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26 août 2018

Place publique

Jaoui et Bacri ont-ils touché le fond ? Peuvent-ils vraiment tomber plus bas ? On en doute, à la vue du cinquième film d'un duo dont la filmographie n'est qu'une triste dégringolade. Place publique nous amène même à revoir à la hausse Le Sens de la fête, dont il apparaît comme une sorte de jumeau dégénéré, hideux et ennuyeux. Ici, ce n'est pas un mariage mais une pendaison de crémaillère qui offre le prétexte à une réunion festive de personnages pour la plupart détestables et fatigants, qui ont chacun leurs petits problèmes et leurs caractères merdeux. Bacri et Jaoui se croient sans doute fins observateurs, ils ne font pourtant que se répéter depuis des lustres et leur dernier bébé, le plus laid qu'ils n'aient jamais conçu, est le rejeton malingre d'un duo condamné. Car en plus de ne strictement rien dire de neuf, de ne jamais faire rire et d'exaspérer du début à la fin, Place publique est étonnamment agressif pour les yeux. C'est une horreur. Agnès Jaoui ne sait pas où placer sa caméra, n'a pas l'air de contrôler les allées et venues des nombreux figurants et propose régulièrement des plans d'une laideur considérable. Quand les dialogues et ce qui se joue entre les personnages n'a aucune sorte d'intérêt, on est peut-être davantage sensible à l'image, et là ça ne pardonne pas.




Dans la peau de Castro, un animateur télé sur le déclin particulièrement puant et n'assumant pas son âge, Jean-Pierre Bacri nous ressort sa petite formule habituelle, avec visiblement moins d'entrain que dans le dernier succès de Toledano et Nakache dont il constituait le meilleur argument. Sa mauvaise humeur, ses coups de sang et ses répliques pleines de mépris ne sont pratiquement jamais amusantes, mais réussissent à rendre d'entrée de jeu son personnage haïssable. Ses ridicules moments de gloire, où nous le voyons chanter, ou plutôt singer, Yves Montand puis Alain Bashung, nous font seulement de la peine. Agnès Jaoui, qui n'est toujours pas remise de son opération des dents de sagesse, incarne son ex-femme, et ce n'est pas chez elle que nous trouverons plus de matière à rire. Mais c'est à Léa Drucker que revient la palme du personnage le plus insignifiant. Dans le rôle de Nathalie, la productrice de Castro (et également sœur de Jaoui), elle campe une zonarde XXL toujours pendue à son kit mains libres, cachées derrière d'énormes lunettes de soleil, à laquelle on a juste envie de coller des baffes.




Le premier quart d'heure du film consiste d'ailleurs à voir des connards pendus au téléphone. C'est passionnant et ça a au moins le mérite d'annoncer honnêtement la couleur. Témoins affûtes autoproclamés de leur époque et de leur petit monde, "Jabac" veulent pointer du doigt les travers actuels en filmant tous ces tocards plus préoccupés par ce qui se passe sur leurs smartphones qu'à ce(ux) qui les entoure(nt). En pleine conversation avec Castro, Drucker s'exclame ainsi, les yeux sur son portable, "Dis donc, 30 espèces d'animaux viennent de disparaître ! La vache !", ce à quoi Bacri répond "Quoi, même la vache ?!". C'est un des rares dialogues que j'ai retenus, c'est vous dire le niveau... A un moment donné, désespérément à court d'idée, Jaoui filme même une chute, espérant sans doute avoir recours à un ressort comique qui, depuis la nuit des temps, a fait ses preuves. Nous voyons donc Olivier Broche tomber dans les buissons... Ce n'est que désespérant. Dans le rôle de l'assistant de Drucker, Broche est pourtant le seul à s'en tirer avec les honneurs. Il parvient presque une fois à être un peu drôle, avec son sourire benêt et ses dents en avant. Notons toutefois que l'inventivité de Jabac n'est pas complètement éteinte puisqu'on entend tout de même Bacri répéter plusieurs fois à Héléna Noguerra, qui campe sa femme, une ex-miss météo désireuse de devenir actrice, "T'es bonne actrice ! T'es bonne actrice !", pour la soutenir dans son projet. Héléna Noguerra. Bonne actrice. Héléna Noguerra.




Incapable d'écrire le moindre dialogue sympathique et d'imaginer des personnages amusants, Jabac s'en remettent aux gags purs et simples. On se coltine donc le gars à poigne qui écrase toutes les mains qu'il serre au cours de la soirée, l'étranger à l'accent incompréhensible qui s'exprime dans un charabia à décrypter, et autres détails prétendus comiques de ce genre qui ne parviennent jamais à nous dérider un brin. Le fiasco est complet mais c'est peut-être bien dans cette veine simpliste et grotesque que Jaoui et Bacri s'en tirent le mieux, c'est dire... Le duo a une nouvelle fois essayé de saisir des caractères de leur temps, et de mettre en scène les terribles fractures qui nous séparent : entre les générations (Jabac et leur fille), entre les parisiens et les provinciaux, entre les bourgeois et les petites gens, entre les stars orgueilleuses du showbiz et leurs gentils larbins, etc. Le trait est si grossier qu'on ne se prend jamais au jeu, tout est couru d'avance, pathétique et ringard. C'est à pleurer. L'ultime réplique est terriblement cruelle. Elle est prononcée par Olivier Broche, décidément dans tous les bons coups. Celui-ci commente le sauvetage in extremis de l'émission télé de Castro par un "Il a encore des choses à dire Castro !" qui contraste méchamment avec les si tristes 90 minutes auxquelles nous venons d'assister. Car s'il y en a bien deux qui n'ont plus rien à dire, en revanche, c'est Jaoui et Bacri.


Place publique d'Agnès Jaoui avec Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui, Héléna Noguerra, Kevin Azaïs, Olivier Broche et Léa Drucker (2018)

24 avril 2018

Au bout du conte

Circa 2013, de passage dans une ville de la côte méditerranéenne, la belle Biarritz pour ne pas la citer, et ayant deux heures de libres devant moi, j'ai voulu me "faire une toile" comme on dit. Matez bien la tronche de Jean-Pierre Bacri sur l'affiche : je tirais la même du début à la fin de la projection du film (vu de biais donc). J'ai attendu tout ce temps pour causer d'Au bout du conte et autant vous dire que je ne ferai pas deux paragraphes. Les trois trucs à peu près drôles du scénario sont enfangués, c'est le mot, dans pas mal de tristesse et de morosité, et sont en prime condensés dans la bande-annonce, qui n'est pas délirante à se foutre des claques sur les cuisses. Les personnages sont peu aimables, surtout les deux jeunes, incarnés par Agathe Bonitzer et Arthur Dupont. J'attends que vous m'offriez un autre rictus, Jabac !




Au bout du conte d'Agnès Jaoui avec Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui, Agathe Bonitzer, Arthur Dupont et Benjamin Biolay (2013)

8 avril 2015

Aux Frontières de l'aube

La première fois que j'ai lancé ce film je me suis endormi au bout de dix minutes. La deuxième fois j'ai pioncé à nouveau, et re-pioncé la troisième. Je l'ai retenté deux fois ensuite, les deux fois je me suis encore endormi au passage de la barre fatidique des dix minutes, précisément. Les trois tentatives suivantes (respectivement les sixième, septième et huitième essais) connurent le même sort. Je n'évoquerai même pas la neuvième fois, car elle n'a pas à proprement parler eu lieu. Les cinq fois suivantes, je n'ai pas dépassé le quart d'heure (mais je notai, pas peu fier, une amélioration de cinq minutes sur mon record jusque là maintes fois égalé, jamais dépassé). La quinzième tentative fut la bonne. Ce film m'aura servi une cure de sommeil maxi modèle sur un plateau. On n'a pas idée de tout filmer dans le noir aussi... Near dark c'est dark, très dark, trop dark. Les vampires craignent le soleil, ok, mais pas les spectateurs, alors c'était pas la peine de tourner le film dans le noir complet, parce que c'est con mais on n'y voit rien. J'ai eu beau mettre la luminosité à 100% sur mon écran Daewoo, j'y ai vu que dalle. Comment ne pas pioncer comme un loir ? Et la bande originale par Tangerine Dream (« Tango de rêve ») n'arrange rien. Le rythme mollasson et les suites de plans auxquels on ne comprend rien, non plus !


Lance Henriksen, vampire de longue date, brave l'interdit (foutre un pied dehors en plein jour) pour se faire un McDrive. Après avoir avalé la route à l'aveugle et à 2 km/h, le pare-soleil tendu sur toute la surface du pare-brise, il décide de prendre la file du Drive à l'envers pour ne pas trop s'exposer, quitte à devoir hurler pour qu'on prenne sa commande. Il finit aussi cuit et sec que les deux steaks rachitiques de son prochain Big Mac, mais il termine la scène avec un sourire, assurant que ça valait le coup « pour les corbacs » (cornichons).

Au début du film, une scène s'avère très symptomatique de l'échec de miss Kathryn Bigelow (Academy Award Robber grâce à Démineurs), celle où Mae (Jenny Wright), une vampiros pas du tout lesbos, embarque dans la mustang d'Adrian Pasdar qui l'emmène voir son cheval (un mustang, l'homme fait une fixette). Sous leurs yeux admiratifs, la bête se cabre majestueusement, dévoilant une érection hippique notoire, et la jeune femme, émoustillée, se lance dans des sous-entendus lourdingues quant à son statut de vampire, pendant vingt minutes au bas mot. Alors peut-être que c'est efficace pour ceux qui découvrent le film sans savoir du tout de quoi il s'agit, pour ceux qui ont fermé les yeux en louant le dvd, peut-être que pour eux, qui s'attendent autant à un western spaghetto avec Terence Hill et Budd Spencer jouant à s'envoyer des baffes pendant une heure et demi qu'à une comédie sociale de Philippe Lioret encore plus noire que le film de vampire tourné dans le noir auquel ils devront en réalité faire face, peut-être que pour ces gens-là c'est intriguant et appréciable tout ce passage où la fille fait comprendre à demi-mots à son nouvel étalon qu'elle en est, à coups de « Autant je serai encore là dans mille ans... », « Les chevaux ont peur de oim », « Sans gousses d'ail, ma salade Caesar, tu seras gentil, par contre fais passer le cheddar », « Peut-être que tu pourrais devenir éternel itou si d'aventure on s'encastre », « Ne m'embrasse pas je vais te bouffer la moitié de la joue » et autres « Magne-toi de renfiler ton zlip de gangourou, le jour se lève ». Mais pour nous autres qui savons de quoi il retourne, cette scène est embarrassante. Un peu plus loin, on trouve, ne soyons pas vaches, une scène moins nulle. Quand Adrian Pasdar vient juste de se faire niaquer et cavale dans les champs terreux, ses pas soulevant la poussière derrière lui, son corps fumant de pied en cap à l'approche du soleil. Avec la musique aux sonorités moins directement estampillées 80s qui accompagne le film à ce moment-là (je crois qu'il s'agit de la chanson Marakesh de Tango de rêve), j'ai trouvé cette scène assez réussie. Pas super bien filmée mais assez habile quand même. Sans bien savoir pourquoi, on aime voir ce mec fumant courir plié en deux dans un champ aride du Texas. C'est le seul truc qui fonctionne à peu près dans tout le film.


Adrian Pasdar commence à flamber. Il m'est arrivé la même chose une fois avec un froc Celio*, alors qu'il ne faisait pas spécialement beau. Il a pris feu comme ça, en pleine rue, sans prévenir.

Restent quand même des masses de péripéties pas tellement cohérentes. Je ne suis pas pro en vampires, mais s'il suffisait qu'on leur fasse une transfusion avec du sang de mortel pour qu'ils redeviennent normaux, ça se saurait. Pareil pour la scène de la fusillade dans le Kathryn Bungalow : le moindre rayon de soleil fait flamber les vampires alors qu'on les a déjà vus, allongés derrière des persiennes, sur des transats, en train de bronzer comme des gros lézards camés… Puis la fin est limite. Le méga vampire qui suce du sang depuis des lustres se fait surprendre par l'aube en pissant un dernier coup à la belle étoile dans son jardin, alors qu'il n'a que ça à penser, depuis des millénaires : fuir le soleil !


Aux Frontières de l'aube de Kathryn Bigelow avec Adrian Pasdar, Jenny Wright, Lance Henriksen, Bill Paxton et James LeGros (1987)

22 mars 2014

La Vie des autres

Sich mit Dem Geschmack von anderen nicht zu irren, greift das Meisterwerk, ohne über Jabac zu lachen aka Jaoui und Bacri, Das Leben von anderen ist ein richtiger historischer film. Man sagte wirklich, daß man, um deutsche Grenzen herauszunehmen, im langen historischen film auf der wand von Berlin machen muß (Remember Good Bye Lenin! und ganz kürzlich der Barbara scheißende über). Und lang ist das nicht wenig zu sagen, ein wenig zu lang, wie zu langsam... Das ist fast ein dokumentarfilm auf deutschen schauspielern, einen deutschen Film zu drehen. Den scénar in der Buchhandlung nicht eben des Luxus zu veröffentlichen, der gesehen ist, das ist das einzige Interesse eines auf dem niveau sonst gelegten filmes Nullpunkt des Kinos. Aber das sieht sich hein aus, das ist, dennoch historisch interessierend. Félix das war sein zweites mal, und seine zweite siesta vor diesem film deutschen (nichts hängt ab). Für mich war das eine Premiere und die Letzte. Ich lasse Sie. Ich habe Lust auf einen sunday da.•



 Et maintenant la VF :

A ne pas confondre avec Le Goût des autres, le chef-d’œuvre pince-sans-putain-de-rire de Jabac, aka Jaoui et Bacri, La Vie des autres est un film historique correct. On dirait que pour sortir des frontières allemandes il faut faire dans le long film historique sur le mur de Berlin (remember Good bye Lenin! et tout récemment le über chiant Barbara). Et long c'est pas peu dire, un peu trop long, combien trop lent... C'est presque un documentaire sur des acteurs allemands en train de tourner un film allemand. Publier le scénar' en librairie c'était pas du luxe, vu que c'est le seul intérêt d'un film par ailleurs situé au niveau zéro de la cinématographie. Mais ça se regarde notez bien, c'est quand même intéressant historiquement. Félix c'était sa deuxième fois, et sa seconde sieste devant ce film allemand (il ne tient rien). Pour moi c'était une première et la dernière. Je vous laisse. J'ai envie d'un sunday.


La Vie des autres de Florian Henckel Von Donnersmarck avec Thomas Thieme et Martina Gedeck (2007)

11 mars 2013

Parlez-moi de la pluie

Depuis près de cinq ans une hernie pointe tout doucement le bout de son nez sur le côté gauche du dos du Poulpe, notre rédacteur associé. Ce dernier est allé voir Parlez-moi de la pluie au cinéma sur un coup de tête et il ne nous en avait rien dit depuis tout ce temps. Il avait gardé ça pour lui. Et comme il livre les horreurs qu'il a dans la tronche au compte-goutte, l'autre soir il nous a révélé ça. Pour nous c'était donc plutôt un bon soir vu que la veille il nous avait avoué avoir plongé un chat dans l'essence pour lui foutre le feu à l'âge de deux ans et demi. A chaque soir sa petite révélation, et pour lui c'est toujours un poids en moins, un sacré soulagement, une opération à coeur ouvert. Depuis qu'il nous a dit qu'il a vu Parlez-moi de la pluie, son hernie discale, chopée pendant la séance du film de Jaoui à force de contorsions sur un siège en bois, a cédé la place à un side-tattoo à l'effigie de Ian McKellen grimé en Gandalf, dédicacé à l'aiguille à tricoter par l'acteur sexagénaire. Le pire, c'est que nous aussi nous avons vu ce film, en avant-première à l'époque, et en présence de l'équipe s'il vous plaît.




On nous avait vendu ce film comme la vérité sur la perte du bras de Jamel. Il n'en est rien. Au contraire même, puisque le grand défi sur ce film pour le couple Jabac (Jaoui-Bacri), comme nous l'apprend la fameuse page "Le saviez-vous" sur Allociné, c'était de ne pas inclure dans le récit l'handicap de Jamel et de nous faire croire qu'il avait retrouvé son bras le temps du tournage. Mais à mi-parcours les artifices usés par la réalisatrice ont montré leur limites : Jamel ne pouvait décidément pas jouer toutes ses scènes adossé contre un mur. Jaoui fit appel à Stan Winston, qui devait animer le bras animatronic de Jamel, mais qui est mort entre-temps. Le génie des marionnettes mécaniques et des effets spéciaux artisanaux est enterré avec ce bras bionique de toute beauté qui n'a jamais servi. Au final Jamel, las de tourner toutes ses scènes à moitié planqué derrière un arbre, a fini par refuser le défi. D'ailleurs non seulement l'intrigue n'avançait pas mais le discours du film, véritable main tendue aux français d'origine maghrébine, en aurait pâti. 




Parlez-moi de la pluie est une histoire de gros bobos constamment surpris par la pluie mais bienveillants à l'égard des immigrés. A vrai dire on s'en souvient très mal. Bacri doit faire la tronche, Jaoui doit chanter (faux) une ou deux fois, et Jamel doit tourner un docu-fiction sur les femmes politiques hautaines et chiantes. Point positif : l'absence de Marilou Berry, qui avait plombé le précédent Jabac, déjà bien rance, Comme une image, dans lequel elle fréquentait à distance un autre beur vaguement boloss et aux yeux bleus, assurant le quota. Autre point positif : l'absence de meurtre non-simulé en caméra subjective ultra gore. Il n'y avait aucune chance pour qu'on voie ça dans ce film mais on cherche des qualités où on peut !




Dans ce film, Jaoui réalisatrice perd de vue les dernières traces de son talent d'antan, qui remonte à l'époque où elle et Bacri savaient encore écrire des textes drôles et créer des personnages attachants, et prend définitivement un melon gros comme ça. Et Bacri avec, qui à l'avant-première s'excitait lors du speech post-projection, se justifiant toutes les trois minutes d'être plein aux as et de quand même aimer les arabes, alors que personne ne lui avait rien demandé, et s'en prenant à toute la planète ciné pour vanter le courage de sa femme et louer les mérites de son propre film, dans lequel, affirmait-il le poing serré, "aucun personnage ne sert la soupe aux autres". On a vu, de nos yeux vu, et ça on s'en rappelle, au moins trois personnages du film, sans noms, sortis de nulle part, servir littéralement des plats de soupe froide (du gaspacho) aux trois stars dans une des pires scènes de ce long métrage lymphatique, avant de complètement disparaître de l'écran, sans même être cités au générique de fin. Il n'y avait vraiment pas de quoi parader pour ce film tombé au fin fond des oubliettes, dont on ne se souviendra peut-être qu'à chaque nouvelle sortie d'un nouveau film merdique de Jabac, condamné à son tour à sombrer dans les méandres de l'indifférence générale.


Parlez-moi de la pluie d'Agnès Jaoui avec Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri et Jamel Debbouze (2008)

3 octobre 2012

RoboCop

Avec RoboCop (1987) Paul Verhoeven signait son premier gros film américain et réussissait avec brio sa reconversion dans le cinéma hollywoodien à grand spectacle. Ce film a donc lancé la seconde carrière du cinéaste hollandais en même temps qu'il a lancé et quasiment tué la carrière de l'acteur Peter Weller (Pierre Porte-feuille en français) qui, hormis quelques escapades chez Ferrara (Cat Chaser, 1989) et Cronenberg (Le Festin nu, 1991), est resté coincé sous son armure pour rempiler dans le deuxième film de la série. A noter quand même à son actif un film de SF peu connu mais matriciel du cinéma de la seconde moitié des années 90s, à savoir Planète Hurlante, du footballer Christophe Dugarry. Dans Robocop, Peter Weller marchait sur l'eau malgré une tonne et demi d'acier trempé collé sur le dos. Il incarnait fièrement Murphy, un flic terrassé par une bande de malfrats et ressuscité par les dirigeants de la firme technologique OCP pour devenir le RoboCop, un flic robotique tâchant de rétablir l'ordre dans un Détroit dystopique gouverné pas la pègre (qui fait diablement penser au village de Meaux, chef-lieu de Seine-et-Marne).




Le début du film reste un traumatisme pour certains d'entre nous, à commencer par moi qui ai vu le film à sa sortie, en 1987, soit à l'âge de 14 mois. La scène d'introduction présente en effet les personnages principaux de l'histoire, deux flics, un gars et une fille, Peter Weller et Nancy Allen (la bombasse atomique de l'époque, connue pour sa sortie de vestiaire légendaire dans Carrie de Brian de Palma, pour son coït aérien avec le manche à balais d'un vieux coucou dans 1941 de Spielberg et pour son manque de pudeur en général : à l'époque les tabloïds avaient fait une couverture choc avec cette actrice vêtue d'un pull à col roulé et d'un jean taille haute, tant il était inespéré de la voir habillée). Comme souvent dans les scénarios soucieux de ne pas trop s'emmerder avec les détails, les deux personnages, en pleine traque dans un hangar insalubre abritant une armée de gangsters déjantés, décident de se séparer. C'est ainsi que Murphy se retrouve connement sous le feu de la bande d'un dégénéré nommé Clarence J. Boddicker, incarné par Kurtwood Smith, acteur célèbre pour ses rôles de pervers, notamment devant la caméra de Peter Weir dans Le Cercle des poètes disparus (1990), où il incarnait le papa un peu trop poule d'un jeune homme poussé au suicide par son éducation tyrannique. Kurtwood Smith a sans doute accepté ce rôle ingrat de père tortionnaire sous la direction de l'australien Peter Weir en pensant pouvoir enfin régler ses comptes avec sa nemesis Peter Weller, qui, à la fin de RoboCop, lui fait littéralement fondre la tronche sous une pluie d'acide, mais c'était Peter Weir qui dirigeait le film, pas Peter Weller. Une simple faute de frappe sur un script, une coquille assez rocambolesque dans le petit monde d'Hollywood qui a longtemps attribué Le Cercle des poètes disbarus à Peter Weller, raté de photocopieuse qui aura valu à l'acteur de RoboCop de recevoir quelques prix dont un Oscar pour un film qu'il avait juste vu au cinéma, comme tout le monde en 1990. Nul doute que le rôle de Clarence J Boddicker, ce personnage de parrain de la pègre fou furieux et cruel, aurait été tenu par Michael Ironside (sosie américain de Jean-Pierre Bacri) si l'acteur, présent dans chaque film de Verhoeven ou presque, n'avait pas eu des calculs rénaux au moment du tournage (d'autant qu'il était en réalité prévu pour incarner RoboCop himself !).




Mais pour revenir à la scène d'intro du film, on y voyait donc Murphy se faire cribler de balles pendant cinq bonnes minutes, mitraillé par des tarés morts de rire embarqués dans un délire morbide. Remué de spasmes horribles à chaque perforation de chaque parcelle de son corps, Peter Weller n'en menait pas large. Pour la petite histoire, il paraît que Paul Verhoeven, particulièrement survolté à l'époque (lui qui tourne encore aujourd'hui à 50 de tension la nuit, dans son sommeil) hurlait sur ses acteurs de tirer sans arrêt sur sa vedette, de littéralement "exploser Weller", de "trouer le cul à ce bellâtre". L'homme qui quelques années plus tard ne prit pas la peine de prévenir Sharon Stone qu'il pointerait sa caméra droit sur son mont de vénus avait promis à Peter Weller qu'il recevrait une balle dans le front et puis s'en va. Au lieu de ça et sous prétexte d'un accrochage la veille autour d'une porte de voiture mal fermée, Verhoeven fit durer le plaisir et condamna Weller à passer plusieurs heures couché au milieu du plateau à encaisser, frappé par des balles à blanc mais qui multipliées par X finirent presque par avoir la peau de l'acteur, dans un vacarme qui le rendit à moitié sourd. C'est d'ailleurs à cause de ce léger handicap d'audition que Peter Weller se retrouva à signer un contrat sur un coin de comptoir pour jouer dans un film de Cronenberg alors qu'il voulait juste commander une Kronenbourg.




Après cette fusillade d'anthologie, qui a marqué une décennie de cinéma, Murphy devient RoboCop et s'en va se venger en zigouillant la moitié de la ville et particulièrement des latinos. Avec l'aide de son ancienne camarade, RoboCop se souvient peu à peu du Murphy qui est en lui, et veut réparer le mal qu'on lui a fait en le rendant coup pour coup. Voyant que leur nouveau joujou leur échappe et que RoboCop se détourne de leurs ordres pour accomplir son forfait, les pontes de l'OCP lancent contre lui un autre robot encore plus gros et supposé encore plus puissant, le ED 209, si perfectionné qu'il déraille lors de sa première présentation et massacre tous les membres du comité, autant de commerciaux puants et sans scrupules, dans un joyeux bain de sang dépilatoire. Mais si elle est plus destructrice que RoboCop, cette pure machine n'a ni son humanité ni sa classe légendaire, appuyée par la musique mémorable de Basil Poledouris. RoboCop n'a pas d'égal, revêtu de sa côte de maille et de son haubert à viseur scanner. C'est à Rob Bottin que l'on doit le costard en allu impérissable de Rob Bocop ainsi que la plupart des bagnoles de flics noires géniales qu'on croise durant tout le film, le même Rob Bottin qui a magnifié les effets spéciaux de tous les grands films de studio hollywoodiens des années 80, de The Thing à Hurlements en passant par Total Recall et L'Aventure intérieure.




