23 septembre 2015

La French

Le vrai Heat français, le voici enfin ! Dujardin versus Lellouche, l'affiche à de quoi faire rêver... La confrontation est-elle à la hauteur de l'attente suscitée ? William Friedkin, qui n'a pas vu le film, aurait déclaré sur Twitter "I don't give a damn". La French se veut le film miroir de son French Connection, l'un des polars phares du Nouvel Hollywood. Voici donc le point de vue français sur la croisade antidrogue menée contre cette fameuse mafia qui a régné sur la cité phocéenne durant les années 70 et 80. Jean Dujardin interprète un magistrat super zélé qui va se lancer corps et âme dans son entreprise de démantèlement d'un réseau mieux organisé qu'il le croyait. Gilles Lellouche prête quant à lui ses traits particulièrement disgracieux à l'indéboulonnable parrain du "milieu".




La première confrontation entre les deux superstars doit survenir après une bonne heure de film. Malheureusement, la scène est totalement flinguée par le mistral ! Cédric Jimenez avait pourtant attendu son moment, un coucher se soleil rasant, se reflétant parfaitement dans la Méditerranée, la lumière à hauteur des acteurs, face à face, sur un cap fouetté par les vagues. Toutes les conditions étaient réunies pour mettre en boîte un petit échange savoureux entre les deux rivaux. Hélas, Dame Nature en a décidé tout autrement. Et aucune nouvelle chance ne fut accordée à Cédric Jimenez, qui pouvait déjà s'estimer heureux que de tels moyens lui aient été octroyés dès son second long métrage. Harcelés par des rafales ininterrompues, Dujardin et Lellouche ont un mal fou à garder leurs costards sur le dos. Leurs mèches folles se font mieux entendre que leurs dialogues. On ne pige strictement rien à ce qu'ils disent, la prise de son morfle, le perchman est encore porté disparu. En bref, la scène est totalement foirée. Dommage !




Soulignons d'ailleurs que la compréhension des dialogues est ici un problème récurrent. Pendant tout le film, j'ai lutté pour piger le moindre mot qui sortait du vieux clapet puant de Gilles Lellouche... J'avais pourtant fait attention de correctement régler mon système audio 2.0, en diminuant sensiblement les basses. En vain. J'ai vite abandonné espoir de comprendre une seule tirade du boss de la mafia, protagoniste pourtant central dans cette petite histoire... Je ne comprenais tout simplement pas ce qu'il disait. Même phénomène avec Benoît Magimel, qui trouve ici sans conteste l'un des pires rôles de sa carrière, bien qu'il s'agisse, en ce qui le concerne, d'un problème lié au personnage de gitan qu'il est supposé incarner. Magimel se retrouve dans la peau d'un gangster minable surnommé "le Fou". Il se fait buter une première fois dans un parking souterrain, en prenant une douzaine de balles dans les poumons. Il est rafistolé on ne sait comment par une infirmière surdouée, uniquement pour se faire arrêter par les flics dans la foulée ! Magimel doit avoir quatre lignes de dialogue à tout péter, et aucune n'est intelligible. Il faut dire qu'il surjoue assez ridiculement l'accent marseillais... Terrible descente aux enfers pour cet acteur jadis prometteur qu'Etienne Chatliez a peut-être mis un peu trop tôt sous le feu des projecteurs...




En ce qui concerne Gilles Lellouche, il s'agit simplement d'un gros souci de diction, qu'il serait grand temps de corriger. Trop de films ont déjà été gâchés. La croyance que l’orthophonie est "réservée" aux enfants est fausse. De plus en plus d’adultes se retrouvent en séances de rééducation, pour des troubles qui ont parfois de lourdes conséquences sociologiques et psychologiques mais qui tous touchent la communication. Il n'y a pas à avoir honte, c'est déjà un petit miracle (ou un vaste malentendu) que M. Lellouche soit arrivé si loin avec un tel handicap ! Mais revenons plutôt au film. La French est plutôt naze, mais tout de même un peu mieux que ce que je craignais. C'est facilement supérieur à ce que j'appellerai un "Olivier Marchal-like", c'est-à-dire à tous ces polars nauséabonds qui ont envahi nos écrans suite au succès du détestable 36 quai des orfèvres, un film qui a fait beaucoup de mal au cinéma français. La reconstitution d'époque n'est, pour une fois, pas très lourdaude, à condition de faire l'impasse sur toutes ces femmes qui semblent sortir tout droit d'un catalogue de mode vintage. Les 2h15 passent sans réel accroc. Jean Dujardin, bien qu'il ait toujours autant de difficulté à être crédible dans un registre sérieux, se donne beaucoup de mal, je ne lui jetterai donc pas la pierre. Mais nous sommes tout de même loin de la réussite annoncée par certains médias, trop désireux de voir le polar à la française rebondir enfin.




En outre, le film a la sale idée de nous quitter sur une fausse note, à savoir la pitoyable mort du personnage campé par Dujardin. Rentrant peinard du boulot en scooter, le juge se fait abattre froidement d'une balle dans le coccyx à un feu rouge, par des gangsters revanchards arrivés lentement à sa hauteur en motocyclette. Nous voyons alors, en plan large, le scooter, à l'arrêt, se renverser tout bêtement sur le côté, dans une chute lamentable. "Quand la légende dépasse la réalité, imprime la légende" suggère un célèbre adage fordien. Jimenez, sans doute obnubilé par la sacrosainte véracité historique, aurait dû en prendre de la graine pour offrir à son héros une fin moins pathétique... 


La French de Cédric Jimenez avec Jean Dujardin, Gilles Lellouch, Céline Sallette et Mélanie Doutey (2014)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire