Ça fait un bail maintenant que j'ai vu ce film. Si j'en parle aujourd'hui c'est en partie pour parler d'autre chose que du film que j'ai vu hier soir, Mon beau-père et nous. Or comme mon souvenir remonte pas mal je suis partagé entre mon impression du moment et ce que je ressens maintenant en y repensant... Je me souviens qu'au début du film j'ai eu un peu de mal à me laisser prendre par l'histoire, sans doute à cause du rythme, mais rapidement j'étais dedans. Je me suis déchaussé et j'ai laissé Stéphane Brizé faire sa pli. En parlant de Stéphane Brizé, je dois dire que ce film m'a plus touché que Je ne suis pas là pour être aimé, même si j'ai du mal à dire pourquoi. Peut-être que c'est dû à l'histoire : le violon au lieu du tango et Vincent Lindon qui s'éloigne d'Aure Atika pour Sandrine Kiberlain au lieu d'Anne Consigny qui s'éloigne de son mari pantouflard, Lionel Abelanski, pour le vieux Patrick Chesnay. Pat Chesnay je l'adore, je lui voue même un culte, d'ailleurs il l'ignore mais je le considère comme mon oncle, mais sa moustache jaune-orangé devrait logiquement être un rempart au sentiment amoureux d'une femme. En tout cas sur le moment j'ai trouvé Mademoiselle Chambon assez beau et émouvant.
Kiberlain ravive en moi le fantasme de la maîtresse d'école qui se rappelle qu'elle est une femme et qu'elle a des besoins un peu cracra comme tout le monde.
En y repensant aujourd'hui j'avoue ne plus très bien me souvenir du film, comme s'il n'avait rien de réellement très marquant. On l'oublie un peu facilement et on doute de le revoir un jour. Rien n'est moins sûr. Il faut dire que le film a quelques défauts. C'est vrai que le couple adultère manque un peu de conversation pour qu'à la fin, quand Lindon s'immobilise dans le hall de gare, on soit véritablement saisi par son doute et sa douleur. Mais les deux personnages sont quand même liés par beaucoup plus (la musique, leurs passions et quelques paroles) que dans la majorité des films actuels dont les amants s'unissent follement en se débarrassant de leurs époux et épouses respectifs sans être liés par autre chose qu'une simple fringale sexuelle (un triste exemple parmi d'autres : le Partir de Catherine Corsini). Et puis tout au long du film de Brizé on voit que les sentiments des personnages les rendent discrets, muets, un peu autistes : ils ont toujours beaucoup de mal à faire des phrases, il y a des blancs dans leurs échanges. C'est la conséquence de leur amour naissant et interdit et ça les empêche inévitablement d'avoir de longs dialogues. Donc l'un dans l'autre tout cela tient debout et se regarde sans déplaisir, notamment grâce à une nouvelle interprétation hallucinante de Vincent Lindon.
En général voir les personnages d'un film pratiquer leur soi-disant métier est assez superficiel et superflu, à part quand il s'agit d'un polar où il est assez nécessaire que l'on suive le héros dans son boulot de flic. Mais il n'est pas rare que les réalisateurs insèrent dans leur film une ou plusieurs séquences uniquement vouées à nous représenter l'acteur dans l'exercice des fonctions du personnage qu'il incarne quand cela n'a pourtant pas d'intérêt probant. Pire, ça sonne généralement terriblement faux. Mais quand l'acteur c'est Vincent Lindon, rien n'est plus pareil, et l'on sent une protubérance germer en-dessous de notre ceinture en le voyant dégonder une fenêtre et changer un carreau. Car son personnage travaille chez Carglass et tombe comme un cheveu sur la soupe quand Kiberlain a besoin de changer la fenêtre de son appartement. Alors on sent le poids de l'expérience, l'odeur de la sueur, on voit la couleur du talent lorsque Lindon, qui s'est entraîné à la chose selon les méthodes radicales de l'Actors Studio et de Stanislavski, change une fenêtre. Une fenêtre qui n'oubliera jamais ce moment privilégié et le contact délicat des mains calleuses du bellâtre. Cet homme est un Dieu de l'acting, c'est un éphèbe doublé d'un putain de génie.