Aujourd'hui, ou plutôt demain, en 2013, dans le remake du film de Verhoeven par José Padilha, réalisateur brésilien qui nous avait condamnés à la chaise électrique en nous infligeant son film Tropa de elite (Troupe d'élite, 2007), long métrage infernal et quasi facho, le costume trois pièces de Jean-François RoboCopé est une combi de motard sado-maso directement piquée dans la penderie de Gérard Holtz (on l'imagine très bien habillé comme ça entre deux plateaux télé). Pour vous dire un peu le chemin parcouru depuis ces années 80 reaganiennes et régaliennes (dont le film dressait la satire) pourtant symboles du mauvais goût... Le remake risque fort de faire pâle figure comparé à l'original, même si Hollywood a eu le même réflexe (conscient ou non ?) de faire appel à un étranger pour apporter une vision sans pitié de l'Amérique, à ceci près qu'ils ont cette fois-ci semble-t-il convoqué un gros tocard. On préfère en tout cas revoir le film de Verhoeven à l'heure qu'il est, un bon cru du divertissement hollywoodien des années 80 qui au lieu de nous identifier à une machine de guerre exemplaire éliminant tous les méchants de la Terre, nous présentait un personnage pour le moins ambigu et un peu plus original que la moyenne dans un film d'action sans concession à forte dimension critique.


RoboCop de Paul Verhoeven avec Peter Weller, Nancy Allen et Kurtwood Smith (1987)

21 septembre 2012

Cherchez Hortense

On sort du nouveau Bonitzer et la logique voudrait donc qu'on donne notre avis sur le film en tant que blogueurs ciné, qu'on se place sur l'échiquier critique, qu'on prenne position en tant qu'anti ou que pro, alors on se lance, même si à la manière du cinéaste qui cherche Hortense on cherche de notre côté l'envie de l'épingler. Il faut déjà commencer par se limiter et par trier le grain de l'ivraie, car là on a envie de vous parler de ce moment où Kristin Scott Thomas invite Bacri à croquer dans un plateau d'huîtres "numéro 3", en précisant bien "numéro 3", de ces amphithéâtres hi-tech et vieillots à la fois où Bacri donne des cours en commençant toujours par : "La Chine, vous l'ignorez, ne voit pas le ciel comme nous autres occidentaux…" avant un cut salvateur pour lui, de ce personnage du beau-frère coiffeur maigrelet et très efféminé mais finalement sanguin comme le pire des ultras olympiens (supporters de l'OM pour les béotiens) déçu après un centre-tir de Gignac en direction de Mandada, qui massacre Bacri d'un uppercut travaillé à l'entraînement entre deux permanentes posées sur des vieillardes. Mais tous ces détails qui nous reviennent parce que le film est encore frais ne sont pas forcément bons à retenir et d'ailleurs ils ne diront rien à ceux qui n'ont pas encore vu le film (99,99999998% de la population mondiale, chiffre à relativiser étant donné qu'Avatar reste un film inconnu pour disons 94,999999998% de la même population humaine sur Terre) et qui en prennent déjà plein la gueule.




De telles statistiques n'ont jamais eu cours et n'ont certainement jamais été rapportées dans aucune critique de film depuis circa 1890, il nous faut donc changer de paragraphe après ça. Ce film est donc signé Pascal Bonitzer. Cet homme est une encyclopédie du cinéma, un critique émérite et un théoricien respecté par ses pairs, cité à tours de bras dans les études les plus sérieuses à travers le monde. Il est en effet l'auteur d'un livre intitulé Le Champ aveugle qui a fait date et qui est actuellement posé sous mon macbook pro pour que la ventilation fonctionne à plein. Un vrai bouquin de chevet. Quand on voit les films de Bonitzer, y compris le spectateur totalement ignorant du travail de recherche de notre ami, on ne peut s'empêcher de penser que le cinéma est un passe-temps pour lui, une petite fantaisie, un side-project. On sent bien qu'il se fait plaisir avant tout en invitant ses amis, et Bonitzer dispose d'un beau carnet d'adresse allant de Jackie Berroyer à Benoît Jacquot (qui fait un caméo dans le film, sa famille le reconnaîtra) en passant par Agathe Bonitzer, la propre fille du cinéaste, sans oublier pour le coup Jean-Pierre Bacri et Kristin Scott Thomas.




A propos de ces deux acteurs, on peut dire que Bacri porte le film sur ses épaules et fait passer la pilule. Bien que rasé à la hache et d'un teint plus gris que jamais, l'acteur est là, il a toujours ses petites facéties qui font mouche et sait faire aimer son personnage, ce dont le film avait bien besoin vu qu'il le marque à la culotte, et Dieu sait que c'est pas Indiana Jones, ses aventures se déployant entre le Palais Royal, un resto japonais et son appartement dans un triangle des Bermudes ma foi assez monotone. Quant à Kristin Scott Thomas, qui commence à empiler les films comme on remplit un casier judiciaire, elle passe sous nos yeux comme une vague connaissance ou comme une vieille cousine qu'on recroise de temps en temps sans plaisir. Sa voix, son physique atypique, son phrasé, son parler (en fait ça tourne surtout autour de sa voix), son allure, son âge indécidable (mais au-delà des soixante ans), son élocution, son accent, sa diction, bref tout ça nous frappe de plein fouet dès qu'on la retrouve d'un film à l'autre, et des personnages meurent sous la présence de l'actrice que l'Angleterre nous a envoyée en représailles de la guerre de cent ans. Petit message à tous les vieux papas qui nous lisent (en général cette actrice est l'idole de nos vieux paternels) : ce n'est pas parce que cette femme est bien conservée qu'il faut la conserver davantage.




A part ça que dire de ce film (dont on sent bien que quand il a été question de lui trouver un titre Bonitzer s'est retrouvé face à un pur casse-tête chinois) ? Pour en finir avec le casting il se compose aussi d'Isabelle Carré, avec laquelle Bacri est bien décidé à créer un couple légendaire de cinéma (ils ont déjà tourné ensemble dans Les Sentiments), mais il n'est pas prêt d'y parvenir avec de tels scénarios ; et puis Claude Rich qui s'amuse semble-t-il assez dans son rôle de mauvais père à moitié homo, bien qu'on préfère le voir s'amuser chez Resnais dans le rôle par exemple de vieillards ou de vieillardes en pleine bourre. Tous ces acteurs font ce qu'ils peuvent dans cette comédie dramatique brouillonne et rarement inspirée dont la part de critique sociale est aussi poussive qu'inoffensive. Le fil de l'intrigue tourne en effet autour d'une jeune immigrée sans papiers dont le sort est suspendu à la communication quasi impossible entre Bacri et son père. Bonitzer a au moins ceci de cohérent qu'il s'engage contre l'expulsion des sans-papiers en signant un film sans identité. On a quelque mal à se passionner pour cette quête, autant d'ailleurs que pour les difficultés du couple que forment Bacri et Scott Thomas, et autant que vous sans doute pour ce paragraphe. Pourtant, sans prétention aucune, et je crois que même Bonitzer avec son regard acéré de critique conscient de ce qu'il fait serait d'accord, cet article a déjà quasiment plus d'arguments que le film, voire plus d'idées, et en tant que pur objet formel, peut-être plus d'allure et d'ambition.


Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer avec Jean-Pierre Bacri, Kristin Scott Thomas, Isabelle Carré, Claude Rich, Benoît Jacquot, Jackie Berroyer et Agathe Bonitzer (2012)

6 mai 2012

Le Porteur de serviette

Sorti en 1991 et sélectionné à l'époque en compétition officielle à Cannes, Le Porteur de serviette est un film très méconnu aujourd'hui, pour ne pas dire complètement oublié. Je l'ai découvert par hasard en cherchant ça et là de bons films sur la politique, et force est de constater que l'oubli général à l'égard de ce film n'est pas tout à fait fortuit. Réalisé par Daniele Luchetti (récemment auteur de La Nostra Vita), avec dans les premiers rôles Silvio Orlando et Nanni Moretti himself, le film est une sorte de pré-Caïman et malheureusement pour lui de sous-Caïman, l'avant-dernier film de Moretti (avant l'excellent Habemus Papam) sorti en 2006, où le cinéaste jouait un petit rôle aux côtés de sa star, le même Silvio Orlando, pour dresser un brûlot politique contre le pathétique Silvio Berlusconi. Le Porteur de serviette constitue lui aussi une charge sur le thème de la corruption et prend lui aussi la forme d'une comédie satirique en racontant l'histoire de Luciano (Silvio Orlando donc), professeur de lycée et nègre d'un romancier célèbre, convoqué par Cesare Botero (Nanni Moretti), ministre de l'Industrie et plus jeune ministre en fonction d'Italie, qui lui propose d'écrire ses futurs discours pour une élection prochaine.


