28 novembre 2020

Wheelman

Frank Grillo incarne un conducteur pour braquage dans Wheelman, littéralement "L'homme-pneu", une petite production Netflix sortie il y a trois ans. Notons que cette profession, pilote pour braqueurs ("gateway driver" en anglais), me paraît actuellement très surreprésentée au cinéma, peut-être suite au succès retentissant de Drive. Baby Driver et maintenant Wheelman, ça fait au moins trois films récents qui abordent ce métier pourtant assez rare. Sur la même période, je ne compte aucun long métrage sur des apiculteurs, des marchands de fruits et légumes ou de simples comptables. C'est étonnant, à ma connaissance, personne dans mon entourage n'est conducteur pour criminels. Je crois même que la fameuse règle des six degrés de séparation ne fonctionne pas dans ce cas précis. Je suis persuadé que moins de six personnes me séparent de Jessica Chastain, notamment grâce à mon frère aîné avocat des stars, mais je suis également convaincu qu'il faut aller au-delà de dix maillons pour me relier à un éventuel conducteur pour braquages. Quoique, peut-être que via mon ami le Tank le raccourci serait très rapide, mais rares sont ceux qui peuvent se targuer de compter un individu comme le Tank, avec tout son vécu et son réseau, dans leur entourage élargi. Bref, tout ça pour dire que Wheelman est un nouveau film sur un simple chauffard.





Frank Grillo doit donc amener des braqueurs dans une banque quelconque et tout se passe comme d'habitude jusqu'à un premier appel téléphonique crucial. Alors que les deux zigotos qui viennent de commettre leur méfait sont encore affairés à déposer le magot dans la malle, un interlocuteur mystérieux somme notre conducteur d'abandonner sur le champ ses compères d'un soir, sans quoi ils le tueront. Sitôt raccroché, Frank Grillo démarre en trombe et se retrouve pris au piège, coincé dans sa bagnole au coffre rempli d'oseille, essayant de deviner les contours du merdier dans lequel il s'est fourré. Pris en chasse par différents malfrats en deux roues attirés par les 230 000$ qu'il transporte, il doit gérer plusieurs coups de fil successifs depuis son volant : sa fille de 13 ans, sur le point de passer la nuit avec un mec de 7 piges de plus, son ex-femme, remontée à bloc qu'il laisse sa fille à la merci d'un véritable obsédé sexuel et, surtout, le mystérieux mec qui tire les ficelles en coulisse et lui donne des consignes menaçantes. En plus de ça, il reçoit aussi des textos assez désagréables d'origine inconnue, du style "T BIENTO MORT", "SI TU DEPOSES PAS LE FRIC DE SUITE JE TE TROUE LA PEAU", "T 1 FUMIER", "G TA FEMME, GUIGNOL" et, pour finir, un concis mais cruel "FOOTIX !". Bref, que du bonheur !





Frank Grillo passe tout le film à cran ! Il doit établir un nouveau record du nombre de prononciations du mot "fuck" et ça n'est strictement jamais à des fins humoristiques. Le bonhomme est tout simplement remonté comme une pendule et insulte ses interlocuteurs à tout va. L'acteur devait se lever du mauvais pied chaque matin et se mettre à bout de nerfs pour les besoins du rôle, il est PAR-FAIT. Il a le regard fou d'un type qu'il ne faut surtout pas venir chatouiller. Avec un doublage français un peu inventif, ce film de seconde zone pourrait devenir une vraie perle pour les amateurs. On apprécie notamment ces dialogues lors desquels il doit convaincre sa propre fille de ne pas passer la nuit avec un gadjo prêt à abuser d'elle :
- Kate, je t'en conjure, ne passe pas la nuit avec ce queutard de pacotille, c'est un cintré complet, je veux pas que tu perdes ta virginité avec un tel taré, je t'en supplie, je suis ton propre père !
- Pa', on va juste s'affaler devant Netflix et mater tous les deux un petit film d'horreur sans prétention, ni plus ni moins, sois tranquille.
- Un film dont le metteur en scène est un fou dangereux et dont tu vas être l'actrice principale fillette, je te le garantis... Pas dans mon salon ! Ne me raccroche surtout pas au n !





Après avoir échoué à convaincre sa fille de mettre le type à la porte, son ex-femme l'appelle aussitôt.
- Tu laisses ta filles avec un tel connard, mais t'es cinglé ou quoi ?
- Écoute-moi putain je suis dans une situation apocalyptique actuellement, je me situe dans une merde noire avec des scooters armés qui me collent aux basques, je dois reconnaître que je n'arrive pas à tout gérer, vie privée et vie professionnelle ! Alors sois cool, je t'en conjure...
La réponse de son ex est cinglante :
- Je t'ai toujours dit que tu étais un sale connard doublé d'un incapable, je suis sûre que tu t'es encore embarqué dans une sale affaire avec ton copain débile prénommé Cheetah. Mon opinion sur toi n'a guère évolué d'un iota depuis que nous avons signé les papiers du divorce. Pour moi tu es fini. FI-NI.
- Pas maintenant !
Suite à ce nouveau coup dur, le pilote choisit de rappeler sa fille, dans l'espoir de parler avec son copain pour négocier directement avec lui.
- Passe-le moi tout de suite, j'ai juste un p'tit détail à régler avec lui...
- Putain mais j'ai pas envie de parler à ton triso de père ! entend-on au loin avant que le gars se saisisse du téléphone. Euh allô ?
- Écoute-moi bien gros enfoiré, si tu touches à un seul cheveu de ma fille, t'as plus d'couilles.
Et ainsi de suite...





Le réalisateur, Jeremy Rush, avait placé 20 caméras sur et dans le véhicule pour multiplier les angles de vue. On sent qu'il veut rentabiliser chaque caméra en nous proposant des plans totalement abscons. Je pense par exemple à celui qui cadre l'oreille droite de Frank Grillo, pour bien nous montrer son kit main libre et la petite goutte de sueur dégueu qui menace de glisser. Hélas, l'acteur, très énervé, gesticule énormément, éructe ses répliques en balançant sa tête vers l'avant, ce qui donne un résultat pitoyable à l'écran : on voit plus souvent sa nuque de très près que son oreille et c'est assez déconcertant. Et quand bien même l'oreille serait bien cadrée, cette idée de plan était tout à fait inepte. Certains plans extérieurs, à ras des roues, collés au rétro ou rivé sur le coffre, paraissent également bien superflus. Les vues du coffre ont le seul mérite de nous rappeler que, dès les premières minutes, notre héros n'était pas jouasse. "Tu m'avais dit une bagnole noire, incognito, peinard. Qu'est-ce que vient foutre ce coffre rouge ?!" étaient ses premiers mots, échangés avec son commanditaire. Ça annonçait la couleur... Wheelman, qui rappelle le récent Locke où Tom Hardy devait gérer plusieurs coups de téléphone délicats au volant, a comme plus grande qualité de ne durer qu'1h22.


Wheelman de Jeremy Rush avec Frank Grillo, sa bagnole et quelques scooters (2017)

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