Affichage des articles dont le libellé est Jacques Audiard. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Jacques Audiard. Afficher tous les articles

16 octobre 2019

Amin

Trois ans après Fatima, son plus grand succès critique et public, auréolé d'un César du Meilleur film obtenu au nez et à la barbe de Jacques Audiard, Phil Faucon revient à la 3D : délicatesse, douceur et dignité. Trois adjectifs qui peuvent encore une fois caractériser son dernier film, une nouvelle histoire d'immigré où l'on suit cette fois-ci le bel Amin (Moustapha Mbengue), un homme d'une quarantaine d'années venu du Sénégal pour travailler en France sur les chantiers. Éloigné de sa femme et de ses trois enfants, qui grandissent bien loin de lui, Amin rentre au pays de temps en temps pour y rapporter une bonne partie de l'argent qu'il gagne. Au hasard d'un chantier, il fait un jour la rencontre d'une femme en plein divorce, incarnée par Emmanuelle Devos, dont il retape la terrasse avant de visiter l'intérieur.




Phil Faucon filme avec une très grande simplicité une galerie de personnages sur lesquels il porte un regard des plus humains et empathiques (seul l'ex-mari de Devos paraît sacrifié par le scénario, passant simplement pour l'empêcheur de tourner en rond). C'est un vrai plaisir de suivre un film social si juste et intelligent, à des années lumière du misérabilisme parfois de mise dans ce type de cinéma, et l'on se rapprocherait parfois plutôt d'une certaine naïveté. Un petit défaut que l'on pardonne volontiers à Phil Faucon. Le style épuré du cinéaste paraît être ici arrivé à un point de maturité, offrant quelques moments d'une surprenante sensualité lors des retrouvailles intimes ou des découvertes amoureuses et livrant même une parenthèse sénégalaise qui émerveille littéralement. Cette séquence au Sénégal constitue clairement la plus belle partie du film : au retour d'Amin en France, nous ressentons d'autant mieux le manque et le décalage que le personnage subi.




On passe donc un très agréable moment devant la dernière livraison de Phil Faucon, l'aigle-fin du cinéma français, qui aurait de nouveau mérité quelques récompenses. En périphérie de l'histoire du personnage éponyme, le réalisateur s'intéresse aussi à un autre immigré, un maghrébin ne souhaitant qu'une seule chose : rentrer au pays après sa retraite. Son destin tragique, un peu trop attendu, drape Amin d'un voile plus pessimiste et cruel. Le charme de ce film, encore une fois très concis, réside également dans son humilité. Peut-être est-ce là aussi une de ses limites... Loin de marquer au fer rouge la mémoire du spectateur, il lui laisse seulement un doux et modeste souvenir. L’œuvre de Faucon est sans doute supérieure à la somme de ses parties. 


Amin de Philippe Faucon avec Moustapha Mbengue et Emmanuelle Devos (2018)

18 septembre 2018

Dheepan

Je l’ai vu. Je vous dis tout ça de mémoire parce que ça fait tout de même bien longtemps que je l'ai vu. Et je ne l'ai vu qu'une fois, pas fou ! La particularité d'Audiard, on ne peut pas lui enlever ça, c'est que quand on commence à regarder l'un de ses films plus de quelques minutes, on a du mal à en décrocher, on reste rifté sur l'écran, à subir avec dégoût et fascination les horreurs qu'il nous assène, les coups de pied au foie et les yeux au beurre noir "artistiques" qu'il produit par pur sadisme. Et on a le malheur de se souvenir d'images subreptices qui ancrent l'horreur et le désarroi d'avoir subi un tel film mais de toujours éprouver, malgré tout, de l'Amour pour le Septième art. C'est du masochisme, c'est du sadisme, c'est un cercle vicieux, c'est du Audiard !




Ça parle d’un Sri-lankais qui s'appelle Dheepan, d'où le titre du film, que tout le monde a mis beaucoup de temps à comprendre (on peut le reconnaître sans honte aujourd'hui, non ?). Dheepan erre dans un camp de réfugiés qu'il veut fuir et, pour ce faire, il dégote une dame et une fille de 10 ans qu'il ne connaît ni d'Eve ni d'Adam afin d'obtenir plus facilement l'asile. Parle nous de ces "combines" Jacques ! D'après toi il semblerait que l’Étranger est fourbe au point de s'inventer une famille pour profiter de nos minimas sociaux ? Ensuite, Dheepan atterrit dans une cité pourrie dans laquelle il parvient à fonceder toute une bande de kaïras car Dheepan est un ancien Tigre tamoul et qu'il est donc rompu aux méthodes de guérilla, combats de rue et autres luttes à mains nues face à tout type d'ennemi. Ces feignasses de kaïras, qui gagnent et dépensent mal l'argent du trafic de stupéfiants en ne foutant rien de leurs journées et en se grattant les couilles, n'ont AUCUNE CHANCE, MAIS AUCUNE CHANCE LES GARS




