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19 février 2023

Le Vieux fusil

Revu ce film récemment. Ou plutôt enfin vu ce classique. Je n'en avais aperçu que quelques extraits un soir que mes parents le regardaient à la télé, à l'époque. Mais cette fois-ci je l'ai vu et bien vu. C'était important. Je me souviens, il y a une quinzaine d'années, d'un vendeur de la fnac vociférant dans son rayon qu'il était scandaleux que "le plus grand film français" n'existât pas en dvd... Bon. Le plus grand vigilante français, à la rigueur ? Et encore, ça m'étonnerait. Mais soit. Robert Enrico a fait son travail, il faut le reconnaître. Je ne dirais qu'une chose sur ce film : il porte mal son titre. Le vieux fusil éponyme c'est celui que Noiret utilise pendant une bonne partie du film pour dégommer un par un les SS de la division Das Reich qui peuplent son château du Quercy et qui, sentant venir la débâcle, ont massacré tout le village en contrebas, mais aussi la jeune épouse et la fille du chirurgien montalbanais. Mal leur en a pris car l'autre a décidé de devenir un serial killer, une machine de mort, le Rambo du Tarn-et-Garonne, de se venger et de tous les fumer, avec donc son vieux fusil. 
 
 

 
Mais la pétoire du père Noiret n'a finalement que peu d'intérêt en soi. Non, l'arme qui prend toute la place dans ce film, c'est le lance-flamme des nazis. C'est avec lui qu'ils ont foutu le feu à Romy Schneider après l'avoir violée (cf. l'affiche). On le sait grâce à un des mille (pénibles) flashbacks qui scandent le film. Un flashback du reste incohérent car si tous les autres montrent des souvenirs de Noiret (la rencontre avec sa femme, les bons moment passés au château, etc.), celui-ci lui vient de nulle part quand il découvre les cadavres de sa femme et de sa fille à quelques pas des SS qui s'échinent à réparer leur véhicule semi-blindé, étant donné qu'il était absent au moment des meurtres, mais peu importe. C'est avec ce même lance-flamme que les assassins traquent Noiret dans les sous-sols et catacombes de son château sans parvenir à lui mettre le grappin dessus. Et c'est toujours ce lance-flamme que Noiret récupère à la fin du film, après avoir oublié son vieux fusil près du puits où il vient de noyer les deux derniers soldats de la compagnie, pour s'en aller finir le travail : il se retrouve derrière le miroir sans teint du salon, qui laisse voir la pièce depuis une coursive secrète creusée dans le mur (installation qui révèle chez le personnage de Noiret un probable malade vicieux espionnant ses invités en douce...), et observe face à lui, de l'autre côté du miroir, l'officier ennemi responsable de la chienlit, incapable de le voir quant à lui, occupé à s'ôter un bout de rôti d'entre les dents avec une fourche de paysan décrochée du mur du salon. 
 
 

 
Noiret déclenche le lance-flamme, fait fondre le miroir et crame son ultime ennemi à travers la vitre explosée, foutant le feu à tout le château par la même occasion. Tout ça pour dire que si j'avais été Robert Enrico, j'aurais appelé mon film Le Gros lance-flamme plutôt que Le Vieux fusil. Et, quinze ans en arrière, écoutant le vendeur de la fnac complètement à cran hurler à qui ne voulait pas l'entendre : "C'est une honte que Le Gros lance-flamme, plus grand film français de tous les temps, n'existe pas en dvd !", je n'aurais peut-être pas attendu quinze piges pour rejeter un œil à l'affaire.
 
 
Le Vieux fusil de Robert Enrico avec Philippe Noiret et Romy Schneider (1975)

24 mars 2014

Ne te retourne pas

Faut-il être au fond du trou pour lancer un film pareil. Il y aurait une thèse à écrire sur l'état dans lequel on se trouve quand on appuie sur "Play" pour lancer un film comme ça. Sauf pour ceux qui l'ont fait en croyant avoir téléchargé Don't look now de Nicholas Roeg. Tous les autres sont des fumiers et nous en faisons partie ! L'idée de ce film ? Réunir Bellucci et Marceau. Les deux actrices partagent la particularité de cumuler une bonne vingtaine d'années de fantasmes masculins nourris, soit quarante piges de désir inassouvis et plus rarement effleurés, comme par Bertrand Tavernier qui, rappelons-le, avait un regard tout ce qu'il y a de plus normal avant de tourner La Fille de D'Artagnan (pur souvenir de cinéma). Sur le tournage de ce film, le cinéaste français s'est littéralement fracturé les yeux. Qui ne se souvient pas de cette scène où Sophie Marceau retire le haut (sa chemise explose, plus précisément) sous les yeux encombrés de son père incarné par un Philippe Noiret plus ripoux que jamais ? Après cette séquence, vue au cinéma à la sortie du film, sur écran géant, nous étions nombreux à avoir besoin de changer de caleçon !


