24 novembre 2024

Eileen

Après Lady Macbeth, qui avait révélé Florence Pugh aux yeux des cinéphiles, William Oldroyd poursuit sur sa lancée en nous proposant un nouveau film d'actrices, Eileen, qui met en vedette Thomasin McKenzie et Anne Hathaway dans deux rôles qui semblent taillés sur mesures. La première incarne une jeune fille vivant seule avec son père alcoolo et noyant son ennui dans ses fantasmes sexuelles et des envies d'ailleurs de plus en plus difficiles à refouler. Sa morne existence est chamboulée quand une nouvelle directrice à l'élégance et à l'assurance magnétiques, campée par Anne Hathaway, est engagée dans la prison où elle travaille. Une relation ambiguë va progressivement se nouer entre elles... Et il ne vaut mieux pas en révéler davantage. Le film se déroule pendant les années 60 dans l'ambiance feutrée d'une petite bourgade de la côte Est et le réalisateur nous plonge délicatement dans cet environnement aux couleurs automnales, effacées par une brume matinale qui rechigne à se lever sur les journées répétitives de notre protagoniste frustrée. On s'y laisse aller comme on se plaît à regarder une toile d'Edward Hopper ou que l'on s'enfonce dans la lecture estivale d'un polar américain de premier choix.


 
 
Le cinéaste parvient facilement à nous choper et à maintenir notre attention grâce à cette atmosphère enveloppante, agréable à l’œil, et ne fait pas que s'appuyer sur deux actrices au diapason. Malgré une durée modeste (90 minutes et des poussières), William Oldroyd nous dresse patiemment le portrait d'un personnage aux abois, en grande détresse affective, totalement coincé dans une bulle qu'il crève d'envie d'éclater. Thomasin McKenzie, déjà remarquée dans Leave No Trace, confirme ici tout le bien que l'on commençait à penser d'elle. Anne Hathaway, appréciée récemment chez Jeff Nichols, confirme également la tournure intéressante que prend désormais sa carrière. On met donc un petit moment à comprendre que nous sommes en présence d'un thriller psychologique à combustion lente ou, devrait-on plutôt dire, à mèche très longue. C'est en effet au bout de l'heure de film que l'on bascule pour de bon dans le thriller pur jus et que le rythme s'emballe. Cela a pour effet de nous surprendre et de nous scotcher jusqu'au final à l'appréciable parfum de série B surgie du passé (le générique final assume totalement cette parenté). Bref, on tient là un très bon petit film, un peu passé inaperçu, et cela me semble assez injuste, c'est d'ailleurs ce qui m'a motivé à torcher ces quelques lignes. Will Oldroyd, je continuerai donc à vérifier ce que tu fais. 


Eileen de William Oldroyd avec Tomasin McKenzie et Anne Hathaway (2024)

24 octobre 2024

Geographies of Solitude / Le Plein pays

Allez savoir si chaque homme est une île ou si aucun homme n'en est une, en tout cas Jacquelyn Mills, dans Geographies of Solitude, sorti en 2022, filme une femme et une île. Une femme, Zoé Lucas, naturaliste et environnementaliste. Sur une île. L'Île de sable, minuscule terre canadienne en forme de sourire, sise à 170 kilomètres au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, dans l'océan Atlantique. Zoé Lucas y vit depuis plus de 40 ans, seule. En tout cas seule humaine, puisque habitent aussi là de nombreux insectes et autres coléoptères, des oiseaux bien sûr, et même des chevaux, jadis emmenés là par les hommes puis abandonnés, mais qui prospèrent depuis dans les dunes, où ils vivent, se reproduisent, meurent. Le documentaire, d'une grande beauté et d'un calme agréable, montre les tâches incessantes et répétitives de Zoé Lucas sur cette île qu'elle arpente sans relâche depuis des décennies, qu'elle observe, étudie, nettoie et aime, où elle multiplie les prélèvements de toutes sortes, au risque d'accumuler chez elle des collections ubuesques de capsules de bouteilles, de ballons crevés en quantités faramineuses, de badges en plastique et autres menus objets débiles dont elle tente d'identifier la provenance, et qui l'inspirent aussi, dont elle se sert pour confectionner de nombreuses créations artisanales et artistiques qui décorent son foyer.  Et tous les jours de colliger des centaines, des milliers de données sur tout ce qui se passe là, avec un souci renouvelé du détail et de la précision qui laisse pantois non pas en soi mais maintenu sur une telle durée, qui épuise par procuration aussi, et qui interroge : qui lira tout ça ? qui s'en servira, après Zoé Lucas ? Ce travail de fourmi, si précieux et si colossal, restera-t-il vain ?
 
 



Or, comme Zoé Lucas se sert des détritus venus polluer l'île pour en faire de beaux objets, Jacquelyn Mills tend à faire de la matière même de l'île, de son substrat naturel et des objets qui la polluent, son film, ou, pour le dire autrement, tente de faire du film, de la matière filmique, à partir de la matière même de l'île et de ce qui s'y trouve. En utilisant diverses techniques, par exemple de collage, de superposition, et en réalisant des expériences, la cinéaste canadienne ponctue son documentaire de séquences expérimentales où la pellicule, exposée à la lumière des étoiles, développée dans les algues marines ou enfouie dans le sable, est soumise aux aléas et aux substances du milieu. Et le travail sur le son n'est pas en reste, quand Jacquelyn Mills capte avec un microphone de contact les moindres frémissements des herbes, les pas des plus petites bêtes, et en emplit, si l'on peut dire, l'image. Si bien que le film entier prend corps, ou racine, et en finirait presque par devenir une île lui-même, et par faire sentir les embruns et l'iode, nous laisser un petit goût de sable sur la langue. Et dans le même temps, alors que l'île et le film tendent à ne faire plus qu'un, la distance entre la réalisatrice et Zoé Lucas s'amenuise, à mesure que les paroles de la scientifique — que des images d'archives nous montrent toute jeune, à son arrivée sur l'île, avec des collègues encore à l'époque : et l'on mesure alors le temps écoulé depuis sur cette île minuscule et pour ainsi dire nue, tandis que le visage actuel de la chercheuse tarde à être approché, à nous être montré — se font plus personnelles, tentent de dire ce qui la retient à ce petit monde de solitude, et que pointent à la fois quelques regrets, par exemple de ne pas avoir vécu autre chose, et l'évidence, le temps passant, que sa place était bel et bien là.
 
 

 
 
 
Le beau film de Jacquelyn Mills m'a fait repenser à un autre documentaire fascinant, Le Plein pays, du français Antoine Boutet, réalisé en 2009, d'un aspect beaucoup plus brut, avec une image vidéo pauvre en qualité, qui suit, pendant une heure, Jean-Marie, dont on se demande pendant tout le film à quel point il est fou, qui vit seul et isolé dans une forêt française, terrifié par la surpopulation qu'il fuit, certain qu'elle annonce une catastrophe globale inévitable, et qui — quand il n'est pas fourré dans sa cambuse délabrée, envahie d'un fatras pas possible d'objets trouvés plus ou moins dégueulasses et d'autres à l'effigie de vedettes populaires, à écouter de la variété sur son poste radio, dont Jacques Brel chantant le "le plein pays" qui est le sien, et Jean-Marie de chanter par-dessus en faisant semble-t-il involontairement cette erreur qui donne son beau et triste titre au film — passe sa vie à excaver le sous-sol des bois qu'il arpente, retirant de la terre des roches énormes avec une volonté et une abnégation délirantes, pour creuser des galeries dans lesquelles il dessine des gravures pariétales destinées à délivrer un message aux futurs habitants du monde, ceux d'après la catastrophe. 
 
