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12 juillet 2016

Encore heureux

Attention, il s'agit du premier film jamais réalisé sur la crise économique. Benoît Graffin, le réalisateur, met les deux pieds dans le plat, il saute dedans à pieds joints et ses chaussures sont pleines de merde. Il se permet même une pique ad hominem contre François Hollande, même si, avec ce film, Benoît fait plus de mal au cinéma français, donc à la France, que l'autre enclume. C'est l'histoire d'un type qui perd son job (Edouard Baer) et qui devient aussi sec une serpillère, il se met à dormir sous une tente dans son propre salon, fait le sourd quand ses gosses ou sa femme (Sandrine Kiberlain) lui demandent un truc et fouille dans les poubelles du quartier pour trouver des déchets de valeur à revendre, car il est très con. Du coup sa femme le trompe avec un tombeur irrésistible, j'ai nommé Benjamin Biolay. Voilà plusieurs fois que Biolay incarne les matamores, les bourreaux des cœurs, les tombeurs de ces dames, Jésus Christ multipliant les coups de pine. Je pense notamment à son rôle dans Au bout du conte d'Agnès Jaoui. Il ne joue que deux types de rôles : le Casanova du tiéquar ou le détritus humain dépressif et suicidaire. Beaucoup plus crédible dans le second.


 J'ai décidé d'illustrer cet article avec la photo d'un vrai beau gosse.

Toujours est-il que Baer va tout pardonner à sa femme et la récupérer en regagnant de la thune (sa fille d'abord, puis toute la famille, profite du décès de la vieille voisine acariâtre, raciste et conne, pour la voler). En interview, Graffin se la joue grand gauchiste avec des saillies du genre : "Après tout, cet argent qui va retourner à l’État, pourquoi cette petite famille n'en profiterait pas ?", mais son personnage principal évoque plutôt Sarkozy faisant les poches de Liliane Bettencourt en lui braquant un flingue sur la tempe. C'est une resucée plan par plan, et je dis bien plan par plan, de L'Argent de la vieille, que je n'ai pas vu. On nage en plein dans la comédie sociopolitique, dans la veine de Fun with Dick and Jane, sans l'humour, donc plutôt dans la veine tranchée dans le sens de la longueur par une lame rouillée de Une pure affaire, avec François Damiens et Pascale Arbalète. On pouvait espérer quelque chose des retrouvailles d'Edouard Baer et Sandrine Kiberlain, qui avaient déjà joué ensemble devant la caméra de Pascal Bonitzer, dans Rien sur Robert, où Baer initiait Kiberlain à la sodomie. Mais Encore heureux est un film Europacorp, et par conséquent c'est ici le spectateur qui a tout d'un coup la sensation de se faire enculer. 


Encore heureux de Benoît Graffin, avec Edouard Baer, Sandrine Kiberlain, Benjamin Biolay et Bulle Ogier (2016)

24 mars 2014

Ne te retourne pas

Faut-il être au fond du trou pour lancer un film pareil. Il y aurait une thèse à écrire sur l'état dans lequel on se trouve quand on appuie sur "Play" pour lancer un film comme ça. Sauf pour ceux qui l'ont fait en croyant avoir téléchargé Don't look now de Nicholas Roeg. Tous les autres sont des fumiers et nous en faisons partie ! L'idée de ce film ? Réunir Bellucci et Marceau. Les deux actrices partagent la particularité de cumuler une bonne vingtaine d'années de fantasmes masculins nourris, soit quarante piges de désir inassouvis et plus rarement effleurés, comme par Bertrand Tavernier qui, rappelons-le, avait un regard tout ce qu'il y a de plus normal avant de tourner La Fille de D'Artagnan (pur souvenir de cinéma). Sur le tournage de ce film, le cinéaste français s'est littéralement fracturé les yeux. Qui ne se souvient pas de cette scène où Sophie Marceau retire le haut (sa chemise explose, plus précisément) sous les yeux encombrés de son père incarné par un Philippe Noiret plus ripoux que jamais ? Après cette séquence, vue au cinéma à la sortie du film, sur écran géant, nous étions nombreux à avoir besoin de changer de caleçon !


