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7 octobre 2019

Crawl

Alexandre Aja, sous l'égide de son producteur si avisé Sam Raimi, se spécialise dans le film d'horreur avec créatures aquatiques féroces. Après les piranhas, il s'intéresse cette fois-ci aux alligators, au pluriel. Dans le domaine de la série B, qu'il semble particulièrement affectionner, c'est toujours un bon prétexte pour filmer du sang et des culs. Aja avait peut-être aussi conscience qu'il existe encore un créneau à prendre dans ce sous-genre précis du film de crocos tueurs, avare en véritables bons films, où aucun titre ne fait autorité. Il paraît dominé par Tobe Hooper et son Eaten Alive, à l'ambiance poisseuse si sympathique, où le crocodile n'a toutefois qu'un rôle accessoire puisqu'il est simplement le fidèle compagnon quasi invisible d'un maniaque, gérant d'un hôtel miteux perdu au fin fond de la Louisiane, qui offre ses victimes au reptile. L'action se déroule ici en Floride, lors d'une terrible tempête. L'héroïne, campée par Kaya Scoledario, est coincée dans le sous-sol de l'ancienne maison familiale avec son papa, qu'elle retrouve déjà très amoché par l'une des bestioles. En 80 petites minutes, Alexandre Aja nous conte le récit de leur survie...


On a tous vécu ça : un grand frère qui chie dans la baignoire alors qu'on s'amusait bien... Et le colombin qui tout à coup surgit à la surface parmi les Playmobil © dégoûtés.

Calamité... Très, mais très vite, dès le début, on a envie de tout envoyer chier. Alexandre Aja est certainement un type sympathique, mais ses films sont d'une nullité crispante. Cela arrive, comme ça, d'être un bon bougre mais de pratiquer un job qui n'est pas fait pour soi. On en connaît d'autres. On ne lui en veut pas. Mais quand par malheur on se retrouve devant Crawl, c'est plus difficile. Dès le début du film, avec cette très mauvaise séquence du concours de natation, où les plans sont tous plus nuls les uns que les autres, et qui se termine avec des scènes au ralenti et un flashback merdeux, où l'héroïne, jeune nageuse qui vient de foirer sa compétition à deux centièmes près, se revoit enfant avec son père qui la coachait, déjà perdante à l'époque, on sait à quoi on aura droit : mademoiselle va devoir mettre ses capacités de poiscaille à l’œuvre pour échapper aux gencives d'une tétrachiée d'alligators affamés et très laids (des grosses patates en CGI), et pour une fois elle se surpassera, pour sauver papa, cette vieille enflure qu'elle déteste mais qu'au fond elle aime tant. 


Le clébard n'a aucune utilité dans ce film : il ne sauve personne et ne se fait pas bouffer. Cool pour lui.

Ce qu'on vient de vous débiter là, on se le dit au bout de 4 ou 5 minutes de film, disons pour les plus lents à la détente, comme nous, mais soyons clairs : c'est exactement ça, cette connerie vue un demi-million de fois, qu'on va voir. Ni plus ni moins. Deux cons ensemble, un père et sa fille, qui se foutent dans la merde en pleine tempête comme les abrutis qu'ils sont, et la fille sauvera le père avec le sourire, en nageant comme une anguille après trois énormes morsures d'alligators géants dont le quart d'une seule suffirait à vous couler un sous-marin de guerre. Avec à la clé la petite scène de confidences qui va bien, au beau milieu du film, où papa explique pourquoi il a quitté maman et comment il a toujours cru en sa petite fille, avec une musique à trois balles par-dessus, mais aussi la sempiternelle scène du flashback libérateur (un alligator fait tournoyer l'héroïne sous l'eau pour la néguer, tout en lui broyant l'épaule, tel Roger Lemère massacrant celle de Titi Henry pendant France-Brésil 98, mais elle se revoit enfant avec son papa et ça lui donne la force de cramer un centimètre du futur sac-à-main qui lui mâchouille l'omoplate avec une fusée éclairante et de s'en sortir une millième fois), et puis le plan final où le même père déchiqueté de partout se marre parce que sa fille agite un fumigène sous l'hélico qui va les sauver. Faire un film d'horreur en 2019 et penser que des personnages aussi nazes, des enjeux émotionnels aussi clichés, et pour tout frisson trois crocos qui tournent autour des gambas de deux glands, cela suffit, c'est d'une tristesse inouïe. Mais le film a fait un succès. Apparemment, pour beaucoup, cela suffit. Paix sur leur âme.


