'artifice, bâtons de dynamite et illusions d'optique). En effet, à cause d'une promesse débile faite à Michelle Williams en échange d'un contact rapproché avec ses tétons, James Franco s'est interdit de buter ses ennemis, il peut simplement leur foutre les jetons (référence appuyée à Terminator 2). Cela concerne aussi les féroces babouins volants qui, de leur côté, n'éprouvent aucune sorte de pitié pour qui que ce soit et tuent à tour de bras. Pensez-y : des centaines de babouins volants, avec leurs gros culs rouges et leurs dents acérées. Ils sont l'un des fléaux visuels de ce film hideux.




James Franco, qui jusque-là passait pour un escroc à la petite semaine, sort donc le grand jeu et démontre une bonté d'âme qu'on ne lui soupçonnait pas... Grâce à son stratagème "son et lumière" digne des plus grands spectacles du Puy du Fou, il parviendra à faire fuir la méchante sorcière ("jusqu'à ce qu'elle revienne", précise-t-il, dans le but d'annoncer une éventuelle suite à ce film en contreplaqué) et à rétablir la joie et la paix dans le monde fantastique d'Oz. D'un point de vue personnel, il s'emballe Michelle Williams, et c'est tout ce qui semble compter pour lui. De notre point de vue, c'est une catastrophe. Et les autres acteurs ne sauvent pas les meubles. Michelle Williams, par exemple, incarne une gentille sorcière, toute de blanc vêtue, maquillée à la truelle pour être rajeunie de 20 ans : c'est très laid, on dirait Loana immortalisée par un paparazzi manchot suite à une nouvelle tentative de suicide, mais ça semble fortement plaire à James Franco. Rachel Weisz et Mila Kunis, quant à elles, campent deux soeurs probablement pas du même père ni de la même mère, sans aucun panache. Elles complètent le fade trio de sorcières que l'on peut croiser dans le monde d'Oz. Sam Raimi, le réalisateur de cette saloperie qui a laissé tout son talent dans un magasin Prix-Bas en 1992, essaie un temps de nous faire douter de l'identité de la sorcière méchante, mais même un enfant de 4 ans avec de la merde dans les yeux aura tôt fait de deviner qu'il s'agit de Rachel Weisz.




Les rares satisfactions de ce désastre sont quelques seconds rôles joués par des acteurs vétérans, comme par exemple le rôle de Knuck, un nain black grincheux et agressif, joué par le trop rare Tony Cox (l'inoubliable Shonté dans Fous d'Irène). En fait, il n'y a que lui. Un nain black caustique est donc l'unique highlight de ce blockbuster au budget dépassant les 250 millions de dollars. Sam Raimi, considéré comme un réalisateur de la A-list, l'homme qui peut lever tout l'argent qu'il veut pour faire un film intimiste ou ambitieux et en avoir l'entier contrôle artistique, poursuit donc sa mutation complète en une enflure XXL. 


Le Monde fantastique d'Oz de Sam Raimi avec James Franco, Rachel Weisz, Michelle Williams, Mila Kunis et Tony Cox (2013)

19 février 2013

The Burrowers

En exterminant les bisons de l'Ouest américain, l'homme blanc a bouleversé cet écosystème fragile que sont les grandes plaines de l'Ouest américain. Il a réveillé les burrowers (littéralement "les enfouisseurs"), des terribles bestioles vivant sous terre, dont le bison constituait l'unique source de nourriture. Ces burrowers, seuls les Indiens savent comment s'en débarrasser. Mais l'homme blanc, en décimant également les Indiens, a fait disparaître avec eux leur savoir ancestral. 1879, quelque part en Arkansas. Une famille a disparu suite à une attaque que l'on attribue immédiatement aux Sioux. Une petite bande de mecs, constituée entre autres d'un homme brisé à la recherche de sa fiancée, d'un commandant de cavalerie pète-sec et d'un cuistot black loquace et sympatoche, s'en va à leur recherche, bien décidée à faire la peau à quelques peaux rouges. Ils ne se doutent pas du tout qu'ils vont se confronter aux impitoyables burrowers, malgré les mises en garde d'un jeune sioux dont ils ne comprennent pas le langage, mais dont les propos nous sont sous-titrés par un traducteur qui, lui, maîtrise le quechua en plus d'en être certainement vêtu de la tête aux pieds.