Bref, voici un film qui nous explique noir sur tippex qu’il y a des bons migrants, humbles et qui ne mouftent pas (quand bien même ils ont fait partie d'une organisation considérée comme terroriste par l'Union Européenne), ils acceptent la misère parce que c’est toujours mieux que leur pays d'origine, où il y a des tempêtes et des orages ; et il y a des mauvais migrants qui, souvent, ne sont pas des migrants mais leurs enfants et petits-enfants. C'est le discours classique des fachos pur jus. En tout cas, à la fin, Dheepan il en a fait sauter des caissons, il leur démonte la gueule, il les fait tous cramer dans un feu de joie qui n'est pas sans faire une allusion au symbole de la purification (mais la purification de quoi Jacques ? Précise ton propos !). Est-ce que j’ai bien compris son film ? Parce que perso je l’ai vu en lisant un livre sur les Lakotas et en faisant mes devoirs, donc... 




Dans cette horreur de film au discours plus que douteux, la vie de Dheepan en France est vue comme un Enfer, au mieux un purgatoire, dont il faut passer les multiples épreuves (administratives, policières, bastonnades avec jeunes des cités, voile obligatoire pour Mme Dheepan, métiers humiliants, misères quotidiennes...) pour mériter d'aller vers la Terre Promise, l'Angleterre, car tout va mieux là-bas, c'est bien connu. Tout cela souligné par une musique mielleuse digne d'un épilogue d'un épisode des Experts. Au moins dans Welcome, le jeune homme kurde avait une vraie raison de vouloir à tout prix traverser la Manche !




Pourquoi tout va mieux en Angleterre, Jacques ? Éclaire-nous la lanterne ! Moins de "jeunes des técis" ? Moins d'habitants issus de personnes issues de personnes issues du Maghreb ? Jusqu'à quand vont-ils être obligés de subir l'opprobre de la part de parvenus, d'enfants de la balle qui n'ont d'autres mérite que celui d'être issus des testicules d'un père plus ou moins doué avec les mots, ou de l'utérus d'une mère étoile de la comédie ? Il faudrait que tu précises ton propos, Jacques. Ou bien tu pourrais t'inscrire directement sur la liste du FN de ton quartier pour les prochaines municipales, on serait fixé. Encore mieux, libre à toi d'aller habiter en Angleterre avec ta famille et tes proches amis et de nous foutre la paix avec le cinéma et toute forme d'expression destinée à être diffusée au public. Garde ça pour le privé. Vraiment. STP.




Ce film a été récompensé de la Palme d'or du Festival de Cannes 2015. Le jury était alors composé de cette bande d'intellectuels : Joel et Ethan Coen, Rossy de Palma, Sophie Marceau, Sienna Miller, Rokia Traoré, Guillermo del Toro, Xavier Dolan et Jake Gyllenhaal.

LOL. 


Dheepan de Jacques Audiard avec Antonythasan Jesuthasan et Kalieaswari Srinivasan (2015)

29 juin 2014

Blackfish

A la différence du lion ou de l'agneau, l'orque, véritable merveille de la nature au potentiel cinégénique ahurissant, n'a, jusqu'à présent, jamais été très gâté par le septième art. Sauvez Willy est le premier titre venant à l'esprit du quidam qui essaye de se remémorer les apparitions cinématographiques de ce si noble cétacé qui mériterait infiniment mieux que cette triste production familiale sans âme. Plus récemment, l'infâme Jacques Audiard s'en est pris très sournoisement à l'odontocète en le faisant passer pour l'enflure de service impliquée dans tous les mauvais coups du scénario ridicule de son affligeant De Rouille et d'os. Les plus fins limiers penseront quant à eux à Orca, anecdotique mais sympathique sous-Dents de la mer sorti en 1977 où un épaulard particulièrement rancunier s'en prenait à l'équipage entier d'un malheureux chalutier pour venger la mort de son fiston transformé en mille sushis. A part ça : RAS.




Avec son documentaire sobrement intitulé Blackfish, Gabriela Cowperthwaite voulait donc réparer cette terrible injustice et rendre aux baleines tueuses la place qu'elles méritent dans la nature et sur pellicule. Blackfish est un documentaire à charge contre les parcs à thèmes marins qui gardent en captivité nos épaulards préférés plutôt habitués à la vie nomade (ils parcourent une moyenne de 10 miles par jour, soit 16.09344 km !). Avec une efficacité redoutable, Blackfish montre tous les dangers de cette captivité en s'attardant essentiellement sur la carrière ponctuée de coups d'éclats sanglants d'un orque mâle nommé Tilikum, impliqué dans les morts plus ou moins accidentelles et préméditées d'une petite tripotée d'employés imprudents d'un Marineland de Floride. C'est bien simple, le documentaire de Gabriela Cowperthwaite (seul Tilikum parvient à prononcer le nom de la réalisatrice) est si profondément engagé dans sa thèse que les personnes décédées paraissent presque fautives, coupables. Si j'étais parent de l'un de ces pauvres entraîneurs de baleine, retrouvé haché menu dans les siphons des aquariums ou simplement gobé tout rond, je ne sais pas comment j'encaisserais la chose...