Crawl d'Alexandre Aja avec Kaya Scodelario et Barry Pepper (2019)

28 février 2011

100 Dollars pour un shérif

J'ai finalement vu le 100 Dollars pour un shérif d'Henry Hathaway. Et à mon goût il s'avère largement meilleur que True grit, son successeur réalisé par les frères Coen, que j'ai précédemment critiqué sur ces pages (je vous recommande la lecture de l'article en question avant de vous lancer dans celui-ci, car ils sont directement liés). Je n'ai toujours pas lu le roman de Charles Portis doublement adapté en 1970 et en 2011, donc j'ignore si les deux films se veulent de scrupuleuses adaptations à la lettre du texte d'origine, toujours est-il que celui des Coen reprend pratiquement exactement le déroulement narratif d'Hathaway, scène par scène, ainsi que ses dialogues, à la virgule près (hormis pour deux séquences concernant le personnage du Texas Ranger et pour quelques gags secondaires). On peut donc très légitimement parler de remake, n'en déplaise à nos grincheux compères. Cependant les deux films demeurent bien différents. Ils partagent quelques défauts, comme certaines longueurs (notamment une extrême lenteur pour lancer l'action proprement dite du film), et un appesantissement certain par le biais de trop longs bavardages. En revanche ces deux œuvres ne partagent pas vraiment les mêmes qualités.




En effet j'ai trouvé l'original d'Hathaway beaucoup plus beau que son remake, que cette beauté en passe par la mise en scène, dans la séquence de pendaison par exemple, ou plus simplement par ce qui se voit directement à l'écran, à savoir les grands espaces de l'Ouest américain, sublimes, que les frères Coen ne filment jamais. A ce titre l'original nous arrive comme une bouffée d'air frais si on le découvre après son morne remake. Le film d'Hathaway est plus beau mais encore beaucoup plus complet, plus intéressant, plus intelligent aussi. Les personnages sont certes moins directement savoureux (encore faut-il apprécier les gros traits dessinés à la truelle de ceux des frères Coen), mais ils sont aussi largement plus riches et plus denses. C'est vrai pour l'héroïne, Mattie Ross, interprétée par Kim Darby dans le film de 1970, qui bien qu'intrépide et farouche n'en est pas moins juvénile, fragile et innocente. Elle s'avère beaucoup plus convaincante et touchante que l'insupportable Haille Steinfeld avec sa tête à claque de première de la classe qui traverse le film des Coen en récitant des dialogues qu'elle articule au maximum pour mieux les déshumaniser, le tout en forçant un accent qui devient vite épuisant. C'est vrai aussi des seconds rôles, comme l'homme qui se fait trancher les doigts puis abattre dans la cabane, interprété dans le film d'Hathaway par un très jeune Dennis Hopper qui donne du corps à cet éphémère personnage - à noter que le rôle de Ned Pepper repris par Barry Pepper était au départ incarné par un fringuant Robert Duvall, autre acteur en herbe et future figure emblématique du cinéma des années 70. Pour en revenir à cette scène dans la cabane, je dois avouer que j'avais pris cette brève débauche de violence pour une signature des Coen, il n'en est rien, même si au lieu de prendre une balle dans le dos le second truand se fait exploser la joue dans la version de 2011.




Mais je cesse toute digression et je raccroche ici les wagons de ma modeste démonstration : la suprématie des caractères d'Hathaway est surtout vraie pour le personnage de Cogburn, beaucoup moins cabotin sous les traits de l'infatigable John Wayne, plus ambigu aussi, comme dans cette scène où il compare les malfrats à de simples rats qu'il faudrait exterminer. Une scène franchement drôle d'ailleurs, qui ne figure pas dans le remake des Coen, comme la plupart des gags et des bonnes répliques du film original, le plus souvent pris en charge par John Wayne. Les Coen ont cru bon d'effacer l'humour déjà présent pour le remplacer par le leur, et malheureusement l'issue du match est sans appel, le film d'Hathaway gagne à plate couture. Il n'est certes qu'un sobre western un peu trop long et d'un classicisme assez plan-plan, mais il n'en est pas moins un très bon film dont le remake fait pâle figure, qui n'a pas su en gommer les défauts et lui en a insufflé de nouveaux, bien plus dommageables.


