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11 janvier 2021

Birds of Prey (et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn)

Au risque de perdre toute espèce de crédibilité au sein de l'impitoyable blogosphère ciné, je dois vous avouer avoir bien aimé Birds of Prey. Je le dis tout timidement, je ne vous invite guère à vérifier la qualité de la chose par vos soins, craignant trop le retour de bâton... Je suis le premier étonné d'avoir passé un agréable moment devant ce film dont je n'attendais strictement rien. La raison est d'ailleurs peut-être là. Pourtant nettement plus agréable que le tout-venant des productions super-héroïques qui nous inondent depuis des lustres, le film de Cathy Yan s'est fait laminer à sa sortie, en particulier par la presse américaine, elle qui est d'ordinaire si encline à faire l'éloge de daubes XXL plus ou moins apparentées (Black Panther, Wonder Woman et compagnie). C'est plutôt cruel et injuste pour ce film sans grande prétention qui renoue humblement avec les divertissements US des années 90, flirtant régulièrement avec le buddy movie, et n'aborde pas du tout le genre avec le sérieux si plombant trop souvent de mise ailleurs. Il y a certes de sacrées lourdeurs et quelques fautes de goûts, avec notamment des scènes d'action pas assez bien fagotées pour être aussi longues, mais l'ensemble est à mes yeux sauvé par cette modestie et cette légèreté affichées d'emblée, par une énergie bien présente de la première à la dernière minute et, surtout, par une bande de comédiennes sympathiques, à commencer par la meneuse du groupe, Margot Robbie.




Également productrice, l'actrice australienne porte clairement ce film sur ses frêles épaules, elle y insuffle toute son énergie, elle a l'air d'y croire à fond. Elle atteste d'un abattage comique évident qui donne très envie de la revoir dans de plus pures comédies, dans des rôles carrément burlesques, de chtarbée finie. Elle constitue à l'évidence, et de très loin, le meilleur effet spécial de cette production au budget avoisinant les 100 millions de dollars. L'actrice, qui visiblement s'amuse beaucoup, est parvenue à me rendre son plaisir ludique contagieux. Elle est d'une expressivité de chaque instant, faisant preuve d'une précision dans son jeu, dans sa diction par exemple, qui donne tout son intérêt à ses scènes (à vrai dire, on pourrait même effacer du film sans grand regret les rares scènes où elle n'apparaît pas oui, même celles avec MEW, cette actrice attrayante qui, d'habitude, focalise notre attention et se retrouve ici reléguée au second plan). On dirait un personnage de dessin animé dont chaque détail aurait été pensé au préalable et aurait pu être parfaitement maîtrisé dans son exécution. Il y a aussi une autre raison, dans la performance de Margot Robbie, qui explique sans doute pourquoi elle m'a autant plu là-dedans, moi le nostalgique inconsolable de l'âge d'or de Jim Carrey*...



 
Pendant la promotion du film, une émission de télé américaine a confronté l'actrice à Jim Carrey. Ce dernier a alors eu une blague un peu déplacée, ou en tout cas maladroite, en disant avec une ironie pas assez évidente pour les twittos du monde entier que le succès de Margot Robbie devait beaucoup à sa plastique si agréable. L'actrice a alors souri et rougi, rendant le compliment encore plus frappant, et n'a montré aucun signe de vexation, ayant sans doute saisi la gentille taquinerie du trublion Carrey, plus charmeur qu'autre chose. Aussi, il me semble évident que la star d'Ace Ventura et Dumb & Dumber devait être le principal modèle de l'actrice pour son jeu désinhibé dans Birds of Prey, sa plus grande source d'inspiration. Dans sa gestuelle si calculée et parfois outrancière, son bagout dans toutes les circonstances, sa façon d'investir à fond un personnage invraisemblable, son explosivité pas toujours retenue, son contrôle absolu de chacun de ses muscles faciaux, etc. etc., Margot Robbie se présente elle aussi comme une toon à visage humain. Elle qui était déjà le seul intérêt de Scandale, voire de Moi, Tonya, confirme qu'avant d'être un idéal de beauté au sourire enchanteur, elle est d'abord une actrice très douée. On espère que ses choix futurs l'amèneront plus souvent à explorer ce registre comique et, surtout, à sortir de ces productions super-héroïques que, d'ordinaire, j'évite comme la peste. Quoique si elle revient bientôt en Harley Quinn, je devrais sans doute répondre présent...




*il faut d'ailleurs lire à son sujet le superbe livre d'Adrien Dénouette qui vient de paraître aux éditions Façonnage, Jim Carrey ou l'Amérique démasquée, dont la lecture, passionnante de bout en bout, est un pur régal.
 
 
Birds of Prey (et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn) de Cathy Yan avec Margot Robbie, Mary Elizabeth Winstead et Ewan McGregor (2020)

8 janvier 2020

Joker

Joker se fout en l'air tout seul. Le début du film est plutôt intéressant. Joaquin Phoenix prend tout sur lui et se montre particulièrement impressionnant. Quelques bonnes idées sur le papier sont sublimées par son jeu, notamment celle du fou rire nerveux et maladif dont souffre Arthur Fleck, futur Joker, qui frôle les larmes et la souffrance, jusqu'à la suffocation, avec ses nombreuses variantes (de la scène dans le métro où il essaie de faire rire un petit garçon puis fait face à la mère à la séquence de stand-up dans un cabaret). Autre idée qui fait mouche, celle qui veut que son personnage n'est pas sûr d'exister. Phoenix rappelle alors – ce n'est pas la première fois – le Mathieu Amalric de Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) de Desplechin et la composition du personnage, lui aussi très physique et marqué par le motif de la chute, de Paul Dedalus, qui rencontrait le même doute d'exister et vivait une humiliation similaire (celle d'une porte automatique qui ne s'ouvre pas devant soi – idée toutefois mieux exploitée chez Desplechin).




Malheureusement, la deuxième partie du film est d'abord ratée, ensuite embarrassante. Ratée pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'elle prend le spectateur pour un idiot, faute suprême, dans la séquence où Todd Phillips nous remontre les passages où Fleck (n')est (pas) avec sa voisine afin que l'on comprenne bien, dans un montage nul, qu'en réalité elle n'était pas avec lui (ce que tout un chacun avait compris depuis des plombes). Mais aussi parce que cette deuxième partie (qui s'ouvre significativement, si ma mémoire est bonne, avec la triste scène où Fleck rencontre le petit Wayne autour d'un portail) traite avec quelque légèreté et avec une rapidité regrettable le basculement de son personnage principal, légèreté qui finit par toucher aussi la façon dont ses actes sont montrés (à la terreur de la violence du meurtre des trois gosses de riches dans le métro succède une assurance froide de pacotille qui se traduit par des propos et un geste trop précisément calibrés sur le plateau de télé de la fin). Or cette légèreté du geste correspond sans grande surprise à celle du film vis-à-vis de celui-ci. Le meurtre n'est plus horrible, il est presque séduisant et peut se revoir sans peine. Ratée, cette deuxième partie l'est encore parce que le film se referme sur la psychologie de son personnage principal de façon assez grossière (cette histoire d'abandon, puis de parents violents et détraqués, qui fait de Fleck un cas psychiatrique et relègue au second plan tout ce que la première partie montrait du poids d'une société inégalitaire, violente et corrompue sur l'individu) au lieu de l'ouvrir au système et à sa grande victime, le peuple, grand absent du film.




La fin de Joker ne montre pas, contrairement à ce qu'il semble, un soulèvement populaire, ne montre pas la formation d'un collectif, ne montre pas le mouvement, donc, d'un peuple (grand absent, déjà, de tous les gros blockbusters de super-héros depuis vingt ans ; l'une des seules scènes consacrées au peuple, bonne bête aveugle et naïve dans la trilogie du Ba-tm-an de Nolan, qui me revienne en mémoire est celle, dans Spider Man 2, où les usagers du métro se réunissent pour porter le corps du super-héros en triomphe après qu'il s'est sacrifié pour sauver les miches de cette bande d'assistés passifs et béats d'admiration...). La fin du film ne montre vraiment, encore et toujours, que le Joker, qu'un personnage, un tueur qui devient un enblême. C'est en somme peu ou prou la même chose, dans un registre moins gros bras évidemment mais néanmoins assez tape-à-l’œil, que ce que proposent les films Marvel : un héros. Dans la pseudo-révolution finale, qui, très ironiquement, a bien failli faire trembler quelques réacs à l'idée qu'elle confirme les velléités de révolte qui parcourent le monde en ce moment, le peuple, le groupe, le collectif ne comptent pour rien. Il n'y a aucune idée politique dans ce film, mais, pire, le film résume le problème à ce choix : la société capitaliste policière et corrompue des Wayne, ou la barbarie, le chaos et l'embrasement inspirés par le Joker à une foule foutraque qui n'a soif que de meurtre, de flammes, de rapine et de destruction. Rien d'autre. Choisissez entre ces deux super-vilains. Faites vos jeux.




Ce film-là opte pour le Joker et la violence érigée en solution jouissive, là où la plupart des autres optent pour des justiciers en culotte courte qui font régner l'ordre et, patriotes et propres sur eux, se vendent bien partout, surtout en Chine. Et la figure du meurtrier est donc, comme ailleurs celles des super-héros en slips aux couleurs du Stars and Stripes (Superman, Captain America) et du pognon (Batman, IronMan), glorifiée à travers de nombreux plans où il est représenté comme quelqu'un de sublime (ralentis, contre-plongée, peuple qui l'acclame quand il se dresse sur le toit d'une voiture de flic, danse de la victoire dans les flaques des escaliers, etc.). En convoquant Robert De Niro, Todd Phillips pense forcément à Taxi Driver et à King of Comedy (les références sont légion). Mais là où Scorsese finissait le premier en dénonçant l'héroïsation médiatique cynique de Travis Bickle tout en montrant toute l'horreur de sa violence, et le second en révélant le cynisme des rouages du show business toujours et injustement fermé aux mêmes, c'est tout le film de Phillips qui est cynique. La fin est simpliste, et si éventuellement elle devait être dangereuse (rions un peu), elle ne le serait pas en poussant les gens à reproduire le geste du Joker (les révoltes n'ont pas attendu le film, tout au plus certain·es manifestant·es ont-elles/ils arboré le masque du personnage pour colorer leur lutte), mais parce qu'elle va dans le sens de leurs adversaires : si l'on met à bas le capitalisme, c'est le chaos qui règnera. Les super-chats ou les super-rats, pour reprendre un motif peu finaud du film. Quant à l'idée que les citoyens pourraient s'organiser autrement et inventer d'autres modèles d'existence au lieu de sombrer dans la folie meurtrière ? Exit. Alors oui le film a quand même de petites qualités, et certes il vaut bien mieux que ce que produisent Marvel, Disney et consorts depuis vingt ans (pas difficile de concurrencer le néant), mais de là à se contenter de ça...


Joker de Todd Phillips avec Joaquin Phoenix et Robert De Niro (2019)

12 mai 2018

Black Panther

En 2017, l'industrie cinématographique hollywoodienne était bouleversée par le succès retentissant de Wonder Woman, le premier film de super-héros consacré à une femme et réalisé par une femme, à savoir Gad Galot et Patrick Jenkins. Tout le monde était sur le cul ! Les stars les plus progressistes d'Hollywood, avec à leur tête Jessica Chastain, soutenaient aveuglément le film et en assuraient une promotion d'enfer sur les réseaux sociaux. Un an plus tard rebelote avec Black Panther, une nouvelle révolution : le dix-huitième film de l'univers cinématographique Marvel s'intéresse à un super-héros noir ! Il défraie la chronique en amassant plus d'un milliard de dollars de recette à travers le monde en un temps record. Un phénomène... Là encore, le gratin hollywoodien est mobilisé, des places sont achetées pour être redistribuées aux plus défavorisés et ainsi permettre à tous d'aller voir le blockbuster de Ryan Coogler. Tu parles d'un cadeau !




A l'image de Wonder Woman, Black Panther est une merde comme les autres, un symptôme supplémentaire du stade terminal du cinéma de divertissement américain, tout juste capable d'enchaîner les films de super-héros et d'entasser les super-héros dans les films, pour faire du blé. Ces succès viennent régulièrement relancer une machine qui n'est hélas pas près de s'arrêter. Le pire, c'est que la critique s'y met parfois aussi, en saluant tel ou tel film qui ne vaut pourtant pas mieux que les autres. Black Panther a été salué pour son scénario shakespearien, parce qu'il est écrit dans la langue de Shakespeare et parce qu'il essaie péniblement de nous narrer une histoire de famille, de pouvoir. Je n'y ai pas compris grand chose, ou peut-être n'y avait-il justement rien à comprendre. J'ai toujours l'impression de voir exactement la même saloperie que d'habitude, avec des tocards en collants qui se tapent dessus, qui passent à travers les balles des pauvres humains se mettant sur leur chemin et tombant comme des mouches. En voici tout de même les grandes lignes pour que vous soyez, vous aussi, dans le coup : il existerait donc un pays en Afrique nommé le Wakanda qui détiendrait une matière magique, le vibranium, issue d'une météorite ancestrale. Pour ne pas avoir d'emmerde, le Wakanda a choisi de cacher ce vibraminum et de se faire passer pour aussi peu développé que ses voisins. Mais cette matière attire les convoitises de gens mal intentionnés auxquels devra barrer la route le prince T'Challa aka La Panthère Noire, un super-héros qui, une fois son costume en vibranium enfilé, est doté des pouvoirs suivants : sens aiguisés, faible appétit, force et agilité accrues, acrobate et gymnaste d'exception, intelligence proche du génie civil, sans parler de ses bottes supersoniques, de sa combinaison d'invincibilité et de ses griffes acérées... Voilà, c'est à peu près tout ce que j'ai pigé.




Le film est construit de petites scènes et de plans brefs qui s'enchaînent toujours très vite, pour ne pas ennuyer le spectateur. Parmi les scènes un peu plus longues, et donc plus importantes peut-être, notons celle où, afin de prouver qu'il peut reprendre le trône de son pays, notre héros doit affronter un gars très costaud lors d'une cérémonie débile. De nombreux spectateurs juchés sur une colline les regardent se battre dans un fleuve, près d'une cascade. L'ambiance est d'abord des plus festives, tout le monde danse, applaudit et tape sur des tam-tams dans un délire abominable. Mais, progressivement, l'atmosphère s'assombrit, car le combat se fait plus indécis et l'on se met à craindre pour la Panthère Noire, ici sans son costard. Le public jusque-là très excité se calme peu à peu, chacun pose les mains sur les hanches, l'air dubitatif ou grimaçant, visiblement inquiet de la tournure des événements. Ça dure 15 bonnes minutes, soit plus de 10% de la durée totale de ce si long métrage, et c'est filmé avec les pieds, comme toutes les autres scènes d'action, un vrai supplice. Black Panther finit par prendre le dessus sur son adversaire gras et poilu grâce à cette prise d'immobilisation que m'administrait parfois mon frère Glue 3, trop influencé par l'émission Les SuperStars du Catch qui passait jadis sur Canal. T'challa peut donc être roi et nous sommes franchement ravis pour lui.




Black Panther est visuellement si laid que je n'ai pas réussi à saisir toutes les subtilités scénaristiques, trop obnubilé par les images qui m'agressaient les yeux. L'action se déroulant pour une bonne partie au Wakanda, ce pays imaginaire d'Afrique, des éléments archaïques sont mêlés à des ustensiles et autres véhicules futuristes. Des couleurs flashys, très kitschs, ainsi que des détails tribaux sont introduits par petites touches bien visibles dans le décor habituel des films de ce genre. Le résultat à l'écran est une bouillie indigeste qui atteint presque un niveau de comique involontaire étonnant. C'est à pleurer... D'autres détails sont assez amusants. Pour se prouver les uns aux autres qu'ils sont bel et bien originaires du pays magique, les personnages se montrent tour à tour l'intérieur de la bouche, en tirant sur leur lèvre inférieur où apparaît une sorte de code-barres bleuté et fluorescent... Imaginez les moins chanceux qui ont des vieux chicots jaunes et tordus... Bien heureusement, même le vilain a une dentition impeccable. C'est d'un ridicule ! Déjà ringard et hideux à sa sortie, Black Panther ne risque pas de s'améliorer avec l'âge, comme tous ces films-là...




Les acteurs sont d'un sérieux assommant, à commencer par Daniel Kaluuya, déjà vu dans Get Out. Son truc, c'est de jouer sans cligner des yeux. Peut-être espère-t-il ainsi nous faire saisir l'importance de ce qui se joue sous nos yeux, la gravité des différentes situations et le sérieux des dialogues que l'on doit se farcir. En fait, chaque acteur black un peu à la mode a eu son petit rôle, on retrouve ainsi la jolie Lupita Nyong'o et le navrant Michael B. Jordan. Un mot sur ce dernier : si cet acteur a le même nom que His Airness, il n'a rien de son talent, à part si le fait de jouer constipé est considéré comme tel. Il était déjà l'acteur principal du film breakthrough de Ryan Coogler, le très mauvais et particulièrement racoleur Fruitvale Station, Grand Prix à Sundance en 2013 (lol). Michael B. Jordan incarne ici le super-vilain, Erik Killmonger. A en croire les observateurs les plus avertis, la grande intelligence de ce film est d'avoir fait de l'antagoniste un noir également, mais un noir qui a été abandonné par ses parents et qui a dû grandir seul dans un quartier défavorisé, ce qui l'a donc rendu méchant. Le héros a quant à lui pu grandir auprès des siens, dans son pays, il est resté bon. Black Panther nous apprend que la méchanceté n'est pas innée, elle peut être le fruit du milieu dans lequel on a grandi. 200 ans de recherche en biologie évolutive sont ainsi résumés en un film. On applaudit des deux pieds Ryan Coogler et toute son équipe.




Bientôt au programme : des suites en pagaille, des spin-off à tire-larigot, des crossovers en guise de cerise sur le gâteau, des prequels pour essayer de relancer le bousin, et des reboots quand le filon sera définitivement épuisé... Et ça sera sans nous ! Les revues spécialisées dans le 7ème Art qui se respectent ne devraient pas parler de tout ça. Nous non plus, mais c'est trop tard, tant pis. Je finirai tout de même par un conseil utile : je vous recommande les céréales "Ka'ré fourrés chocolat noisette" de la marque Grillon d'or. Et je vous suggère de les manger immédiatement après les avoir mis dans le lait, sans trop attendre qu'ils ramollissent. Ils sont délicieux... 


Black Panther de Ryan Coogler avec Chadwick Boseman, Michael B. Jordan, Andy Serkis et Lupita Nyong'o (2018)

21 avril 2018

Batman, Superman, Captain America & cie : voyous, vengeurs et capitaines d'industrie

Nous donnons la parole à notre fidèle pigiste philosophe, Paul-Emile Geoffroy qui a accompli l'exploit de trouver des choses très intéressantes à dire des films de super-héros américains actuels, à travers les cas de Batman v Superman, Captain American : Civil War et X-Men : Apocalypse. Place à l'artiste.

Il y a quand même un thème qui revient de plus en plus dans ces films de super-héros, celui du rôle de la puissance publique : point de vue libertaire contre point de vue "républicain". La franchise X-Men en est imprégnée depuis longtemps : c'est le désaccord Xavier-Magneto (surtout depuis la série de films préquellisants). Mais j'ai été étonné de retrouver ce thème aussi expressément central dans les deux gros blockbusters héroïsants de l'été 2016 (qui sont d'ailleurs de meilleurs films que le X-Men, et qui ont bien mieux marché que lui dans les salles). 




Après avoir dévasté un pays pour stopper un robot qu'ils avaient eux-mêmes créé (dans un film précédent de la franchise), les Vengeurs se trouvent forcés d'accepter une tutelle gouvernementale. Certains seront d'accord, d'autres vont virer "voyous" (rogue, en anglais). Ce qui est étonnant, c'est que le meneur de chacun des deux camps n'est pas celui qu'on aurait pu imaginer. Le "voyou" en chef est Captain America, qui devrait pourtant, en tant que porte-drapeau, soldat, patriote, mener l'équipe des "gouvernementaux". Or, ceux-ci sont menés par Iron Man, le capitaine d'industrie, le riche play-boy jemenfoutiste que l'on aurait plutôt attendu dans le rôle du libertarien prêt à créer une île de toutes pièces dans les eaux internationales, loin de toute juridiction. 




Le fait est que ces rôles inversés reviennent chez DC Comics où c'est Superman (qui porte, lui aussi, les couleurs américaines - plus ou moins - sur le torse) qui est un "voyou" (malgré lui, certes). De manière moins psychologiquement fine que chez les Vengeurs, Superman le sauveur-qui-détruit-les-villes-en-les-sauvant se laisse amener devant une cour de justice dans ses jambières de spandex, mais ça ne mène à rien et, finalement, il attise par son comportement une vindicte populaire contre le "false God" qu'il est devenu. Et c'est le capitaine d'industrie, le riche play-boy, Bruce Wayne qui, revêtant son armure tel un Iron Man gothamien, va faire tout son possible pour ramener le voyou à la raison. 

Parallélisme, donc, entre Marvel et DC. Peu étonnant, puisque les héros y sont souvent analogues, et puisqu'en prime les studios aiment sortir les exacts mêmes films au même moment.




Les conclusions sont elles-mêmes analogues : Batman et Superman, après s'être finalement alliés, vont monter un front commun. Certes, Superman meurt-il, mais Batman va bâtir sur sa tombe une équipe de super-types (et meufs) prêts à en découdre sans forcément rendre des comptes. De même, après s'être bien torchés la race, Tony Stark et son pote Cap' vont finalement se liguer contre un gouvernement un brin porté sur le contrôle et l'enfermement arbitraire, et leurs futures aventures seront sans doute hors de tout contrôle. 