Un plan qui rappelle volontairement le plan final de Indiana Jones et la Dernière Croisade !

The Burrowers, à ne pas confondre avec The Borrowers (en VF Le Petit monde des Borrowers, un petit film pour enfants avec John Goodman, aka "Jean Bonhomme", sorti en 1997, qui nous raconte la vie de lutins qui s'empruntent des choses entre eux), se présente comme le croisement d'un film de monstres et d'un western. C'est donc un weirdstern. Ce mélange, déjà effectué à plusieurs reprises par le passé, n'a jamais rien donné de notable, et c'est d'ailleurs pour cela que j'aurais bien du mal à vous citer un ou deux exemples. Cette idée de croiser ces deux genres en vaut bien une autre mais, face au film de J. T. Petty, on se demande longtemps à quoi bon situer l'histoire à cette époque et mettre en scène quelques cowboys, indiens et tout le toutim, tant cela n'apporte aucune originalité ni intérêt à l'ensemble. En réalité, si J. T. Petty a fait de son film un western, c'est simplement parce qu'il en a gros sur la patate. The Burrowers est un véritable pamphlet écolo, anti-facho et pro-Navajo. Le réalisateur dénonce à tour de bras, vide son sac à l'aide de sa caméra. Il pointe du doigt l'attitude agressive des populations d'origine européennes face aux Indiens, immédiatement considérés comme les boucs émissaires, torturés, tués, traités comme des bêtes. Il critique sévèrement le racisme des blancs envers les noirs, puisque le noir cuistot est sans cesse rabroué par ses camarades abrutis. Il accuse enfin les pionniers d'avoir provoqué la disparition des sympathiques bisons, au mépris d'un équilibre naturel fragile par définition.


Quand il était petit, J.T. Petty dessinait toute sorte de croquis (exemple flagrant ci-dessus) qui faisaient dire à son père dans son anglais natal qu'il était un "retarded" et un "copycat". 

Le design des monstres est toujours un élément crucial de ce genre de films (pensez à Alien : si le monstre n'avait pas été conçu par un malade génial nommé Hervé Giger, le film serait très probablement resté dans l'anonymat ; rappelez-vous aussi de Predator, de Critters ou, plus récemment, L'Arnacoeur). Devant de tels films, nous attendons comme le Messie ces rares moments où nous apercevrons furtivement les monstres à l'écran, quitte à faire des arrêts sur image pour mieux admirer le travail des créateurs. Les burrowers sont plutôt réussis si l'on prend en compte le maigre budget dont devait bénéficier Petty. Ils ressemblent à des sortes d'acrididées mammifères, faits de chair et de sang, à la peau pelée, mesurant près de deux mètres de long. Leur corps se termine par une tronche très brouillonne à la dentition particulièrement acérée, et nous les devinons à moitié aveugles vu le sale état de leurs mirettes. Ils ont la particularité de ramper sur le sol à l'aide de membres rabougris, donnant ainsi l'impression d'être des hommes aux bras imparfaits, évoluant laborieusement sur les coudes, avec les jambes comme retournées et placées sur le dos (des freaks humains sont d'ailleurs utilisés par Petty pour les plans d'ensemble). Pour faire plus simple : imaginez des taupes sans poil, mêlées à des criquets sans antennes, au caractère ronchon et querelleur. Ce look fait des burrowers des bestioles presque pitoyables, que l'on devine ancestrales, primitives, et condamnées à une vie monacale. Les burrowers s'attaquent à leurs victimes de nuit, exclusivement, les empoisonnent d'un coup de griffe puis les enterrent (d'où leur nom) alors qu'elles sont encore vivantes, pour mieux s'en repaître quand elles commencent à se décomposer, car c'est comme ça qu'ils préfèrent les déguster. Vous savez tout des burrowers.


