27 mai 2009

Bram Stoker's Dracula

Ne vous y trompez pas, le Dracula de Coppola n'est pas un film d'horreur, c'est une comédie romantique. Côté comédie faudra vraiment se marrer comme un chalutier devant les lunettes rondes teintées de bleu que porte le Comte de Dracula (Gary Oldman) dans l'Angleterre de la fin du 19ème siècle, parce qu'à côté de ça c'est quand même pas un gros rigolo Francis "Ford" Coppola. Du coup il a tout misé sur la romance. Les seuls frissons qu'on peut attendre de ce film seront les émois d'une grande histoire d'amour. Encore faut-il y être sensible à cette fresque amoureuse : en 1492, Le Prince Vlad Dracul revient d'une guerre contre les Turcs et retrouve sa bien-aimée morte. Grosse faute de scénario, historique, grand goof scénaristique, accroc logistique, couac de script puisqu'en 1492 Christophe Colombin essuyait ses bottes dégueulasses sur le paillasson de l'Amérique en étendant sur la plage sa collection de slips fatigués par un long voyage en mer. Évidemment ça n'empêche pas qu'il se passât d'autres choses dans le monde la même année, mais quitte à choisir une date pour une fiction inventée pourquoi pas en choisir une autre, un peu moins historiquement marquée ? Ce serait comme si King Kong avait mis la patte sur New-York le 11 septembre 2001, se frottant contre l'Empire State Building tandis qu'à deux pas de là les Twin Towers subissaient l'assaut d'un autre barbu, plus petit mais plus rusé. Ou bien ce serait comme adapter la légende de la Bête du Gévaudan en la réactualisant pour situer l'action le 12 juillet 1998, alors que le monde entier avait les yeux rivés sur le Stade de France ce soir-là.



Toujours est-il que découvrant le cadavre de son grand amour, Dracul Vlad s'en prend à Dieu, l'invective, "encule sa mère" (sic.), et se voit transformé en Comte Dracula vampire de son état. Près de 400 ans plus tard, le suceur de sang le plus célèbre du monde est soucieux de quitter le bled, la Transylvanie, où il croupit depuis tout ce temps. C'est alors qu'il rencontre en Angleterre une jeune femme, Mina, qui ressemble trait pour trait à Elisabeta, son amour du 15ème siècle. La jeune femme est le sosie vivant de son flirt de jeunesse qu'il n'a jamais oubliée et pour qui il s'est damné la race. Au point que la même actrice, la très bustée Winona Ryder, incarne les deux rôles. Personnellement j'ai un peu de mal avec cette idée-là. C'est très facile de trouver cette histoire incroyablement belle et troublante, mais personnellement je suis uniquement troublé, et loin de trouver "belle" l'idée que ce type tombe éperdument amoureux d'une femme uniquement parce qu'elle ressemble à une autre, parce qu'elle lui rappelle celle qu'elle n'est pas mais qu'il a passionnément aimée fût un temps, 400 piastres plus tôt. Le seul moyen d'accepter cette idée comme "belle" c'est d'admettre l'évidence, à savoir que Mina n'est autre que la réincarnation d'Elisabeta, la même femme. Dans ce cas c'est plus ou moins la même personne et Dracula ne réduit pas une femme au souvenir d'une autre, se contentant plutôt de laisser son amour en sursis refleurir lorsqu'il retrouve in fine l'âme tant aimée pour laquelle il s'était condamné. Mais pour ça encore faut-il croire à la réincarnation. Et perso j'y crois pas. Et quand je crois pas au truc je peux pas aimer le film. Le souci c'est que je crois pas non plus aux vampires. D'où la chicane...



Qui plus est cette grande histoire d'amour n'est qu'arnaque, crime et botanique ! De la poudre aux yeux lancée à la face du naïf que je suis, craignant vampires et autres goules chaque nuit et impatient de découvrir enfin, après l'avoir rippé en dvd, l'adaptation fidèle du plus grand roman aux dents longues de l'histoire de la littérature. Adaptation promise par le titre, qui, vérifiez si ne m'en croyez, est bel et bien Bram Stoker's Dracula. Titre original et véritable, que les sous-titres de mon lecteur dvd traduisent maladroitement : "D'après Bram Stoker", alors qu'ils devraient dire : "Dracula, de Bram Stoker", comme l'a écrit dans la langue de Shakespeare l'illustre Francis Ford Chipolata. Ou bien à la limite : "Dracula de Bram Stoker de Francis Ford Mustang Coppola"... J'étais donc en droit, ou plutôt avais-je le devoir de m'attendre à une adaptation fidèle du roman si cher à mon cœur, que je n'ai jamais lu. Sauf que Coppola a collé le nom de l'auteur au cul de son film pour se légitimer ou pour se démarquer d'une dizaine de films souvent tout aussi mauvais que le sien. Il faut un certain culot pour choisir "L'amour est éternel" comme tagline sur une affiche, juste au-dessus du nom de Bram Stoker, alors que dans le roman originel y'a autant d'histoires d'amour que j'ai d'ailes au cul.



De toutes façons Francis Ford Copycat flirte avec le mauvais goût à tous les niveaux dans ce projet et ça dégouline à l'image. Ce kitch qui peut avoir un certain charme dans les premières minutes du film, en directe lignée du style gothique un peu grotesque inféodé à ce genre de récits, finit par taper sur le système. Si Coppola a voulu rendre ses lettres de noblesse au genre, il lui a adressé une lettre d'insultes en recommandé. Les gens adorent "Le Dracula de Coppola". En réalité il est relativement nul à chier. Seulement ça sonne tellement bien "le Dracula de Coppola" que c'est un régal à dire. Perso j'ai voulu aller au bout de cette thèse et pour kiffer comme jamais j'ai regardé le Dracula de Coppola en mangeant des samosas trempés dans du tarama ainsi qu'une grosse pizza, le tout en enculant mon chat. Mais rien n'y a fait, j'ai pas plus apprécié pour autant. Le seul acteur qui sache tirer son épingle du jeu de Coppola, c'est Anthony Hopkins. On le voit essayer de détruire le script sous nos yeux et il s'y prend à merveille (vous me direz que Keanu Reeves en fait autant mais lui ne le fait pas du tout exprès). Ce vieillard d'Hopkins était sans doute la seule personne un poil lucide sur le plateau. J'ai toujours pas pigé comment on peut avoir une carrière aussi longue avec un visage aussi peu symétrique.


Dracula de Francis Ford Coppola avec Keanu Reeves, Gary Oldman, Winona Ryder et Anthony Hopkins (1993)