A chaque coup de clap de Bertrand Tavernier (dont les mirettes commencèrent à cet instant précis à zieuter dans tous les sens), l'acteur ci-dessus, qui à la réflexion n'est pas peut-être pas Philippe Noiret, passait en une fraction de seconde de la position couchée, yeux mi-clos, à la position raidie, arborant les billes les plus exorbitées du monde, celles du clebs de Tex Avery.

Lycéenne au Lycée Henri IV (un assez bon bahut, l'équivalent de la Mosson à Montpellier ou du collège La Reynerie à Toulouse), Marina de Van, la réalisatrice de cette rognure filmique, a ensuite fait la Fémis, avant d'enchaîner les scénarios pour François Ozon (Sous le sable et surtout 8 femmes, qu'elle qualifie de "personal favorite") et Pascal Bonitzer (Je pense à vous). Et puis la voilà propulsée cinéaste, et la jeune femme fait parler d'elle avec ce thriller français (chose assez rare il est vrai) qui se fait fort de réunir deux actrices célébrissimes dans un coup médiatique de grande ampleur. Le film est irregardable, on le sait au bout de quelques secondes, mais il enfonce le clou dans une scène d'un ridicule inimaginable, où Marina de Van a le toupet d'insérer son propre faciès au cœur d'un morphing hideux entre les visages de Sophie Marceau et Monica Bellucci, comme si l'association miraculeuse de ces deux stars internationales à la plastique appréciée depuis la pointe de la Patagonie jusqu'en Terre Adélie devait aboutir à Marina de Vans. L'actrice-scénariste-réalisatrice veut bien sûr placer là un clin d’œil du genre "Emma Bovary, c'est oim", mais, ce faisant, elle se présente comme le chaînon manquant entre la madone méditerranéenne aux formes faramineuses et le charme bien "à la française" de Sophie Marceau, faite égérie de William Wallace par un Mel Gibson plutôt à l'affût sur ces coups-là. Marina de Vanne à deux balles prétend partager un peu de l'ADN de ces deux bombastics, simply fantastics. Let me laugh.


Entre l'idéal italien et l'élégance française : Beetlejuice.

Rappelons que ce film fut sélectionné hors-compétition à Cannes en 2009. Merci Thierry Frémaux. Cette projection cannoise, où le film reçut un accueil congelé, fut vécue comme un cauchemar par Marina de Van qui, une chance pour elle, n'a pas assisté à la projection sur notre canapé, dont elle ne se serait certainement pas remise. Toujours est-il que la réalisatrice poursuit son petit bonhomme de chemin puisqu'elle vient de sortir Dark Touch, titre anglais dont on sent bien qu'il a été trouvé par une francophone à la ramasse. Un autre long métrage irregardable à l'actif de De Van, dont la date de sortie aurait dû rester "prochainement" jusqu'en 2030 au bas mot.


Ne te retourne pas de Marina De Van avec Sophie Marceau et Monica Bellucci (2009)

7 juin 2013

The Plague Dogs

On avait déjà les impôts, la CAF, le CROUS, Free, la MAAF et l'État sur le dos, à nous relancer chaque mois avec des menaces, et maintenant s'ajoute à la liste le site Cinétrafic.com. Le deal c'était "un dvd contre une critique". C'est d'ailleurs le slogan de leur site, à leur plus grand désarroi puisque depuis que nous avons ouvert le blog, en février 2008, nous leur envoyons un mail de réclamation à chaque critique publiée, pour obtenir gain de cause. On est à presque 800 critiques publiées, soit autant de spams suppliants dans la boîte mail de contact@cinétrafic.com et autant de dvds jamais reçus (et, petit erratum à notre mail du 9 décembre 2012, on aimerait bien un coffret réunissant tous les volets de la saga de l'anneau de Peter Jackson, car finalement on les a tous critiqués). Bref, chez Cinétrafic, on attend de pied ferme notre papier signalant la sortie du dvd de The Plague Dogs le 4 avril 2013. Et ils ont raison, car on est à la bourre ! Le voici enfin.