Mais le fait est que je ne connais aucun des disparus et j'ai donc pu prendre un pied pas possible devant Blackfish. Car s'il n'est pas vraiment subtile, ce documentaire évite le racolage et atteint ses objectifs : dénoncer les dérives de notre société du spectacle et, plus largement, blâmer la soi-disant supériorité de l'Homme occidental, son arrogance et son infini manque de respect envers le règne animal dès qu'il s'agit de se remplir les poches. Les accidents provoqués par Tilikum, en particulier ces assassinats de sang froid dont il est l'auteur pleinement responsable, sont généralement coupés au moment opportun ou montrés sans réelle lourdeur. Tous ces drames ont en effet été immortalisés sur vidéocassette, les caméras des aquariums étant toujours allumées, quand ce ne sont pas celles des spectateurs, tétanisés. On retiendra cette image troublante d'une jeune employée de SeaWorld ressortant en larmes du bassin avec, à la place de la jambe, le bras ensanglanté de Jamel (la demoiselle avait simplement voulu caresser la bête qui n'était hélas pas d'humeur très joviale ce matin-là).




La compagnie SeaWorld est directement visée. On condamne sa gestion irresponsable des orques avec, à l'appui, des témoignages d'anciens employés, dégoûtés à vie, et les commentaires de spectateurs encore sous le choc d'avoir assisté aux démonstrations gores de l'adorable Tilikum. On retrace en détails le traitement qui est réservé à ces pauvres baleines, recrutées dès leur plus jeune âge dans les eaux glaciales islandaises pour atterrir dans les fournaises de Floride, séparées prématurément de leur mère avec lesquelles elles entretiennent naturellement un rapport fusionnel jusqu'à la fin de leur adolescence (étonnantes bestioles...), puis parquées dans des prisons d'eau sans lumière négligeant les proportions et, enfin, contraintes à finir leurs jours aux côtés de congénères éprouvant les mêmes sentiments de haine et d'amertume envers l'homme et la vie en général. Tout cela fait véritablement froid dans le dos ! La thèse du film pourrait aisément être résumée en deux mots : "Free Tilly", ou par la tagline de l'affiche, "Never capture what you can't control" (une phrase qui figure également, toute déformée, sur mon slip).




La réalisatrice s'applique également à révéler tous les mensonges énormes véhiculés sans honte par les directions de ces parcs à thème. Celles-ci promettent notamment que les orques jouissent d'une plus grande espérance de vie en aquarium alors qu'elle y est en réalité divisée par deux ! Ils soutiennent également mordicus que le pathétique repli de la nageoire caudale de l'animal est tout à fait banal à l'état sauvage, là où cette anomalie ne touche en réalité qu'un infime pourcentage de leur population. Une chose est sûre, après avoir vu ça, je n'irai jamais dépenser un seul centime dans un Marineland, si ce n'est pour jeter cette pièce dans le premier bassin venu en priant pour leur pardon. Je partage l'avis de cet intervenant chauve et ventru assurant qu'il ne veut pas montrer à son enfant un monde où de si majestueux animaux sont réduits à l'état de clown gaffeur par des hommes sans scrupules, aveuglés par l'appât du gain et l'argent facile. Le film de Cowperthwaite prouve quant à lui son honnêteté absolue en choisissant délibérément une véritable photographie de Tilikum en guise d'affiche, alors qu'un orque à la nageoire caudale glorieusement dressée aurait été plus esthétique (bon, d'accord, cet argument-là ne vaut pas un kopeck).




La principale réussite du film est de nous placer devant l'abîme vertigineux d'incompréhension et de mystère qui nous sépare d'une espèce animale si évoluée, au comportement définitivement autre, que les recherches scientifiques encore balbutiantes ne parviennent toujours pas à saisir. Ce documentaire participe en cela à nous faire réaliser qu'il manque seulement aux orques l'équivalent de nos mains pour dominer le monde et nous réduire en bouillie. Face à la force de certaines images de ce documentaire, qui parvient à laisser dans un véritable état d’hébétude en réussissant régulièrement à capter toute la grâce naturelle des orques, capables d'un grand pouvoir de fascination, mais aussi face à l'incontestable puissance dénonciatrice de l'ensemble, on comprend sans mal que Blackfish ait été l'étonnant invité de quelques tops annuels en 2013. Mais en ce qui me concerne, je ne suis tout de même pas allé jusque-là.