 


 
Le personnage est non seulement sidérant mais très attachant. Notamment dans cette séquence, si mes souvenirs sont bons, où, dans une des grottes qu'il creuse et orne de ses gravures étranges, Jean-Marie se met à psalmodier une étrange litanie, quelque chose comme une prière païenne, pour sa fille (j'espère ne pas me tromper, mais il me semble bien que c'est pour sa fille), dont les paroles, répétitives mais soumises à des variations improvisées, forment un poème aussi simple que bouleversant. Et l'on aimerait en savoir plus encore sur cet homme, clochard voûté, hargneux au "travail" épuisé, entouré de débris d'enfance et des rebuts d'un monde à moitié disparu, qui semble malheureux de l'avoir perdu.
 




Jean-Marie, jobard misérable, marginal cabossé et solitaire, homme des cavernes moderne et dépassé, triste comme les pierres, ces blocs rocheux énormes et informes qu'il s'acharne à sortir du sol pour aller peupler ses galeries sous la terre de toutes les paroles, gravées ou chantées, qu'il n'adresse à personne quand il remonte en surface, dans le monde, où son seul lien avec les autres est un émetteur branché sur Radio Nostalgie, n'a certes rien à voir avec Zoé Lucas, scientifique méthodique chevronnée qui dédie toute son existence à la préservation d'un écosystème et à l'analyse rigoureuse des phénomènes "anthropocéniques" qui le menacent chaque jour un peu plus. N'empêche. Dans les deux films, aussi remarquables l'un que l'autre, se dessine le portrait d'une personne seule, à la frontière entre génie et folie (la balance penchant clairement plus d'un côté de part et d'autre, vous l'aurez compris), creusant le sillon de sa propre solitude, hantée par l'angoisse de ce qui s'est perdu et de l'inévitable catastrophe qui vient, prélevant et accumulant les pierres, les plantes, les squelettes d'animaux et toutes autres choses, dont des déchets plastiques, pour l'une, des choses tirées du sol, les pierres et des déchets enfouis, pour l'autre, mais qui continuent de noter, de chanter, de creuser, de créer, pour qu'une forêt parle et qu'une île de sable soit regardée et que toute son histoire soit jour après jour consignée, et pour que tout cela, malgré tout, existe, ait existé.


Geographies of Solitude de Jacquelyn Mills avec Zoé Lucas (2022)
Le Plein pays d'Antoine Boutet avec Jean-Marie (2009)

16 octobre 2024

The Harbinger / The Witch in the Window

 
 
Oubliez Ari Aster, Robert Eggers et Jordan Peele, ces pâles figures de proue de cette soi-disant elevated horror, autant de tocards qui pètent plus haut que leurs culs et sont pourtant infoutus de réaliser un seul vrai bon film de bout en bout. Tandis qu'ils font la une des plus respectables revues consacrées au cinéma et que leurs critiques les plus mal avisées et connectées les citent systématiquement dans leurs sordides tops annuels ou bi-mensuels, le persévérant Andy Mitton, loin des radars, va son chemin, en toute discrétion, voyant au mieux ses œuvres modestes, qu'il scénarise, monte et met également en musique, diffusées sur des plateformes spécialisées au flair bien affûté. La comparaison est sciemment provocatrice, certes, mais vous aurez compris que je ne suis fan d'aucun des cinéastes susmentionnés et il y a de quoi être attristé quand on constate le manque de notoriété d'Andy Mitton et les notes cruelles que ses petits films récoltent sur les databases les plus fréquentées – parmi ces films, seul le laborieux We Go On, co-réalisé avec Jesse Holland et en grande partie flingué par son acteur principal, paraît mériter une certaine sévérité, tant il n'amène rien de neuf sur un thème rebattu (la vie après la mort) et pourrait refroidir les plus bienveillants spectateurs.

Après avoir été accueilli outre-Atlantique sur Shudder, The Harbinger était visible par chez nous sur Shadowz, qui a eu le bon goût de nous le proposer l'année passée dans le cadre d'un marathon horrifique spécial Halloween. Il s'agit déjà du quatrième long métrage du cinéaste américain spécialisé dans l'horreur qui, dans chacun de ses films, s'intéresse toujours de près à ses personnages, prend le temps de les faire exister, et cherche à aller au-delà du frisson facile en peaufinant de belles atmosphères desquelles surgissent toujours quelques grands moments d'angoisse. Peut-être tourné en plein confinement et avec trois bouts de ficelle, The Harbinger semble a priori causer du Covid, du confinement et de ses tristes effets sur les plus fragiles d'entre nous par le biais du récit d'un lent effondrement mental où hallucinations flippantes et réalité déprimante vont de plus en plus intimement s'entremêler. Plus généralement, le film aborde le sujet de la dépression de manière assez frontale et courageuse, ce qui l'empêche au passage d'être trop directement associé à la seule période de la pandémie et lui permet d'être plus atemporel.

 

 
Au-delà de ça, The Harbinger constitue également une très simple et belle histoire d'amitié. On y suit en effet une jeune fille qui, suite à l'appel au secours d'une vieille amie, s'affranchit du confinement strict respecté par sa famille pour aller lui rendre visite, l'aider et passer du temps avec elle dans son appartement délabré. Andy Mitton utilise intelligemment les divers éléments associés à la crise sanitaire, à commencer par la paranoïa ambiante fondée sur la peur irraisonnée d'être contaminé et le port du masque évidemment susceptible de divulguer n'importe quelle monstruosité inattendue. Autant d'outils qu'il place au service de son récit d'horreur avec une malice qui relève de l'évidence. Il reprend aussi le fameux masque porté par les médecins de peste pour habiller la sombre entité qui symbolise la menace dépressive omniprésente. Avouons qu'après une première heure rondement menée, le cinéaste semble ici avoir eu quelques difficultés à boucler son récit, on regrette ainsi un petit ventre mou où l'on ne sait plus trop où il veut en venir. Heureusement, il retombe tout de même sur ses pattes en beauté avec une ultime scène toute en sobriété, au pessimisme accablant mais hélas sensé, conclue d'une pirouette des plus logiques.

Quelques années auparavant, Andy Mitton avait signé une autre bobine horrifique de la plus belle eau, le plus abouti et plus court The Witch in the Window qui, quant à lui, nous racontait une belle histoire d'amour filial entre un père et son jeune fils derrière ce qui se présentait d'abord comme un bon vieux film de maison hantée. En réhabilitant une vieille ferme perdue dans le Vermont, un homme et son fils sont confrontés à l'esprit de son ancienne propriétaire, une femme à la solide mais ambiguë réputation de sorcière dont on évitait jadis de s'approcher de trop près du territoire. En réalité, le papa veut retaper cette jolie baraque dans l'espoir de donner un nouveau souffle à son couple qui bat méchamment de l'aile, comme on l'a compris dès la première scène, à la tension domestique sèche et des plus crédibles. La rupture définitive et le divorce planent, le garçonnet en souffre en silence, croyant au rêve de son père et s'accrochant au vain espoir de voir ses parents réunis dans une maison qui, sur le papier, a effectivement tout pour plaire à sa maman. Sauf que la sorcière s'avère assez possessive envers les infortunés, désireux de vivre chez elle. Et c'est l'occasion pour le réalisateur de déployer son sens de l'atmosphère manifeste et de nous proposer quelques pics de terreur véritables qui nous scotchent à notre fauteuil.


