
L'épine dans la chair - D.H. Lawrence
Le poster franchement hideux de ce film n'a pas suffi à m'en éloigner. C'est pourtant un de ces films pas évidents à croiser, qu'on est allé chercher au fond d'une revue, qu'on a téléchargés (je ne parle pas pour moi, ne venez pas me chercher, pitié) à 10ko/s durant toute une année (année qu'on peut du coup rayer d'un grand coup de cutter sur son calendrier), et qu'on a vu seul y compris si on était accompagné. C'est pourtant un film sympathique et plutôt original. Les puristes du film de guerre et les férus d'Histoire le prendront peut-être en grippe dès la première minute, à en croire en tout cas la réaction épidermique de mon paternel, mais les autres y trouveront éventuellement, qui sait, un objet cinématographique inattendu, parfois d'une grande beauté et pour le moins intriguant.
La France raconte l'histoire d'une femme (Sylvie Testud) dont le mari est au front, engagé côté Poilu dans la guerre de 14. Elle crève du besoin de le revoir. Au début du film elle tente de le rejoindre sur le théâtre des hostilités mais elle est immédiatement rattrapée par la police française qui lui interdit de quitter son village parce qu'elle est une femme. Elle se coupe alors les cheveux très courts, s'aplatit les seins avec un bandage, enfile un pantalon et taille la route vers les champs de bataille en se faisant passer pour un jeune homme auprès d'une compagnie de soldats menée par un officier taciturne incarné par Pascal Greggory. Ces hommes auront tôt fait d'adopter Camille, cette femme qu'ils prennent pour un homme et qu'ils intègrent à leurs rangs, revêtue à son tour d'une tunique bleu cendre. Petite parenthèse. Sylvie Testud soulève une question sans réponse, dans la roue de Felicity Huffman qui nous la posait déjà dans Transamerica, la fameuse question de l'amour propre de ces actrices qui sont mises à mal par un scénario un peu rude à leur égard. Comment se fait-elle à l'idée qu'il suffit qu'elle se taille les cheveux en balais brosse et qu'elle se ramasse le poitrail avec des bandes bien serrées pour être immédiatement et unanimement considérée comme un mec ? C'est un débat que j'entretiens régulièrement avec moi-même devant ce genre de cas et qui me hante toujours en fond de tâche. Mais pour en revenir au film, il faut préciser l'essentiel et dire la situation de cette troupe de Poilus : ils sont déserteurs et tentent une fuite loin des tueries qui semblent avoir irrémédiablement blessé leur âme. Or, seconde particularité, leur principal moyen d'expression collégial est la musique, qu'ils pratiquent régulièrement en chœurs sur des instruments vétustes.

Ces séquences musicales sont très particulières car les soldats jouent une musique relativement gaie et assez actuelle que Serge Bozon, le cinéaste, décrit lui-même comme "une synthèse de la popsike anglaise et de la sunshine pop californienne", ce qui me paraît très juste même si je suis une bille en musique sorti de No Apero et de Milk. Ces chansons étonnantes, bien balancées par des soldats inspirés, sont à deux doigts d'être irritantes en même temps qu'elles sont fort plaisantes, voire assez mémorables, assez persistantes en moi qui d'habitude n'ai qu'une chanson en tête : "Independent women Part 1" des Destiny's Child, ces filles du Destin qui prônent l'indépendance des femmes en tendant leurs bulbes à toutes les caméras.

La France est donc fort intéressant. C'est un film de guerre sans la guerre mais sur la guerre. On n'assiste pratiquement à aucun combat, l'ennemi est à peine là, mais la tension, la crainte, le traumatisme sont bien présents. A la fin du film la violence rattrape la troupe des déserteurs à contrepied de ce qu'on aurait pu soupçonner, puisqu'elle implique non pas des militaires mais des civils et vient opposer un frein à la longue marche des repliés qui fuient l'horreur pour se réfugier vers une utopie à priori inaccessible. La guerre reste hors-champ bien qu'on la sente toute proche, tenue à l'écart par cette équipée sans espoir, itinérante et mutique, qui lorsqu'elle s'autorise la parole, par des chants communs ou par la voix parlée d'un seul, dit tout d'un bloc la vérité.

La France est donc fort intéressant. C'est un film de guerre sans la guerre mais sur la guerre. On n'assiste pratiquement à aucun combat, l'ennemi est à peine là, mais la tension, la crainte, le traumatisme sont bien présents. A la fin du film la violence rattrape la troupe des déserteurs à contrepied de ce qu'on aurait pu soupçonner, puisqu'elle implique non pas des militaires mais des civils et vient opposer un frein à la longue marche des repliés qui fuient l'horreur pour se réfugier vers une utopie à priori inaccessible. La guerre reste hors-champ bien qu'on la sente toute proche, tenue à l'écart par cette équipée sans espoir, itinérante et mutique, qui lorsqu'elle s'autorise la parole, par des chants communs ou par la voix parlée d'un seul, dit tout d'un bloc la vérité.
La France de Serge Bozon avec Syvie Testud, Pascal Greggory et Guillaume Depardieu (2006)