Hantés par l'urgence d'écrire cet article, on a tagué "04.04.13" sur tous les murs de notre ville pour ne pas oublier. C'était forcément l'ultime deadline avant de plus gros problèmes avec les aimables webmasters du site Cinétrafic. Faut savoir que d'habitude nous sommes d'authentiques critiques freelance (pour ne pas dire "blogueurs ciné" (aïe...) car on sait que cette expression fout à cran), nous agissons selon notre seul libre arbitre, guidés par notre seule passion. Il nous arrive même, quand on va voir un film au ciné, de nous permettre de ne pas écrire dessus (bien qu'on avoue parfois se foutre une pression monstre à blanc sur des titres où personne ne nous attend, typiquement Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer). Du coup on s'est retrouvés comme deux ronds de flan quand on s'est plantés face à la page blanche d'un document vierge intitulé "The Plague" tout court ("La Plaie" en français pour les non-anglophones). Depuis presque deux mois Word97 est ouvert en permanence sur nos ordis, avec le curseur qui clignote dans le vide en haut à gauche de la page. On a même hésité à renvoyer le dvd à Cinétrafic, avec un mot d'excuse honteux mais sincère disant : "Nous avons passé un super moment devant The Plague Dogs, qui sort le 4 avril 2013, mais nous sommes en panne sèche, malheureusement. A bon entendeur ! P.S. Nous voulons bien le dvd de Blade 2 dans son édition simple en revanche, si vous avez".




Si nous devions quand même dire un mot du film, on dirait que c'est "l'un des chefs-d’œuvre du cinéma d'animation", le "diamant noir de l'animation", une "œuvre radicale et unique" et qu'il "aura fallu plus de 30 ans pour que le film soit visible en France". "N'attendez pas plus longtemps !". On peut aussi vous signaler que l'oeuvre fixée sur ce support est exclusivement destinée à l'usage privé dans le cadre du cercle familial. Toute autre utilisation (reproduction, prêt, échange, diffusion en public avec ou sans perception de droits d'entrées, télédiffusion, en partie ou totalité, exportation sans autorisation) est strictement interdite sous peine de poursuite judiciaire. Dupliqué et imprimé en UE. Et nous pouvons désormais ajouter Les Films du Paradoxe aux organismes qui auraient des raisons de nous faire mettre en cabane. En dehors de toutes ces belles phrases, la jaquette nous présente aussi une belle affiche. Quoique. Le film a beau être un "chef-d’œuvre esthétiquement fabuleux", il reste un gros couac sur la devanture du poster au niveau de la patte avant gauche de Row, le chien noir sur le point de mourir qui est aussi la co-star du film. Regardez de plus près en grossissant l'affiche en haut de cet article et si vous parvenez à décoller les yeux de ce petit couac graphique, on se retrouve au paragraphe suivant.




The Plague Dogs ("Les Chiens empestés" en VF) fait énormément penser à L'Incroyable voyage, ce film qui suivait les aventures de deux clebs et d'un greffe (pas des animatronics, de vrais comédiens) partis en voyage et doublés par toute l'équipe des Visiteurs : Jean Reno, Christian Clavier et Valérie Lemercier. C'est le même film en bien et en version ultra déprimante puisque la chatte siamoise de L'Incroyable voyage (pur souvenir de cinéma), véritable sidekick des deux clébards et dynamite comique du film original, est ici remplacée par un renard plus frais que les deux chiens des quais mourants sur l'affiche mais tout de même pas spécialement désopilant. Le film reste boloss à regarder. Et, puisque notre contrat avec cinétrafic nous impose quelques mots-clés à insérer dans ce billet, nous pouvons l'affirmer : The Plague Dogs est un "film à voir" (ici). Mais sérieusement, mots-clés ou pas, on vous aurait forcément incités à regarder en vitesse ce dessin animé atypique et inspiré, et on remercie grandement Cinétrafic au passage pour cette belle découverte.