100 Dollars pour un shérif d'Henry Hathaway avec John Wayne, Kim Darby, Dennis Hopper et Robert Duvall (1970)

19 juin 2009

Barton Fink

J'ai toujours confondu - et je confonds encore - trois films : Barry Lyndon, Barton Fink et Larry Flint. Pourtant, rien à voir... Le premier cause d'un duelliste aux prises avec son mousquet qui lui pète dans les doigts, le second parle d'un débile figé sur son stylo plume, et le troisième raconte l'histoire d'un pornographe opportuniste tout entier accaparé par son appendice caudal. Barry Lyndon était interprété par Barry Pepper dans le film de Stanislav Kubrick, Larry Flint était campé par Woody Goldberg dans le film de Milos Forman, et Barton Fink, qui nous intéresse aujourd'hui, c'était John Turturro, dans le film des frères Coen. Ce que je vais vous dire là je le dis rarement parce que les gens ne me croient pas et s'imaginent que j'essaie de jouer l'ami des stars, pourtant croyez-moi, y'a pas de quoi se vanter d'être l'ami d'une telle star. Je veux parler de John Turturro, que je connais bien puisqu'il a pendant longtemps été mon voisin de palier. C'était mon voisin Turturro. Et une entente cordiale régnait entre nous. Sauf quelques soirs où ce fameux John Turtleteub, comme j'aimais à l'appeler pour me moquer, se mettait à hurler des insanités que je pouvais entendre depuis ma chambre et qui m'empêchaient de fermer l'œil. La cloison qui séparait nos deux appartements était si fine que la nuit venue, les bruits de la rue s'étant tus, je pouvais distinctement entendre chaque mot qu'il prononçait depuis chez lui.



En réalité, au bout de quelques semaines, il aurait aussi bien pu arrêter de prononcer ces mots-là... Je les aurais entendus quand même, je les avais enregistrés dans ma mémoire, ces mots, invariables, qu'il répétait de soir en soir, inlassablement. En fait il était au téléphone avec sa copine ou bien sa femme - j'ignorais les détails de sa "situation" - et ils terminaient chacune de leurs discussions par le sempiternel "Raccroche - Non toi d'abord", ce jeu qui sert d'interminables adieux téléphoniques aux couples les plus puérils. Sauf que dans le cas de mon voisin Billy Bob Turturro, ce jeu "trop mignon" typique des amours enfantines tournait systématiquement court et le ton s'emballait pour monter dans les décibels. Tous les soirs, j'entendais mon voisin John Totoro dire à sa femme "Allez bye...", puis quelques secondes de silence plus tard: "Raccroche... Non toi... Non toi d'abord... Allez quoi raccroche, ça va bien maintenant... Allez raccroche ma parole !... Ta gueule ! Raccroche. Ta gueule ! Non non TA gueule ! Raccroche, TA GUEULE !" et ainsi de suite...



Drôle de mec ce Turturro quand j'y repense. Mais c'est quand même une chance d'avoir vécu près de lui, même si j'y ai perdu des milliards d'heures de sommeil. Ma vie est devenue celle d'un gros loir à cause de John Turturro. A chaque fois que je pionce je fais le tour du cadran et j'y perds autant de temps que d'argent ; mais j'ai été le voisin, le "girl next door" de Johnny Turturro.



Concernant le film j'en ai vu qu'une petite demi heure, mon sommeil m'ayant très vite rattrapé. C'est une sorte de critique d'Hollywood, un peu onirique, un peu fantastique. Un mélange entre Lynch et Terry Gilliam. Un film cafi de rêves. Je ne verrai donc jamais l'heure manquante. Je fais suffisamment de rêves en pionçant des journées entières pour mater des films qui m'en montrent d'autres, et de forts laids. Faut que je pionce, je suis vraiment faaaaa


Barton Fink de Joel et Ethan Coen avec John Turturro (1991)