31 mars 2011

Adieu Gary

Pourquoi parler de ce film ? Si on vous le demande vous direz que vous ne savez pas. Et encore estimez-vous heureux : à l'époque de sa sortie Félix et moi avons vu Parlez-moi de la pluie en présence de Jabac, et on a réussi à ne pas vous en parler... J'ai maté ce film sans Félix, le binôme n'était pas au rendez-vous, or dans Adieu Gary il n'y a pas Ja, il n'y a que Bac, qui d'ailleurs n'a pas son bac. C'est uniquement pour Bacri que j'ai lancé ce film, en souvenir du bon vieux temps où il nous faisait encore marrer avec sa gouaille de misanthrope et ses répliques au scalpel. Mais il est loin le temps où Jean-pierre Bacri pouvait sauver les meubles. Le voici noyé dans un film social pur jus qui nous inflige toute la grisaille de son genre : le film prend ses bases dans une petite cité ouvrière laissée à l'abandon et pratiquement vidée de sa population, que regagne un jeune homme fraîchement sorti de prison. Son frère travaille comme un larbin dans un supermarché qui l'oblige à porter des costumes ridicules. Son père (Bacri himself) ne travaille plus depuis que son usine a fermé : il la regarde passer en pièces détachées sur la voie ferrée en déplorant la désindustrialisation de la France due aux politiques de délocalisations favorisées par un gouvernement puant. Oisif, le vieux s'apitoie sur le lent démantèlement de cette usine et de sa vie tout en zieutant sa voisine sympathique (la toujours chouette Dominique Reymond, excellente actrice et très belle femme qui me fait parfois penser à la tata de Félix dont je suis maboule), qui quant à elle observe son propre fils, lequel passe chacune de ses journées à attendre le retour providentiel de son père disparu, son énorme cul vissé à une bite au milieu de la place du village, aux côtés d'un tout petit dealer de drogue, petit au point d'être un nain en fauteuil roulant... Le misérabilisme fait roi.


Le gros fils muet à bouclettes attend le retour de son père, avec dans son side-car un nain silencieux pour le soutenir dans son attente morbide

Que celui qui n'a pas prévu de se suicider par l'ennui passe son chemin, idem pour tous ceux qui se sentent déjà une sensibilité plutôt de gauche que de droite. Que se tiennent également éloignés du film ceux qui ne savent que trop ce que c'est que la misère matérielle, psychologique, émotionnelle etc. En ce qui me concerne j'ai fini par pioncer à poings fermés. Si vous voulez, et si il y a quelqu'un pour lire un article sur ce film dont personne n'a rien à foutre, je peux aussi vous spoiler le titre. Les naïfs qui comme moi auront cru avoir affaire à Romain Gary peuvent se foutre le doigt dans l'œil. Même désillusion pour ceux qui pensent avoir enfin droit à un docu-fiction avec Bacri pour chef d'orchestre sur la citée phocéenne, dont les habitants ont la belle habitude de se saluer en gueulant: "Ow gary !". Non en fait c'est juste lié à ce fils étrange abandonné par son père, toujours muet et sempiternellement assis au bord du trottoir dans l'attente d'un retour inespéré du paternel. Le personnage de Bacri s'en agace et n'arrête pas de dire à sa voisine (avec laquelle il fricote) de parler à son fils pour faire quelque chose. Du coup pendant tout le film on est là, tenu en haleine, figé, hagard, suspendu au stylo du scénariste, tétanisé, défragmenté dans l'attente d'une grande révélation et d'un twist impossible. On brûle de savoir pourquoi ce con reste planté comme ça au bord de la route, au point que plusieurs fois certains passants s'approchent de lui comme d'un parc-mètre pour payer leur dû et s'éviter une amende. C'est un méga film à suspense ! Les indices sont distillés au compte-goutte. On voit le jeune homme mater des films de Gary Cooper tous les soirs, échoué sur son canapé comme un baleinier Japonais naufragé sur une plage du Pacifique. En fait son père ressemblait à Gary Cooper, du coup tout le monde l'appelait "Gary" et comme il est parti, son fils l'attend. Pardon de vous avoir gâché la fin.


La seule scène pas trop dégueu du film, quand Bacri se fait passer pour Gary Cooper afin d'exorciser le gros hijo de pu'

Le film est un peu contradictoire d'ailleurs. Il se veut très réaliste, ultra naturaliste même, et cependant on a droit au cliché fictionnel coutumier des contes basé sur le thème de l'enfant (ou autre) qui attend chaque jour de sa vie, inlassablement, immanquablement, invariablement, l'être aimé et perdu (ici le père), assis sur un banc sans dire un mot pendant des lustres... Or ça c'est du conte de fée, c'est des histoires, comme on dit, c'est pas crédible une seconde. C'est étrange que ce film (et beaucoup de films dans le genre) soit à ce point contradictoire dans sa volonté de peindre le réel le plus cru tout en passant par des anecdotes romancées invraisemblables qui tuent dans l'œuf la volonté du réalisateur de toucher à l'universel. Je suppose que ça fait de ce film une "fable réaliste" ou un "conte social" et que ça lui aura valu 3 étoiles dans Télérama. En ce qui me concerne je lui dédicace seulement les prochaines effluves odoriférantes de mon étoile noire.


Adieu Gary de Nassim Amaouche avec Jean-Pierre Bacri et Dominique Reymond (2009)

3 commentaires:

  1. "très belle femme qui me fait parfois penser à la tata de Félix dont je suis maboule"
    ça va se savoir :D

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  2. As-tu pensé à Beckett en voyant ce minot accompagné d'un nain passer tout son temps à attendre ?

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