La "morale" est donc la même : à trop représenter la patrie, on se l'aliène, et à trop accepter ses règles, on se trouve forcé de s'en défaire (quand on veut "sauver le monde"). Or, de nos jours, qui sont les super-héros, ceux qui dépassent les limites, ceux qui veulent "sauver le monde" (malgré lui) ? Les Superman et les Captain America n'existent pas, ils ne sont qu'un faire-valoir, un symbole de l'état. Mais les Tony Stark et les Bruce Wayne, eux, existent bel et bien. Ils vivent dans la Silicon Valley et rêvent de s'extraire d'un fédéralisme pesant pour mettre en pratique leurs "pouvoirs" sur des terres incontrôlées. Ils travaillent dans la robotique et dans l'armement, chez Google et ailleurs. Et la morale de ces films n'est pas peu claire : ils doivent, pour continuer leur job, se défaire de la tutelle qu'on leur impose. 




Qui sont les "méchants" de ces deux films ? Celui qui provoque la guerre civile chez les Vengeurs est un type au passé trouble, certes, mais rangé des voitures et qui ne sort de sa retraite que pour venger sa famille, massacrée par les héros. Il devra payer sa vengeance orchestrée sans trop de dommages collatéraux contre ses seuls ennemis : les héros, les sauveurs qui tuent par erreur. Celui qui oblige Batman et Superman à s'entretuer est un autre capitaine d'industrie, Lex Luthor. Mais c'est un mauvais exemple du riche industriel. Non seulement son rejet de l'autorité gouvernementale ne se traduit-elle pas par un évitement mais par une confrontation (il tue des élus), mais en prime son activité industrielle n'est pas dirigée vers le bien de tous (comme le serait celles de Batman ou d'Iron Man) : il ne vise que son bien propre. Voilà qui sont les méchants : celui qui n'accepte pas les débordements des super-héros et celui qui, ayant le pouvoir, ne s'emploie pas à "sauver le monde". 




On peut tout aussi bien considérer que ces trois films sont assez mauvais et que ce que je raconte n'a aucun intérêt. Personnellement, j'y vois un symptôme très important de ce qui traverse la culture populaire américaine (et donc mondiale) : un discours politique sur la puissance publique, et un discours qui me semble donc assez dangereux, oligarchique sinon aristocratique (au sens où "arista" signifie "les meilleurs") et anti-Etat voire anti-républicain, libertarien à vrai dire. Chose peu étonnante quand on sait que le monde est mené de plus en plus par les géants de l'industrie américaine (et chinoise), eux-mêmes très largement libertariens. 

Par ailleurs, les trois films "passent crème", même si j'ai trouvé que le Captain était supérieur aux deux autres.


Batman v Superman : L'Aube de la justice de Zack Snyder avec Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot et Amy Adams (2016)
Captain America : Civil War d'Anthony et Joe Russo avec Chris Evans, Robert Downey Jr. et Scarlett Johansson (2016)
X-Men : Apocalypse de Bryan Singer avec James McAvoy, Michael Fassbender et Jennifer Lawrence (2016)

26 juin 2017

Wonder Woman

Nous sommes en 2017 et nous nous réjouissons qu'un blockbuster américain soit un film de super-héros dont la vedette est une femme. Parce qu'en dehors de cette innovation révolutionnaire, Wonder Woman est tout ce qu'il y a de plus habituel et anodin. C'est un film débile de super-héros de plus, peut-être un peu moins nullissime que la moyenne, et donc à peine supportable, mais c'est strictement tout. Toutes les personnes qui se félicitent d'un tel film me font beaucoup de peine, à commencer par les stars américaines, complètement gaga. Wonder Woman a réussi à me fâcher avec mon idole Jessica Chastain qui, il y a quelques semaines, faisait ouvertement la pub de l'oeuvre de Patty Jenkins avec un enthousiasme sans réserve. Je suis très déçu, Jessica... Je me sens trahi !





Wonder Woman est simplement le premier film de super-héroïne qui ne soit pas réalisé par Pitof. Génial ! Une super-héroïne qui rêve tout de même, dès son plus jeune âge, de devenir une guerrière, d'apprendre à se battre, ce qui nous est montré lors des scènes les plus ridicules du début du film. Franchement, cette gamine au regard bovin, ne ressemblant pas une seconde à Gal Gadot, donnant des coups dans le vide en zieutant avec envie l'entraînement de ses aînés : a-t-on vu plus ridicule cette année au cinéma ?!




Puisque c'est réalisé par une femme et qu'une femme en est la star, on peut évidemment parler d'une grande oeuvre féministe... Je ne m'étendrai pas là-dessus. J'ai simplement relevé un dialogue plutôt réussi lors duquel Gal Gadot dit à un Chris Pine qui sort du bain et va récupérer sa montre bracelet : "Et vous laissez cette petite chose dicter tous vos faits et gestes ?", après lui avoir demandé de quoi il s'agissait. On pense tous qu'elle parle du zigouigoui de l'acteur et c'est donc une petite pique adressée aux hommes. Bien vu Patty. C'était osé.




Reconnaissons tout de même, en étant extrêmement indulgent, qu'il existe un semblant d'alchimie entre Gal Gadot et Chris Pine quand l'un débarque sur l'île des Amazones et l'autre découvre le monde des humains. Cela nous offre une ou deux scènes un peu plus agréables, plus légères, dans un registre où Patty Jenkins semble plus à l'aise et s'en tire légèrement mieux. Dommage toutefois que les acteurs soient si mauvais. Gal Gadot est peut-être une très belle femme, elle joue très mal. En fait, on se demande si c'est volontaire, si elle a choisi de jouer très bêtement la jeune femme qui fait ses premiers pas dans le Londres du début du siècle, à des fins comiques, ou si c'est simplement son jeu qui est ainsi, limité, dénué de la moindre nuance, pauvre et forcé. Quant à Chris Pine, il fait son possible, mais son personnage est inexistant, il n'a pas l'air d'avoir vécu avant qu'il déboule sur l'île des super meufs, il n'a aucune épaisseur, zéro charisme. 




Pour le reste, le succès de ce film me laisse toujours aussi songeur... Qui prend encore son pied devant des personnages quasiment immortels qui passent des heures à s'affronter à coups de baffes alors qu'ils sont invincibles ? Ici, nous avons droit à Wonder Woman combattant Arès, le Dieu de la Guerre. Celui-ci, sous les traits d'un vieil anglais maniéré (indispensable pour que le twist fonctionne), essaie de la convaincre, lors de l'affrontement final, que les hommes sont mauvais, qu'ils ne valent pas le coup, qu'il est préférable de les laisser s'entre-tuer. Heureusement, Wonder Woman croit en l'amour, en ces bonnes choses dont est capable l'être humain, comme par exemple son nouveau petit-ami, qui vient d'exploser en plein vol dans un acte éminemment héroïque, et elle le lui explique entre deux coups de pied. C'est véritablement passionnant. Avant cette scène poignante, cela n'a pas trop gêné Wonder Woman d'anéantir des centaines et des centaines de soldats allemands, pourtant livrés au même sort que les Alliés dans leurs tranchées, parce que l'as de la synthèse Chris Pine lui avait expliqué, dès son arrivée sur l'île, qu'ils étaient les "gentils" et eux les "méchants" via des répliques d'une bêtise abyssale. Ça fait rêver...




Faut-il que les blockbusters et les films de super-héros hollywoodiens soient mauvais pour que celui-ci se fasse remarquer et parvienne à sortir du lot... Faut-il que le cinéma de divertissement se porte mal pour que l'on s'extasie devant ça... C'est ce genre de films qui amènent à croire à l'infantilisation du public, à l'abrutissement général des populations, en bref, à notre fin prochaine. Nous vivons bel et bien les heures les plus sombres du cinéma à grand spectacle américain et, avec le succès retentissant d'un tel film, ça n'est pas prêt de s'arranger.