A chaque coup de clap de Bertrand Tavernier (dont les mirettes commencèrent à cet instant précis à zieuter dans tous les sens), l'acteur ci-dessus, qui à la réflexion n'est pas peut-être pas Philippe Noiret, passait en une fraction de seconde de la position couchée, yeux mi-clos, à la position raidie, arborant les billes les plus exorbitées du monde, celles du clebs de Tex Avery.

Lycéenne au Lycée Henri IV (un assez bon bahut, l'équivalent de la Mosson à Montpellier ou du collège La Reynerie à Toulouse), Marina de Van, la réalisatrice de cette rognure filmique, a ensuite fait la Fémis, avant d'enchaîner les scénarios pour François Ozon (Sous le sable et surtout 8 femmes, qu'elle qualifie de "personal favorite") et Pascal Bonitzer (Je pense à vous). Et puis la voilà propulsée cinéaste, et la jeune femme fait parler d'elle avec ce thriller français (chose assez rare il est vrai) qui se fait fort de réunir deux actrices célébrissimes dans un coup médiatique de grande ampleur. Le film est irregardable, on le sait au bout de quelques secondes, mais il enfonce le clou dans une scène d'un ridicule inimaginable, où Marina de Van a le toupet d'insérer son propre faciès au cœur d'un morphing hideux entre les visages de Sophie Marceau et Monica Bellucci, comme si l'association miraculeuse de ces deux stars internationales à la plastique appréciée depuis la pointe de la Patagonie jusqu'en Terre Adélie devait aboutir à Marina de Vans. L'actrice-scénariste-réalisatrice veut bien sûr placer là un clin d’œil du genre "Emma Bovary, c'est oim", mais, ce faisant, elle se présente comme le chaînon manquant entre la madone méditerranéenne aux formes faramineuses et le charme bien "à la française" de Sophie Marceau, faite égérie de William Wallace par un Mel Gibson plutôt à l'affût sur ces coups-là. Marina de Vanne à deux balles prétend partager un peu de l'ADN de ces deux bombastics, simply fantastics. Let me laugh.


Entre l'idéal italien et l'élégance française : Beetlejuice.

Rappelons que ce film fut sélectionné hors-compétition à Cannes en 2009. Merci Thierry Frémaux. Cette projection cannoise, où le film reçut un accueil congelé, fut vécue comme un cauchemar par Marina de Van qui, une chance pour elle, n'a pas assisté à la projection sur notre canapé, dont elle ne se serait certainement pas remise. Toujours est-il que la réalisatrice poursuit son petit bonhomme de chemin puisqu'elle vient de sortir Dark Touch, titre anglais dont on sent bien qu'il a été trouvé par une francophone à la ramasse. Un autre long métrage irregardable à l'actif de De Van, dont la date de sortie aurait dû rester "prochainement" jusqu'en 2030 au bas mot.


Ne te retourne pas de Marina De Van avec Sophie Marceau et Monica Bellucci (2009)

14 mars 2011

La Permission de minuit

Un invité spécial venu tout droit de Belgique, répondant au doux nom de Thomazinette, a vu pour nous La Permission de minuit, diffusé en ce moment dans les salles. Il l'a vu en présence de son idole, notre idole à tous, Vincent Lindon, et il en parle pour le blog :

Hier soir je suis allé voir l'avant-première de La Permission de minuit, pour laquelle j'avais gagné des places gratos. J'étais au premier rang, guettant la moindre apparition de ce profil d'aigle cramoisi qu'est celui de Vincent Lindon. La réalisatrice, Delphine Gleize, m'était inconnue à ce jour. Il paraîtrait qu'elle aurait soi-disant tourné avec Jean Rochefort et Paul Giamatti, pas mes acteurs préférés mais bon - enfin, si, Jean Rochefort est en fait mon acteur préféré. Jean Rochefort est le préféré de mes acteurs français et derrière lui arrivent en trombe feu Philippe Noiret et Vincent Lindon.