 
 
Lors de scènes a priori anodines où nous voyons père et fils s'affairer autour de la maison pour lui refaire une beauté, Andy Mitton joue brillamment de la profondeur de champ, sur ce qui peut se jouer en arrière-plan, en invitant le spectateur à être aux aguets, à guetter la moindre apparition fantomatique de ladite sorcière, illustrant littéralement, à plusieurs occasions, avec cette simplicité chère aux grands talents, le titre de son œuvre pleine de modestie. Il se montre dans le même temps capable de mettre en boîte des scènes au suspense étouffant, sans utiliser de ficelles faciles, mais en jouant avec brio sur l'attente, la crainte de voir enfin. Un autre grand moment d'effroi nous fait partager les hallucinations d'un père dont le chagrin l'amène à imaginer une réconciliation désespérée. Une scène patiemment amenée, au dénouement aussi glaçant qu'attendu, qui parvient même, et c'est bien là le plus dur, à nous émouvoir. Si les comédiens sont irréprochables (en particulier le daron Alex Draper qui, en outre, a de faux airs de leader quinqua d'un respectable groupe d'indie rock du nord-ouest américain), c'est aussi les dialogues du cinéaste qui sonnent justes et évitent savamment les clichés redoutés. Cette histoire de sorcière est donc avant tout le prétexte pour nous proposer un film sensible et délicat, où nous sommes touchés par ce que vivent des personnages bien caractérisés et par les enjeux dramatiques dévoilés progressivement. On prend autant de plaisir à le regarder qu'à lire une nouvelle fantastique écrite par un maître. Du velours pour les amateurs de frissons distingués, d'ambiance soignée, d'horreur réellement intelligente, qui s'en régaleront en déplorant, comme moi, que l'auteur ne bénéficie pas d'une plus grande renommée tout en se réjouissant d'avoir affaire à une obscure pépite injustement méconnue. Non, vraiment, croyez-le ou non, Andy Mitton est parmi la crème du cinéma d'horreur indépendant américain du moment.


The Harbinger d'Andy Mitton avec Gabby Beans, Emily Davis et Raymond Anthony Thomas (2022)
The Witch in the Window d'Anty Mitton avec Alex Draper et Charles Everett Tacker (2018)

18 septembre 2024

Au-delà des cimes

Catherine Destivelle, l'une des plus grandes grimpeuses de tous les temps, méritait bien qu'un beau documentaire lui soit entièrement consacré. C'est le spécialiste réunionnais Rémy Tezier, passionné de mer et de montagne, qui s'y est collé, avec un certain talent. Au-delà des cimes nous propose de suivre l'escaladeuse française au cours de trois ascensions de sommets alpins mythiques qu'elle choisit de réaliser en compagnie de quelques-uns de ses proches, ceux-là même qui l'ont accompagnée tout au long de sa si brillante carrière. Nous la voyons donc arpenter le Grand Capucin, imposant obélisque de granit qui fait le bonheur des grimpeurs de tout poil, avec l'une de ses anciennes élèves devenue une amie ; puis grimper l'Aiguille du Grépon, crête crénelée de plusieurs pointes où trône une statue de la Vierge Marie, auprès de sa sympathique et toute guillerette sœur cadette ; et enfin monter tout en-haut de l'Aiguille Verte, le plus difficile du lot, aux côtés de deux de ses mentors, d'amusants alpinistes chevronnés et septuagénaires, animés d'une affection évidente pour celle qui les a toujours épatés. Ces trois sommets ont chacun leur particularité mais ont en commun une beauté esthétique saisissante, joliment mise en valeur par les caméras de Rémy Tezier, qui viennent rappeler sans fanfaronnade toute la richesse et la splendeur des Alpes.



 
 
Le simple récit de ces trois ascensions successives, accomplies en toute tranquillité, dans une ambiance chaleureuse et légère, récit émaillé de rares et brefs flashbacks sur quelques-uns de ses exploits passés, narrés par le phrasé envoûtant de Bernard Giraudeau, dessine touche après touche un portrait délicat et juste de Catherine Destivelle, sacré bout de femme digne du plus grand respect. Au bout des 80 agréables minutes de ce documentaire, nous éprouvons même une sorte d'admiration pour la dame, personnalité discrète au charisme naturel, que nous avons presque l'impression de réellement connaître. Dans sa façon très simple, humble et concise d'évoquer son parcours, ses choix et son amour de l'escalade par quelques phrases prononcées en voix off, dans sa manière attentive mais jamais maternelle de veiller à la sécurité et à la bonne progression de ses compagnons de cordée, dans ses échanges, ses petits gestes et ses regards furtifs adressés aux autres, saisis par la caméra, c'est toujours la sincérité qui semble primer. On est rapidement captivé, curieux de la comprendre.



 
 
Il y a aussi quelque chose de très plaisant ici, et que l'on relève inévitablement en amateur du genre : le film de Rémy Tezier est totalement vierge des attributs habituels de la plupart des films de montagnes, bien plus souvent consacrés à nous dépeindre des performances masculines. Au-delà des cimes, aucun sensationnalisme, aucune volonté d'en mettre plein la vue, quand bien même certaines images sont effectivement impressionnantes et que le talent et la maîtrise de Cathy Destivelle (ouais, je l'appelle Cathy maintenant) sont proprement hallucinants. Elle qui a l'air aussi à l'aise qu'une araignée, une araignée qui serait inoffensive et gracieuse, sur les parois verticales vertigineuses, gravies vitesse grand V, précise qu'elle n'est en rien "suicidaire", bien que le danger puisse aussi la stimuler. En réalité, on la sent d'abord et surtout éprise de liberté. Le film colle avec la personnalité de notre vedette, elle qui aurait pu collectionner tous les trophées possibles et épingler à son palmarès les plus dangereux sommets du monde, mais n'avait pas spécialement l'esprit de compétition et était simplement portée par son amour pour l'escalade et la montagne. La douceur et la sincérité de ce film, apaisé et apaisant, contrastent avec le tout-venant et font du bien, tout simplement.
 
 
Au-delà des cimes de Rémy Tezier avec Catherine Destivelle (2008)

11 septembre 2024

The Last Stop in Yuma County

Très bon premier film signé Francis Galluppi, qui marche dignement ici dans les pas des frères Coen et de Quentin Tarantino, quand ces derniers choisissent de marcher à l'ombre, plutôt droits et, surtout, avec humilité. Comprenne qui pourra. On y retrouve Jim Cummings, que l'on considère comme un ami depuis son speech d'ouverture de Thunder Road. Ce dernier joue un vendeur de couteaux itinérant contraint à faire une halte dans un diner perdu en plein désert de l'Arizona, le comté de Yuma. Tous dans l'attente que le camion-citerne vienne enfin ravitailler la station-service du coin, de nouveaux clients forcés le rejoignent progressivement, formant une galerie d'énergumènes plaisants à découvrir petit à petit. Comme l'on sait déjà, par la radio entendue dans le véhicule du repré de commerce, qu'un braquage s'est déroulé le matin même et que les deux truands, à sec, finissent par s'attabler aussi au diner, on se doute bien que la situation va dégénérer à un moment ou à un autre. 




