29 août 2011

La Danse macabre

Ce film fantastique italien de 1964, que vous trouverez aussi sous le tire de Castle of Blood, nous plonge dès ses premières minutes dans un univers gothique plaisant, filmé dans un beau noir et blanc, très contrasté, dans la pure tradition. Cette introduction accrocheuse convoque le personnage d'Edgar Allan Poe et le confronte à un avatar de Lovecraft, sous les traits d'un journaliste anglais particulièrement sceptique. Ce dernier est le personnage principal du film, nous le voyons se rendre dans un troquet londonien, écouter les histoires extraordinaires racontées par Poe et remettre en doute leur véracité. Le rapprochement avec l'écrivain de Providence est évident dans le sens où le journaliste cite quasi directement Lovecraft quand il exprime ses convictions sur l'absence de vie après la mort et, de cette façon, témoigne de son manque de considération pour la vie humaine. Ces échanges se font à travers des dialogues savoureux, assez finement écrits. Devant le scepticisme à toute épreuve du journaliste qui ne croit pas une seconde au surnaturel et aux fantômes en particulier, un troisième convive le défie de passer la nuit dans son château réputé hanté, le "Château de Providence" (autre allusion à HPL). Bien que mis en garde et prévenu qu'aucune personne n'a survécu à une nuit passée dans ce château, le journaliste accepte et les trois hommes partent séance tenante vers la lugubre demeure pour l'y déposer...



Aussi simple qu'efficace, le point de départ très prometteur de Danse macabre peut aisément rappeler celui de La Nuit de tous les mystères, réalisé en 1958 par l'américain William Castle, dans lequel Vincent Price invitait cinq personnes à passer la nuit dans une demeure hantée en échange de quelques milliers de dollars. Le début du film laisse effectivement espérer qu'on a mis la main sur un petit classique de l'horreur tombé dans l'oubli. Réalisé par Antonio Margheriti et scénarisé par Sergio Corbucci, Danse macabre jouit déjà d'une petite réputation, mais il reste relativement obscur. Plus le film avance, plus il faut avouer que l'on comprend pourquoi il n'est pas plus connu. Après la chouette introduction précédemment décrite, nous assistons à ce qui doit être la plus longue scène d'exploration à la bougie de l’histoire du cinéma ! Une errance, chandelier au poing, dans les couloirs interminables du château, ses salons décrépis, ses escaliers couverts de toiles d'araignées et ses cryptes sinistres. On se dit d'abord que ce petit manège des horreurs est, de par sa longueur, très osé. Mais on finit par s'ennuyer un peu et, du coup, on se met à focaliser sur les couacs, les goofs : ici, il s'agit de l'éclairage très douteux, qui permet de deviner toute la petite équipe essayant de faire de son mieux et qui entoure notre acteur à l'air si inquiet et apeuré. C'est un petit détail et ce n'est pas un véritable reproche que je ferai à un film dont j'imagine qu'il a été tourné en quelques jours pour une poignée de dollars, mais c'est un peu gênant tout de même dans le sens où l'on sort complètement de l'ambiance qu'il tente alors de créer.



Danse macabre regagne de l'intérêt avec l'entrée en scène de Barbara Steele, cette actrice brune légendaire aux yeux immenses que l'on retrouve dans la plupart des films d'horreur italiens de cette époque, et notamment dans Le Masque du Démon de Mario Bava. Son jeu d'actrice et son physique fascinants viennent redonner un souffle d'étrangeté à ce film dont le cœur de l'intrigue met bien du temps à nous être dévoilé. En réalité, Danse macabre s'apparente surtout à une longue nuit de terreur, où les évènements surnaturels et les scènes surréalistes plus ou moins réussies s'enchaînent à un rythme soutenu tandis que l'on devine les horreurs qui se sont produites dans les murs de ce château. Un passé fait d'histoires d'amour contrariées, de gaillards revanchards et de crimes passionnels qui a donc finalement accouché d'une poignée de fantômes lezbdos ! Danse macabre pioche en effet dans différents genres, entre romantisme, fantastique et érotisme, en s'attardant surtout à nous dépeindre une histoire d'amour naissante entre un spectre et un queutard, le spectre d'Ottokar : c'est-à-dire entre le personnage incarné par Barbara Steele et celui du journaliste, au grand dam d'un autre fantôme de charme incarné par la très pulpeuse Sylvia Sorrente.



Ponctués par des scènes parfois très réussies, comme celle du bal de l'horreur où une flopée de fantômes apparaissent soudainement dans le château et se mettent à danser dans une chorégraphie et une ambiance hors du temps, Danse macabre laisse un agréable souvenir. Au bout du compte, nous ne sommes quand même pas en présence d'une petite perle oubliée, mais bien d'un film très sympathique qui a en outre l'intelligence de nous quitter sur une dernière note particulièrement macabre. Une image que l'on oublie pas et qui rappelle même certaines nouvelles des deux plus grands écrivains fantastiques américains, dont les esprits hantent littéralement ce film pourtant typiquement italien.


La Danse macabre d'Antonio Margheriti avec Georges Rivière, Barbara Steele, Sylvia Sorrente et Silvano Tranquilli (1964)

14 commentaires:

  1. J'ai l'impression que vous êtes supers sceptiques sur les films de maisons hantées avec des gens sceptiques dedans. Mais sinon ouais, la meuf!

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  2. J'ai hésité entre plusieurs images de la même scène qui dévoilaient d'autres profils sympathiques de la dame.

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  3. Pourquoi "Danse macabre" ? Entend-on le morceau de Saint-Saëns dans le film ou pas du tout ?

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  4. Il me semble qu'on ne l'entend pas, sinon ça m'aurait interloqué et je l'aurais noté dans ma critique. Malgré ça, le titre convient parfaitement au film. :)

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  5. Ca donne pas mal envie ! J'aime bien le concept de la discussion du début et des seins spectraux de la fin !

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  6. P'tain Barbara Steele quoi, impossible d'être objectif ^^

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  7. J'ai vu cette Danse Macabre il y a bien longtemps : le final est très efficace, surprenant et mémorable.

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  8. Merci pour la découverte, Félix^^

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  9. @Arnaud : oui, très réussi ! :)

    @yuki : de rien ! :)

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  10. La danse macabre c'est surtout un des motifs les plus importants de l'art macabre du moyen-âge qui, traditionnellement, représentait une farandole entre des morts et des vivants, hommes, femmes et toutes classes sociales confondues(la mort frappe au pif !) Ça fait partie d'une grande tradition notamment picturale et littéraire.
    Après, je sais pas si ça offre une lecture complémentaire au film (au-delà de la référence claire et nette du titre) ...

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  11. Heyyyyyy Leatherface, un autre fan de la belle Barbara Steele???

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  12. Barbara Steele est juste magnifique dans 8 1/2

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  13. Sylvia Sorrente c'était quelque-chose croyez-moi.

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