J'ai certes pris un réel plaisir à suivre ce film, j'y ai appris certaines choses et il m'a amené à réfléchir à des questions bien plus larges que celles concrètement abordées. Mais il y a toutefois un côté très américain, avec ces témoignages la larme à l’œil et quelques petits surlignages dispensables, qui m'a un peu gêné. A mes yeux, cet aspect-là empêche Blackfish d'être autre chose et davantage qu'un documentaire particulièrement efficace. Je saluerai tout de même le savoir-faire incontestable de la dénommée Gabriela Cowperthwaite. Il fallait quelqu'un de très doué pour réussir à faire passer ces lascars des océans pour des anges totalement innocents. Tilikum est entièrement pardonné et a bien droit à quelques seaux supplémentaires de sardines. Sa folie destructrice apparaît comme la seule conséquence de ses conditions de captivité déplorables. La réalisatrice réussit amplement sa mission. L'ardoise des orques est complètement effacée. Leur agressivité et leur mesquinerie naturelles sont oubliées. Plus personne, après avoir vu ce film, ne pensera, comme moi, qu'il s'agit de véritables poisons à effacer de la surface de la planète. C'est déjà ça !


Blackfish de Gabriela Cowperthwaite avec Tilikum, ses spectateurs et ses victimes (2013)

13 mai 2013

De rouille et d'os

De Rouille et d'os, comme Un Prophète en 2009, a su émerveiller public et critique à sa sortie, dans une grande orgie dégueulasse et insupportable dont Jacques Audiard, cinéaste salué comme le plus important de sa génération dans notre beau pays, était l'élément central, récipiendaire de nombreux cumshots verbaux et tapuscrits. Je m'étais arrêté au bout de la première demi-heure de son précédent film, j'étais allé suffisamment loin pour savoir que je ne mangeais pas de ce pain-là et pour tout de même comprendre comment cela avait pu plaire à ce point. En ce qui concerne De Rouille et d'os, par contre, c'est un grand mystère ! Je lis les extraits des critiques presse sur Allociné, et ça me fout les chocottes... Comme pour Looper, les seuls qui soient lucides, ce sont les Cahiers du Cinéma, qui le traitent comme il se doit ! Je peux aisément comprendre que des personnes regardant peu de films et habituées aux documentaires racoleurs qui passent à la télé puissent être touchées par un tel film. Mais la critique et les cinéphiles de tous poils, comme toutes les personnes ayant une haute estime de l'art cinématographique, devraient logiquement enfoncer ce film et son réalisateur à la noix, cet escroc qui passe pour un génie... Sa dernière livraison pèse des milliards de tonnes. C'est bête et laid, c'est plein de tics de mise en scène qui se veulent beaux (Audiard adore notamment filmer le soleil et faire des effets de lumières super cons dignes d'un adolescent qui découvre à peine la photographie) et la bande originale vous proposera un bel aperçu des chanteurs qui étaient à la mode au premier semestre 2012 et dont on ne se souviendra même plus dans six mois. C'est ultra too much dans le mélo, le pathos, tout ce que vous voulez, tout est surligné par la musique quand ça ne l'est pas par autre chose, c'est vraiment, vraiment, mais vraiment nul.


Quelle idée d'avoir mêlé à ce désastre cet animal si noble et majestueux qu'est l'orque, "la baleine tueuse" ? Il y avait mille autres façons de perdre ses jambes !

Ce qu'il y a de dingue à constater, c'est que ça ne donne pas du tout envie de s'en prendre à Marion Cotillard (une cible qu'on adore pourtant !). On ne peut rien lui reprocher de spécial, si ce n'est que c'est évidemment ridicule de la retrouver dans ce rôle taillé sur mesures où elle joue sans maquillage, sans soutien-gorge, sans jambes, sans rien, où elle se met totalement à nu pour aller à l'envers d'une glamourisation hollywoodienne qui lui tend les bras. Le choix est trop voyant et ça rend le tout assez risible. Mais dans le film, la faute ne lui revient pas, elle fait son travail ; et si son principal conseiller s'appelle Guillaume Canet, on comprend qu'elle aligne les choix les plus attendus. A la limite l'acteur belge Matthias Schoenaerts est plus énervant... Faut dire que son personnage de crétin complet ne l'aide pas. Il joue un père incapable de s'occuper de son gosse albinos. Vers la fin du film, son beau-frère lui amène son fils pour qu'il puisse passer une après-midi avec lui. Ni une ni deux, il décide que la meilleure chose à faire est d'aller s'amuser à glisser avec le gamin sur un lac gelé. Avant que ça n'arrive, j'ai dit à voix haute : "Si la glace craque et que le gosse se noie dans l'eau glacée, c'est l'un des piiiiiiiires films au monde". A peine j'avais fini de dire le mot "pire" que le gosse se neiguait ! Au cinéma, je pense que j'aurais réagi comme devant le Paris de Klapisch au moment où l'ignoble Julie Ferrier chute en scooter après avoir pris quelques virages inutiles le sourire aux lèvres, c'est à dire en m'esclaffant bruyamment. C'est du même niveau ! Klapisch, Audiard, même combat ! Bref. Le gosse passe donc cinq bonnes minutes dans l'eau glacée, jusqu'à ce que son enflure de père brise la glace à l'aide de ses poings (lui qui, au quotidien, gagne de l'argent au black grâce à des combats de rue ridicules - ses poings lui servent enfin à faire le bien, c'est beau, snif !). Mais le gosse ne crève pas, on parvient à le réanimer à l'hosto après "3 heures de coma" (sic). C'est l'avant-dernière scène du film et c'est du lourd lourd lourd !


