"Let's Scare Jessica To Death", ça claque comme titre, non ? Foutons la trouille à Jessica ! Un peu moins... Heureusement, personne n'a eu la mauvaise idée de traduire ce titre en français. Reste à savoir si ce film a déjà été distribué dans nos contrées, ce qui n'est pas sûr du tout, mais c'est un autre sujet... En tout cas, aucun personnage ne prononce cette phrase durant les 88 petites minutes que dure ce film datant de 1971, devenu culte bien que resté relativement obscur. Nous le devons à John D. Hancock, un réalisateur qui n'a rien signé d'autre de très notable (à l'exception peut-être de Bang the Drum Slowly, sorti deux ans plus tard et ayant alors participé à la reconnaissance de Robert De Niro, méconnaissable dans la peau d'un joueur de baseball mentalement diminué) et s'est consacré à la mise en scène pour le théâtre après de multiples déboires avec les grands studios hollywoodiens (c'est notamment lui qui devait initialement réaliser la première suite des Dents de la Mer avant d'abandonner face à la bêtise des producteurs). Mais revenons à Jessica...
C'est dans un vieux corbillard d'occasion conduit par son mari que la jolie Jessica revient d'un long internement en hôpital psychiatrique pour dépression nerveuse. Direction le Connecticut et, plus exactement, une vieille maison isolée, au milieu des vergers et entourée de cours d'eau, fraîchement acquise par son homme. Une fois arrivés à la ferme, ils font la rencontre d'Emily, une jeune femme rousse plutôt accueillante qui, leur dit-elle, s'était permise de prendre possession des lieux, les ayant trouvés vides, mais prête à plier ses bagages. Jugée très sympathique et de bonne compagnie, Emily est invitée à rester vivre avec le couple et un autre ami. Rapidement, Jessica est témoin d'étranges apparitions, elle en fait part à son époux qui se met progressivement à douter de son état de santé...
A partir d'un pitch a priori assez classique de film de maison hantée, Let's Scare Jessica to Death ne prend jamais tout à fait cette direction-là. Dès les toutes premières minutes, nous doutons nous aussi de l'état de santé mental de la perturbée Jessica. Est-elle vraiment remise, elle dont le plus grand hobby consiste tout de même à aller décalquer méticuleusement les plus belles pierres tombales des cimetières qu'elle croise sur son chemin ? A-t-elle des visions ? S'agit-il de fantômes, de morts-vivants, de vampires ou, tout simplement, de nouveaux voisins un brin flippants (nous sommes à la campagne) ? Et d'où viennent ces voix qu'elle entend régulièrement ? Sur un rythme assez lent, propice à installer une atmosphère glauque à souhait, le cinéaste entretient le doute jusqu'au bout et, malgré cette indécision, son film garde une bonne tenue, ne perd pas notre intérêt et ne donne jamais l'air de jouer facilement avec nos nerfs.
John D. Hancock laisse beaucoup à notre imagination, reste dans le non-dit, se consacrant pleinement à dresser le portrait psychologique de son personnage principal, incarné avec talent par Zohra Lampert, quitte à nous enfermer avec elle dans une chambre bien sombre pour nous permettre d'assister à une crise d'angoisse douloureuse lors d'une scène qui n'a rien de réellement impressionnant mais qui captive paradoxalement par le calme, voire la douceur, avec laquelle elle est filmée. Malgré tout, l'ambiance est assez noire, lourde, bizarre. Des observateurs ont souligné les similitudes avec la nouvelle de Le Fanu Carmilla, dont le film serait une adaptation déguisée. Ce n'est qu'à la toute fin que le réalisateur révèle toutes ses cartes, lors d'une conclusion qui ne manque pas de nous glacer le sang et vient assurer la place de Let's Scare Jessica to Death aux panthéons des belles curiosités et autres pépites au doux parfum des seventies que se doit d'avoir vu l'amateur de cinéma fantastique.
Let's Scare Jessica to Death de John D. Hancock avec Zohra Lampert, Barton Heyman, Mariclare Costello et Gretchen Corbett (1971)
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