

Insidious est un film d’horreur ridicule de bout en bout, le genre de film qui conforte le cinéma d’horreur dans le tiers-monde du 7ème art, qui le rabaisse tout entier et vient nous rappeler que le genre est bel et bien composé à 99% d’infâmes saloperies. Pour vous donner une idée, dites-vous qu’Insidious est une sorte de parent dégénéré du déjà très mauvais Jusqu’en enfer de Sam Raimi. Les deux films m’ont l’air similaire sur bien des points. On sent la même volonté chez les deux metteurs en scène d’embarquer les spectateurs dans une pauvrette attraction de fête foraine mise sur pellicule, dans un train fantôme avançant laborieusement et manquant tristement d’inspiration pour surprendre son voyageur, cachant cela dans un déluge d'effets indigestes. Le genre est ici abordé de façon old school et très frontale, avec des objectifs que l’on sent très modestes (faire peur, divertir salement) et justement annihilés par des ambitions de bas étage, jamais transcendées par la volonté toute simple de torcher un bon film avec un minimum de prétentions artistiques.
Un peu à la manière de Jusqu’en enfer, mais de façon peut-être encore plus flagrante et embarrassante, Insidious a le vilain défaut de ne pas savoir sur quel pied danser. On navigue entre la parodie maladroite et pas drôle du film de maison hantée, avec un second degré mal maîtrisé et un humour qui tombe toujours à plat ; et le sérieux le plus mortel et pathétique d’une série-b tout juste bonne à être diffusée en deuxième partie de soirée sur RTL9. Vous savez, ces téléfilms sur lesquels on zappe malencontreusement, dont on se moque gentiment 2 minutes, puis qu’on oublie aussi sec en se disant que la télé c’est de la merde et qu’on a vraiment la rage de payer une redevance. Les prestations des acteurs sont tout à fait dignes d’un téléfilm. Ils sont tous lamentables et ne semblent pas du tout concernés, à commencer par le si fade Patrick Wilson, un acteur ô combien transparent que j’avais déjà rapidement égratigné quand je vous avais parlé de Morning Glory et sur lequel je ne m’acharnerai donc pas davantage. Quoique… Le fantôme du film, c’est lui ! Il est à ranger dans la catégorie des Steven Seagal et autres Vin Diesel, les muscles, le charisme et l’art de la baston en moins (il ne lui reste donc pas grand-chose sur son CV !). Quant à Rose Byrne, son charme est ici largement insuffisant pour faire abstraction des limites qu'affiche son jeu si maussade et peu inspiré. Si Nicole Kidman avait profité du film Les Autres pour étaler tout son talent et jouer la peur comme personne, donnant à elle seule de l'intérêt à ce film, on est très loin de pouvoir en dire autant sur sa compatriote australienne, en mode pilote automatique, subissant des vents latéraux et autres turbulences désagréables.

Il faut voir ce couple vedette sans relief réagir impassiblement quand une vieille médium au profil de lévrier afghan lui explique enfin, vers l’heure de film, l’origine des phénomènes surnaturels qui sont survenus dans leur première baraque et qui ont continué à se manifester après avoir pris refuge chez la mamie, incarnée par une Barbara Hershey faisant peine à voir. Une histoire sans queue ni tête qui reprend cette vieille légende urbaine comme quoi il existerait des personnes (dont Pat Wilson et son fils dans le coma font partie) capables de sortir de leurs enveloppes corporelles et de errer dans un univers parallèle : un monde infesté d'esprits évidemment maléfiques qui cherchent à revenir dans la réalité pour faire le mal. Entre parenthèses, moi je pensais que cette faculté de sortir de son corps pour mieux se mater de l’extérieur était réservée aux plus grands acteurs pornos et pouvait être à la portée du gars lambda lors d'une bonne partie de jambe en l’air durant laquelle le point G est touché du doigt. Mais bref passons sur ce détail...
Le film est truffé de clins d’œil appuyés à une petite pelletée de films fantastiques, on pense par exemple à Paranormal Activity, Poltergeist, Shining, La Malédiction, Shutter, Amityville et même SOS Fantômes. Des références pas toujours très heureuses qui constituent une accumulation fatigante sans doute destinée à placer le spectateur en terrain connu et à se le mettre dans la poche. Sauf que ça ne marche pas. Au sein d’une telle saloperie, toutes ces références ont plutôt l’air d’être autant d’insultes adressées à un cinéma de genre trainé dans la boue. Insidious accomplit même l'exploit de faire passer tous ces films pour des purs chefs-d’œuvre (Paranormal Activity exclu, n’exagérons rien). Ici, il n’y a donc rien à sauver, ou si peu... Soyons sympa et évoquons deux passages assez réussis : cette scène où Rose Byrne découvre le fantôme d’un gosse dansant bizarrement sur une vieille musique diffusée par un gramophone ; et ces apparitions de jeunes femmes en petites robes gothiques, étrangement figées et ne gesticulant que par à-coups (apparitions qui s'incluent lors de l'errance finale dans l'univers des morts, qui rappelle les jeux vidéos Silent Hill et même Max Payne, c'est dire jusqu'où James Wan est allé piocher...). Deux moments très fugaces, complètement noyés par le reste, et dont je suis bien généreux de me rappeler. Car à part ça, tout m'est apparu complètement raté dans ce film qui, en outre, cristallise toutes les pires rengaines des films d'horreur merdiques actuels, comme par exemple ces inévitables effets sonores stridents qui essaient de faire sursauter et accompagnent chaque scène-choc, la mise en scène étant bien incapable d’effrayer autrement (elle est de toute façon incapable de créer quoi que ce soit).
Je ne regrette quand même pas de l'avoir vu, je n'ai pas passé un si mauvais moment devant de tels sommets de ridicule, et une daube pareille mérite qu'on y jette un coup d'œil, on en croise pas si souvent. Aussi, faut dire que j’ai passé la majeure partie du film à faire des commentaires pourris où je tentais systématiquement de placer le mot « insidieux », tout en sifflotant Alpha Beta Gaga de Air, au grand dam de ma compagne...
Insidious de James Wan avec Patrick Wilson, Rose Byrne et Leigh Whannell (2011)