23 octobre 2018

First Reformed

On le croyait cinématographiquement mort, perdu à jamais, fini, fumé, complètement foutu... et le voilà qu'il nous revient en pleine forme ! Vraisemblablement très inspiré par son sujet, Paul Schrader signe en effet son grand retour avec First Reformed, un film qui, hélas, demeurera invisible dans nos salles malgré l'accueil chaleureux qui lui a été réservé outre-Atlantique et lors du Festival de Venise où il figurait en compétition. Également auteur du scénario, Paul Schrader renoue avec ses thèmes favoris : le terrorisme, le radicalisme et l'autodestruction, le christianisme, l'Amérique et ce monde de merde, corrompu jusqu'à la moelle, dans lequel nous vivons. C'est du lourd ! Le type est remonté à bloc et il a quelques comptes à régler !


Il a même perdu du poids !

Il était agréable pour moi de découvrir ce film sans rien savoir du pitch, je vais donc essayer de faire très simple car j'ai déjà mis dans le coma quelqu'un qui m'était proche en le lui racontant trop en détails... Ethan Hawke est le révérend d'une petite église protestante nommée First Reformed (d'où le titre, devenu par chez nous, pour les besoins de la triste sortie vidéo, l'ultra lourdingue Sur le chemin de la rédemption) qui va bientôt fêter ses 250 ans (l'église, pas Hawke, qui a toujours l'air d'en avoir 20 !). C'est un homme d'apparence solide mais, en vérité, au bord de la dépression. Pour se donner du pep's, il se met à tenir un journal, tel un bon curé de campagne, où il couche noir sur blanc ses pensées sordides.


Ethan Hawke reconnaîtra après le tournage "ne pas [s']être senti super à l'aise dans les oripeaux du révérend", soulignant "une sensation de gêne au niveau de la glotte".

On apprend que notre saint homme a perdu son fils en Irak après l'avoir incité à s'engager sous les drapeaux, son mariage n'y a pas survécu, et c'est depuis lors qu'il s'est réfugié dans la foi. Celle-ci se verra lourdement remise en question après le suicide du mari d'une de ses fidèles. Ce dernier, activiste écologique et adepte de la collapsologie, était pourtant sur le point de devenir papa mais il ne souhaitait pas éduquer un enfant dans un monde aussi pourri. Les belles paroles du révérend, prononcées lors d'une chouette scène de discussion et d'échanges de points de vue, n'y ont rien fait : il a choisi de se tuer et ainsi d'ébranler encore davantage les croyances du révérend...


Ethan Hawke ne se sent pas à l'aise non plus sous le lampadaire flippant d'Amanda Seyfried.

Dès la première image, on sent que Paul Schrader est plus inspiré qu'il ne l'a été depuis peut-être plus de 20 ans ! Je précise que je ne me suis pas amusé à regarder tous ses derniers films pour m'en assurer (je suis blogueur ciné mais faut pas pousser), je m'appuie simplement sur sa filmographie et la réputation de ses dernières créations (j'ai également subi de plein fouet The Canyons, c'était rude ; et mon acolyte s'est tapé La Sentinelle, ce qui n'est pas rien !). Bref, rien à voir avec ces égarements ici, le vieux bonhomme est sur le coup !


Un véritable camaïeu inspiré au dirlo photo par toutes les nuances de couleurs présentes dans les yeux anxieux de l'immense Hawke.

Générique classe et minimaliste. Typo élégante. Choix du format académique (1,375:1 pour les connaisseurs). Ouverture par un lent travelling avant vers le porche de la fameuse église, suivi de quelques plans aux cadres propres et travaillés sur la bâtisse. Tout cela intrigue immédiatement et installe d'emblée l'ambiance. Les mouvements de caméra seront ici très rares (4 ou 5 à vue de nez), Paul Schrader opte pour un rythme assez lent et des plans fixes, laissant ses acteurs habiter l'image, à commencer par Ethan Hawke.


L'expression d'Hawke ne trompe pas : l'haleine de sa collègue n'est pas de la première fraîcheur.

Et quel acteur, quel mec ! Malgré sa beauté encore une fois irradiante, le playboy d'Austin (Texas) est tout à fait crédible et même bluffant dans le rôle de ce révérend en pleine crise de foi. Lui aussi a l'air très concerné et impliqué par le projet, n'hésitant pas à s'enlaidir pour le rôle, à jouer sans maquillage, à paraître plus vieux, à dissimuler ses formes si avantageuses qui lui ont autrefois valu le surnom de "The Body" (au même titre qu'Elle Macpherson et Jamie Lee Curtis). Mais rien n'y fait, il est toujours beau comme un cœur, trimbale une classe de dingue sous sa chasuble et je compte bien participer activement à la campagne #UnOscarPourHawke !


Un plan que Paul Schrader avouera "avoir seulement torché pour la bande-annonce et le dossier de presse".

Malgré le lumineux Hawke, le style du film est assez austère et si Paul Schrader apparaît parfois un peu coincé par son dispositif, il parvient tout de même à lui donner vie et à nous maintenir en alerte grâce à un scénario intelligent qui remet à jour ses problématiques habituelles. Par deux fois, il sort habilement de sa petite mécanique, d'abord lors d'une scène assez osée où de beaux et simples effets spéciaux sont à l'honneur, actant un moment décisif entre le révérend et sa fidèle, puis lors du final, qui progresse lentement vers un vrai suspense digne du plus tendu des thrillers. On comprend alors que le cinéaste a atteint son but. Il nous laisse pantelant sur notre fauteuil après un dernier plan réussi où il a l'audace de choisir la voie de l'optimisme et de l'Amour. La conclusion idéale d'un film coup de poing en forme de retour fracassant. 


First Reformed (Sur le chemin de la rédemption) de Paul Schrader avec Ethan Hawke (2018)

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