La charmante Anne Roussel fait tourner la tête de Luciano en enlevant ses chaussures devant lui dans sa chambre d'hôtel. Son personnage se révèle rapidement pris au piège par Botero qui en a fait sa chose et la tient à sa botte, un peu comme Evan Rachel Wood dans Les Marches du pouvoir, même si le scénario de Luchetti est bien meilleur que celui de Clooney.

D'abord fasciné par le monde de privilèges que lui ouvre Botero, entre grosse voiture, belles interprètes et enveloppes discrètes qui lui permettent de boucler ses fins de mois haut-la-main, Luciano est rattrapé par sa compagne intègre et par ses chers étudiants sur le point de passer leur bac, et découvre vite le revers de la médaille du jeu politique, le vrai visage du tricheur et manipulateur qu'est Botero et la frénésie arriviste des hommes de pouvoir. On retient surtout du film cette scène où Luciano est dépité d'apprendre qu'un certain élève qui fut jadis dans sa classe de terminale et qui montrait des qualités extraordinaires est devenu avocat pour le Parti de Botero, mettant ses immenses talents au service des plus pourris et de leurs viles manigances. Il y a aussi cette séquence où Luciano se soustrait une nuit à ses obligations pour aller aider en urgence ses étudiants à réviser leur bac, se rappelant soudain où sont ses priorités. On préfèrera retenir ces courts passages plutôt que la fin du film et son symbolisme à gros pistons, quand Luciano et son ami journaliste, écœurés par la victoire fallacieuse de Botero malgré tous leurs efforts pour le contrer en dénonçant ses tractations financières, détruisent à coups de clubs de golf la belle décapotable que le ministre avait offerte à sa nouvelle plume. Le Porteur de serviette est un film à thèse, un très utile tract à charge contre les dérives du monde politique et l'immoralité de ses représentants en un point donné du monde et de l'histoire, dont la valeur universelle n'est plus à prouver. Or c'est sans doute cette trop importante dimension contestataire et dénonciatrice qui recale le film au rang anecdotique, son scénario trop convenu et sa réalisation faiblarde l'empêchant de quérir un intérêt artistique au-delà de son seul intérêt civique.


Nanni Moretti est impeccable dans son rôle de politicard arriviste prêt à tout. Lors de son intervention télévisée à la fin du film, où il n'a de cesse de mentir et de lancer de grandes phrases creuses et séduisantes, il nous rappelle étrangement quelqu'un...

Le sujet du film reste bel et bien de rigueur. Le problème du manque cruel et abyssal de moralité dans l'exercice politique n'a pas du tout disparu, y compris dans notre doux pays et à l'heure actuelle. Nous verrons ce qu'il adviendra de l'affaire tout récemment sortie par Mediapart du financement de la campagne 2007 de Sarkozy par Kadhafi… et nul doute que d'autres "affaires" ne tarderont pas à se faire jour et viendront sous peu éclabousser notre cher président et les siens quand celui-ci ne sera plus protégé par la fonction, c'est-à-dire dès le 6 mai prochain si Dieu existe. Le problème du déni de moralité ne se résume d'ailleurs pas qu'aux affaires et ne concerne pas que les matières financières, comme on le voit de façon plus que jamais limpide dans le triste entre-deux tours qui s'achève et qui a opposé François Hollande à Nicolas Sarkozy pour l'accession à la tête de l’État. Le premier, Hollande, a parlé aux électeurs de Le Pen et il a bien fait de leur parler, parce qu'il est important et même impératif de s'adresser à eux, ne serait-ce que pour tâcher de les convaincre qu'il y a autre chose à faire que voter pour une responsable politique dont tout le discours consiste à ostraciser et stigmatiser les étrangers pour régner sur la haine érigée en principe. Mais Hollande n'est pas allé les draguer en s'abaissant aux propos hideux de leur candidate, il a tenté de ramener un maximum des 6,5 millions d'électeurs du Front National dans le giron de la république et vers des choix moins radicaux, moins délétères pour la société et pour ses membres. Il a tenté de ramener à une alternative saine ceux parmi ces 6,5 millions de gens qui n'ont pas voté Marine Le Pen par pure conviction et adhésion pleine et entière aux idées racistes et xénophobes déployées sans complexe par cette dernière notamment dans les derniers jours de l'élection (encore qu'il faudrait connaître la dose de votes contestataires, d'électeurs "en colère", parmi ces 6,5 millions de bulletins, vu que 18% de Français étaient prêts à voir Jean-Marie Le Pen gouverner la France au deuxième-tour de 2002, et vu que la colère ne pousse pas forcément tout le monde vers le vote haineux le plus con qui soit, aussi faudrait-il peut-être parler de "bêtise" ou d'ignorance plutôt que de colère, quitte à tomber dans la condescendance). Hollande s'est contenté d'appeler les quelques potentiels électeurs réellement "en colère" de Le Pen à un vote plus sensé et n'a espéré que détourner ces quelques désespérés de la politique (parmi une masse de véritables racistes, ne nous voilons pas la face) d'une candidate au programme économique invraisemblable, aux propositions de société aberrantes (interdiction de l'avortement, rétablissement de la peine de mort, mais on connaît ça par cœur), et aux discours abjects, volontairement racistes (on se rappelle ce meeting où elle affirmait vouloir fermer les frontières pour ne pas permettre à des avions pleins de Mohamed Merah de se poser en France et de nous dévorer tout crus, assimilant gaiement l'immigration au terrorisme et les étrangers à la barbarie avec enthousiasme et désinvolture). Hollande s'est limité donc, sans en faire le cœur de sa campagne d'entre-deux tours, à essayer de ramener les colériques qui se trompent de cible vers des choix pas seulement plus raisonnables mais carrément moins débiles et surtout moins terribles. Encore qu'on aurait aimé le voir lui et ses porte-paroles, ainsi que les médias, attaquer plus directement le racisme pur et les absurdités du vote FN, quitte à débiter ce qui leur semble des évidences mais que certains auraient bien besoin d'entendre encore et encore. Au lieu de ça les médias se sont souvent bornés à normaliser ce vote et à lui donner une belle légitimité en tant que scrutin décomplexé et pivot du deuxième tour. Sarkozy quant à lui s'est livré à une séduction des plus crasses à l'endroit des partisans de l'extrême-droite en agitant plus que jamais les étendards de l'insécurité, de l'immigration, des frontières et des étrangers, pour galvaniser la foule sur le sentiment le plus facile et le plus bestial qui soit, la très pérenne peur/haine de l'autre.


Quand je pense qu'il y a une probabilité non-nulle pour que Sarkozy soit réélu ce soir, je pense à ceux qui votent pour lui et j'éprouve un soudain mais fugace mépris pour le système démocratique qui risque de nous foutre dedans, et alors je me souviens un instant de Bacri dans Cuisines et Dépendances : "La majorité ? Laquelle d'abord ? Celle qui pensait que la Terre était plate ? Celle qui veut rétablir la peine de mort ? Celle qui se met une plume dans le cul parce que c'est la mode ?"