C'est comme ça qu'il est arrivé hier soir, dans le même costume que celui du film, le même costume aussi que celui du film Pour elle, un manteau de flanelle noire, chic, usé, en forme olympique. En dessous de ce manteau, il avait sa blouse de docteur, car il incarne un dermatologue dans ce nouveau film. Toujours dans son rôle, il a sorti quelques ordonnances, les a distribuées au vol en ajoutant quelques commentaires du genre "bien avant le repas, madame Fouyette", et autres précautions envoyées à tout va à cette foule en furie qui en redemandait. Certaines femmes se sont même pâmées lorsqu'il leur tendait ses scribouillis spécialement travaillés pour être les plus illisibles possibles. Voici celui qu'il m'a nonchalamment envoyé valdinguer à la figure, de façon distraite, à la manière d'un doc, en vérifiant du coin du regard si j'étais toujours là et en se balançant sur sa chaise derrière son bureau spécialement apporté dans la salle de ciné pour faire plus "consultation". Il a ajouté : "N'hésitez pas à en prendre deux le matin, ça fait partir les naevus".



Le film raconte une amitié touchante entre le docteur Lindon, homme à tout faire du cinéma français, et un petit enfant génétiquement mal loti, dont la peau ne peut être exposée au soleil sous peine de cancer. Lindon, pris d'un éclair de génie, lui file un de ses bouquins de jeunesse, Les aventures d'Arthur Gordon Pym, par Edgar Allan Poe. L'enfant enrage face à ce calembours trop facile. Lindon n'en démord pas et rétorque : "Monsieur et madame Rétapo ont un fils. Non ? Tu vois pas ? Joe !". Sur ce, l'enfant fait une fugue. Plus tôt dans le film, on retrouve Vincent Lindon au restaurant avec cet enfant de la nuit, cet hijo de la luna, se trimballant toujours en combi comme dans Moon de Duncan Duck Bowie.



Ils décident de parler entre hommes derrière leurs plats de moules respectifs. Et c'est un morceau de bravoure du film puisque Vincent Lindon, en bon homme à tout faire, se met à expliquer le sexe à ce jeune adolescent qui n'en demandait pas tant. Un quart d'heure passé à cataloguer toutes les culbutes possibles et imaginables tout en décortiquant des moules visiblement cuites dans une casserole pleine d'ail, c'est vraiment un plat de résistance. Arrivé à sa dernière moule, Vincent Lindon fait s'évaporer la tension, puisqu'il termine son exposé par : "Enfin l'important, c'est que la femme que tu aimes n'ait pas à se plaindre !". Peut-être que tant de circonvolutions préalables n'étaient pas nécessaires pour en arriver là, mais ce moment de relâche et de sincérité virile fait en tout cas plaisir à voir. Ni une ni deux, joignant le geste à la parole, le doc tape alors de ses doigts graisseux le numéro de sa douce épouse sur son mobile, attend le sourire aux lèvres qu'elle décroche, et puis là, c'est le choc. Devant les éructations émises par le téléphone, son sourire s'efface et la conscience lui revient : sa femme dormait, car lui et son petit patient ne sortent que la nuit. C'est l'une des autres qualités des films portés par Lindon, qui nous montrent un homme sincèrement dévoué et prêt à tout faire, en restant un bon gros paumé, ou comme dirait Joe Dassin : "Un bon vieux gros chien mouillé ".

À part ça, le film recèle beaucoup de moments touchants, mais perd parfois une unité de propos qui fait qu'on ne voit pas toujours où ça va. La ligne de rupture dans l'amitié Vincemoutche-Fiston structure bien le scénario, mais laisse un espace un peu long que la réalisatrice peine à remplir en scènes intenses de manière constante. Ça n'enlève rien à la clémence qu'appelle du pied le regard poignant de cet écorché de Vincent Lindon, et que l'on est ravi d'offrir à cette œuvre. J'étais bien content de rencontrer ce brave type, ce survolté, ce touchant homme qui donne de lui.


La Persmission de minuit de Delphine Gleize avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos (2011)