C'est donc avec une certaine délectation que l'on suit tout ça, le réalisateur et scénariste prend son temps pour planter le décor et installer les différentes forces en présence. Il s'appuie sur un casting aux petits oignons, avec une galerie de tronches choisies avec le plus grand soin et deux acteurs déjà dans nos cœurs pour ouvrir le défilé. J'ai déjà évoqué Jim Cummings, preuve que j'aurais pu mieux organiser mon papier et que j'écris celui-ci d'un seul jet, mais je n'ai pas encore mentionné Jocelin Donahue, ancien crush entré au panthéon des scream queens depuis le terrible House of the Devil de Ti West, qui incarne ici la tenancière du diner (je vous recommande également le compte instagram de l'actrice où elle partage notamment d'excellentes recettes de cheesecakes entre autres photos révélant son charme toute simple et naturel). Notons par ailleurs que Francis Galluppi doit connaître ses classiques et aimer les égéries de séries B puisque l'on retrouve également Barbara Crampton dans un petit rôle savoureux. Très référencé, sans que cela ne nuise jamais au film, The Last Stop in Yuma County se déroule dans la deuxième moitié des années 70. Aucun portable ne pourra donc venir en aide aux personnages, cernés par des calibres en tout genre et, évidemment, par les couteaux japonais du vendeur. Soit dit en passant, on peut toutefois douter de la crédibilité d'un guignol d'Amérique profonde qui prétendrait, à cette période, s'inspirer du tandem du Badlands de Terrence Malick (la tentation du jeune cinéaste d'adresser un clin d’œil au seul chef d’œuvre de l'auteur de Tree of Life devait être trop grande). 
 
 
 
 
On tient donc là un quasi huis clos dont chaque élément est patiemment mis en place, si patiemment que l'on en vient à se demander à partir de quel moment le film va s'énerver et basculer pour de bon. Nous sommes pleinement récompensés, puisqu'un dernier acte jusqu’au-boutiste et à la hauteur de l'attente pare ce divertissement de belle facture d'un propos lourd de sens sur l'Amérique, son rapport aux armes et l'appât du gain. La dernière demi-heure est si bien menée et haletante que l'on aimerait presque que le film continue encore, mais Francis Galluppi a déjà cette précieuse maturité qui lui permet de savoir s'arrêter au bon moment, nous quittant sur une dernière note cynique qui ne fait qu'appuyer la bonne impression que nous laisse sa première œuvre. Cinéaste à suivre !
 
 
The Last Stop in Yuma County de Francis Galluppi avec Jim Cummings et Jocelin Donahue (2024)

28 août 2024

The Visit

En 2015, dans le creux de la vague après de fameuses bouses nommées La Fille de l'eau, Le Maître de l'air ou After Earth, réalisés pour égayer les longs après-midis de ses trop nombreux enfants, Shyamalan se demande : "Que vais-je faire ? C'est l'hchouma... Il ne me reste que deux dollars en poche...". La réponse lui vient très vite : un found foutage de gueule. Bonne idée : ça coûte deux dollars tout pile, et ça peut en rapporter au moins le centuple, vu que les aficionados de ce genre ont à peu près le niveau d'exigence (et de culture, voire de discernement, mais aussi de courage et d'endurance) d'un supporter moyen du PSG en LDC. Bingo : pari réussi, Shyamalan retrouve ses esprits et relance sa carrière moribonde, doublant carrément la mise quelques temps plus tard avec Slipt, qui confirmera son retour en forme auprès de ses fans de la première heure, ceux qui se souvenaient encore de son nom mais ne suivaient plus sa trajectoire que d'un œil discret et inquiet, tel Donnarumma (n')anticipant (guère) la courbe d'un centre au cordeau sur corner après coup de pied arrêté de coin.
 
 

 
Les deux dollars d'avance étaient là mais il fallait encore une idée, laquelle vint à l'esprit bondissant de Schumi lors d'un week-end prolongé du 8 mai où l'homme conduisait sa ribambelle de mioches attardés chez ses beaux-parents adorés qu'il, comme il le dit à longueur d'interview, "ne peut pas saquer". Ce jour-là, qui plus est, Schumi sortait d'une séance de trois heures chez l'orthoptiste (compliqué de trouver un rendez-vous un 8 mai, mais possible quand on a pondu Sixth Sense et que l'orthoptiste du coin se dit toujours "retourné" par le mindfuck final, et "à genoux" devant l’Ethernet, aka Schumi, pour ça). Après ladite orthoptie, ses pupilles ayant colonisé le blanc de ses yeux, victimes d'une double conjonctivite en réaction à une séance un peu longue et trop intense, sa vision fut teintée d'horreur et d'un sombre voile de ténèbres opaques qui lui permit de voir sous un jour d'autant plus menaçant les deux vieux cons coupables d'avoir engendré sa femme et sur le point de se farcir ses gosses à sa place, eux qui le surnommaient alors "Apu", ou, en fin de week-end, "EL HIJO D'APU".
 
 
 
 
Idée géniale et jamais vue en plus de cent ans de cinoche et des millions d'années d'idées : centrer l'angoisse sur un couple de grands-parents aimants. Avec la sortie récurrente de films d'horreur basés sur des gosses flippants, comme le récent Abigail, dont personne n'a parlé à part nous à l'instant, de La Mauvaise Graine de Mervyn LeRoy à L'Autre de Robert Mulligan en passant (pour les gens qui n'ont qu'une culture ciné assez réduite et seront ravis de retomber sur des titres plus connus leur offrant le sentiment d'avoir des connaissances et de bien faire partie de ce monde) par Damien la malédiction ou L'Exorciste, on oublie de dire que la vie ne s'arrête pas à 12 ans avec la puberté, et que les vieillards sont ô combien plus nombreux et ô combien plus flippants que les ados, pour ne pas dire ô combien plus gênants que des mômes, même si, enfants comme vieillards, en vérité, pas de quoi flipper : on peut les retourner d'une balayette sur l'asphalte. Pourquoi, d'ailleurs, personne n'a eu l'idée d'en retourner une grosse à Damien de La Malédiction, pour lui faire voir un peu de paysage en mode 360° ? Gregory Peck avait les biceps et la grinta pour balancer deux allers sans retours dans la tronche de ce sale gamin, en visant le coin extérieur de la mâchoire tel un Dustin Poirier des grands soirs, KO technique direct, ou pourquoi pas l'achever par une petite "guillotine" qui le laisse pantois sur le tapis de l'octogone sans règle. Comme quoi, de la pire situation (ce week-end sordide chez les beaux-parents, commencé pour le fils cadet de Schumi-Apu en vol plané, propulsé par le toit ouvrant de la Xanthia par son cinéaste de paternel pressé de foutre les voiles, tel Carlton jeté en l'air d'un geste limpide par oncle Phil pour avoir trop louché sur Hillary), et d'un oubli mondial (filmer des vieux terrifiants), peut naître l'idée du siècle, et l'un des rares found footage que le dernier des esthètes, encore attaché aux belles choses, peut regarder sans avoir envie de mourir.
 