La véritable histoire du dernier des Mohicans est dans ce film !

J. T. Petty, pourtant pas bien grand, a imité Sam Raimi et ses Evil Dead en faisant de son court métrage son premier long métrage. On aurait donc pu s'attendre à ce qu'il maîtrise de bout en bout son sujet, et qu'il nous livre une œuvre moins brouillonne que celle-ci. S'il avait eu du succès, on peut s'imaginer que Petty aurait remaké son premier long métrage, qui était déjà le remake de son premier court métrage, avec plus de moyens. Son film d'horreur "à charge" échoue à nous faire peur et s'avère très banal malgré son côté hybride a priori un peu original. L'engagement du cinéaste pour la cause amérindienne et afro-américaine est toutefois à saluer, même s'il survient un peu tard et après la bataille (cf. le Lincoln de Spielberg). Signalons également que The Burrowers apparaît comme une nouvelle déclinaison du chef d’œuvre de John Ford, La Prisonnière du désert (Desert's Pandemonium en version originale), dans lequel John Wayne et son éternel sourire de plombier remuait ciel et terre pour mettre la main sur Natalie Wood, qui finalement ne voulait pas rejoindre la civilisation car elle avait trouvé en "Le Balafré" un partenaire sexuel digne de la plus grande prévenance. Une déclinaison dont on aurait pu se passer, n'apportant rien à l'original et avec laquelle John Ford aurait poliment nié toute espèce de lien de parenté. 


The Burrowers de J. T. Petty avec Clancy Brown, David Busse et William Mapother (2008)

4 juillet 2012

The Amazing Spider-Man

Nous recevons aujourd'hui un invité spécial, Paul-Émile Geoffroy, pour nous parler du tout nouveau reboot de la franchise Spider-Man, en ce moment sur vos écrans. Place à l'hôte :

J'hésite à désigner ce qui est le plus amazing d'un productorat Hollywoodien sans-gène ou de la panurgerie assumée des spectateurs par-delà les frontières, mais une chose est certaine : dix ans seulement après le Spider-Man de Sam Raimi, la franchise rebootée va faire un carton en salles, sans risque (on n'aura pas confié le job à un "auteur", la jurisprudence Superman Returns n'est donc pas applicable ici).


Spiderman, le super-héros auquel on est censé s'identifier pour rêver un max, n'est autre que le copain geek de Mark Zuckerberg dans The Social Network, un clampin adulescent au visage mal fagoté typique des pires lycéens et coiffé comme Gérard Piqué.

Dix ans déjà que Tobey Maguire nous impressionna par ses bonds de toit en toit, et déjà on veut revoir la même histoire all over again. Pas même une génération d'écoulée, non, nous-mêmes qui étions allés voir Kirsten Dunst roussir retournerons dès aujourd'hui voir quelle tête aura sa doublure... et comparer ! Tout l'intérêt est là, désormais. Hollywood s'est transformé depuis quelques années (faute d'idées originales ou de courage pour aller vers du neuf, peu importe d'ailleurs) en un nouveau Broadway ! Sitôt le spectacle représenté un nombre suffisant de fois, on conserve ainsi les décors, et les rôles sont redistribués. On ne change pas une idée qui marche ! Spiderman vaut bien un Cats en lettres étincelantes, et puis ça reste des bêtes. Plus la peine d'attendre vingt ou trente ans pour reprendre une franchise, ce temps-là serait perdu. Savez-vous que des millions de spectateurs naissent chaque année ? Ceux-là, tous ceux-là aussi ont droit au frisson de découvrir leur Spiderman. Et puis quoi ? Christopher Nolan a bien compris, lui, que l'industrie cinématographique change - et qui sommes-nous pour nous y opposer ? - et il s'est déjà engagé, avant-même la sortie du troisième et dernier opus de son reboot de Batman, à être conseiller attitré sur le reboot (suivant) qui est déjà prévu pour la franchise. Voilà qui est sain et prévoyant, c'est dans l'ordre des choses après tout.


