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3 février 2024

Acide

Voici le deuxième long métrage de Just Philippot qui continue d'exploiter le filon de l'éco-anxiété après La Nuée. On pourrait même parler d'un diptyque, encore faudrait-il que la filmographie du cinéaste soit suffisamment passionnante pour nous donner envie de l'analyser plus en détails... Cette fois-ci, la menace ne vient plus de sauterelles dégénérées mais du ciel, tout simplement. Des pluies acides s'abattent sur certaines parties du globe puis atteignent le pays et notamment la région où vit pas si paisiblement la famille déjà bien décomposée de Guillaume Canet. On suit donc leurs mésaventures qui, ma foi, ont au moins le mérite de prendre très rapidement une sale tournure, Just Philippot ne perdant pas trop de temps au démarrage. 




Devant la fuite désespérée de cette famille éclatée dans un contexte de crise générale, de mouvements de foules et de danger grandissant face auquel l'impuissance est totale, on ne peut guère s'empêcher de penser, même de façon fugace, à La Guerre des mondes de notre tonton Spielby. Évidemment, la comparaison ne rend pas particulièrement service à Just Philippot, dont l'œuvre peine à véritablement nous saisir et manque d'énergie, en dépit des premières intentions affichées. On regarde tout ça, au mieux, vaguement intéressé. Notons que si La Nuée flirtait déjà avec le film catastrophe et s'inscrivait lui aussi dans un climat social hyper tendu, c'est encore davantage le cas ici. Ainsi, des images issues d'un téléphone portable (orientation portrait), captation sur le vif d'une manifestation d'agriculteurs musclée, ouvrent les hostilités. On peut alors légitimement se demander ce qui peut bien passer par la tête d'un cinéaste, en particulier d'un gars qui se spécialise dans le genre, pour avoir l'envie et l'idée de démarrer son film sur des images aussi purement et simplement laides. C'est vrai quoi, c'est moche. Alors qu'il aurait simplement pu filmer un joli nuage. Allez comprendre... 




Bref, sortons du cerveau de Philippot, il y fait mauvais temps. Nous tendons donc ici davantage ici vers le pur film catastrophe puisque la menace est naturelle (bien que due aux exactions de notre triste espèce sur notre belle planète, vous l'aurez compris), mais, d'ordinaire, un film catastrophe est au moins le prétexte à quelques images saisissantes, désormais régulièrement gâchées par les facilités technologiques. Ce n'est pas le cas chez Philippot : il fait un usage discret et plutôt intelligent des effets spéciaux. Conséquence ou non de ce choix, à rattacher à un certain manque d'imagination peut-être, il y a fort peu de visions d'apocalypse à se mettre sous la dent, à part peut-être deux ou trois plans de paysages ravagés, envahis de flaques d'eau dans lesquelles nous n'aimerions pas mettre un seul orteil. Il ne faut donc pas chercher de ce côté-là le plaisir que l'on pourrait trouver devant cette modique "proposition de cinéma" (j'essaie toujours d'employer les termes à la mode). Il est dommage de parvenir à si mal ou si peu jouer sur les peurs actuelles de toute une génération de spectateurs, la même, d'ailleurs, qui est plutôt friande de cinéma de genre... 