 
 
 
Quoi d'autre au menu de ce film ? Une sortie en luge qui se finit en boulet de canon contre le seul platane à cent kilomètres à la ronde, façon Dodi Di et Lady Al Fayed. Une partie de cache-cache entre deux bambins innocents et une mamie survoltée sous les pilotis de la maison, qui de notre côté s'est terminée en caca-culotte. Quelques jump-scares de haut vol pour fuites urinaires à peine contrôlées, telles celles de feu Bernardo Silva, plaquiste de métier, usant de sa couche intime lors d'une "pas-nenka", ni faite ni à faire, devant le goal de Madrid, Arsène Lupin (celui qui a volé la place de Thibault Courtois). Quoi de plus abominable que deux vieillards zonant à poil, en perte de contrôle de leur sphincter, dans les couloirs de leur airbnb de montagne ? C'est un peu la scène de la salle de bain de Shining mais pendant 2 plombes (Kubrick avait eu l'intuition, jadis, qu'il y avait un terrain avec les vieilles peaux qui fondent et font baliser, mais remplacez le solide Nicholson, incarnant un taré délirant, par deux enfants naïfs qui passent le début du film à chanter du Taylor Swift dans une private joke intra Schumi-family que M. Night Shumiland a portée à la vue de toute la planète, et vous comprenez qu'on ne se contienne plus devant ce film). Quoi d'autre encore ? De la peur à tous les étages, captée par des petites caméras planquées par les deux gamins paniqués devant les comportements de plus en plus déviants de leurs ancêtres. On sort du film en se languissant de la prochaine canicule bien frappée. Ce n'est pas anodin. Bref, മനോജ് നൈറ്റ് ശ്യാമളൻ (Shyamalan), en tout cas, les poches bourrées de blé, ses beaux-parents perdus à tout jamais, prêt à confirmer son retour en grâce avec Slip puis Glass, deux suites offertes à son grand Unbreakable (le tout connu sous l'appellation "trilogie d'Apu"), était parvenu à se relancer comme personne. Incassable.
 
 
The Visit de M. Night Shyamalan avec Olivia DeJonge et Ed Oxenbould (2015)

12 août 2024

Sang pour sang

Critique repentance. Que nous avons été durs avec les frères Coen. Qu'ont-ils fait de mal ? A part avoir un style un peu trop stylé, une bande d'acteurs fidèles toujours là au piquet, un humour décalé d'une ironie pince-sans-rire qui si elle vous laisse froid vous congèle carrément, et peut-être un public agaçant. Résultat des courses, pendant longtemps nous n'avons pas pu les saquer. Il faut parfois que le temps passe, qu'une carrière s'essouffle, que des dents se déchaussent, que la critique se détourne et que les rangs des fans s'éclaircissent pour qu'on donne une nouvelle chance aux cinéastes qui nous ont durablement gavés et, mine de rien, contre lesquels on a aussi pu se construire, bien malgré eux et à leur insu. Cf. Serge Daney, qui a forcément écrit là-dessus, et qui lui aussi s'est mépris de son vivant sur quelques cas, ne citons que Spielberg, dérouillé en règle pour ses Dents de la mer, ou Cimino, flingué à bout portant pour Voyage au bout de l'enfer. Nous avons un droit à l'erreur, ou plutôt aux multiples et impardonnables erreurs. Ne citons que nos griefs de jadis, parfois immortalisés dans ces pages, à l'égard de Brian de Palma, de Wes Anderson, de David Lynch. Autant de dégoûts anciens qui nous ont fait passer pour des guignols plus souvent qu'à notre tour, alors qu'ils étaient dus, le plus souvent, aux guignols eux-mêmes qui, en portant ces cinéastes aux nues avec des arguments débiles, creux et fallacieux, nous confortaient dans nos petites haines quotidiennes. (Déjà on change d'avis et on s'excuse, on va pas non plus assumer nos erreurs et s'abstenir de les imputer à autrui). Si ça peut vous rassurer, on a longtemps détesté les endives au jambon, pour l'amertume desdits jambons, oubliés sur la plage arrière de la Seat Córdoba en plein mois d'août. Or, pas plus tard qu'hier soir, on s'en est farci douze à deux. Et pas les plus fines endives du marché. Plutôt du gros chicon maous, vendus par le gardois du coin avec un p'tit sourire ambigu : "Dix euros les deux ! Et une barquette de fraises offertes pour cinq euros de plus !" Adorable.


 
 
Ce film-là, parangon du néo-noir, dont il est le premier spécimen (ou parmi les), contient tout le meilleur des frères Coen et a contribué, visionné tardivement, à les réhabiliter totalement à nos yeux. Seul hic : on a revu pas mal de leurs films après et celui-ci, qui est leur premier, reste pratiquement, pour nous, un sommet de leur art. Mais c'est un détail. Blood Simple, basé sur un scénario écrit à quatre mains de fées, mis en scène avec une efficacité et une audace dingues pour un premier essai, porté par des acteurs idéaux incarnant des personnages bien racés, est une grande réussite. (On a juste aimé le film putain, le fait est qu'on est blogueurs ciné et qu'on essaie de poser des arguments, disons des mots-clés, mais on est à poil pour expliciter tout ça, pour formaliser le plaisir pris devant ce qui reste un parangon du néo-noir). Un dernier mot quand même sur ce qui enlève le film pour de bon : la longue scène où l'enjeu est de se débarrasser du corps velu de Dan Hedaya. Une demi-heure muette où c'est simplement la magie du cinéma qui opère, un plan après l'autre, bien dans l'ordre, bien cadrés, bien timés. Thoret le dit toujours : un vrai bon film se jauge à l'aune de la touche "mute" de votre télécommande, virez le son et si vous captez la tempé c'est gagné. Ici, et dès leur premier coup d'essai, les Coen le font pour nous et c'est limpide. Quel toupet ces jeunes loups. Ils se trimballaient avec l'assurance d'un Eduardo Camavinga âgé de 7 ans et portant déjà le maillot du Real en quarts de finale de la Ligue des Champions.




Sang pour sang de Joel et Ethan Coen avec Frances McDormand, Dan Hedaya et John Getz (1984)

28 juillet 2024

Signes

Rares sont les films comme ça. Combien de films comme ça ? Tant d'éléments de la vie courante et du quotidien le plus banal sont à jamais irrémédiablement associés à ce film. Dites "aluminium", dite "champ de maïs," dites "saut à la perche", dites "verre d'eau", dites "batte de baseball", dites "crop circles", dites "accident de bagnole", dites "Signs" et vous pensez immédiatement à l'œuvre-somme de Shyamalan. Faites ce geste : prenez le menton de votre père entre deux doigts pour le tourner vers un champ de maïs quelconque, idéalement dont les épis ont été méthodiquement écrasés, mais non rompus, par une technologie autre qu'humaine, et vous pensez immédiatement à ce chef-d’œuvre du 7ème art. C'est irrémédiable. Ce plan, où le jeune fils de Mel Gibson (interprété par Rory Culkin, qui tourne à l'époque dans le dos de son frère et lui chipe la vedette), se saisit avec respect du menton de Mel Gibson (première et dernière fois qu'un acteur touche le visage de Mel Gibson dans un film sans se prendre une baffe en retour immédiat, et d'autres ont essayé, à l'exemple de la téméraire Sophie Marceau dans Braveheart) pour le tourner vers le crop circle qui décore leur champ, cercle de culture tracé avec goût en forme de M de MacDonald's, indiquant aux aventureux aliens le fast food le plus proche où la bouffe ne contient pas la moindre goutte d'eau (ils y sont allergiques), rien que du sucre, est un plan non seulement que l'on n'oubliera jamais mais que le moindre mouvement latéral de tête, à n'importe quel moment de la journée, suffit à faire revenir : il suffit de tourner la tête pour rendre hommage au film. Rendez-vous compte du nombre d'hommages rendus à Signs chaque jour à travers le monde et dans l'espace intersidéral.