Wonder Woman de Patty Jenkins avec Gal Gadot et Chris Pine (2017)

3 mai 2013

Les 4 fantastiques et le surfeur d'argent

La plupart des films de super-héros délivrent un message de paix, de tolérance, d'acceptation de la différence. C'est particulièrement le cheval de bataille de la saga X-Men, où les mutants luttent avec des armes très différentes contre l'exclusion et le rejet, et qui traite d'ailleurs le sujet avec plus d'intelligence que la plupart de ses concurrents. Récemment on a pu constater la quantité de gens, en France notamment, qui sont prêts à se battre corps et âme pour prôner une soi-disant normalité, une pseudo "loi naturelle", un modèle divin, qui parfois même affirment ouvertement leur mépris de l'autre, et qui sans le vote des députés du 23 avril 2013 se mobiliseraient sans fin pour prôner encore et toujours le conservatisme, quitte à stigmatiser autrui et à cultiver la haine.




Si au moins cette immense part de la population pouvait se montrer cohérente en rejetant et en boycottant la production hollywoodienne majoritaire actuelle, celle des super-héros en collants et des mutants capables de traverser les murs, de pisser des glaçons ou de mater à travers les fringues, cette masse de blockbusters merdiques qui ont le mérite de vanter, vite fait mal fait, la tolérance, l'altérité, le respect et l'amour du prochain, tout ne serait pas perdu, et ça leur donnerait peut-être un premier argument recevable auprès de nous. Mais même pas.


Les 4 fantastiques et le surfeur d'argent de Tim Story avec Ioan Gruffudd, Jessica Alba, Chris Evans, Michael Chiklis et Julian McMahon (2007)

21 octobre 2012

Avengers

J'ai autant envie de vous parler de The Avengers que de faire un devoir maison de maths niveau seconde. C'est dire si ce film m'a marqué, s'il a gravé au fer rouge ma mémoire à tout jamais ! Je l'ai vu il y a 6 mois, 6 mois et je ne sais même plus qui gagne à la fin ! Ça vaut pas grand chose, et pas besoin de se pignoler trop longtemps devant ça. Je vous propose tout de même un petit tour d'horizon des forces en présence pour que vous soyez dans le coup. Car ce film restera comme le plus grand succès au box office de l'année 2012, dépassant le milliard de recettes (c'est dire le niveau actuel des blockbusters américains). Le méchant s'appelle Toki comme le singe du fameux jeu vidéo d'arcade auquel on aimait jouer quand on trouvait 5 francs dans la rue ou au lendemain du loto de l'école. On ne sait pas pourquoi, Toki veut casser la gueule à tout le monde. On sait encore moins pourquoi il veut s'en prendre à la Terre lui qui vient de la planète Oméga 3. Face à lui, quelques super-héros s'allient bien malgré eux autour de leur leader, Robert Downey Jr. Je dis "Robert Downey Jr" car pas une seule fois on se dit "ah c'est Iron Man !", non, on se dit plutôt : "c'est encore cet acteur cocaïné qui se croit méga cool, Robert DumbAss Jr...". Iron Man est donc la vraie star du film. Robert Downey Jr lui prête ses traits avec le brio qu'on lui connaît. Ça reste un beau brin de mec, même s'il a désormais du mal à cacher qu'il a 55 ans dont 45 à sniffer des rails de coke au petit-déj' et 10 à Alcatraz (pas pour du tourisme !). L'exemple vivant d'une descente aux enfers suivie d'une résurrection.




Iron Man est notamment épaulé par Scarlett Johansson qui joue une veuve noire à la peau diaphane. Toute de tenue moulante vêtue, il a certainement fallu 12 mois de régime, de salle de sport avec step intensif supervisé par un coach personnel à 10 000$ de l'heure pour que l'actrice soit présentable et rentre dans son costume. Triste exemple de la, entre guillemets, "perfection" pour les femmes. Triste source de complexes pour les adolescentes, public directement visé par ce film et pas nécessairement au courant qu'une telle actrice est suivie au quotidien par tout un staff qui se considèrent comme les meilleurs de la planète vu qu'ils habitent à Bel Air. Si le film avait été une réussite parfaite, il aurait été rated PG 21 et la Veuve Noire n'aurait porté sa tenue moulante que pour l'enlever. Le galbe et le déhanchement de la Veuve Noire réussissent à convaincre le Dr Banner aka Hulk de participer aux échauffourées bien que cela représente un pari risqué puisque lorsqu'il devient Hulk, il tabasse le premier venu sans faire de distinction. Hulk est interprété par Mark Ruffalo, plus connu pour son rôle injustement non-Oscarisé dans Reservation Road, où il faisait de l'ombre à Joaquin Phoenix en plus d'écraser son gosse. Pendant tout le film il se retient de péter les plombs. Cela marche presque tout le temps, donc son personnage n'a rien de fun. Sauf à la fin bien entendu, où Hulk s'empare de Toki et s'en sert comme d'une tapette à mouches.




De son côté, Iron Man effectue le recrutement personnel de Thor, qu'il sait être le frère de Toki parce qu'il a vu le film de Kenneth Branagh. Personnellement, n'ayant pas tenu jusqu'à la scène post-générique de Thor, je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle Iron Man décide de l'enrôler. Tout ce que je sais, c'est qu'ils se rencontrent dans une forêt, il y a confrontation musclée et la végétation alentour subit le même sort que celle qui verdoyait innocemment sur les flancs du Mount St Helens en 1980. Thor est campé par Chris Hemsworth, passé après Michaël Yoünes Belhanda à l'intérieur d'Elsa Pataky, le seul acteur atteint de trisomie à faire une carrière internationale (Pascal Duquenne étant belge et n'ayant réussi qu'en France, je ne considère pas sa carrière comme "internationale", je sais, je chipote, mais un océan de dollars sépare tout de même ces deux comédiens). Après avoir réduit 30 hectares de forêt à néant, Thor et Iron Man se rendent compte qu'ils ont des atomes crochus et un ennemi commun prénommé Toki, le Singe qui rote des boules de feu. Toujours avec son marteau et sa barbe entretenue avec le plus grand soin, Thor arbore une photo en médaillon de Natalie Portman, sa dulcinée. Mon actrice préférée fait donc un caméo sous la forme d'un snapshot explicatif dans ce triste film, une tache de plus dans sa filmographie mi-figue mi-raisin.