Même quand il a fini de bosser il est encore au boulot.
En général voir les personnages d'un film pratiquer leur soi-disant métier est assez superficiel et superflu, à part quand il s'agit d'un polar où il est assez nécessaire que l'on suive le héros dans son boulot de flic. Mais il n'est pas rare que les réalisateurs insèrent dans leur film une ou plusieurs séquences uniquement vouées à nous représenter l'acteur dans l'exercice des fonctions du personnage qu'il incarne quand cela n'a pourtant pas d'intérêt probant. Pire, ça sonne généralement terriblement faux. Mais quand l'acteur c'est Vincent Lindon, rien n'est plus pareil, et l'on sent une protubérance germer en-dessous de notre ceinture en le voyant dégonder une fenêtre et changer un carreau. Car son personnage travaille chez Carglass et tombe comme un cheveu sur la soupe quand Kiberlain a besoin de changer la fenêtre de son appartement. Alors on sent le poids de l'expérience, l'odeur de la sueur, on voit la couleur du talent lorsque Lindon, qui s'est entraîné à la chose selon les méthodes radicales de l'Actors Studio et de Stanislavski, change une fenêtre. Une fenêtre qui n'oubliera jamais ce moment privilégié et le contact délicat des mains calleuses du bellâtre. Cet homme est un Dieu de l'acting, c'est un éphèbe doublé d'un putain de génie.
Lindon fait naître en moi le fantasme du maçon bourru au grand cœur, aussi tendre que puissant, aussi doux que fêlé. Jean Gabin peut aller se rhabiller.
Le film se conclut sur une chanson de Barbara. De la même façon que Barbara chantait de la variété avec une élégance et une délicatesse qui élevaient ses chansons un peu au-delà des basses prétentions de la chanson populaire habituelle, le film de Stéphane Brizé est un petit film, d'une modestie absolue, d'une simplicité biblique, parfaitement lisible, mais qui s'élève sereinement au-dessus de sa condition par son brin d'intelligence, et par l'effet bienheureux d'une certaine grâce qui naît en de timides instants : comme quand la caméra subjective se substitut au regard de Vincent Lindon quand il s'approche de la porte de la chambre où Sandrine Kiberlain est endormie. Le cadre reste un certain moment sur le visage de la femme avant ce tant attendu mouvement de caméra descendant le long du corps de l'actrice au gré de ce chaste désir de l'homme qui l'admire. Ou comme cette attente avant qu'il ne finisse par lui prendre la main alors qu'ils écoutent le morceau de violon ; ou encore la larme brillante et discrète qui se suspend sur l'œil de l'acteur (on rêverait alors d'être soi-même une petite larme salée ou n'importe quel filet de morve pendu au blair de Lindon) puis qui coule le long de sa joue quand il est dans la voiture, à la fin, et qu'elle l'attend sur le trottoir. Il faut dire aussi que ce qui fait une grande partie de la modeste réussite de ce film, de sa justesse (à tous niveaux), c'est le talent immense des acteurs, y compris de Kiberlain ou, tenez-vous bien, d'Aure Atika, eh oui. J'aurais donné sans hésiter le César du meilleur acteur à Vincent Lindon pour ce rôle, comme chaque année.
Mademoiselle Chambon de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain et Aure Atika (2009)
Trivia : Vincent Lindon a lui-même changé cette porte fenêtre, tellement immergé dans le rôle qu'il était.
RépondreSupprimerIl faut voir cette scène où le maçon explique aux gosses de huit ans en quoi consiste son job, sans trouver les mots, en laissant ses yeux parler à sa place. À la place du gamin, j'aurais été le plus fier du monde de mon papa.
Mon père est maçon.
