8 juin 2019

Next of Kin

Obscur film fantastique australien jouissant aujourd'hui d'une belle petite réputation auprès des amateurs, Next of Kin est la seule réalisation notable de Tony Williams. Sorti en 1982 et connu par chez nous sous le triste titre Montclare : Rendez-vous de l'horreur, ce film ne brille pas par l'originalité de son scénario puisque celui-ci s'avère tout à fait accessoire. Voici néanmoins son point de départ : suite au décès de sa mère, une jeune femme hérite d'une imposante maison de retraite ; à son arrivée sur les lieux, les morts mystérieuses se multiplient et les souvenirs désagréables d'un passé refoulé ressurgissent... "Il y a quelque chose de diabolique dans cette maison, quelque chose qui y vit et respire le même air que nous" lira bientôt notre héroïne terrorisée dans le journal intime de sa môman.




Not Quite Hollywood : The Wild, Untold Story of Ozploitation !, un documentaire de 2008 consacré au cinéma d'exploitation australien, a peut-être aidé à donner une nouvelle vie à Next of Kin. On y voyait quelques extraits prometteurs et, surtout, Quentin Tarantino le présentait comme l'un de ses films australiens préférés. Plein d'enthousiasme, il faisait un rapprochement assez hasardeux en le comparant au Shining de Stanley Kubrick, rien que ça. Un compliment à double tranchant... Beaucoup l'ont peut-être découvert grâce à cela, quelques-uns ont forcément été très déçus. Car si Next of Kin est un titre hautement recommandable, à conseiller à tous les amateurs de cinéma fantastique, il ne boxe évidemment pas dans la même catégorie que le chef-d’œuvre de Kubrick. 




Next of Kin est un film d'épouvante d'ambiance par excellence. Comme évoqué précédemment, son scénario est très fumeux : il n'y a pas d'intrigue claire, ou en tout cas prenante, on ne sait pas trop où le film veut aller, quand bien même celui-ci adopte grosso modo le schéma classique du film de maison hantée. Certains personnages ne servent à rien, disparaissant inexplicablement, et on a bien du mal à vraiment s'intéresser à l'enquête de l'héroïne. Parfois dure à suivre, l'histoire est un prétexte au cinéaste pour étaler toute sa maestria. Ce qui compte ici, c'est surtout le contexte, le décor dans lequel va s'amuser le réalisateur.




Tony Williams se fait plaisir et ose beaucoup de choses. Il atteste d'une maîtrise et d'une inventivité réjouissantes, ce qui rend d'autant plus surprenant qu'il n'ait rien fait d'autre par la suite. Il prend d'abord son temps pour mettre en place une ambiance singulière, filmant tranquillement son actrice brune au charme discret, Jacki Kerin, prendre possession et connaissance des lieux. Épaulé par le thème musical entêtant de Klaus Schulze, l'un des pontes de la musique électronique allemande et membre fondateur de Tangerine Dream, Tony Williams parvient sans souci à créer une atmosphère pesante et nous offre quelques moments de toute beauté.




La réalisation de Tony Williams est très fluide et aérienne, grâce à une belle utilisation de la louma et de la steadycam. Des travellings et des cadres très travaillés installent la peur en jouant notamment sur la profondeur de champ, étouffant ou écrasant l'héroïne. Face à cette stylisation nette qui ne recule devant rien et cette ambiance anxiogène cotonneuse de menace source, on a comme l'agréable impression d'être face à un croisement bizarre entre le cinéma baroque de Dario Argento et celui, à la touche plus délicate, des premières œuvres fantastiques de Peter Weir (Pique-Nique à Hanging Rock, La Dernière Vague). On a connu pire, n'est-ce pas ?...




Si la première heure du film est assez lente, tout s'accélère soudainement, pour une dernière demi heure de folie pure, véritablement démentielle, où le cinéaste en roues libres se lâche encore davantage. Next of Kin bascule alors progressivement dans la sauvagerie, délaissant le canevas plus tranquille du film de maison hantée pour s'aventurer vers celui du slasher, de l'horreur pure et dure, quitte à rappeler de loin Massacre à la tronçonneuse dans sa terrible et brutale conclusion. Cette dernière partie nous réserve son lot de scènes tendues et de trouvailles visuelles géniales, qui empreignent durablement nos rétines.




Devant ce final en fanfare, nous ne sommes pas loin du film d'horreur rêvé, celui qui cherche et atteint l'image marquante, qui dépeint une situation absurde et insoutenable semblant tout droit issue d'un cauchemar délirant, par une mise en scène virtuose qui ose tout (on pense par exemple à cet étrange ralenti en plongé lors de la fuite de l'héroïne, un mouvement de caméra laissant pantois et annonçant bien le basculement définitif dans l'horreur). Alors certes, ce film étonnant à plus d'un titre est très inégal et n'existe que par sa mise en scène souvent admirable, mais en nous quittant de la meilleure manière possible, il parvient tout de même à faire forte impression et prouve qu'il mérite amplement sa modeste mais bien solide notoriété. Tentez-le !


Next of Kin (Montclare : Rendez-vous de l'horreur) de Tony Williams avec Jacki Kerin, John Jarratt et Alex Scott (1982)

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