La petite amie de Spiderman est une actrice porno qui s'ignore abonnée aux grosses comédies romantiques sur le phénomène des sex friends et autres fuck buddies. Tu m'étonnes... Ne fais pas semblant d'aimer les livres...

Il nous faut accepter que les choses changent car c'est inéluctable. Notre demande a occasionné un cinéma produit à une vitesse hallucinante et en un siècle, tout l'éventail des idées, suspenses, clichés, mises en scène, twists, psychologies, futurismes et fresques historiques a été traité. Nous sommes allés vite, trop peut-être, et tout ou presque a été fait... Il reste bien quelques coins du monde, quelques recoins de l'Histoire qui mériteraient leurs longs-métrages, leurs séries, leurs remakes, préquelles, séquelles, puis reboots, mais ce sont des secteurs à risque (financiers ou moraux). On risque d'emmerder ou de choquer donc de manquer le public...

Alors on tricote des pullovers avec les trames de nos sujets favoris. Ceux qui ont toutes les chances de plaire, les best-sellers. Les Karate Kid, Rambo, Piranha, Alien et autres The Thing. Si c'est une franchise, on la reboote, si c'est un one-shot, on le remake, ou mieux, on conserve le titre mais on le réécrit un peu, ou encore mieux, on conserve le titre mais on en fait une préquelle, tout est possible ! Il faut bien continuer d'amuser, de divertir le public. C'est la demande qui fait l'offre.

Il est intéressant cependant de constater qu'en France, on procède différemment. Les yeux de notre industrie sont ouverts, eux aussi, sur cette grande mutation et on n'invente plus beaucoup non plus de côté-ci de l'Atlantique (qui étaient les derniers grands producteurs d'un cinéma populaire original ? Jean-Marie Poiré, peut-être...), mais en France on met en scène des concepts plutôt que des aventures. On a "Les Beaux Gosses", "Les Chtis", "Les "Infidèles", "Les Kailleras"... On attend "Les Roms", "Les Grévistes" et "Marine" pour la rentrée. Ces études de caractères (qui pourraient presque faire office d'études de phraséologie, décortiquant chacune des expressions syntagmatiques "à la mode") sont dans notre tradition (depuis au moins La Bruyère) bien davantage que les aventures épiques. On a bien eu notre Astérix (et ses suites... à quand le reboot ?) mais Chrétien de Troyes n'aura pas engendré tant de Ridley Scott, de Roland Emmerich ou de Wolfgang Petersen que ça. Chercher des Peter Jackson ou des James Cameron par chez nous relève de l'aiguille dans la botte de foin. Nous avons des Musset, des Balzac, des Rohmer, des Resnais et même l'industrie populaire s'affaire autour de caractères, jusqu'à Besson lui-même, notre industriel en chef, du moins jusqu'à ce qu'il ne tourne définitivement américain. C'est ainsi.


Ma chambre d'étudiant en cité U ressemblait assez à celle de Spiderman sur cette photo...

Il n'est pas question de porter d'ailleurs de jugement comparatif quant à ces deux manières d'envisager un tournant de l'histoire du cinéma. L'industrie s'adapte à une pénurie d'histoires commercialisables, c'est un fait. Le cinéma d'auteur continuera de satisfaire les plus exigeants d'entre nous tandis que les autres s'acclimateront sans doute de la nouvelle donne et retourneront au cinéma dès 2022 (avec leurs enfants cette fois) pour y voir le premier épisode des aventures de Peter Parker, comment il s'est fait piquer, comment son oncle est mort et comment Mary Jane est jeune et séduisante, éternellement.

Cependant, rien évidemment ne nous obligera plus à jamais et nulle part, presse ou web confondus, mentionner, critiquer, évaluer ou même considérer l'existence d'aucuns de ces produits cinématographiques, de ces spectacles, qui ne sont pas ou qui ne sont plus du cinéma.


The Amazing Spider-Man de Marc Webb avec Andrew Garfield, Emma Stone, Rhys Ifans, Martin Sheen et Sally Field (2012)