A leurs côtés, fièrement campé dans la position dite "de la Tour Eiffel", son bouclier au bras gauche et sa bite dans la main droite (ou l'inverse), figure Captain America, le héros le plus casse-gueule de tous les temps, simplement vêtu du drapeau ricain tel Justin Gatlin à la fin de son 100m victorieux lors des championnats du monde d'athlétisme à Helsinki (en Suède) en 2005. Captain America a cependant cousu de ses propres mains une cinquante et unième étoile sur le Stars and Stripes, estimant dans son for intérieur que Porto Rico doit être considéré comme un état fédéré à part entière. Captain America est un peu le sage de la bande. Il est bête mais ne se met jamais en rogne, il recherche le compromis. On ne sait pas comment il en est arrivé là. Sa super vue lui a sans doute indiqué la présence de la Veuve Noire qui, selon ses propres termes, serait capable de "mettre le feu à [son] bouclier" et de faire "surgir [son] épée de Damoclès". Captain America est interprété par Chris Evans, un homme qui a autant de charisme que la boucle du ceinturon de son personnage. Toute cette fine équipe est chaperonnée par un grand black borgne qui en impose, Nick Fury. Ce dernier a seulement bu une potion qui ralentit son vieillissement mais lui a irrémédiablement brûlé la rétine. Nick Fury, c'est un peu le vieux briscard de la troupe. Il est le stratège qui essaye de manipuler les autres personnages en intelligence avec les autorités locales puisqu'il est flic de son état (je ne me rappelle plus du film). Créé en 1963, le personnage de Nick Fury est lui-même basé sur Samuel L. Jackson, né circa 1948, soit un an avant mon papa, et croisé par hasard par Stan Lee en mai 63. A 15 ans, Sam Jackson était déjà bâti comme la Loubianka, à l'image de mon beau-père, ancien séminariste maori reconverti en superstar du catch sous le nom de "The Raging Bull" (le clin d’œil à Scorsese est totalement involontaire). Au milieu de tous ces super-héros dotés de pouvoirs surnaturels se trouve Teddy Riner, plus connu pour être le roi des tatamis, doté quant à lui de pouvoirs réels. Il a un arc comme seule arme mais s'en sert à merveille. Il joue l'Archer. On ne sait pas de quel comic book il provient. Probablement l'Archer Vert dans Smallville...




Il ne restait que 44 habitants sur le Mont Saint Michel en 2009, preuve s'il en est que le délire actuel autour de la bulle immobilière en France est à la hauteur du niveau intellectuel des producteurs de Hollywood, Los Angeles County, US of A. Je ne comprends pas de quelle manière Joss Whedon a réussi à revenir dans les petits papiers des moguls de Hollywood. Normalement, là-bas, quand tu touches le fond, on te jette un bloc de béton dessus pour que tu ne puisses pas rebondir. Après avoir, à l'aide de Jean-Pierre Jeunet, envoyé la saga Alien dans une impasse, il n'a trouvé du boulot que dans l'écriture de scénarios de dessins animés. C'est par le petit écran qu'il a d'abord fait parler de lui, en étant le papa de Buffy. Comment voulez-vous qu'avec un type comme ça aux manettes le film soit 1/ intriguant, 2/ haletant, 3/ réussi ? Tu me proposes aujourd'hui de me refaire un marathon Avengers, je te jette aussi sec le medium sur lequel tu as stocké le film à la tête ! Gare à toi si c'est un disque dur d'un téraoctet !


Avengers de Joss Whedon avec tout un tas de tocards et une pouffe (2012)

26 juillet 2012

The Dark Knight Rises

Je vais écrire cet article en toute franchise, en étant totalement sincère avec vous. Je suis allé avec mon frère et sa douce amie voir le nouveau Batman au cinéma. J'en attendais pas grand chose, je vous l'avoue tout net. Je ne suis pas un fan du second volet et encore moins du premier, que je trouve assez minable, à tel point que cela me fait doucement rire quand j'entends parler de "trilogie parfaite". Bref. Peut-être pas tout à fait imperméable au marketing de malade entourant le film, j'étais très curieux, il faut le reconnaître, de voir comment la trilogie allait se terminer. Oh et puis merde, je n'ai pas à me justifier, même si je vois déjà venir les détracteurs m'accusant d'être allé voir ce film avec un avis déjà tout fait. Croyez-le ou non, je m'y pointais avec un mince espoir et j'étais même accompagné par ce petit frétillement que l'on ressent presque tous avant d'assister à un gros spectacle de ce genre, depuis longtemps annoncé. J'avais pas détesté le second épisode et j'ignorais encore que celui-ci me le ferait revoir à la hausse ! Je ne savais pas que j'allais seulement pouvoir constater l'ampleur sans précédent du canular gigantesque monté par Christopher Nolan. The Dark Knight Rises n'est qu'une vaste blague sans amorce, seulement une chute qui n'en finirait jamais.


Christopher Nolan dépasse les plus grands ! Son canular est d'une ampleur sans commune mesure avec celui, radiophonique, réalisé par Orson Welles en 1938.

Par où commencer ? Il y aurait tellement à dire que je me sens comme écrasé par la nullité de ce film, moi qui ai pourtant tenu bon durant toute la séance, trouvant refuge dans le rire et la décontraction aux côtés de mon bon Poulpard, celui que l'on surnomme souvent "Brain Damage" mais que je nommerai désormais "L'Encyclopédie vivante des produits Lidl". Durant, disons, la première demi-heure du film, j'avais grosso modo ce à quoi je m'attendais dans mes plus pessimistes pronostics : l'impression de regarder le nouvel épisode d'une série télé pétée de thunes, dans la droite lignée du précédent, mais bien en-dessous, portée par quelques acteurs un peu plus doués que ceux que l'on a l'habitude de croiser sur le réseau hertzien. Parmi eux, Michael Caine offre quelques moments sympathiques : il a l'air d'être le seul à avoir un peu de recul sur la situation et à ne pas se prendre tout à fait au sérieux. Un sérieux par ailleurs tout bonnement assommant, et de rigueur du début à la fin, sans interruption, comme dans tous les films de Nolan. Cette impression pas désagréable se dissipa bien vite et, en revoyant le film, je suis persuadé qu'elle ne pointerait même pas le bout de son nez. Nolan se loupe sur toute la ligne, adoptant même une attitude assez douteuse. Il pourrait au moins faire preuve de courage s'il prenait le parti de son grand vilain, Bane, une sorte de révolutionnaire risible à la tête des indignés de Gotham, qui, lors d'une scène où j'ai cru à ce choix audacieux l'espace d'une nanoseconde, prend en otage les traders du reflet fictif de Wall Street. Mais Nolan ne le fait à aucun moment et finit même pratiquement par choisir la position inverse, en faisant notamment de chacun de ses personnages des pantins sans âme pour lesquels il n'a strictement aucune compassion. Il n'y a aucune vision, aucune prise de risque, Nolan ne fait qu'effleurer des thèmes possiblement intéressants, comme il l'a toujours fait (il faudra que l'on revienne un jour sur Inception...). Sans doute trop calculateur, trop désireux de plaire à tout le monde, Nolan semble condamné à cet entre-deux insupportable qui fait de lui un opportuniste de la pire espèce et un cinéaste raté, symbolisant à lui seul l'état pitoyable du cinéma hollywoodien à grand spectacle. Nolan est une sorte de Tchiaoureli appliqué, tout entier au service de la dictature de la masse. Il n'a même pas le cran de donner une mort héroïque à son Batman. Il n'ose pas et, au détour d'une courte scène atteignant un nouveau sommet dans le ridicule, il nous rappelle que Bruce Wayne est toujours bel et bien en vie. Son film ouvre la voie vers mille suites et autant de reboots. Tu parles d'une "conclusion"... Sacré businessman ce Nolan !


Quelle idée de choisir pour méchant un personnage dont les expressions faciales sont totalement cachées par une sorte de masque à oxygène très peu commode ? Le jeu d'acteur de Tom Hardy, que l'on sait capables d'extravagances assez plaisantes pour l'avoir vu à l’œuvre dans Bronson, est totalement effacé et son personnage en prend un sérieux coup au passage ! Les nostalgiques d'Heath Ledger vont devoir faire preuve d'indulgence !