Je me suis toujours méfié de David Lynch, Tim Burton, Jim Jarmusch et tous ces autres cinéastes qui font trop gaffe à leur style...

Il faut traiter Audiard comme il se doit : mal. Ma "critique" en révoltera certains, d'où les guillemets. C'est un cri du cœur. Je suis le cinquième "hater" de Jacques Audiard sur Vodkaster. Nous sommes 5 face à ses 127 fans, et c'est un site encore mal connu, il sont des milliers et des milliers dans la nature ! C'est pas normal. Si je pouvais concevoir que ce cinéaste de pacotille réussisse à faire illusion avec ses précédents films, l'arnaque aurait dû éclater au grand jour avec celui-ci. Je répète à qui mieux mieux qu'il faut toujours se méfier des cinéastes qui prêtent trop attention à leur look, qui soignent trop leur allure. Il y a quelques contre-exemples dans l'Histoire du cinéma, comme Jean-Luc Godard et ses petites lunettes de soleil rondes (ce qui explique toutefois la photographie trop lumineuse de quelques-uns de ses films), Eric Rohmer et ses pantalons de velours à grosses côtes (l'homme avait simplement du goût !), Ron Howard et ses pulls sans manches... C'est vrai, vous en trouverez d'autres, même outre-Atlantique, mais ce sont autant d'exceptions qui confirment la règle ! Un grand réalisateur se doit d'avoir l'air d'un chien, d'un clodo à peine présentable, il demeure derrière la caméra, et non sous le feu des projecteurs, il peut magnifier ses acteurs dans ses propres films, mais non sa propre personne sur les tapis rouges. A partir du moment où un cinéaste se soucie trop de son apparence, j'éprouve naturellement beaucoup de méfiance à son égard. Au dernier festival de Cannes, où son film fut très justement ignoré par un Jury par ailleurs totalement à côté de la plaque, Jacques Audiard s'est présenté le sourire jusqu'aux oreilles, gagnant d'avance, naïf, idiot, en smoking trois pièces bien ajusté, des lunettes à grosse monture noire sur le bout du nez, écharpe rouge autour du cou à la Jean Moulin, crâne rasé de près à la Lénine, le tout surmonté d'un chapeau melon noir du plus bel effet à la Emma Peel, avec pour ne rien gâcher le petit bouc poivre et sel à la Gérard Jugnot des grands jours. Bref, Jacques Audiard avait toute la panoplie du pur salop qui étale enfin la vaste mascarade qu'il incarne sur le devant de la scène. Quand je l'ai vu accoutré comme ça, je n'ai pas du tout été étonné. Cela faisait sens. Un tel guignol se doit de parader avec des habits de luxe et de soigner son image avec la minutie d'un dangereux criminel ; mais par pitié, n'en faites pas le plus grand cinéaste hexagonal actuel, car en réalité, c'est peut-être l'un des pires !


De Rouille et d'os de Jacques Audiard avec Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts qui devra changer de nom s'il veut réussir à Hollywood (2012)

16 mars 2013

20 ans d'écart

Nous n'en menions pas large quand on a pour la première fois zappé sur la Nouvelle Star pour découvrir le phénomène. A partir de ce jour on s'est mis à endurer des prime time entrecoupés de chansons infectes interprétées par des adulescents juste pour les quelques secondes toutes les trente minutes où la caméra était braquée sur le phénomène et ses œillades sans équivoques. 16 novembre 2007. Toulouse. Rue des lois. Appartement B, troisième étage. "Makkaaaaaash, viens voiiiiiiir !!! J'ai vu passer un truc sur l'écran... J'sais pas ce que c'est. Viens voiiiiiiiiiiiiir... je t'en supplie...  !" C'était la première fois que notre télé suintait des hauts-parleurs et fumait du capot. L'un de nous venait de taper "coup de foudre" sur google pour mettre un nom sur la panne de notre moniteur tv (l'autre, en scred, tapait "priapisme" pour nommer sa nouvelle maladie). L'un de nous venait de découvrir la bombe atomique du plat pays et décrétait que la Belgique détenait officiellement l'arme nucléaire. Et nos slips étaient aussitôt brandis dans notre salon en guise de drapeau blanc : nous nous rendions.




