9 juin 2024

The Killer

En 2023, David Fincher est fatigué. Au bout du rouleau, il cherche à retrouver l'essence du cinéma après l'expérience éreintante du tournage de Mank, réalisé dans l'ombre paternelle dont il essaie de se défaire depuis sa plus tendre enfance. Libéré du joug des studios, mais auréolé, comme les plus grands (Cuaron Scorsese, les frères Coen, Gastambide), de la pleine confiance de Nietflix, Fincher se relance. C'est sans aucune vision artistique, sinon celle de réaliser un bon film, que le pape de Los Angeles se remet le pied à l'étrier. Lors de vacances parisiennes, ses pas le guident vers un bdiste de quartier où il pioche au hasard, à l'aveugle, quitte à faire tomber tous les rayonnages et à provoquer les foudres du tenancier, qui n'aura pas reconnu le faciès rasé à blanc et blanchi à la chaux du grand manitou d'Hollywood devenu le seigneur des plateformes et la caution artistique des plus vils requins de la planète. Sa main molle, répandant des effluves appuyés et obsédants d'aftershave, tombe sur la tranche de Le Tueur, dont le titre ridicule ne le dissuade pas et lui rappelle même ses premières réussites : les thrillers qui ont fait de lui un lord du 7ème art. Le génie est en confiance. 
 
 
 
 
Dès le premier soir de lecture sous la couette, il envisage un storyboard scrupuleusement basé sur les planches de la bd. En éteignant la lumière, Fincher peine à trouver le sommeil, voit le film se dérouler dans le noir telle une aurore boréale fantasmatique, et sait de quoi sa matinée sera faite. C'est sans compter, en pleine nuit, sur un réveil brutal : David a trois idées qu'il griffonne à la lumière de son smartphone (son carnet de notes appartient désormais au passé). Il pense notamment au casting : Michael Fastbender lui vient en premier, qui acceptera très vite, n'ayant rien d'autre à faire cette année-là, et n'ayant surtout pas peur du tout des scénarios très lacunaires et inachevés (comme le prouve toute sa filmographie), à condition de pouvoir porter son bob sur l'affiche, puis suit le nom de Tilda Swinton, qui dira oui aussi par erreur de retour de mail, et Christopher Lee, qui préfère décéder que jouer dans le film.
 
 
 
 
Le résultat de tous ces flashs, c'est un film qui vous endort sur place. On en ressort comme d'un cours de 2ème semestre de philo, en Terminale, dispensé par Monsieur Vigoureux-Smith, le lundi matin de 8h à 12h, après lequel on espère que la semaine est finie alors que c'est encore le milieu du lundi. Qui a vu ce film jusqu'au bout, en dormant les yeux grands ouverts, peut se qualifier de "méditant". Habitués à voir plus de matière, les critiques sont sortis déçus de ce pensum ridicule et lénifiant lorgnant vers le déjà maigre quoique culte Samouraï (Le) de Jean-Paul Melville tout en rendant un hommage appuyé au film de chevet du cinéaste Fincher, cinéaste coprophage : Fight Club. On ne citera qu'une plume, particulièrement acerbe et inspirée à la fois : "C'est le son de Fincher qui s'enfonce la tête dans son propre cul, entend les grondements de ses gaz intestinaux et décide de les partager avec le monde", assassinat en règle signé Jacques-Jean Smicard dans sa notule facebook sur le film. On ne résiste pas à la tentation d'en citer quand même une autre, issue de cet article que vous lisez en ce moment et prélevée ci-après, dont on apprécie l'absurde originalité et le flair astucieux : "J'ai tapé Fincher et génie dans google, et tous les résultats de la recherche associée barraient le mot génie".
 
 
The Killer de David Fincher avec Michael Fastbenber et Tilda Swinton (2023)

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