Si le film était dégagé de tout ce qui l'entoure, j'attendrais peut-être le dvdrip avec une certaine impatience. Impatient de revoir ce spectacle à la débilité à toute épreuve en bonne compagnie, et sur tout petit écran, car c'est la place qui lui est destinée, pour me marrer du début à la fin, en me moquant de chaque invraisemblance et de chaque crétinerie qui balisent toutes les minutes de ce film abject (il en dure 164, quel bonheur !). En attendant, je ris un peu jaune et j'ai surtout très envie de revoir la mythique scène de bagarre du They Live de Carpenter, pour me rappeler de ce que ça peut donner quand c'est filmé avec talent. Nolan est si peu doué... On ne sait pas s'il se rend toujours compte de ce qu'il fait. Non, évidemment, il ne sait pas. S'il en avait conscience, on tiendrait là un comique de premier choix, au potentiel inestimable. Lors du premier affrontement entre Bane et Batman, qui se veut épique et, au minimum, viril, Nolan fait quelques plans de coupe sur des hommes de main qui sont plantées là, debout, regardant le combat depuis une hauteur, les bras croisés, le visage inexpressif. Il ne sait pas qu'il offre là un terrible miroir aux spectateurs les plus ennuyés et lassés de voir deux débiles finis se donner des coups de lattes à n'en plus finir ! C'est risible (oui, je sais, c'est la deuxième fois que j'emploie ce mot, mais c'est clairement l'un de ceux qui sied le mieux à ce film). Nolan reproduit la même chose lors d'un de ces nombreux dialogues lourdement explicatifs, car comme dans Inception, il arrive très fréquemment que certains personnages apportent d'un seul coup tout plein d'éclaircissements ultra bienvenus pour mieux comprendre la situation ; souvent, ils font ça alors qu'ils sont sur le point de mourir, ce qui rend ce moment d'autant plus poignant (bon, je sais, j'abuse de l'ironie). Lors d'un échange nécessaire à la compréhension du récit entre, il me semble, Christian Bale et Marion Cotillard, on voit furtivement Morgan Freeman, planté entre ses deux collègues, bras croisés, toujours, avec une mine totalement déconfite, comme s'il écoutait là le discours funèbre d'un ver de terre à la vie bien morne prononcé par un paresseux bègue ! J'étais dégoûté que Poulpard, qui était alors occupé à discuter avec son amie, ait loupé ce plan furtif, il se serait poilé autant que moi ! C'est mon passage préféré !


Au début du film, Bruce Wayne a un genou bloqué. Plus tard, il se fait briser le dos par Bane. Il faut voir comment il se rétablit à chaque fois, ça donne lieu aux scènes les plus drôles du film !

Alors on dit que c'est "efficace", c'est le mot qui revient régulièrement chez ceux qui ne font pas partie des fans hardcore mais qui s'accordent tout de même à lui reconnaître cette qualité. Oui, c'est efficace. C'est tellement efficace que j'ai un putain de mal de tronche depuis que je suis sorti de la salle. La dernière fois que ça m'est arrivé, c'était pour Inception. La musique aussi pompière qu'insoutenable signée Hans Zimmer n'y est certainement pas pour rien. Et encore, je suis honnête, je ne mets pas mon mal de bide sur le dos de Nolan, même si mon ventre semble très curieusement répéter ces mots en boucles : "Ra's al Ghul, Ra's al Ghul, Ra's al Ghul". Ce souci-là, je l'attribue au tiramisu que j'ai préparé hier. 500 grammes de mascarpone, c'est trop pour un seul homme. Je le saurai. Mais revenons à l'efficacité du très long métrage de Chris Nolan. Ceux qui relèvent cet aspect là du film veulent rappeler que le spectacle est au moins au rendez-vous, en bref : que l'on en prend plein la vue. C'est vrai, du matériel coûtant sans doute assez cher est cassé sous nos yeux, toute une ville explose, des voitures de marque sont entassées les unes sur les autres, sans parler des acrobaties en avion qui ouvrent le film et annoncent un peu la couleur. A ce propos, moi aussi, j'aimerais bien faire joujou avec la "Bat", cette sorte d'hybride entre un tank et un hélico que le Batman conduit à toute allure et fait serpenter entre les grattes ciel de Gotham, le sourire jusqu'aux oreilles. Quoique, je pense que contrairement à lui, je m'en lasserais bien vite. Des jeux vidéos de qualité proposent déjà de tels amusements, et j'en ai ma dose au bout d'un quart d'heure, alors que c'est moi qui contrôle l'engin, et non cet empaffé de Christian Bale !


Il est assez étrange que Christopher Nolan ne fasse preuve d'aucune empathie à l'égard de celui qui représente le Gotham d'en-bas et veut porter le soulèvement du peuple face aux inégalités en repartant de zéro...

Nolan, qui es-tu ? Nolan, que fais-tu ? Nolan, m'entends-tu ? Toi qui as su mettre Hollywood à tes pieds et passer pour le plus grand cinéaste de sa génération auprès d'un nombre effrayant de spectateurs, tu es pour moi une sacrée enflure et rien d'autre. Il fut un temps où je pensais que Nolan pouvait au moins se montrer assez bon scénariste, capable de parfois dénicher quelques idées astucieuses et susceptibles de donner quelque chose d'intéressant mises entre les mains d'un vrai cinéaste (ou bien par lui-même, mais à condition qu'il soit entouré par toute une équipe de conseillers constituée des plus grands cinéastes de l'histoire et de leurs fantômes). Son cinéma affiche ici toutes ses limites, tout comme son présumé talent d'inventeur d'histoires-gadgets, en réalité inexistant. Un retournement de situation final nous conforte dans l'idée que nous tenons là l'un des plus grotesques scénarios mis en image dernièrement, rivalisant même avec celui de Prometheus ! Quant à sa mise en scène, c'est le néant absolu, quand elle ne tombe pas dans les pires tics et travers, comme par exemple ces flashbacks misérables placées ici ou là pour que même le plus triso d'entre nous soit assuré de tout piger. Il n'y a rien, rrrrrrrrrrrien de rrrrrrrrrrrrrrien, comme le dirait si bien Edith Piaf, celle que Nolan a su replacer dans Inception pour passer pour un savant fou aux yeux de l'américain moyen.


Si cette image vous fout la gaule, ne sortez pas dans la rue cet été, n'allez pas à la plage, vous risqueriez d'être un danger ambulant, une bombe de testostérone à retardement !

Je ressors de ce film KO. Pour mon bien, il faut que je laisse pisser et que j'enchaîne avec un vrai film de cinéma, de préférence lent, calme et intelligent... Mais quand je lis certaines critiques ou quelques-uns des commentaires qu'internet offre à moi, je me pose des questions. Le buzz qui entoure le film est tout simplement dingue et incroyable, quand on sait de quoi il s'agit. Prenons un exemple au ras des pâquerettes comme je les affectionne tant, mais qui illustre mon incompréhension : ce qui se dit sur Anne Hathaway, les déclarations d'amour et autres effusions virtuelles de sperme (je ne vous en recopie pas, mais croyez-moi, c'est d'un ridicule !). En toute objectivité, Nolan ne met strictement jamais en valeur son actrice, elle n'est jamais rendue un tant soit peu désirable ni filmée dans sa combinaison moulante comme le ferait un obsédé (ou, devrais-je dire, un homme normal : même Pitof a zigzagué autour du fessier d'Halle Berry dans Catwoman), à part peut-être de furtifs moments où Hathaway a le cul en bombe sur son scooter ridicule, mais pour les voir, il faut avoir mon œil de détraqué, et ça ne peut dans tous les cas pas être seulement ça qui engendre de tels commentaires. Du coup ça me paraît encore plus bizarre... Après, chacun ses goûts pour les meufs, on ne choisit pas les préférences de son cobra, on trique quand on trique, mais ça me semble tellement pas raccord avec ce que je viens de voir sur grand écran que ça me laisse songeur !