Que dire d'autre ? Grand II : l'analyse du film. Manosque Naj Shyamalan sort juste de Sixth Sense à cette époque-là. Il suffit qu'il claque des doigts dans la rue, ou fasse un clap de fin de tournage à un feu rouge, pour qu'hommes et femmes relèvent leur t-shirt des deux mains et s'offrent torses nus en spectacle au grand manitou de Pondichéry, qui a littéralement retourné son monde avec un mindfuck impérissable à la fin d'un film tout simplement très bon devant lequel on aime encore aujourd'hui à taper la sieste. Or, que fait Schumi après ça ? Un film sur le maïs, sur le monde agricole, sur les verres d'eau, qui commence par un long monologue insipide à propos d'une sauteuse à la perche, écouté par un Mel Gibson qui se croit chez les frères Coen ou Larrieu. La star se barre à un moment, revient plus tard se rassoir pour écouter la flic locale lui raconter les exploits de Javier Sotomayor (le making of révèle que l'acteur n'a pas été présent lors de la prise). L'audace a payé : 600 millions. Et faire ça au lendemain d'Independance Day ? Et de la naissance officielle du destruction porn ? Déballer comme ça un home invasion intimiste, un film d'extra-terrestres d'auteur (ou d'auteur extraterrestre ?) tout entier tourné sur la question de la foi d'un homme endeuillé ? C'était délirant, violent même. Personne ne se souvient, parmi la majorité des gens qui n'y connaissent rien en cinéma, que Joaquin Phoenix joue dans ce film, mais tout le monde se souvient de son personnage de tonton raté le cœur à vif, fragile mais indéfectible (l'acteur a pioché dans sa vie perso pour camper cet être inachevé, se servant allègrement de la mort de son frère aîné pour livrer de la vérité, produire une performance, dans le sens art contemporain du terme, comme mon tonton Scefo en a livré une énième hier soir lors du repas de quartier dominical, en full impro).




Grand II b : analyse encore. Un simple angle de mur évoque ce film. Ou encore un pas de porte bressonnien (= digne de Bob Bresson). Idem : une silhouette qui passe, avec bras ballants de trois mètres de long, devant une porte. Un entonnoir d'aluminium sur la tête d'un adolescent évoque ce film. Un baby phone grésillant. Une batte de baseball accrochée au-dessus d'une tv à écran bombé. Une lampe torche qui s'éteint dans la cave. Une ampoule de plafonnier de cave qui éclate. Une ventoline. La main d'un tonton aimant sur la poitrine d'un gamin asthmatique qui respire péniblement allongé dans une cave. N'importe quelle conversation sur un canapé. Cette causerie de dix minutes entre Mel Gibson et Joaquin Phoenix... Vous vous en souvenez forcément. On ne sait plus du tout ce qu'ils débitent, des bondieuseries (le film est à voir en VO à tout prix, pour l'humour, et pour s'épargner le "frappe à fond" du doubleur de Phoenix à la fin du film, dit avec une prononciation digne de celle d'un Roger Lemère pendant l'Euro 2000), mais on les voit causer, et on les verra pour toujours sur notre canapé, tels deux fantômes du passé.
 



Grand II c : fin de l'analyse. Un simple angle de mur ? Sérieusement ? Vous croyez qu'on vous prend pour des cons ? Revoyez le film. Le moment où le chien aboie, où toute la petite famille regarde vers un mur, une tapisserie livide, dans la direction du son, avec un petit zoom avant sur un angle, un coin de plafond sans intérêt, puis le chien qui couine et se tait. Ce plan-là, contrechamp en raccord regard sur un angle vide, avec un zoom vers un son, condense tout le génie d'un Schumi sous influence lovecraftienne. Relisez aussi Celui qui chuchotait dans les ténèbres de Lovecraft pour y dénicher tous les motifs clés que Shyamalan a repris à sa sauce indienne, pour les rendre plus épicés et leur donner un goût de curcuma et de curry d'espelette : le monde agricole, la menace cosmique, les chiens alertes, et pas n'importe quel chien : des bergers allemands !, et surtout ce fameux bruit que font les aliens. Quand on lit la nouvelle, emporté par le talent de descripteur de Lovecraft, on se dit qu'on ne pourrait le réaliser que comme Schumi l'a fait. Ce bruit-là aussi, quand on l'entend dans la vie, on revoit Signs, typiquement près un gros aligot trop vite englouti et sans aucune mastication. On perçoit des signes de Signs tous les jours, partout, tout le temps. Des signes de Signs.


Signes de M. Night Shyamalan avec Mel Gibson, Joaquin Phoenix et Rory Culkin (2002)

18 juillet 2024

Horizon : une saga américaine, chapitre 1

Tout était réuni. Les conditions ne pouvaient pas être meilleures. J'avais tout calé. C'était le premier jour de mes vacances ! Je m'étais couché tôt la veille au soir, j'avais fait une belle grasse matinée, il faisait beau mais pas encore trop chaud, je m'étais préparé un gros gueuleton le midi pour tenir le coup, à base de fécule de blé et de gras de porc, j'étais passé par la petite librairie sur la route du cinéma pour mettre la main sur un ou deux bouquins désirés de longue date, un plaisir augmentant l'autre, enfin je m'étais introduit dans le cinéma par la grande porte et j'avais acheté un billet, obéissant à la loi dans les règles de l'art, une fois n'est pas coutume, puis je m'étais assis à égale distance de l'écran et des enceintes, au cœur de la grande salle vide de mon cinoche de quartier flambant neuf, réservée rien que pour moi, et voilà, enfin, je m'apprêtais à passer 180 minutes de pure idylle avec Kevin Costner dans les grandes plaines de l'ouest. Ma compagne m'avait lâchement abandonné : "vas-y tout seul, t'en profiteras mieux, va voir ton pote, et si c'est vraiment bien je viendrai pour la suite avec toi en septembre, promis, mais n'y compte pas une seconde" m'avait-elle lâché, prudente, méfiante, fourbe, et visionnaire... Car elle avait raison, comme souvent. Je l'ai compris assez vite devant ce triste Horizon : une saga américaine, chapitre 1, sourate 22, verset 13, alinéa b. En fait, je me suis davantage ennuyé devant ce non-spectacle que pendant les 6 matches de l'équipe de France de football disputés (mot trop fort et fallacieux) durant l'Euro 2024 en terres teutonnes. C'est pas peu dire.




