2 octobre 2018

Upgrade

Leigh Whannell était surtout connu jusqu'à présent comme le co-scénariste régulier de James Wan, notamment pour le premier Saw et la saga Insidious, dont il a signé le troisième chapitre. Il nous livre ici son premier long métrage original en tant que réalisateur et scénariste. Upgrade est également une nouvelle production Blumhouse (Get Out, Split...), une société en plein boom spécialisée dans le cinéma de genre et les films à petit budget dont le contrôle artistique est laissé aux cinéastes. Malgré quelques franchises sans grand intérêt mais très lucratives, force est de reconnaître que l'on doit à Blumhouse un dynamisme appréciable pour le genre et quelques titres de qualité qui lui permettent à présent de jouir d'une certaine crédibilité artistique, parmi lesquels ceux qui ont permis la résurrection de notre ami Shyamalan. En réalisant ce "vigilante film" de science-fiction, teinté d'horreur et d'humour, Leigh Whannell s'inscrit quant à lui dans la pure série b pleinement assumée et vise le plaisir du spectateur avant tout. Bonne surprise : le cinéaste réussit plutôt bien dans sa noble entreprise.





On suit donc la vengeance de Grey, un homme dévasté devenu tétraplégique suite à une agression terrible et gratuite lors de laquelle il a dû assister, impuissant, au meurtre de sa femme. Il est accompagné dans son désir de justice par une puce implantée au sommet de sa moelle épinière, la dernière innovation en matière d'intelligence artificielle, qui lui permet de retrouver l'usage de son corps et même d'exploiter toutes ses capacités en contrôlant chacun de ses gestes, au point de le transformer en une sorte de robot inarrêtable. Autre détail, et non des moindres, cette intelligence artificielle, prénommée Stem, s'avère assez causante et se met à dialoguer avec le héros, qui est le seul à pouvoir l'entendre. Ces dialogues intérieurs et les décalages qui les caractérisent offrent les quelques moments plutôt amusants de ce film dont le premier objectif, atteint haut la main, est donc de nous divertir.





Le scénario d'Upgrade pourrait être l'origin story réussie d'un nouveau super-héros (ou super-vilain...) au sombre background ou l'adaptation d'un comic book méconnu avec ce personnage mi-humain mi-machine doté de capacités exceptionnelles, assoiffé de vengeance ou de pouvoir et évoluant dans un monde cyberpunk mal famé où les truands dissimulent des armes à feux dans leur chair. On pense aussi inévitablement au Robocop de Paul Verhoeven, ne serait-ce que pour la scène traumatique initiale qui précède la transformation du héros, mettant en scène une bande de malfrats cruels et sans pitié. Cette histoire est en tout cas un solide prétexte à quelques scènes d'action plaisantes (on regrettera juste une poursuite en voiture assez molle), et l'ensemble est mené à un rythme soutenu qui fait que l'on ne s'ennuie jamais. Dans un contexte peu évident, Logan Marshall-Green, longtemps réduit à ce statut ingrat de Tom Hardy du pauvre pour leur ressemblance physique troublante, prouve qu'il vaut bien mieux que ça et qu'il a les épaules assez solides pour porter de tels films. L'acteur ressort en effet comme l'un des grands gagnants du projet.





L'univers futuriste cohérent et malin dans lequel nous plonge d'emblée Leigh Whannell et la très bonne allure générale d'un film qui ne paraît jamais fauché participent très largement à nous rendre Upgrade immédiatement sympathique. Car le plus grand mérite du réalisateur australien est d'avoir pondu un film de science-fiction qui, malgré son budget de 5 millions de dollars, n'a rien à envier aux plus gros blockbusters actuels, bien au contraire. C'en est même surprenant. On croit sans souci à ce futur indéfini que l'on se plaît à découvrir, dans lequel l'assistance permanente de l'intelligence artificielle, de la robotisation et autres drones de surveillance ont pris une place prépondérante. On retrouve là-dedans quelques idées toutes simples mais bien trouvées comme la disparition des claviers d'ordinateurs, ceux-ci enregistrant et exécutant ce qu'on leur dit oralement. Bien que la réflexion sur l'IA n'atteigne pas non plus une grande profondeur philosophique, l'aspect très séduisant de cette pourtant modeste production nous permet d'être indulgent à l'égard de son scénario simple et ludique dont la conclusion s'avère peut-être un peu trop prévisible. On pardonne également les petites incohérences d'une histoire qui s'annonce comme divertissante avant tout et invite à ne pas chercher la petite bête.





On sort donc d'Upgrade assez amusé, l'humeur au beau fixe, en bref, dans cet état caractéristique après la vision d'une bonne petite série b, un terme qui n'a ici rien de péjoratif, mais qui définit bien une œuvre comme celle-ci, faite avec le cœur et une ambition réelle mais mesurée, consciente de ses limites et portée par de nobles objectifs, comme on aimerait vraiment en voir plus souvent. On espère une suite du même acabit et on est heureux de désormais compter Leigh Whannell parmi les nouveaux cinéastes spécialisés dans le genre digne de respect, au contraire de son ancien acolyte James Wan, dont les films gagneraient sans doute à être animés par la même humilité, toujours source de bienveillance chez le spectateur aguerri.


Upgrade de Leigh Whannell avec Logan Marshall-Green, Melanie Vallejo et Betty Gabriel (2018)

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