Sans marquer de progrès, Philippot nous ressert quasi exactement la même recette, en un peu plus énervé cependant. Il y a même une scène à laquelle on ne s'attend pas. Si vous tenez à mater ce truc-là par curiosité histoire de prendre le pouls du ciné de genre français, je vous invite à zapper les lignes suivantes. Je veux bien sûr parler de la scène peu ragoutante de la mort de Lætitia Dosch, qui se désagrège lentement dans les eaux contaminées d'un fleuve grisâtre (comme tout le reste) après être tombée d'un pont débordant de personnes à la recherche d'une zone plus hospitalière. Cette scène est d'une crudité plutôt surprenante, à tel point qu'il s'agit bien du seul moment du film où nous sommes happés, où l'on mesure les périls environnant. Je retiens aussi ce plan charmant sur les guiboles à moitié fondues de Guillaume Canet, reposant sur le capot d'une bagnole pour ne plus se dissoudre sur place après avoir traversé un champ non équipé des bottines adaptées à la situation. Là encore, nous sommes vaguement surpris par la violence de cette vision d'horreur furtive. Bon, évoquons tout de même un autre aspect positif du projet : Guillaume Canet, en agriculteur remonté et père de famille défaillant amené à devoir reprendre les rênes et faire preuve de courage, est plutôt convaincant, crédible, assez juste. Il faut bien le dire. Il y a chez lui un côté hargneux, terre-à-terre et bas de plafond qui sied bien au rôle et dont il sait tirer partie. Lors d'une séquence où il trouve refuge avec sa fille dans la maison d'une famille plus fortunée, il véhicule convenablement tout le mépris emmagasiné, recraché en quelques regards et rictus dégoûtés. Amer, on tire à peu près la même tronche après avoir perdu 100 minutes devant Acide.dé"


Acide de Just Philippot avec Guillaume Canet, Lætitia Dosch et Patience Munchenbach (2023)

24 novembre 2019

Nos batailles

Le plus compliqué est de survivre au premier quart d'heure. Guillaume Senez plante le décor au marteau-piqueur. Quelque part dans un coin grisâtre du nord de la France, Romain Duris est chef d'équipe au sein d'un immense entrepôt de vente en ligne. Syndiqué, il tente vainement de défendre les droits d'un des salariés, plus tard licencié, qui finira par se tailler les veines. Ambiance... Entre temps, le cinéaste belge nous a aussi dépeint en quelques coups de pinceaux cruels le terrible quotidien de la femme de Romain Duris, incarnée par une Lucie Debay condamnée à ne faire que chialer et tirer la tronche. Celle-ci bosse dans un petit magasin de fringues et s'occupe seule de leurs deux gamins. Lors de l'unique scène où nous la voyons dans sa boutique, elle tombe dans les pommes après qu'une de ses amies n'ait pas pu lui régler une robe à 59€ (carte bleue refusée, "On n'est que le 12 du mois pourtant ?!", pleurs, tout y est...). Guillaume Senez n'y va pas avec le dos de la cuillère, il nous flingue le moral d'entrée de jeu à bout portant. On se croirait alors devant un très mauvais film social, accumulant les couches de désespoir pour mieux nous maintenir entre ses griffes. Heureusement, le pire est déjà derrière nous. La maman met les voiles sans laisser d'adresse et le film se concentre sur ce père qui va essayer de s'en sortir avec ses mômes et devra repenser ses priorités.




Romain Duris, que l'on a dernièrement vu surnager dans des films médiocres tels que Tout l'argent du monde ou Fleuve noir, est ici irréprochable et trouve à coup sûr l'un de ses meilleurs rôles. A la recherche d'une certaine authenticité, Guillaume Senez a semble-t-il invité ses acteurs à improviser leurs dialogues, leurs réactions. Romain Duris s'avère très à l'aise avec le choix payant du réalisateur, il porte le film sur ses épaules et lui influe une belle énergie. Dans le rôle de sa sœur venue temporairement lui prêter main forte, Lætitia Dosch apporte quant à elle une touche de fraîcheur et de légèreté tout à fait bienvenue, pour la petite famille comme pour le spectateur avec, à la clé, quelques beaux moments de complicité. Très aidé par ses comédiens, Guillaume Senez parvient donc à faire exister ses personnages, à rendre compréhensible leur évolution. Il trouve également un assez bon équilibre entre la chronique sociale et le drame intimiste, le tout formant un ensemble plutôt cohérent. Passée sa mise en place pénible et cafardeuse, Nos batailles est en fin de compte un film assez délicat qui évite de justesse les travers propres à ce cinéma-là et parvient même à émouvoir. Un "feel good movie social", comme dirait l'autre...


Nos batailles de Guillaume Senez avec Romain Duris, Lætitia Dosch, Laure Calamy, Lucie Debay, Basile Grunberger et Lena Girard Voss (2018)