D'ordinaire assez peu friand des films d'auto-justice, je dois
avouer que celui-ci m'a bien botté ! Il est l’œuvre de William Lustig,
un drôle de loustic à qui l'on doit également la trilogie Maniac Cop et,
surtout, le terrible Maniac, sordide portrait hyperréaliste d'un serial
killer new yorkais qui marqua nombre de cinéphiles avides de sensations
fortes – je l'ai pour ma part découvert sur le tard, assez récemment, et, bien qu'aguerri à
ce type de films parfois dépassés par leurs propres réputations, j'ai
pu constater que celle-ci n'était guère usurpée. Pour son deuxième long
métrage, réalisé en 1982, William Lustig reprenait à sa sauce la
recette du polar sécuritaire, très en vogue depuis le milieu des années
70 et le retentissant succès d'Un Justicier dans la ville, ce film de Michael Winner
où Charles Bronson appliquait à sa façon la tolérance zéro dans les rues
sombres de la Grosse Pomme. C'est ici Robert Forster qui voit rouge. Bob Forster, cet acteur, décédé en 2019, à la tronche de boxeur, à la filmographie longue et cabossée, homonyme du co-leader des Go-Betweens, que Tarantino avait remis en selle dans Jackie Brown, et dont le charisme est ici à son zénith. Le brun au regard si dur en vient aux armes après
l'agression de son épouse et le meurtre de son fils par un gang sans foi
ni loi. Remonté à bloc, écœuré par l'impuissance de la police et le
système corrompu de la justice, Forster rejoint un groupe d'auto-défense,
organisé par ses collègues ouvriers, afin de venger sa famille. Un
groupe d'une redoutable efficacité mené par le magnétique Fred Williamson, grande
vedette de films de blaxploitation, dont les monologues habités
constituent sans doute mes passages préférés. C'est d'ailleurs l'un
d'eux qui ouvre Vigilante et annonce d'emblée le ton du film : sec,
direct et efficace.
On tient là une pure série b, totalement
assumée, un western urbain nerveux qui aborde l'auto-justice
avec un tel nihilisme et un tel jusqu'au boutisme que l'on tend
quasiment vers l'absurde. On se fiche pas mal que les réactions des
personnages soient parfois difficiles à avaler, on n'est pas du tout là pour ça.
Vigilante captive par son ambiance délétère, son rythme toujours égal,
sa mise en scène soignée, et par la faculté de William Lustig à nous
plonger dans les coins les plus sombres de la ville, à nous traîner dans
la fange.
Le film est également émaillé de longues scènes de poursuites à pieds ou
en voiture qui valent franchement le détour. Très
vraisemblablement inspirées par celles de French Connection, ces
courses-poursuites sont accompagnées par une bande son d'enfer qui
participe grandement à faire de Vigilante une pépite du genre. Le
puissant thème musical soutient le meilleur moment du film, en tout cas
mon favori, celui où nous voyons notre héros, plus ténébreux que jamais,
sortir de taule et rejoindre le groupe d'auto-défense après avoir
traversé, impassible, un terrain de squash en plein air en gênant tous les
joueurs. Tous le matent en se disant "Mais il est con ou quoi ?" et la
réaction, très fugace, en arrière-plan, de l'un d'eux, vaut son pesant
d'or.
Robert Forster a toute la place pour les éviter
et ne pas faire de vague, mais non, il passe là où ça les enquiquine le
plus, vraisemblablement déjà désireux d'en découvre avec le premier qui
osera lui chercher des noises. C'est là l'attitude d'un homme qui a tout perdu et n'en
a plus rien à foutre de
rien...
Une poignée de moments trop bon trop con comme celui évoqué juste avant, de très
chouettes scènes d'action pure, une BO du tonnerre, quelques dialogues
en or balancés avec une étonnante ferveur, un casting composé de
tronches pas possibles que l'on est heureux de recroiser (Woody Strode, Joe Spinell, Richard Bright...), un scénar qui surprend par sa noirceur et semble
avancer, inexorablement, dans la nuit et les rues poisseuses de NY... il y
a là tout ce qu'il faut pour passer un bon moment de détente amorale et
malsaine.
Vigilante de William Lustig avec Robert Forster, Fred Williamson, Carol Lynley, Woody Strode et Joe Spinnell (1982)
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