6 septembre 2015

Strategic Air Command

Quand on dit James Stewart et Anthony Mann dans la même phrase, en général c'est pour parler du superbe cycle de westerns que les deux hommes ont tournés ensemble : Winchester 73 (1950) Bend of the River (1952) The Naked Spur (1953) The Far Country (1954) et The Man From Laramie (1955). Mais les deux hommes ont tourné trois autres films main dans la main : Thunder Bay, en 1953, The Glenn Miller Story en 1954, qui me sont tous deux encore inconnus, puis Strategic Air Command, en 1955. Et autant dire que ce dernier, peut-être le moins connu de tous, n'est pas tombé aux oubliettes pour rien. Film de propagande pour l'armée américaine, et spécialement pour son aviation, cet opus de la série Mann-Stewart est un film fascinant par sa capacité à s'étirer sur du vide. Il nous raconte l'histoire du lieutenant colonel Robert "Dutch" Holland (Jimmy Stewart donc), ancien pilote de l'US Air Force (c'était le cas de Stewart lui-même, pilote de bombardier durant la guerre) reconverti champion de baseball, auquel l'armée de l'air demande de reprendre du service au sein du fameux Strategic Air Command pour mettre ses talents au service d'une série de tests sur de tout nouveaux modèles d'appareils dernier cri, au grand dam de son épouse, Sally Holland (June Allyson, déjà en couple avec Stewart dans The Glenn Miller Story), qui le suit d'abord avec amour puis regrette rapidement son retour sous les drapeaux.




Et on la comprend, la pauvre. Dieu sait qu'il n'arrive pas grand chose à son lieutenant-colonel de mari en ces temps de paix (mais de guerre froide, d'où ce film publicitaire), et qu'il n'arrive pas grand chose au film, du même coup. Le pilote tombe amoureux de son coucou et n'a de cesse d'aller tirer sur son manche, au mépris de sa vie de couple et, bientôt, de son nouveau rôle de père. A croire que les longues séquences dans lesquelles Anthony Mann, avec l'appui d'une musique emphatique assez pénible signée Victor Young, se concentre exclusivement sur le beau bombardier tout neuf mis au point par les yankees, filmant la bête d'acier puissante et rutilante sous toutes les coutures, au sol et en l'air, ont de l'effet sur le personnage principal à défaut d'en avoir sur nous (hormis peut-être quelques passionnés d'aéronautique et autres dérangés susceptibles de choper le marbre pour un bombardier). Mais, toutes les vingt minutes environ (chiffre avancé complètement au hasard, je l'avoue), le pilote rentre au bercail et y retrouve une épouse d'abord tendre et compréhensive puis, en tout état de cause, de moins en moins convaincue par le choix de vie de son cher et tendre, et donc par le sien.




Aussi courtes soient-elles, ce sont les seules scènes intéressantes, captivantes, touchantes du film, qui confirment, si besoin, qu'Anthony Mann n'était décidément pas fait pour cirer les ailes de l'armée américaine (prise à contrepied dans certains de ses meilleurs westerns), et se trouvait plus enclin à filmer des chevaux bien vivants que des B29 vrombissants. On se surprend donc, au bout d'un temps, à s'identifier non pas à James Stewart (une habitude pourtant...), mais à June Allyson et à son personnage très sirkien de femme au foyer trahie, abandonnée, délaissée. On a envie de l'aider à convaincre Jimmy Stewart de rester là, au chaud, à la maison, dans les bras de sa femme, au lieu d'aller crâner aux commandes de son hideuse machine de mort (pour finir mal, en prime, puisqu'il se ruine une épaule et met en danger tout un équipage par excès de confiance, le portrait du pilote n'étant pas tout reluisant non plus - Mann reste Mann, on ne se refait pas totalement). Et on tirerait bien la manche du fantôme du cinéaste aussi, pour le supplier d'abandonner son film de réclame, d'arrêter de scruter amoureusement un tas de tôle volant et de retrouver ses acteurs et actrices, de laisser les drapeaux où ils sont et de filmer des hommes, des femmes, et la nature, où il avait sa place plus que dans les nuages.


Strategic Air Command d'Anthony Mann avec James Stewart et June Allyson (1955)

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