Parce qu'ils sont six millions et demi de Français à voter FN, les électeurs de Le Pen sont quasiment devenus intouchables. Ou quand le nombre impose non pas seulement le respect que réclame de toute façon la démocratie mais une déférence inquiétante. Qu'on veuille à tout prix respecter ces votants et respecter leur vote est une chose, et il est évident qu'il importe d'écouter cette voix, de ne pas faire la sourde oreille, afin de ne pas favoriser le repli sur soi et la fuite vers le vote extrémiste. Il est capital de comprendre et de répondre, de rétorquer, de contre-attaquer arguments à l'appui, mais encore faut-il pouvoir s'ériger contre l'immense danger de ce vote contestataire et dire à ceux qui l'ont choisi à quel point ils se trompent de solution et de vérité. Ne pas pouvoir attaquer de face les idées racistes du Parti de Marine Le Pen (les quelques attaques qu'elle a reçues face à face durant la campagne portaient uniquement sur son programme économique improbable) par un soi-disant égard démocratique envers ceux qui l'ont élevé au résultat de 18% au premier tour des élections devient absolument insupportable, autant qu'il est insupportable de voir la droite de Sarkozy faire la manche auprès des électeurs du FN en sombrant toujours plus dans le populisme. C'est lui, Sarkozy, qui, en allant piocher directement dans les voix de Le Pen dès 2007 pour s'assurer la victoire, et même avant, quand il était ministre de l'intérieur, à l'époque du kärscher et compagnie, a activement entamé la dédiabolisation certes nécessaire du FN, mais bien au-delà : une "normalisation" dangereuse de l'idéologie raciste des Le Pen. Il n'a pas forcément répandu ces idées davantage qu'elles ne l'étaient déjà, puisque ceux qui en 2007 ont voté Sarkozy pour voter Le Pen sans le faire ont simplement voté directement Le Pen en 2012, histoire d'avoir l'original au lieu de la copie, mais, sous l'égide de son conseiller Patrick Buisson entre autres, il a bel et bien banalisé les idées nationalistes et xénophobes de l'extrême-droite et décomplexé peu à peu la parole raciste dans notre pays. Dans l'entre-deux tours les électeurs de Le Pen ont été présentés par les médias comme la clé de l'élection du 6 mai, ceux sur qui il faut compter et qui tiennent les rênes du pays dans leur bulletin, et on leur donne ouvertement la parole à la télévision pour qu'il y expriment leur dégoût "des noirs et des arabes" qui volent la "France aux Français", sans que cette parole ne soit encadrée ou critiquée (les micro-trottoirs pullulent où l'on entend de tels propos sans aucune contradiction immédiate, Bourdin a lu une lettre qui contenait exactement ces mots à l'antenne avant de donner la parole à un élu UMP qui s'est empressé d'enchaîner avec aubaine sur le problème de l'immigration et d'être gêné quand Bourdin lui a rétorqué que ces "noirs et ces arabes" sont français). Aujourd'hui, à l'heure où l'on confère une importance confortable à ces électeurs dont on légitimise les discours les plus inacceptables (cette parole raciste détendue et assumée sera sans doute préjudiciable pour l'avenir du pays), plus que jamais nous constatons à quel point Sarkozy, qui prône les racines chrétiennes de la France des cathédrales, travaille avec un ministre condamné pour injure raciale, fait de grands discours sur les différences de valeur entre les civilisations, reporte tous les problèmes des Français sur l'immigration et le péril islamiste, s'en est pris directement aux roms, pointe désormais du doigt les musulmans et agite en permanence le drapeau de l'insécurité en présentant ce sujet comme la préoccupation principale des Français alors qu'elle ne l'est que pour 3% des personnes interrogées (loin derrière le problème du chômage, bizarrement), nous constatons à quel point il ne voit aucun mal à se présenter comme proche des idées de l'extrême-droite et combien il a participé à cultiver un climat de mépris et de haine, favorisant un quant à soi franco-français fantasmagorique qui voudrait que tous les malheurs des citoyens de France soient la faute aux boucs émissaires de l'immigration, aux étrangers, mais aussi aux chômeurs, assimilés par présupposé aux immigrés, et maintenant aux élites, autres cibles faciles et récurrentes du Front National.


A quand un biopic de Marine Le Pen avec Charlotte de Turckheim dans le rôle titre ?

On se demande pourquoi Sarkozy veut fermer les frontières vu qu'il a autant de mépris et de dédain pour les français de France que pour ceux qui voudraient le devenir. On voit bien que dans l'esprit de Sarkozy les Français n'ont pas besoin d'être éduqués sur un pied d'égalité, n'ont pas besoin d'avoir les mêmes chances, de bénéficier d'un système scolaire général équivalent, il le dit lui-même quand il refuse le tronc d'éducation commun et suggère ouvertement d'envoyer ceux qui sont en difficulté vers la professionnalisation le plus tôt possible, proposant même de créer de nouveaux baccalauréats spécialisés, "un baccalauréat informatique pour ceux qui aiment l'informatique par exemple, et qui n'ont pas besoin de s'embêter à apprendre l'algèbre ou la géométrie" (sic.), c'est vrai que pour travailler dans l'informatique il n'y a absolument pas besoin de savoir compter ou d'avoir la moindre notion en mathématiques, pas plus qu'une caissière n'a besoin de lire La Princesse de Clèves auquel de toute façon elle ne comprendrait rien. Ce mépris absolu du peuple est plus que jamais arrivé à saturation, et se confond d'ailleurs avec un mépris des électeurs qui sera sans doute regrettable pour la campagne du président sortant, du moins espérons-le. Après que Le Pen, qui s'est toujours plainte qu'on insulte sans arrêt son électorat, a ouvertement traité de bobos abrutis les électeurs de Hollande et de Sarkozy, soit 55% des électeurs du premier tour, Sarkozy et les siens nous ressortent la bonne vieille "gauche caviar", et reprennent à leur compte la rengaine le peniste des électeurs de Hollande identifiés à de satanés bobos inconscients des vrais problèmes des vrais français... Sarkozy a visé à tour de rôle les immigrés qui menacent d'envahir notre beau pays, les étrangers résidant en France, y travaillant et y payant leurs impôts, auxquels il refuse le droit de vote sous prétexte que cela favoriserait le communautarisme, comme si interdire à ceux qui font partie de la cité de participer à ses choix n'allait pas le favoriser davantage (mais en fait on a appris que "personnellement" il était plutôt pour ce vote, sauf qu'il se dit contre pour ne pas se mettre à dos les électeurs du FN, ce qui est encore pire qu'être "personnellement" contre…), puis maintenant il s'attaque aux faux travailleurs, aux gros branleurs de la fonction publique, aux travailleurs en situation précaire (les "bénéficiaires" du RSA dont Hollande a rappelé à juste titre qu'il fallait les appeler "prestataires"), aux faux chômeurs, aux vrais chômeurs, et maintenant aux élites, aux journalistes, aux gens des médias en général, aux artistes, aux étudiants, aux professeurs, aux chercheurs, aux universitaires, et à l'occasion de la fête du 1er mai aux syndicalistes aussi, tous montrés du doigt et désignés comme les coupables de tous les maux qui accablent les seuls français qui trouvent grâce aux yeux du président-candidat, cette poignée d'ouvriers et d'agriculteurs (on n'en est même pas sûrs…) dont il se fout éperdument mais qu'il apprécie quand même parce qu'ils souffrent tellement qu'ils n'ont pas le temps de manifester et donc de le faire chier. Sarkozy n'a même pas conscience qu'à force de monter les Français les uns contre les autres et d'augmenter le nombre de citoyens mis au banc des accusés, il rassemble les Français non pas comme il le voudrait, mais contre lui. Reste à espérer qu'une majorité de Français n'aime pas se faire insulter et être considérée comme de la sous-merde par le chef de l’État.


Je ne sais pas vous mais moi là tout de suite, et plus que jamais, le titre du dernier film de Jean-Luc Godard me paraît constituer un programme idéal pour les cinq années à venir.

Godard disait : "Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout", aussi, ça ne vous aura pas échappé, ai-je profité de cette critique d'un film politique italien oublié de 1991, quand bien même ce dernier dénonçait une immoralité de type arriviste et financière, pour vider mon sac quant à l'immoralité, entière et assumée, politique et intellectuelle, du président-candidat Sarkozy et de sa politique violente, méprisante, insultante, basse et vile, prompte au pire divisionnisme. Il est grand temps de couper définitivement avec ce personnage qui a tant avili l'exercice de l’État depuis cinq ans, qui a rabaissé toujours davantage le niveau de la parole politique, comme encore lors du débat d'entre-deux tours, où il n'a cessé de ramener le dialogue à de tristes coups-bas et autres attaques personnelles et s'est complu à qualifier son interlocuteur de menteur et de calomniateur alors que les études ont prouvé, s'il était besoin, qu'il a lui-même fondé son discours sur un grand nombre de mensonges purs et simples pour s'arranger avec la réalité au mépris de la vérité et à la barbe des Français. Pour éluder les débats et haranguer les foules avec du vide, Sarkozy n'a pas hésité ces derniers jours, à propos du problème de l'euthanasie, à hurler des phrases dignes de la grotesque Christine Boutin, des paroles aussi débiles que "Nous on est pour la vie !", ou comment dresser un procès d'intention à son adversaire en présupposant dans une rhétorique absurde que ce dernier serait pour la mort… C'est le degré zéro du langage et de la réflexion politique atteint par celui que des millions de Français voudraient réélire après cinq ans de souffrances réelles et intellectuelles. Si Sarkozy est réélu aujourd'hui, si les français qu'il a tant et tant méprisés et insultés, qu'il a plongés dans un abîme de vulgarité, qu'il a montés les uns contre les autres et traînés dans la boue, au sens propre comme au figuré, si les français élisent ce 6 mai pour réparer les saloperies instaurées durant les cinq dernières années et plus celui-là même qui les a imaginées et instaurées, je pense entrer en catatonie pour une durée indéterminée. A la seule idée de peut-être me réveiller demain matin dans une France encore et toujours gouvernée par Sarkozy, et de me réveiller dans cette triste France pour les cinq ans prochains, je défaille. Ou plutôt non, au lieu d'une catatonie je pense que je serai mu par une rage terrible et que je serai dans la rue le soir même. Hollande a énormément parlé d'une (re)moralisation de l'exercice politique (il n'y a d'ailleurs rien d'étonnant à ce que François Bayrou, qui a également largement prôné ce retour aux valeurs et à la morale - il faut lui reconnaître cette qualité - ait décidé de voter Hollande), or Hollande a d'ores et déjà participé à rétablir la balance dans ce sens vis à vis des excès de Sarkozy, aussi le voir, tout pis-aller qu'il est, devenir le nouveau Président de la République ce soir (même sans se leurrer sur les difficultés qu'il rencontrera et sur celles qui nous attendent tous) sera déjà une sorte de victoire.


Le Porteur de serviette de Daniele Luchetti avec Silvio Orlando, Nanni Moretti, Giulio Brogi, Anne Roussel et Angela Finocchiaro (1991)

5 mars 2012

La Californie

La Californie se dore prèèèèèès de la mer, et ne connaît pas l'étéééééé de la mer, disait Julien Clerc. Après L'Américain de Patrick Timsit, on a eu droit à La Californie de Jacques Fieschi (répétez son nom de famille très rapidement et plusieurs fois de suite pour entendre une critique très courte et répétitive mais tout à fait précise de ce film). Devant ces deux étrons filmiques on regrette ces réalisateurs français qui s'intéressent modestement et sincèrement à notre maigre hexagone et qui font porter à leurs films notre noble drapeau tricolore mais aussi l'étendard de nos belles régions jusque dans le choix du titre, comme Serge Bozon avec La France ou Diane Kurys en 1990 avec La Baule-les-pins, le film définitif sur les vacances dans la presqu'île de Guérande. Cette comédie franchouillarde sympathique mais faiblarde avec Bacri en première ligne comptait déjà Nathalie Baye dans ses rangs.



Nathalie Baye, l'incarnation même de la charmante petite française, si touchante chez Truffaut, et dont les rides d'expression aux coins des yeux il y a quelques années encore me faisaient tressaillir. J'ai longtemps possédé une photo noir et blanc de Nathalie Baye assise devant une fenêtre, en chaussures ouvertes à talons, affichée dans l'entrée de ma chambre d'étudiant, et je vénérais les pieds parfaits de Nathalie à chaque fois que j'entrais et sortais de chez moi. Elle avait un joli nom mon guiiiide, Nathaliiiiie. J'aime beaucoup Nathalie Baye. Sauf peut-être dans un film comme La Californie. Ludivine Sagnier arrive à être jolie dans ce film, mais même avec 30 piges de moins que sa partenaire de jeu au compteur elle semble avoir vécu plus longtemps. "C'est pas les années qui comptent, c'est le kilométrage", dixit Harrison Ford, fourbu après être passé sous un camion, dans Indiana Jones premier du nom : Les aventuriers de l'arche perdue. Quant à Rosh dit "Zem", il arrive à tenir tout le long du "métrage" (comme disent les illettrés) filmé de dos. Certains racontent qu'il a aussi lu le scénario de dos et qu'il était assis dos à l'écran lors de la première projection du film, après laquelle il aurait déclaré : "Ce film se défend, mais ça reste une grosse merde". Tu l'as dit Salman Roschdy !


La Californie de Jacques Fieschi avec Nathalie Baye, Roschdy Zem et Ludivine Sagnier (2005)

3 mars 2012

R.I.F. (Recherches dans l'Intérêt des Familles)

Attal, Elbé. Elbé, Attal... La rencontre de deux monstres sacrés du cinéma. Le Heat français. J'attendais gros de ce film. Le premier film d'un ex-flic, ce qui nous promettait quelque chose de âpre, de réaliste, un thriller brut de décoffrage. Prenant exemple sur l'abominable femme-flic Tonie Marshall, c'est en effet au tour de ce mystérieux "Franck Mancuso" d'entamer une carrière dans le cinéma après avoir servi les forces de l'ordre. Ne me demandez pas pourquoi deux pointures de l'envergure d'Attal et Elbé, deux stars qui croulent sous les propositions, ont dit "oui" et ont accepté de tourner pour un débutant. Le projet a dû leur plaire. Le scénario ? "Du béton armé" selon les dires de cet ex-flic, apprenti cinéaste, qui a écumé tous les plateaux télé à la sortie de son petit bébé car ses deux stars étaient bien trop occupées à enchaîner les tournages. Alors, in fine, qu'en est-il de cette Recherche dans l'Intérêt des Familles ?


Une sacrée brochette...

Attal incarne un flic qui en a ras la casquette, bouffé par son boulot trop prenant où il est obligé de sauver des vies et d'être héroïque 24h/24. Son couple bat de l'aile. Il ne se souvient plus du prénom de son fils. Franck, peut-être. Pour se rabibocher avec sa femme et renouer avec fiston, rien de tel qu'un week-end en famille à la campagne. En Lozère, plus précisément, le salaire d'un flic n'étant vraisemblablement pas assez élevé pour se payer mieux (par contre ils roulent pratiquement tous en BM, allez comprendre). Mais bien évidemment rien ne se passe comme prévu. Sur le trajet, Attal fait une embardée terrible en essayant d'éviter un sanglier. La bestiole est saine et sauve mais le Scénic ne redémarre plus. Attal a beau taper sur le volant, rien n'y fait. Sa femme commence à l'ouvrir, le ton monte, le môme Franck quitte enfin sa Nintendo DS des yeux pour demander "Quand est-ce qu'on arrive ?" avant de se rendre compte que le paysage ne défile plus. La torgnole n'est pas loin. Un vieux lozérien de passage embarque la petite famille vers la station service la plus proche dans son 4x4 dégueulasse. Une main sur le volant, l'autre dans son slip, le vieux plouc mate très lourdement le décolleté pourtant peu ragoûtant de Madame Attal. En réaction, celle-ci se reboutonne jusqu'au gosier et Attal adresse son premier "regard de tueur" de tout le film, ce qu'il reproduira donc à qui mieux mieux par la suite, sa paupière folle l'aidant beaucoup. Arrivés à la station, l'engueulade entre Attal et sa femme reprend de plus belle. Énervé, très con et ayant vraisemblablement regardé très peu de thrillers moisis dans sa vie, Attal décide de laisser sa femme seule à la station service et de repartir avec son fils quand arrive enfin la dépanneuse. Le moteur du Scénic se met à rugir sans que le mécano ne touche à rien. Attal lui demande "Vous avez touché à quelque chose ?!", il lui répond "Non que dalle, j'ai juste ouvert le capot, parole. Vous, par contre, vous avez au moins touché aux clés, rassurez-moi ? Autrement je vous conseille de l'amener au plus tôt chez Volvo. C'est quand même pas net tout ça. Chez Volvo !" Le mécano fait preuve d'esprit, il ne doit pas être lozérien. Ni une ni deux, Attal et son fils retournent à la station. Bien entendu, sa femme n'y est plus. Elle a disbaru. Attal inspecte les alentours et découvre un paysage de désolation dont les couleurs vont du jaune pisse au brun-rouge en passant par le gris le plus terne. Sa femme est introuvable. Il est donc contraint de s'en remettre aux policiers locaux, à commencer par Elbé. Le comédien, auquel le bleu marine va fort bien, incarne un flic droit dans ses bottes dont la première hypothèse (la femme a mis les voiles à cause des disputes incessantes avec son mari) s’avérera fausse et poussera Attal à mener l'enquête par ses propres moyens en employant la manière forte.


"Si elle n'est pas retrouvée d'ici 48h, c'est mort !" ne cesse de répéter l'impitoyable Elbé au pauvre Attal. Un tableau statistique confirmant ces dires nous sera proposé juste avant le générique final. Accablant !

La suite de ce remake à peine déguisé du Breakdown de Jonathan Mostow nous réservera autant de surprise que son introduction, c'est-à-dire aucune. On suivra le film uniquement pour le spectacle offert par nos deux stars aux abois, pour le ridicule involontaire de certaines situations et pour cette triste volonté affichée par Mancuso d'être le plus réaliste possible alors que son film est par ailleurs miné d'incohérences idiotes. Ainsi, quand l'expertise sanguine prouvera que le sang retrouvé dans la remorque d'un 4x4 est celui d'un sanglier et non celui de sa femme, Attal poussera un râle de mécontentement tout à fait déplacé. On relèvera tout de même quelques bonnes répliques ici ou là, comme lorsque Elbé prie Attal de bien vouloir aller dormir et que celui-ci lui répond, survolté, "Vous voulez que j'aille roupiller alors que ma femme est peut-être entre les mains d'un enculé ??!". A ce moment-là, on a envie de lui dire que si son ravisseur est bel et bien un enculé, il ne s'en tire pas trop mal. Mais c'est moche... On notera aussi une sacrée faille dans le jeu d'acteur d'Attal : ce que j'appelle le "jeu sans ballon", c'est-à-dire le dialogue sans interlocuteur présent à l'image, autrement dit : la façon dont il joue les appels téléphoniques. Attal devrait s'inspirer de Jean-Pierre Bacri et du coup de fil inoubliable qu'il donne à un taxi dans le si sympathique Cuisine et dépendances lors d'une scène géniale qui devrait servir de modèle à tous les acteurs un peu éclairés. Au téléphone, Attal est une sous-merde, y'a pas d'autres mots. Il ne sait pas jouer ça. C'est pas dans ses skills. Et c'est bon à savoir. Cela devrait être précisé sur son CV, tout comme il est mentionné qu'il ne maîtrise aucun art martial ni aucune langue en dehors du français, ce qui lui ferme quelques portes.


Attal découvre, atterré, la dvdthèque du lozérien de base...

On pourra aussi établir un constat encore plus affligeant à la vue de R.I.F. Il n'y a donc pas que les films d'horreur minables qui dressent un portrait dégueulasse du monde rural, au sens large, comprendre : tout ce qui n'est pas Paris. Des films d'un autre genre le font aussi, en s'enfonçant parfois même davantage dans la caricature, la bêtise, le ridicule, et en osant le pire, comme c'est le cas ici. Dépeinte comme le trou du cul du monde dont on rappelle la densité d'habitants ("10 au kilomètre carré", 15 en réalité) en s'en moquant connement, la Lozère selon Docteur Mancuso est donc un département désolé. Un endroit maudit rempli "d'hommes de Néandertal", des "chevelus" qui passent leurs vies à "glander dans des bistrots" et dont tous les actes sont guidés par l'alcool quand ça n'est pas "le cul, toujours le cul" (les guillemets indiquent que je cite mots pour mots le personnage d'Elbé, ce gardien de la paix qui est donc supposé protéger ses semblables). Selon Mancuso, le lozérien est bête, laid, vulgaire, mal rasé, malpropre, pire que négligé, complètement oublié, plus proche de la bête que de l'être humain. C'est le cas de tous ceux que l'on croise dans son film méprisable qui nous donne souvent l'impression de voir un de ces survivals pitoyables où d'affreux dégénérés hantent systématiquement les zones trop éloignées des villes.

En France, si la culture du dtv existait, ce film serait sorti en dtv. RIP RIF.


R.I.F. (Recherches dans l'Intérêt des Familles) de Franck Mancuso avec Yvan Attal et Pascal Elbé (2011)

31 mars 2011

Adieu Gary

Pourquoi parler de ce film ? Si on vous le demande vous direz que vous ne savez pas. Et encore estimez-vous heureux : à l'époque de sa sortie Félix et moi avons vu Parlez-moi de la pluie en présence de Jabac, et on a réussi à ne pas vous en parler... J'ai maté ce film sans Félix, le binôme n'était pas au rendez-vous, or dans Adieu Gary il n'y a pas Ja, il n'y a que Bac, qui d'ailleurs n'a pas son bac. C'est uniquement pour Bacri que j'ai lancé ce film, en souvenir du bon vieux temps où il nous faisait encore marrer avec sa gouaille de misanthrope et ses répliques au scalpel. Mais il est loin le temps où Jean-pierre Bacri pouvait sauver les meubles. Le voici noyé dans un film social pur jus qui nous inflige toute la grisaille de son genre : le film prend ses bases dans une petite cité ouvrière laissée à l'abandon et pratiquement vidée de sa population, que regagne un jeune homme fraîchement sorti de prison. Son frère travaille comme un larbin dans un supermarché qui l'oblige à porter des costumes ridicules. Son père (Bacri himself) ne travaille plus depuis que son usine a fermé : il la regarde passer en pièces détachées sur la voie ferrée en déplorant la désindustrialisation de la France due aux politiques de délocalisations favorisées par un gouvernement puant. Oisif, le vieux s'apitoie sur le lent démantèlement de cette usine et de sa vie tout en zieutant sa voisine sympathique (la toujours chouette Dominique Reymond, excellente actrice et très belle femme qui me fait parfois penser à la tata de Félix dont je suis maboule), qui quant à elle observe son propre fils, lequel passe chacune de ses journées à attendre le retour providentiel de son père disparu, son énorme cul vissé à une bite au milieu de la place du village, aux côtés d'un tout petit dealer de drogue, petit au point d'être un nain en fauteuil roulant... Le misérabilisme fait roi.


Le gros fils muet à bouclettes attend le retour de son père, avec dans son side-car un nain silencieux pour le soutenir dans son attente morbide

Que celui qui n'a pas prévu de se suicider par l'ennui passe son chemin, idem pour tous ceux qui se sentent déjà une sensibilité plutôt de gauche que de droite. Que se tiennent également éloignés du film ceux qui ne savent que trop ce que c'est que la misère matérielle, psychologique, émotionnelle etc. En ce qui me concerne j'ai fini par pioncer à poings fermés. Si vous voulez, et si il y a quelqu'un pour lire un article sur ce film dont personne n'a rien à foutre, je peux aussi vous spoiler le titre. Les naïfs qui comme moi auront cru avoir affaire à Romain Gary peuvent se foutre le doigt dans l'œil. Même désillusion pour ceux qui pensent avoir enfin droit à un docu-fiction avec Bacri pour chef d'orchestre sur la citée phocéenne, dont les habitants ont la belle habitude de se saluer en gueulant: "Ow gary !". Non en fait c'est juste lié à ce fils étrange abandonné par son père, toujours muet et sempiternellement assis au bord du trottoir dans l'attente d'un retour inespéré du paternel. Le personnage de Bacri s'en agace et n'arrête pas de dire à sa voisine (avec laquelle il fricote) de parler à son fils pour faire quelque chose. Du coup pendant tout le film on est là, tenu en haleine, figé, hagard, suspendu au stylo du scénariste, tétanisé, défragmenté dans l'attente d'une grande révélation et d'un twist impossible. On brûle de savoir pourquoi ce con reste planté comme ça au bord de la route, au point que plusieurs fois certains passants s'approchent de lui comme d'un parc-mètre pour payer leur dû et s'éviter une amende. C'est un méga film à suspense ! Les indices sont distillés au compte-goutte. On voit le jeune homme mater des films de Gary Cooper tous les soirs, échoué sur son canapé comme un baleinier Japonais naufragé sur une plage du Pacifique. En fait son père ressemblait à Gary Cooper, du coup tout le monde l'appelait "Gary" et comme il est parti, son fils l'attend. Pardon de vous avoir gâché la fin.


La seule scène pas trop dégueu du film, quand Bacri se fait passer pour Gary Cooper afin d'exorciser le gros hijo de pu'

Le film est un peu contradictoire d'ailleurs. Il se veut très réaliste, ultra naturaliste même, et cependant on a droit au cliché fictionnel coutumier des contes basé sur le thème de l'enfant (ou autre) qui attend chaque jour de sa vie, inlassablement, immanquablement, invariablement, l'être aimé et perdu (ici le père), assis sur un banc sans dire un mot pendant des lustres... Or ça c'est du conte de fée, c'est des histoires, comme on dit, c'est pas crédible une seconde. C'est étrange que ce film (et beaucoup de films dans le genre) soit à ce point contradictoire dans sa volonté de peindre le réel le plus cru tout en passant par des anecdotes romancées invraisemblables qui tuent dans l'œuf la volonté du réalisateur de toucher à l'universel. Je suppose que ça fait de ce film une "fable réaliste" ou un "conte social" et que ça lui aura valu 3 étoiles dans Télérama. En ce qui me concerne je lui dédicace seulement les prochaines effluves odoriférantes de mon étoile noire.


Adieu Gary de Nassim Amaouche avec Jean-Pierre Bacri et Dominique Reymond (2009)