Je suis même allé pisser. En plein milieu de la séance. Ou aux trois quarts ? Quelle importance ? Première fois que ça m'arrive. Je n'avais jamais fait ça de ma vie, quitter la salle même 3 minutes pour aller me soulager, jamais, ô sacrilège. Je me suis fait dessus plus souvent qu'à mon tour sur les sièges rouges imbibés des UGC de Montpellier, mais toujours le sourire aux lèvres. Il y a des choses qu'on ne fait pas. D'ailleurs je ne supporterais pas que quiconque m'accompagnant au cinoche ose cet outrage. Il m'est arrivé de jeter mes chaussures sur des inconnus qui se levaient en plein film. Même dans mon salon, quelqu'un qui se lève, c'est dur à encaisser. Mon oncle, tonton Scefo, est un spécialiste de la chose. Après m'avoir demandé de lui montrer un bon film susceptible de l'intéresser, "allez fais moi voir un bon film, fils", il commence vite à trépigner passé le quart d'heure de métrage, et il se met à jouer de la grosse caisse imaginaire avec le pied droit sur un rythme effréné, sa cheville d'ancien milieu défensif "rugueux" commençant à fumer. Not quite my tempo a envie de lui avouer, mettons, Michelle Williams, marchant à côté de son chariot, ayant paumé sa dernière piste dans l'ouest sauvage, un fichu noué autour du cou, sur l'écran en face de nous. Puis tonton se lève pour aller aux toilettes en hurlant, sans même tourner la tête vers moi, dès que j'esquisse le plus petit geste pour me redresser en direction de la télécommande histoire de mettre la pause afin qu'il ne loupe rien du bijou que je soumets à sa sagacité : "TOUCHE PAS, FILS, touche pas va, laisse tourner...". Il revient ensuite en sifflant, très fort, en général un air de chanson paillarde, dont il chante seulement quelques phrases-clés en allant se laver les mains au robinet de la cuisine, prétendant qu'il est inutile à qui s'en soucierait de chercher les poils de son cul car il en a "fait des brosses" ou encore que "le curé de Camaret a les couilles qui pendent", recouvrant de ses gazouillis tonitruants et de sa voix de stentor les rares dialogues de, mettons, Michael Kohlhaas, qui rumine sa vengeance dans le poste, en manque d'attention. Tonton Scefo, en général, enchaîne en allant ouvrir le frigo, puis en dévissant le bouchon d'une bouteille d'eau pétillante dans un pschiiiit qui aurait suffi à me faire vriller même sans tout le cirque qui l'a précédé, puis il boit douze ou treize gorgées directement au goulot, là aussi avec des bruits terribles de déglutition, en s'en renversant un peu sur le torse, atteignant les dernières gorgées à bout de force, torse qu'il exhibe glabre et nu, si nous sommes en été au moment des faits, puis il se retient au chambranle de la porte et lâche une série de petits rots très étouffés entrecoupés de reprises d'air difficiles - on sent alors qu'il finira sûrement aux urgences, un jour lointain, on l'espère, après avoir ainsi bu son demi-galon de San Pe sans respirer - et enfin, ça y est, il revient au canapé.




On croit que c'en est fini, qu'il va se replonger dans le film, sauf qu'il commence à se rouler une clope ou à tasser le tabac d'un petit cigarillo en le faisant glisser entre deux doigts pour qu'il aille cogner 125 fois le capuchon du paquet, se lève à nouveau, va ouvrir la baie vitrée, se cale les coudes sur la rambarde du balcon, debout les jambes croisées, et fume là, penché en avant, en regardant "passer les fachos" comme il dit, non sans lâcher, à un moment donné, un énorme gaz gras en avalanche, tempête sous un slip, qui laisse à penser qu'il aura besoin de changer de short avant d'aller au dodo. Tout cela pendant que mon petit film fétiche de l'année ou du siècle passé, mettons Les Deux Anglaises et le continent, crève de sa belle mort sur l'écran de la télé. Quand il sera terminé, tonton Scefo reviendra s'asseoir près de moi et me demandera de lui expliquer tout ça, précisant bien : "parce que moi j'ai riiiiiiiien compris". Puis il réclamera l'apéro, à 17h25 pétantes, pour oublier tout ce que j'ai pu lui dire et rester sur l'idée que "ce film, quand même, fils, c'était nuuuuuul à chier", et on trinquera au son de sa phase signature : "on est mieux là qu'en prison, pas vrai ?", avant de se lancer dans le tunnel sans fin du récit de ses anecdotes d'ex-taulard, et d'enchaîner au dessert sur les aventures qui lui ont promis tant d'excursions en zonzon, comme la fois où il a confondu son voisin "Coca" avec un cerf élaphe lors d'une battue du côté de Pradinas, ou celle où il a fait "accidentellement" tomber un arbre sur Joselu, le témoin de mariage "de droite" de son beau-frère par alliance.




Bon mais c'est mon oncle, tonton Scefo, je tolère. Sauf que pas au cinéma bordel. Et pourtant j'ai commis la faute moi-même, je le confesse. Je suis parti aux cabinets en plein film. Et j'ai failli ne jamais revenir. Costner m'avait roulé, trahi, planté un poignard dans le dos. On s'attendait à un Danse avec les leups 2, ou au pire à un revival de The Postdamn, or ce n'est rien de tout ça, et cet Horizon : une saga blablabla ferait même passer Open Range pour un chef-d’œuvre (ce qu'il n'est absolument pas, n'en déplaise au co-auteur de ce blog). Quel ennui... Mais quel ennui ! On entend ici et là, parmi les trois teubés qui comme moi sont allés voir cette sanie, jurer au grand retour du classicisme, à John Ford ressuscité. Mais quelle mascarade. S'il faut parler de Ford parce qu'on voit un vieux chef indien sage et pacifique se disputer avec un autre plus jeune qui préfère dérouiller les blancs, ou parce qu'un jeune peigne-cul d'officier, gendre idéal à la noix (Sam Worthington, au charisme digne d'une belle endive au jambon, mais sans le goût), séduit sans forcer la blonde veuve aux lèvres botoxées (Sienna Miller), alors insultons Ford tout de suite et n'en parlons plus. Quelle indignité. Une preuve de plus que notre époque est folle, que nos contemporains ne sont pas tranquilles, perdent le sens commun dans un monde qui va trop vite et trop à droite, et qu'on va tous dans le mur sans ceinture. Les temps sont pauvres, certes, l'art est mal, l'offre est vide, mais le discernement est-il encore une notion bien concrète dans nos esprits d'humains vérolés aux perturbateurs endocriniens, contaminés aux polluants éternels, étouffés par la connerie ambiante et autres métaux lourds, neutralisés par les ondes web et la cacophonie crétine d'une mondialisation qui touche le fond ? Questions rhétoriques et vides de sens qui ont le mérite d'être plus nombreuses, plus profondes et mine de rien mieux articulées, grammaticalement parlant, que celles posées par Costner dans son anti-pensum où résonne creux le néant de ses idées.
 
 

 
Le film de Costner est à peine une très mauvaise mini-série Netflix (pléonasme), avec ses changements de personnage toutes les 5 minutes, personnages tous plus fades et ineptes les uns que les autres, stéréotypes inanimés pris dans des "arcs narratifs" sans flèches (un seul exemple : l'opposition, au sein de la diligence qui se dirige vers le fameux Horizon, entre les intellectuels fainéants de la ville et les travailleurs bourrins de la campagne, pitié...). Pire, ils sont interprétés par des cucurbitacées humaines. Le jeu des comédiens de ce film est une aberration sans nom, indicible, impossible à mettre en mots sous peine de réveiller quelque mal trop ancien qui renverserait sans doute l'ordre des choses et du cosmos. Sam Worthington, qui ne s'emmerde même pas à faire semblant de jouer, à l'image de Luke Wilson ou de Will Patton, Sienna Miller, qui tombe amoureuse du premier comme on tombe amoureuse dans Desperate Housewives, et Georgia McPhail, l'adolescente pleurnicheuse, dont le jeu évoque celui, de plus en plus niais, des acteurs de séries merdiques, comme ceux de la récente Lord of the Rings : Rings of power (rien à voir avec Horizon, mais je cite ici cette honte filmique, pour soulager qui comme moi a subi cette "création" Amazon dégradante pour tout le monde). Je viens de citer, de mémoire, les acteurs peut-être les plus alarmants au générique, mais toutes et tous méritent le goudron et les plumes. A l'exception de Costner lui-même, qui sait encore être présent à l'image, sans forcer, sinon sur sa voix rogue, mais qui a oublié de se donner un rôle, du moins autre que celui d'éternel bellâtre de passage, cowboy au grand cœur venu sauver la veuve et l'orphelin. En tout cas, grand-pa Costner ne doute pas de sa capacité à toujours faire craquer la blouse des minettes de 18 ans, ce qui finalement ne nous étonne pas.