Alors c'est un film à voir, certes, mais nous émettrons toutefois un bémol, une petite précision : "à voir, sauf si vous n'êtes vraiment pas au top". Car The Plague Dogs, aussi beau soit-il, pourrait vous coller un cafard monstrueux. Le film raconte l'histoire de deux chiens qui s'échappent d'un centre de tests sur animaux (un peu comme dans Beethoven, le biopic du maestro) et qui errent dans la grisâtre garrigue britannique à la recherche de quelques brebis galeuses à estropier pour passer le temps et pour bouffer. Entre mille et une péripéties dramatiques, qui poussent notamment les deux chiens à flinguer leurs propres maîtres indirectement, nos deux compères poilus, Row et Snitter, nous en apprennent beaucoup (et nous tirent les larmes, il faut bien le dire) sur la race des canidés (et donc sur la cruauté des hommes), dont les membres ne passent leur vie qu'à espérer un peu de compagnie et la chaleur d'un bon maître. Il y a cette scène terrible où Row, le chien black, cause avec le renard et lui demande si y'a une infime chance pour que le berger du coin le prenne à sa charge, et le renard, qu'on imagine doublé par Aymé Jacquet dans la version française, lui répond : "En bouffant la moitié de son troupeau de brebis, tu t'es annihilé toutes tes chances". Avec cette réponse le renard nous surprend en bien. Idem pour le border-colley du berger, seul animal heureux du film, qui, après avoir surpris le chien black et le chien blanc en train d'enfumer les brebis de son maître avec un briquet et du papier journal leur explique tout calmement que leur projet n'est pas constructif, là où on s'attendait juste à une grosse stonzba. Les personnages ont ainsi des réactions toujours intelligentes et étonnantes car éloignées des schémas auxquels nous sommes tristement habitués.




Esthétiquement, le film est beau à voir, on l'a déjà dit. Bravo à Martin Rosen, le réalisateur. Avant ce film, il avait réalisé un dessin animé paraît-il fameux aussi avec des lapins, Watership Down, dans lequel tout allait bien. Suite au succès de ce film, que l'on a à présent envie de voir très vite, on lui a donné carte blanche pour faire ce qu'il voulait, du coup il a choisi Vanille/Noix de Pécan (si vous avez Carte Blanche, vous avez un dessert) et il a décidé de faire un film avec des chiens, dans lequel tout irait mal. Après ça on l'a injustement menotté et on lui a interdit de toucher à un crayon à tout jamais. Pourtant quel coup de pinceau ! Les chiens sont jolis, même s'ils ont tous l'air malade, les dessins sont très simples et plaisants. Ils récèlent une vraie poésie. On apprécie ce superbe travail sur le noir dans les scènes de nuit. Dans une séquence de délire de la part du clebs blanc, Martin Rosen propose des superpositions d'images assez géniales et rendant parfaitement compte de l'état du pauvre chien. A vrai dire, la scène est si déstabilisante qu'elle nous a quand même interrogés sur le bon fonctionnement de notre lecteur dvd, mais c'était bel et bien voulu. En revanche, et ça c'était pas voulu, cet "anime" est l'anti Tabou de Miguel Gomes, film en partie sonore mais non-parlant : ici on entend les voix des animaux mais pratiquement aucun son en dehors de ça. Ce n'est pas désagréable du tout, puisque cela participe grandement à l'ambiance très particulière d'un film qui parvient à s'inventer sa propre musique, mais c'est assez déconcertant. D'autant plus quand on est habitué aux films du facho Walter Disney, toujours mis en musique quand ce n'est pas en chanson et où le travail sonore confine parfois à la cacophonie. Nous n'avons rien dit sur le contenu socio-politique du film, ni sur le fait qu'il est déconseillé aux enfants, ce qui nous place à la limite du recevable aux yeux de cinétrafic et risque de nous condamner à devoir faire une autre critique du film sous peu. On va voir si ça paaaaaaasse...