Marion Cotillard, sur le point de prouver que le ridicule ne tue pas. A moins que...

J'ai un ami très cher qui est persuadé que notre société va bientôt tomber en ruines, ensevelie par toute la médiocrité ambiante. Ce film le conforterait dans son opinion et le ferait à nouveau énoncer de bien tristes prophéties. J'aimerais le contredire mais il ne faut apparemment pas compter sur le dénommé Christopher Nolan pour lui proposer des contre-exemples, bien au contraire... Ce film donne des tonnes de grains à moudre à de tels illuminés ! Une petite note d'espoir tout de même : certains dans la salle de cinéma, évidemment pleine à craquer, riaient et pouffaient de temps en temps, comme moi. Mais ils se comptaient sur les doigts de la main. Une chose est sûre : je n'aurais pas aimé grandir avec ce cinéma-là.


The Dark Knight Rises de Christopher Nolan avec Christian Bale, Tom Hardy, Marion Cotillard, Anne Hathaway et Michael Caine (2012)

4 juillet 2012

The Amazing Spider-Man

Nous recevons aujourd'hui un invité spécial, Paul-Émile Geoffroy, pour nous parler du tout nouveau reboot de la franchise Spider-Man, en ce moment sur vos écrans. Place à l'hôte :

J'hésite à désigner ce qui est le plus amazing d'un productorat Hollywoodien sans-gène ou de la panurgerie assumée des spectateurs par-delà les frontières, mais une chose est certaine : dix ans seulement après le Spider-Man de Sam Raimi, la franchise rebootée va faire un carton en salles, sans risque (on n'aura pas confié le job à un "auteur", la jurisprudence Superman Returns n'est donc pas applicable ici).


Spiderman, le super-héros auquel on est censé s'identifier pour rêver un max, n'est autre que le copain geek de Mark Zuckerberg dans The Social Network, un clampin adulescent au visage mal fagoté typique des pires lycéens et coiffé comme Gérard Piqué.

Dix ans déjà que Tobey Maguire nous impressionna par ses bonds de toit en toit, et déjà on veut revoir la même histoire all over again. Pas même une génération d'écoulée, non, nous-mêmes qui étions allés voir Kirsten Dunst roussir retournerons dès aujourd'hui voir quelle tête aura sa doublure... et comparer ! Tout l'intérêt est là, désormais. Hollywood s'est transformé depuis quelques années (faute d'idées originales ou de courage pour aller vers du neuf, peu importe d'ailleurs) en un nouveau Broadway ! Sitôt le spectacle représenté un nombre suffisant de fois, on conserve ainsi les décors, et les rôles sont redistribués. On ne change pas une idée qui marche ! Spiderman vaut bien un Cats en lettres étincelantes, et puis ça reste des bêtes. Plus la peine d'attendre vingt ou trente ans pour reprendre une franchise, ce temps-là serait perdu. Savez-vous que des millions de spectateurs naissent chaque année ? Ceux-là, tous ceux-là aussi ont droit au frisson de découvrir leur Spiderman. Et puis quoi ? Christopher Nolan a bien compris, lui, que l'industrie cinématographique change - et qui sommes-nous pour nous y opposer ? - et il s'est déjà engagé, avant-même la sortie du troisième et dernier opus de son reboot de Batman, à être conseiller attitré sur le reboot (suivant) qui est déjà prévu pour la franchise. Voilà qui est sain et prévoyant, c'est dans l'ordre des choses après tout.


La petite amie de Spiderman est une actrice porno qui s'ignore abonnée aux grosses comédies romantiques sur le phénomène des sex friends et autres fuck buddies. Tu m'étonnes... Ne fais pas semblant d'aimer les livres...

Il nous faut accepter que les choses changent car c'est inéluctable. Notre demande a occasionné un cinéma produit à une vitesse hallucinante et en un siècle, tout l'éventail des idées, suspenses, clichés, mises en scène, twists, psychologies, futurismes et fresques historiques a été traité. Nous sommes allés vite, trop peut-être, et tout ou presque a été fait... Il reste bien quelques coins du monde, quelques recoins de l'Histoire qui mériteraient leurs longs-métrages, leurs séries, leurs remakes, préquelles, séquelles, puis reboots, mais ce sont des secteurs à risque (financiers ou moraux). On risque d'emmerder ou de choquer donc de manquer le public...

Alors on tricote des pullovers avec les trames de nos sujets favoris. Ceux qui ont toutes les chances de plaire, les best-sellers. Les Karate Kid, Rambo, Piranha, Alien et autres The Thing. Si c'est une franchise, on la reboote, si c'est un one-shot, on le remake, ou mieux, on conserve le titre mais on le réécrit un peu, ou encore mieux, on conserve le titre mais on en fait une préquelle, tout est possible ! Il faut bien continuer d'amuser, de divertir le public. C'est la demande qui fait l'offre.

Il est intéressant cependant de constater qu'en France, on procède différemment. Les yeux de notre industrie sont ouverts, eux aussi, sur cette grande mutation et on n'invente plus beaucoup non plus de côté-ci de l'Atlantique (qui étaient les derniers grands producteurs d'un cinéma populaire original ? Jean-Marie Poiré, peut-être...), mais en France on met en scène des concepts plutôt que des aventures. On a "Les Beaux Gosses", "Les Chtis", "Les "Infidèles", "Les Kailleras"... On attend "Les Roms", "Les Grévistes" et "Marine" pour la rentrée. Ces études de caractères (qui pourraient presque faire office d'études de phraséologie, décortiquant chacune des expressions syntagmatiques "à la mode") sont dans notre tradition (depuis au moins La Bruyère) bien davantage que les aventures épiques. On a bien eu notre Astérix (et ses suites... à quand le reboot ?) mais Chrétien de Troyes n'aura pas engendré tant de Ridley Scott, de Roland Emmerich ou de Wolfgang Petersen que ça. Chercher des Peter Jackson ou des James Cameron par chez nous relève de l'aiguille dans la botte de foin. Nous avons des Musset, des Balzac, des Rohmer, des Resnais et même l'industrie populaire s'affaire autour de caractères, jusqu'à Besson lui-même, notre industriel en chef, du moins jusqu'à ce qu'il ne tourne définitivement américain. C'est ainsi.


Ma chambre d'étudiant en cité U ressemblait assez à celle de Spiderman sur cette photo...

Il n'est pas question de porter d'ailleurs de jugement comparatif quant à ces deux manières d'envisager un tournant de l'histoire du cinéma. L'industrie s'adapte à une pénurie d'histoires commercialisables, c'est un fait. Le cinéma d'auteur continuera de satisfaire les plus exigeants d'entre nous tandis que les autres s'acclimateront sans doute de la nouvelle donne et retourneront au cinéma dès 2022 (avec leurs enfants cette fois) pour y voir le premier épisode des aventures de Peter Parker, comment il s'est fait piquer, comment son oncle est mort et comment Mary Jane est jeune et séduisante, éternellement.

Cependant, rien évidemment ne nous obligera plus à jamais et nulle part, presse ou web confondus, mentionner, critiquer, évaluer ou même considérer l'existence d'aucuns de ces produits cinématographiques, de ces spectacles, qui ne sont pas ou qui ne sont plus du cinéma.


The Amazing Spider-Man de Marc Webb avec Andrew Garfield, Emma Stone, Rhys Ifans, Martin Sheen et Sally Field (2012)