On le sait, notre article du jour aura tendance à vous inspirer pas mal de pitié, voire du mépris. Mais on a l'honnêteté des plus cons, qui disent tout haut ce qu'ils pensent tout haut. La sincérité n'est pas une vertu, on le sait, rappelez-vous Audiard, Jacques Audiard, pas gêné d'avouer à l'antenne chez un Michel Denisot placide qu'il n'avait jamais regardé un seul film de sa vie, sauf les siens, et encore, aperçus au combo sur les tournages. Rappelez-vous Clinton qui affirmait le doigt tendu : "I did not have sexual intercourse with thaaaat woman !" (sauf que lui il racontait des cracks). On ne fait que retranscrire ce qui se produisit en nous face à l'événement. Imaginez-vous en train d'écrire à propos de Bradley Cooper, Ryan Gosling, Michael Fassbender ou Mathieu Bodmer, ce serait pareil, la même en couleur. Sauf que la plupart des gens ont cette petite longueur d'avance sur nous qui fait qu'ils se retiennent d'écrire les possibles étrangetés dictées par leurs viscères. D'un autre côté réjouissez-vous d'avoir l'occasion de connaître nos plus intimes pensées, tel Mel Gibson dans Ce que pensent les mecs.




Après avoir dit ça on est obligés de se mouiller. Il phenomeno, qu'est-ce que c'est ? Une animatrice belge et blonde, des jambes anormalement longues qu'on a envie de prendre à son cou, des formes généreuses, un teint constamment halé, sans parler, sur un grand sourire aux petites dents, d'un regard fiévreux qui nous met systématiquement au tapis. S'il n'y avait qu'une célébrité dont nous souhaiterions acquérir un autographe à prix d'or, après Najat Vallaud-Belkacem viendrait Virginie Efira. Ce soir-là, à la fin du programme de télé-crochet, l'un de nous s'est exclamé qu'il était désormais le fan numéro un de Virginie Efira. L'autre a compris le quiproquo, la méprise, le malentendu depuis le début, qui croyait qu'on parlait du charme d'oriental d'André Manoukian. Pour faire leurs louanges, les termes requis étaient de toute façon les mêmes (relisez la description physique en début de paragraphe, elle convient aussi bien aux deux). Cette jeune femme et ce vieil homme nous avaient fait voyager dans le temps : quand on les voit on aimerait redevenir des adolescents de 13 ans pour leur plaire, comme Pierre Niney dans le film de David Moreau II, qui est sorti sur nos écrans tout récemment et qui s'est surtout fait remarquer par sa promo menée nichons battants par une nouvelle actrice et future star donnant littéralement le sein à la caméra. Efira Virginie a fait de la promotion de ce long métrage un véritable cirque qui aura atteint jusqu'aux pages de ce blog d'ordinaire irréprochable. C'est dommage parce qu'on regardera ce film pourri un jour ou l'autre, mais on l'aura déjà critiqué. On ne peut pas toujours parler ciné.


20 ans d'écart de David Moreau II avec Virgine Efira et Pierre Niney (2013)

24 mai 2012

Un Prophète

Ce film n'est pas "mauvais", mais il n'est tellement pas "bon" qu'il est terriblement mauvais. Déjà, et pour commencer, c'est d'une parfaite et consciencieuse laideur. Rien n'est beau dans ce film. Tout est plat (chaque plan, chaque cut, strictement tout), et parfois de lourds accès de laideur pointent le bout de leur nez dans ce marasme de platitude : les noms des personnages ou des chapitres qui s'inscrivent en gros à l'écran au gré d'un arrêt sur image, l'usage balourd des ralentis, les inutiles scènes ultra-violentes à grands coups de jets d'hémoglobine, les fols effets de mise en scène quand Audiard a l'incroyable idée formelle de réduire l'image en filmant à travers un rouleau de sopalin, etc. Partant de là, il est curieux de parler d'immense talent. On lit un peu partout que Jacques Audiard serait le plus grand cinéaste français en activité, et ceux qui le présentent ainsi parlent bien de mise en scène. Je me demande ce qui peut tellement enthousiasmer dans la mise en scène d'Audiard, ce qui fait grimper ses fans au rideau et leur donne le sentiment devant ce film d'être face à une œuvre d'art géniale réalisée par un grand maître. Il suffit de prendre les scènes une à une et de les regarder pour se rendre compte qu'elles n'ont pourtant rien de formidable.