The Plague Dogs de Martin Rosen avec Snitter, Row et The Dot (1982)

21 septembre 2012

Cherchez Hortense

On sort du nouveau Bonitzer et la logique voudrait donc qu'on donne notre avis sur le film en tant que blogueurs ciné, qu'on se place sur l'échiquier critique, qu'on prenne position en tant qu'anti ou que pro, alors on se lance, même si à la manière du cinéaste qui cherche Hortense on cherche de notre côté l'envie de l'épingler. Il faut déjà commencer par se limiter et par trier le grain de l'ivraie, car là on a envie de vous parler de ce moment où Kristin Scott Thomas invite Bacri à croquer dans un plateau d'huîtres "numéro 3", en précisant bien "numéro 3", de ces amphithéâtres hi-tech et vieillots à la fois où Bacri donne des cours en commençant toujours par : "La Chine, vous l'ignorez, ne voit pas le ciel comme nous autres occidentaux…" avant un cut salvateur pour lui, de ce personnage du beau-frère coiffeur maigrelet et très efféminé mais finalement sanguin comme le pire des ultras olympiens (supporters de l'OM pour les béotiens) déçu après un centre-tir de Gignac en direction de Mandada, qui massacre Bacri d'un uppercut travaillé à l'entraînement entre deux permanentes posées sur des vieillardes. Mais tous ces détails qui nous reviennent parce que le film est encore frais ne sont pas forcément bons à retenir et d'ailleurs ils ne diront rien à ceux qui n'ont pas encore vu le film (99,99999998% de la population mondiale, chiffre à relativiser étant donné qu'Avatar reste un film inconnu pour disons 94,999999998% de la même population humaine sur Terre) et qui en prennent déjà plein la gueule.




De telles statistiques n'ont jamais eu cours et n'ont certainement jamais été rapportées dans aucune critique de film depuis circa 1890, il nous faut donc changer de paragraphe après ça. Ce film est donc signé Pascal Bonitzer. Cet homme est une encyclopédie du cinéma, un critique émérite et un théoricien respecté par ses pairs, cité à tours de bras dans les études les plus sérieuses à travers le monde. Il est en effet l'auteur d'un livre intitulé Le Champ aveugle qui a fait date et qui est actuellement posé sous mon macbook pro pour que la ventilation fonctionne à plein. Un vrai bouquin de chevet. Quand on voit les films de Bonitzer, y compris le spectateur totalement ignorant du travail de recherche de notre ami, on ne peut s'empêcher de penser que le cinéma est un passe-temps pour lui, une petite fantaisie, un side-project. On sent bien qu'il se fait plaisir avant tout en invitant ses amis, et Bonitzer dispose d'un beau carnet d'adresse allant de Jackie Berroyer à Benoît Jacquot (qui fait un caméo dans le film, sa famille le reconnaîtra) en passant par Agathe Bonitzer, la propre fille du cinéaste, sans oublier pour le coup Jean-Pierre Bacri et Kristin Scott Thomas.




A propos de ces deux acteurs, on peut dire que Bacri porte le film sur ses épaules et fait passer la pilule. Bien que rasé à la hache et d'un teint plus gris que jamais, l'acteur est là, il a toujours ses petites facéties qui font mouche et sait faire aimer son personnage, ce dont le film avait bien besoin vu qu'il le marque à la culotte, et Dieu sait que c'est pas Indiana Jones, ses aventures se déployant entre le Palais Royal, un resto japonais et son appartement dans un triangle des Bermudes ma foi assez monotone. Quant à Kristin Scott Thomas, qui commence à empiler les films comme on remplit un casier judiciaire, elle passe sous nos yeux comme une vague connaissance ou comme une vieille cousine qu'on recroise de temps en temps sans plaisir. Sa voix, son physique atypique, son phrasé, son parler (en fait ça tourne surtout autour de sa voix), son allure, son âge indécidable (mais au-delà des soixante ans), son élocution, son accent, sa diction, bref tout ça nous frappe de plein fouet dès qu'on la retrouve d'un film à l'autre, et des personnages meurent sous la présence de l'actrice que l'Angleterre nous a envoyée en représailles de la guerre de cent ans. Petit message à tous les vieux papas qui nous lisent (en général cette actrice est l'idole de nos vieux paternels) : ce n'est pas parce que cette femme est bien conservée qu'il faut la conserver davantage.




