22 janvier 2023

Jeremiah Johnson

Revoir ce western c'est s'assurer un voyage vers de formidables contrées, un départ pour l'élégance et la majesté, une longue marche vers un spectacle peu commun, une ascension direction le royaume du monde sauvage, la grâce, le charme, la beauté tout simplement. Et ce pays porte un nom : Robert Redford. L'acteur est d'absolument tous les plans et les crève un par un pendant une heure trois quart. Dire que Bob Redford fut beau n'est guère nouveau, je vous l'accorde. Mais dans Jeremiah Johnson, c'est quelque chose. Comme dans quasiment tous ses autres films. Ce qui me fascine surtout c'est sa chevelure. L'acteur brave des températures inhumaines, à moins cinquante sous zéro, il affronte le blizzard, des torrents de pluie, la neige par avalanches, la faim et la soif, mais il ne quitte jamais une coiffure en tout point admirable. Ses cheveux sont épais, soyeux, toniques et brillants. Quel est son secret ? Peut-être la graisse de saumon ? Le foie de grizzli ? Je ne sais pas mais je veux le même régime alimentaire et surtout le même shampoing. Quelle tignasse de rêve ! 
 
 


 
Rien d'étonnant à ce que tous les personnages qui gravitent autour de lui, du vieux chasseur d'ours qui lui apprend à vivre seul en milieu hostile au gros couillon qu'il trouve enterré jusqu'au cou par les indiens en passant par les indiens eux-mêmes, sans oublier l'orphelin qu'il prend sous son aile et la squaw qu'on le force à épouser, tombent tous en pâmoison devant cette enflure et rêvent de le scalper.





Même quand il cède à un besoin de vengeance et devient la Nemesis de tous les indiens Crows de la région, qui lui tombent dessus l'un après l'autre, parfois à dix contre un, sans prévenir, interrompant sans ménagement un énième apéro mousse de notre bellâtre au bord d'un millième ruisseau, indiens qu'il massacre les uns après les autres, retournant à sa fourchette sitôt après en avoir occis un qui venait de lui sauter sur le râble en plein bol de cheerios, ou finissant tranquillement de s'essuyer avec une feuille de cactus après en avoir expédié un autre en enfer qui venait de jaillir d'une motte de neige alors qu'il faisait sa commission, recevant ça et là un coup de coutelas dans le creux des flancs, swissss, une flèche dans l'omoplate, flaaaaak, là un coup de tomahawk dans l'entrejambe, craaaaaaak, mais n'en ayant jamais rien à cirer et continuant à sauter de rivière glacée en piton rocheux, de fourré de ronces en talus rocailleux, tuant des Corbeaux à qui mieux mieux, eh bien même là sa coiffe est à tomber. 
 
 

 
Sa légende enfle, il devient le guerrier favori de ses pires ennemis, hante les bois et court les Rocheuses sans jamais crever malgré ses mille blessures mortelles, ses trois cent plaies ouvertes, sa couille abandonnée au fond d'un ravin et les douze mille litres de sang perdus, mais Redford Bob reste parfaitement bien coiffé. C'est le seul reproche que l'on peut faire au film de Pollack, par ailleurs si plaisant : ne pas avoir décoiffé sa star ni son film (avec, par exemple, un peu de la folie d'un Man in the Wilderness, sorti par Sarafian un an plus tôt) quand son héros éponyme devient tout autre, accède à une nouvelle dimension, de simple trappeur à Belphégor des contrées sauvages, de chasseur cueilleur à Bête du Gévaudan, de petit pionnier incarnant la grandeur du métissage et du multiculturalisme à Dame Blanche avec un max de chocolat fondu sur deux boules de vanille. 
 
 
A ce moment-là du film, la coiffure de Redford a pris son autonomie, plus resplendissante que jamais.

Ca méritait un petit coiffé-décoiffé, non ? un petit délire de scénariste ? Quelque fantaisie de mise en scène ? Pollack, ici à son meilleur, reste Pollack. D'un âne on ne fait pas un cheval de course. Un fier baudet tout de même à l'époque (dont il faudra un jour que j'évoque ici le second film, Propriété interdite, avec le même Redford et surtout l'immense Natalie Wood, film fort apprécié), et auteur jadis de quelques faits d'armes remarquables jusqu'aux Trois jours du Condor en 75. Filmographie qui mourra ensuite de sa belle mort, mais dont Jeremiah Johnson demeure un highlight sacrément bien coiffé.
 
 
 Jeremiah Johnson de Sydney Pollack avec Robert Redford, Will Geer et Allyn Ann McLerie (1972)

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