Prenons, complètement au hasard, la séquence en champ-contrechamp où un flic interroge le jeune héros du film dans un bureau, pour cerner ses difficultés. Il lui demande s'il sait lire, s'il sait écrire, à quel âge il a quitté l'école, quelle langue il pratiquait chez lui et ainsi de suite. En face, Tarar Rahim essaie de jouer le jeune loup difficile à faire parler, au regard vif et paniqué, honteux d'avouer ses lacunes mais séduit par l'opportunité de le faire. L'acteur joue particulièrement mal dans cette scène mais à la limite peu importe (le double César absurde qu'il a reçu pour ce film aura plutôt desservi Tahar Rahim qu'autre chose, on ne sait pas où il est passé depuis). Ensuite Audiard raccorde avec une salle de classe où un professeur apprend à des détenus arabes et noirs à lire le français. Parmi eux, le personnage principal, assis à une table, tâche d'épeler quelques mots, le tout sur une musique douce que me chantait ma maman, une sorte de berceuse qui veut forcer notre attendrissement de façon assez pitoyable. Et pour clore la séquence, plan sopalin sur le livre de français : Audiard filme la page du manuel en caméra portée subjective à travers un rouleau de PQ (le héros serait-il à la fois myope, astigmate, presbyte et caffi de triple-glaucomes ? ça expliquerait ses difficultés pour apprendre à lire... mais en fait non, ce n'est qu'un "effet de mise en scène" qui n'est ni signifiant ni intéressant d'un point de vue esthétique), et on entend en off la voix la plus enfantine possible de Tahar Rahim qui décortique le mot "canard". Rien qu'en regardant cette scène (mais ça vaut pour toutes les autres), on ne peut plus parler sérieusement du génie de la mise en scène d'Audiard, ni l'ériger au rang de "plus grand cinéaste français" actuel, à moins de mépriser tous les autres d'un bloc au point qu'il ne resterait plus que lui à sauver…



Et c'est peut-être en effet le cas d'une bonne partie de ceux qui encensent avec exagération Jacques Audiard, cet homme qu'ils consacrent roi du cinéma français notamment pour son courage et son ambition. Nous voici par conséquent informés de ce qu'est l'ambition aujourd'hui en France : cela ne consiste pas seulement à filmer des miséreux de banlieue, des bandits, des prisons, des rats et des coups de feu, non la véritable ambition aujourd'hui en France c'est de filmer tout ça mais à l'américaine. C'est peut-être ça l'accomplissement d'Audiard avec Un Prophète. En partie seulement, parce que le film, comme tous ceux du réalisateur, conserve dans le même temps un aspect très franco-français, une sorte de réalisme humaniste qui lorgnerait presque du côté des Dardenne, mais ça donne typiquement la scène assez embarrassante du cours de français que je viens de décrire et qui ne dure qu'une minute et demi histoire de vite relancer le film avec des choses plus excitantes qu'un apprentissage de la langue… L'américanisation du film peut se ressentir dans la soi-disant maîtrise du scénario traitant un sujet lourd et grave avec l'efficacité comme impératif, dans le regard détaché et très sûr de lui porté sur un milieu précis et sexy en immersion totale, dans l'exposition de la violence physique la plus crue possible et l'exubérance maniaque des scènes sanglantes d'égorgement (Audiard connaît bien ses petits Fincher et Cronenberg illustrés), puis dans la façon de filmer la prison, sujet de prédilection des séries américaines (Oz, Prison Break, etc.) qui ne trouve pas suffisamment grâce aux yeux du cinéma français selon Jacques Audiard, toujours en quête du sujet difficile qui mettra son courage à l'épreuve. Le film, écrit par une batterie de co-scénaristes, a d'ailleurs l'aspect très segmenté et répétitif des séries télé, favorisant la chronique de l'ascension d'un jeune truand en prison. Formellement il y a la caméra portée, vibrante, presque amateur, complètement télévisuelle, qui crée une tension à défaut d'un vrai rythme (on est moins chez les Dardenne que dans 24 heures chrono pour les séries, Démineurs pour le cinéma, etc.), la grosse musique tantôt gravement émotionnelle tantôt tellement cool avec du bon gros son hip-hop surboosté (qui rappelle le générique d'intro des Sopranos), l'art d'écrire très grand les noms des personnages sur l'image arrêtée (un classique du cinéma tape-à-l’œil, véritable mode reprise dans tout un tas de films, d'Inglourious Basterds à Domino, etc.). Et puis il y a l'histoire, le mythe du merdeux petit malin parti de rien pour s'asseoir sur un empire façon rêve américain (Scarface, etc.). Audiard a voulu faire un film de genre et inventer un héros auquel le spectateur puisse s'attacher rapidement. Il regrettait que le cinéma français ne représente les arabes que d'un point de vue naturaliste et sociologique, il voulait les filmer autrement, les mettre en lumière, c'est réussi, l'arabe du film est un taulard analphabète de 19 ans qui, après avoir égorgé un semblable, grimpe les échelons du grand banditisme.