A part ça que dire de ce film (dont on sent bien que quand il a été question de lui trouver un titre Bonitzer s'est retrouvé face à un pur casse-tête chinois) ? Pour en finir avec le casting il se compose aussi d'Isabelle Carré, avec laquelle Bacri est bien décidé à créer un couple légendaire de cinéma (ils ont déjà tourné ensemble dans Les Sentiments), mais il n'est pas prêt d'y parvenir avec de tels scénarios ; et puis Claude Rich qui s'amuse semble-t-il assez dans son rôle de mauvais père à moitié homo, bien qu'on préfère le voir s'amuser chez Resnais dans le rôle par exemple de vieillards ou de vieillardes en pleine bourre. Tous ces acteurs font ce qu'ils peuvent dans cette comédie dramatique brouillonne et rarement inspirée dont la part de critique sociale est aussi poussive qu'inoffensive. Le fil de l'intrigue tourne en effet autour d'une jeune immigrée sans papiers dont le sort est suspendu à la communication quasi impossible entre Bacri et son père. Bonitzer a au moins ceci de cohérent qu'il s'engage contre l'expulsion des sans-papiers en signant un film sans identité. On a quelque mal à se passionner pour cette quête, autant d'ailleurs que pour les difficultés du couple que forment Bacri et Scott Thomas, et autant que vous sans doute pour ce paragraphe. Pourtant, sans prétention aucune, et je crois que même Bonitzer avec son regard acéré de critique conscient de ce qu'il fait serait d'accord, cet article a déjà quasiment plus d'arguments que le film, voire plus d'idées, et en tant que pur objet formel, peut-être plus d'allure et d'ambition.


Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer avec Jean-Pierre Bacri, Kristin Scott Thomas, Isabelle Carré, Claude Rich, Benoît Jacquot, Jackie Berroyer et Agathe Bonitzer (2012)

5 septembre 2012

Je pense à vous

Il s'était emmêlé les pinceaux Paul-Loup Bonitzer sur ce coup-là. Le gars il réunit Edouard Baer et Hippolyte Girardot, un acteur jadis sympathique et un autre encore brillant, il a Charles Berling au casting, qui est plutôt pas mal et également fort bel homme, côté féminin il se paye en sus Géraldine Pailhas, soit une des plus belles cougars de France et de Navarre, et il nous sort un film d'une heure dix putain de chiant. Puis il se fout dans les pattes une drôle d'actrice/réalisatrice nommée Marina De Van (auteure de l'ignoble Ne te retourne pas avec Marceau et Bellucci), au moins aussi élégante qu'un être hybride né de la copulation d'une grosse basket américaine et d'un fourgon (j'espère que vous avez la vanne !), et qui vient tout simplement tout foutre en l'air. Ah c'est pas Rien sur Robert... qui n'était pas un grand chef-d’œuvre mais qui avait le mérite d'être original et souvent drôle (grâce à Luchini et Kiberlain notamment). Bonitzer nous avait habitués à mieux. Ici il nous colle plein de sonneries de portable et nomme son personnage principal Herman, sachant que c'est une femme. Pascal Bonitzer ne se rappelle peut-être pas qu'il a réalisé ce film, si c'est le cas je m'excuse de faire remonter tout ça à la surface, mais il n'aura pas le Prix Bonitzer avec ce genre de truc, faut le savoir.


Je pense à vous de Pascal Bonitzer avec Edouard Baer, Hippolyte Girardot, Charles Berling, Géraldine Pailhas et Marina de Van (2006)