Il ne fait décidément pas bon vieillir. Papy Costner a dirigé son film comme Joe Biden dirige son pauvre pays : on préfère ça à la plupart de ses concurrents du moment, mais bon dieu y'a plus personne au volant, et le bonhomme confond Zelensky avec Poutine, Kamala Harris avec du pain de mie et John Ford avec Philippe Haïm. Le vieux déménage complètement. Lui qui signait un pur western pro-indiens en 91, qu'on peut aimer ou pas, que j'ai vu enfant et que donc j'aime bien, se retrouve presque à virer droitier, comme la plupart des vieilles personnes il est vrai. S'il voyait ça Tonton Scefo n'en ferait qu'une bouchée. Les indiens, dans ce premier volet de trois heures qui en paraissent trois cents, sont réduits à peau de chagrin. Je ne parle même pas des deux figurants noirs et de la silhouette chinoise qui passe au fond d'un canyon à un moment. D'ailleurs le petit homoncule qui m'accompagne au ciné quand j'y vais solo, qui m'accompagne en fait tout le temps quand je suis seul, bien qu'invisible aux autres, juché sur mon épaule pour me susurrer à l'oreille quelques saloperies, m'a même soumis une remarque gênante quant à la répétition insistante de la réplique "I can't breathe" que prononce la très mauvaise comédienne Georgia McFail. (Parenthèse ici sur elle encore, pour dire qu'elle joue très mal, car je ne suis pas certain de l'avoir mentionné, et sur son personnage, tellement prévisible, comme quand plus tard elle confectionne des petites fleurs cousues main qu'elle donne à chaque soldat partant pour la guerre de sécession... et un autre personnage très naze, pseudo-comique, de sous-officier moustachu, ventru et bon vivant, celui-là même dont la femme est une sale peau de vache finalement adorable (et il faut voir aussi le jeu des deux jeunes soldats que ce sergent embringue pour aller piquer un truc dans la tente de sa femme dans une séquence de néo-burlesque digne des meilleures heures de Benny Hill, on n'avait pas vu des gens jouer comme ça depuis Petit-Pied dans la vallée des merveilles), le sergent donc d'y aller avec ses gros sabots comme quoi quand ses recrues crèveront toutes, c'est cette maudite fleur en papier crépon qu'ils serreront sur leur cœur, comme quoi ça a de la valeur ces petits gestes des petites dames bien mignonnes, et tartine m'en encore du bon sentiment que j'oublie pas comment ça goûte ; or si toute cette chienlit que je viens d'évoquer avec douleur c'est aussi censé "faire Ford", revoyons She Wore a Yellow Ribbon et pendons-nous tout de suite). Fin de la parenthèse, je reviens, moi-même en quête d'air frais, à la réplique, "I can't breathe", les mots de George Floyd au moment de son assassinant par un flic blanc, aux prémices du mouvement Black Lives Matter, prononcée ici plusieurs fois de suite, dans le silence d'un tunnel creusé sous une maison en flammes, par une fille blanche, blonde, assiégée par de sauvages indiens... Ce serait pas un aveu de droitisation de la part de papy Kevin ? m'a glissé mon homoncule dans le conduit auditif, encore plus dégoûté de moi par le film (il est fan de Waterworld), au point de divaguer à son tour.




Alors oui, certains des éléments du scénario de la Costne peuvent "faire" Ford. Mais si Ford c'était du scénario, on regarderait pas ses films. Quand il essaie de faire quelque chose avec sa caméra qui ne se limite pas à enfiler les clichés de la façon la plus plate et hideuse qui soit, avec environ 95% de séquences baignées d'orange et de bleu et éclairées par le côté façon coucher de soleil permanent, là aussi comme c'est l'usage dans les pires blockbusters de notre époque et surtout dans l'immense majorité des séries dégueulasses qui font les choux gras des plateformes, le tout sur un rythme qui pourrait achever un cheval, Costner lorgne vite fait mal fait sur les derniers westerns qui auront connu le succès, soit ceux de Tarantino, déjà fort mauvais. Dans cette scène, par exemple, inique et gênante, où le personnage de Costner grimpe la petite colline d'un village pour aller coucher avec la trop jeune fille qui lui a fait du gringue un peu plus tôt et se voit accoster, ou plutôt harceler, par un abruti de pied tendre qui se dirige vers la même casbah pour, lui, y faire du grabuge. Le jeune débile, (mal) interprété par Caleb Sykes, pur clicheton lui aussi, tête brûlée, idiot impulsif et violent qui l'ouvre trop et que son frère doit toujours tancer parce qu'il aime à emmerder tout le monde en la ramenant avec un grand sourire de trépané, cherche des noises à Costner pendant au moins 15 minutes de dialogues creux dépourvus de toute vie, et ça tchatche, et ça tchatche, et ça s'arrête pour pisser (sûr que c'est lui qui m'a donné envie d'y aller, et Costner de lui tenir son fusil comme je tiens la télécommande sans mettre pause quand tonton Scefo part uriner en visant le centre de la cuvette pour ne plus entendre le moindre son émanant du bon petit film qu'il m'a demandé de lui soumettre), et que ça tchatche encore, dialogues à blanc, et la tension monte en même temps que les deux crétins se toisent du coin de l'oeil et montent à flanc de colline (subtilité !), jusqu'au déchargement de violence final une fois arrivés en haut, dans un mexican stand-off sans surprise ni saveur. Triste travail papy Costner. Tu filmes assis dans un fauteuil, comme un sénateur, vieil homme ! Je ne suis pas parti à la mi-temps de ta bouse ultra inoffensive (tu n'aurais même pas passé la phase de groupe à la place de la Dèche sur le banc de nos bleus anesthésiés par l'abus de choucroute-saucisse, avec Giroud goal volant dans les cages à la place de Maignan, pour se ramasser de grosses volées de bois vert sans jamais cadrer une foutue frappe et finir avec un total de points négatif), mais ne compte pas sur moi pour me taper le match retour, si tes producteurs sont encore assez fous pour distribuer la ou les suite(s) de ce carnage. Le générique final sur fond de "Amazing Grace" m'a terminé. J'avais tout prévu, j'avais tout peaufiné, j'étais prêt, j'avais mis toutes les chances de ton côté... J'avais dit à gauche, Pignon...
 
 
Horizon : une saga américaine, chapitre 1 de Kevin Costner, avec Kevin Costner, Sienna Miller, Sam Worthington, Luke Wilson, Georgia McPhail et Caleb Sykes (2024)