Audiard fonce la tête la première dans ce gros cliché cher au cinéma hollywoodien du bad boy self-made man. Son héros n'est quand même pas totalement un salaud puisqu'il est orphelin déjà (trop triste !) et parce qu'il essaie d'apprendre à écrire le français (ce gros dur est si touchant quand il essaie avec difficulté d'écrire "canard", trognon la caillera). Le héros arabe, qui reste un caïd à la con, réussit cependant, et haut la main, sans que sa soi-disant réussite ne soit vraiment critiquée comme dans le film de De Palma. A la fin de l'histoire il sort de taule, avec la femme et le fils de son ex-meilleur ami sous le bras, il monte dans une bagnole de rêve et trente gros bolides remplis de serviteurs le suivent, formant une cour à sa botte. Peut-être, nul doute même qu'Audiard a voulu dénoncer les failles du système carcéral français, qui d'après experts ne serait qu'une machine à faire grossir les délinquants, un lieu de passage et de formation accélérée pour les introduire à vitesse grand V dans le milieu au lieu de les sortir de leur merde. Sauf que le personnage, auquel nous nous sommes identifiés tout du long et que le cinéaste a soumis à notre admiration avec énergie, sort en grandes pompes de sa cage, et toutes ces bagnoles blindées qui le suivent le sacrent comme un vainqueur absolu, un puissant génie. Audiard affirme qu'il voulait filmer non pas un gros costaud mais un "cerveau en action qui donne des preuves d'adaptabilité phénoménale, que le personnage va d'abord utiliser dans des comportements opportunistes (…) pour ensuite améliorer son sort et enfin accéder à un autre niveau, au pouvoir". Le cerveau, l'intelligence selon Audiard, c'est la faculté à se couler dans un moule pour le soumettre, c'est accepter une condition minable pour s'y tailler une place et y gouverner sans la quitter. Ce qu'il appelle un cerveau c'est en fait de l'astuce, de la ruse, de la malignité, mais l'important c'est que cela conduise au pouvoir, fut-ce un pouvoir financier (les grosses voitures) et despotique (l'intimidation des autres et l'assujettissement des esprits les plus faibles). On sait depuis longtemps que la morale n'a plus droit de cité dans le cinéma et les séries télé, c'est ringard et même insupportable de prendre en considération ce que nous montre un film et le message qu'il délivre... aussi n'y a-t-il rien à redire au fait que le trimard parti d'absolument nulle part, sans la moindre trace d'éducation au compteur, s'avère être plus brillant que le reste du monde et gagne à la fin du film avec une telle marge de manœuvre qu'il a complètement réussi sa vie. Tout cela est parfaitement brillant.



Le problème c'est que si Jacques Audiard n'est pas le metteur en scène prodige qu'on veut nous vendre, il n'est pas non plus le scénariste hors-pair que sa filiation pouvait laisser espérer (surtout aux maniaques de la grosse réplique qui tache façon "Paris-Brest" et "Cons sur orbite")… En-dehors du sempiternel délinquant bizuté puis balloté entre les gangs de la prison et parvenant à y négocier sa place pour finalement prendre les rênes, le seul élément narratif qui ressorte un peu de ce marasme si facile (une prison, des caïds, pas mal de violence et n'importe qui reste scotché) c'est l'idée du personnage hanté par le détenu qu'il a égorgé au début du film dans le but de s'intégrer auprès des pontes de la Centrale. Toutes les dix minutes à peu près on retrouve Tahar Rahim dans sa cellule en compagnie du fantôme de sa victime, qui fume des clopes et recrache la fumée par le trou qu'il a dans la gorge. On peut douter qu'un type traumatisé par le meurtre qu'il a commis au point de côtoyer en pensées sa victime soit d'humeur à imaginer un gag comme celui-là, mais soit. A moins que cet ectoplasme ne soit pas le fruit de l'imagination coupable du personnage mais une véritable manifestation mystique et fantastique, puisque le macchabée prédit ensuite l'avenir au héros et fait de lui un "prophète" de pacotille, Jacques Audiard ne sachant où chercher de l'air pour sortir son film des sentiers battus et rebattus. Sur ce, je retourne voir Un condamné à mort s'est échappé, un film français, de prison, réalisé par un authentique grand "metteur en scène".


Un Prophète de Jacques Audiard avec Tahar Rahim, Niels Arestrup, Adel Bencherif et Gilles Cohen (2010)