J’ai revu ce film hier soir avec un pote qu’on surnomme « Le Tank » parce qu’il est blindé par la vie. Je vous la fais courte sur sa biographie mais en gros je savais pas qu’on pouvait appeler sous les drapeaux un même homme pour la seconde guerre mondiale, la guerre d’Indochine, et celle d’Algérie. Je savais encore moins qu’un homme pouvait sortir de tous ces merdiers indemne. Il lui manque juste les deux pattes arrières. Au départ c’était un ami de mon père mais on est devenus les meilleurs amis du monde parce qu’il dit retrouver en moi la jeunesse qu’il a abandonnée dans les tranchées. Cet ami cul-de-jatte aime bien « se vider la tronche devant un film de temps en temps » comme il le dit si bien. En général il tape dans les Mary Poppins et autres Magicien d’Oz pour être à l’abri et pour que rien ne vienne lui rappeler les coups de mortier et les balles perdues. Mais hier, un peu par nostalgie et un peu pour se rapprocher de ses amis vétérans qui quant à eux adorent à se rappeler tous les viêts qu’ils ont tués et tous les gosses qu’ils ont violés, pour renouer avec ses vieux démons et retrouver le goût de sa génération perdue, il était bien décidé à s’envoyer Fight Club. Il avait l’air de prendre son pied devant le bijou de Fincher. Faut dire que dès qu’il s’assoit, et je rappelle qu’il est toujours assis vu qu’il n’a pas de jambes, c’est avec une seringue dans la main gauche et un garrot autour du bras droit. C’est ce qui lui permet de « continuer à courir dans sa tronche » d’après ses propres termes. Il tourne à trois grammes mon pote, et il s’enorgueillit de n’être jamais retombé en-dessous de cette barre depuis Diên Biên Phù.
De mon côté j’appréciais modérément de revoir ce film pour la dixième fois, ce film que j’exècre. J’étais lancé dans une critique in vivo, doublée d’une finaude analyse cinématographique de cette apologie de la baston, quand mon ami le Tank m’a fait un signe de la main et m’a dit : « Laisse pisser… Laisse pisser des fois dans la vie ». J’ai stoppé ma logorrhée et il a conclu sans quitter la télé du regard : « Tu crois que je faisais comment moi à Stalingrad ? J’ai laissé pisser… Un mois passé à pisser des glaçons. Arrête de tout analyser. Laisse-toi envahir par un truc artistique de temps en temps ». De toute façon il est toujours défoncé. Mais du coup j’ai quand même maté la fin du film sans bouder mon plaisir.
De mon côté j’appréciais modérément de revoir ce film pour la dixième fois, ce film que j’exècre. J’étais lancé dans une critique in vivo, doublée d’une finaude analyse cinématographique de cette apologie de la baston, quand mon ami le Tank m’a fait un signe de la main et m’a dit : « Laisse pisser… Laisse pisser des fois dans la vie ». J’ai stoppé ma logorrhée et il a conclu sans quitter la télé du regard : « Tu crois que je faisais comment moi à Stalingrad ? J’ai laissé pisser… Un mois passé à pisser des glaçons. Arrête de tout analyser. Laisse-toi envahir par un truc artistique de temps en temps ». De toute façon il est toujours défoncé. Mais du coup j’ai quand même maté la fin du film sans bouder mon plaisir.
Il a une voix venue des enfers mon ami, aussi quand il lève le doigt pour dire de laisser pisser on l’écoute, à vrai dire je me suis même littéralement pissé dans le froc à ses côtés. Il s’en est pas rendu compte parce qu’il était happé par le film, qui pour lui avait une résonance toute particulière. Le Tank est un schizo avéré, certifié conforme. A la toute fin du film il m’a confessé cette fois-ci à voix basse (et quand il murmure il fait néanmoins trembler les murs) qu’il a adoré cette histoire. Pourquoi ? Parce qu’il a kiffé voir un Brad Pitt dédoublé à l’image. Pour lui, pas de twist, ce qui explique sans doute qu’il ait pu apprécier la perfidie de Fincher. Depuis le début il voyait double. Il voyait même triple étant donné qu’il a maté ce film en compagnie de son alter ego, son confident de chaque instant, son double imaginaire, sa projection diabolique, qu’il accuse de tous les crimes qu’il commet en journée, ce Horla qu’il appelle Bulletproof. Oh je l’avais bien entendu quelques fois parler tout seul, mais plus rien ne m’étonne avec le Tank, pas même le voir donner des coups de latte dans le vide et autres coups d’épée dans l’eau depuis hier soir…
Fight Club de David Fincher avec Brad Pitt et Edward Norton (1999)