RépondreSupprimerC'est vrai que cette scène est chouette. Elle m'a rappelé celle où c'est Billy Cristal qui parle de son job d'annonceur publicitaire à une classe d'élèves dépités, parmi lesquels son propre fils qui a envie de se pendre, dans le grand "La vie, l'amour, les vaches". Mais dans une version sérieuse.
RépondreSupprimerTout ça me donnerait presque envie de revoir le film.
On est bien peu de choses et mon amie la rose me l'a dit ce matin !
RépondreSupprimerVincent Lindon est grand car il est grandiose !
Mon beau-père et nous c'est bien de la merde, j'ai vu ça hier aussi. Vladia que c'était pourri !
Je reverrais bien La vie l'amour les vaches aka Cityslickers, tiens.
RépondreSupprimerJ'avais lu ou entendu une interview de Lindon dans laquelle il insistait sur le fait que pour chacun de ses rôles, il s'obligeait à apprendre deux-trois gestes typiques liés à leurs métiers, pour mieux les exécuter le plus naturellement possible au moment opportun.
RépondreSupprimerDans Mademoiselle Chambon, ça se ressent complètement quand on le voit effectuer les mouvements du quotidien d'un maçon. On y croit.
C'est l'une des multiples facettes de cet immense acteur.
J'aimerais savoir comment a été choisi le nom du personnage de Sandrine Kimberlain. Parce que c'est quand même ce nom qui donne le titre du film, qui est placardé sur toutes les affiches, etc.
RépondreSupprimerPourquoi "Chambon" ? A un moment, alors qu'avant cela il était en pleine hésitation, Steph' Brizé s'est dit "Allez ça sera Chambon, j'en vois aucun autre. C'est CHAMBON !".
Porqué ? Dites-moi. :(
C'est d'après un roman,donc "Chambon",c'est pas Brizé,moi je dirais Chambon comme Chambord (l'élégance,la culture) et comme "sent bon" (si si ! Parce que les femmes ça sent bon,surtout les maîtresses d'école comme elle).
RépondreSupprimerFilm délicat,c'est entendu,Sandrine Kiberlain... C'est entendu ! (Sandrine Kiberlain...) Et Lindon,ma foi je m'en fous un peu qu'il sache faire le maçon et remplacer une vitre (il travaille pas chez Carglass ! Pourtant tu le sais qu'il est maçon,mais j'ai pas senti la plaisanterie,si c'en est une),c'est la moindre des choses pour un acteur,c'est son métier,il le fait bien mais j'm'en fous,moi ce qui m'intéresse c'est l'histoire et justement l'histoire m'a (ô combien !) déçu. Et puis le rythme,c'est trop lent à mon goût,mais je me disais "bon,c'est pas grave,il va partir avec elle à la fin,il faut du temps". Et non ! Raté ! Moi qui adore les belles histoires d'amour,je vous laisse imaginer ma déception. Et rester pour son fils (je vois pas pourquoi,autrement),c'est se leurrer,son fils ne sera jamais heureux avec un père malheureux.
Film qui m'a bien énervé.
Voilà,je voulais le dire,je l'ai dit,ce n'est pas un film sur l'amour mais sur l'adultère.
Erick.
que veux-tu dire là, Erick ?
RépondreSupprimer"c'est entendu,Sandrine Kiberlain... C'est entendu ! (Sandrine Kiberlain...)"
Normalement je déteste les explications de texte mais là je viens de m'apercevoir qu'il y a un mec qui a pris cette expression comme pseudo et que c'est également le nom d'un blog de musique,alors je précise: rien à voir avec moi,y a pas de message caché,c'est juste que Sandrine Kiberlain,je l'adore,voilà,c'est tout,j'ai rien d'autre à dire que je l'adore. Et je savais pas que leur couple était fini,avec Lindon,quand j'ai vu le film. Même quand elle joue les bourgeoises elle me touche.
RépondreSupprimerDonc,Sandrine Kiberlain,trois petits points.
Erick.