3 septembre 2022

Terreur dans le Shanghaï express

Malgré la présence en tête d'affiche des mythiques Peter Cushing et Chrisopher Lee, exceptionnellement appelés ici à s'allier face à la terrible menace en présence, et malgré une histoire trépidante et lovecraftienne en diable, multipliant les rebondissements inattendus et convoquant l'horreur cosmique inhérente au papa de Cthulhu, je ne ferai pas de Terreur dans le Shanghaï express une pépite méconnue du cinéma fantastique que je vous recommanderai de voir sans plus attendre, quand bien même nous tenons là une petite curiosité effectivement digne d'intérêt. Ce film, que l'on doit à l'espagnol Eugenio Martín, nous raconte le voyage en train pour le moins mouvementé, à travers la Russie, d'une petite galerie de personnages amusants, parmi lesquels, en plus du toubib et du professeur incarnés par les deux stars, un simili-Raspoutine et une jolie comtesse polonaise, tous confrontés à un très curieux passager : un proto-humain fraîchement extirpé des glaces qui, d'abord coincé dans une caisse de transport, finit par se réveiller, s'échapper puis élimine et contamine son monde en absorbant les connaissances de chacun par le regard (oui, oui). Rien ne va plus dans le Transsibérien (curieusement devenu le Shanghaï express pour son exploitation française) et c'est un véritable huis clos sur rails qui nous attend.



 
 
De cette espèce de variation ferroviaire de La Chose d'un autre monde, je retiendrai une idée aussi audacieuse qu'amusante. Après avoir réalisé une autopsie des victimes et du corps momentanément inerte de la créature impie, Peter Cushing et Christopher Lee examinent tour à tour au microscope le liquide prélevé dans le funeste globe oculaire de la bête. Chaque coup d'œil jeté dans le tube optique de l'appareil est un bond dans un passé de plus en plus lointain qui leur amène une sordide et terrible révélation. Ils voient d'abord le visage effrayé de la dernière victime en date de l'immémorial yéti, puis ils découvrent, stupéfaits, un dinosaure, puis la Terre et, enfin, une planète inconnue vue de l'espace... Ces différents éléments apparaissent à l'écran tels des vignettes flottantes dans un liquide dont la couleur grenadine rappelle un peu celle des lampes inactiniques utilisées pour la photographie. L'idée, en soi, est complètement saugrenue, pas crédible pour un sou, mais elle produit un résultat si simplement séduisant à l'image, et nous place face à un si vertigineux abîme – ce double effet, d'attirance et d'effroi, cher à l'horreur cosmique lovecraftienne –, que l'on ne la remet nullement en cause, on l'accepte telle qu'elle est, sans discuter, et on la savoure, appréciant au passage l'ambition du scénario de cette production britannico-espagnole par ailleurs très modeste. 



 
 
Dans le même esprit, j'ai également beaucoup apprécié les tout premiers mots prononcés en voix off par le professeur de paléontologie interprété par Christopher Lee qui, sur un ton d'autant plus inquiétant qu'il semble très mesuré, nous met en garde quant aux conséquences de son horrible découverte scientifique tandis qu'à l'écran nous voyons évoluer son équipe à travers des paysages enneigés, en direction des entrailles d'une montagne d'Asie, prêts à tomber nez à nez face au terrible secret qu'elle renferme... Des phrases alarmantes et riches en sous-entendus qui nous introduisent idéalement dans le film et pourraient être directement tirées d'un des meilleurs récits de Lovecraft, dont la méthode infaillible consistait justement à débuter ainsi ses nouvelles pour mieux accrocher d'entrée le lecteur. Après ça, on ne peut que regretter que le film, qui procure moins de frissons qu'un banal déplacement avec la SNCF (ou qu'une simple connexion à leur nouveau site web), ne soit pas vraiment à la hauteur de cette sombre promesse inaugurale... 


Terreur dans le Shanghaï express (Pánico en el Transiberiano / Horror Express) d'Eugenio Martín avec Christopher Lee, Peter Cushing, Telly Savalas et Silvia Tortosa (1972)

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