Scott Cooper fait partie de ces cinéastes indéchiffrables. Capables
de films corrects qui, parfois, se font remarquer et déclenchent un
engouement éphémère (Hostiles), mais le plus souvent adeptes d'une molle
médiocrité, de celle qui ne déclenche aucune hostilité, simplement une
indifférence polie. Il est un réalisateur touche-à-tout, qui s'essaie au
western, à l'horreur, en passant par le bon gros mélo ou le polar pur
et dur, autant de genres qu'il aborde avec toujours le même sérieux. Si
l’on veut essayer de trouver un fil conducteur à sa filmographie, c'est
l'Amérique. Scott Cooper est un cinéaste américain, très américain,
seule l'Amérique l'intéresse, et plus particulièrement l'Amérique
marginale, défavorisée et délaissée, encore marquée par les traces d'un
florissant passé qui contraste avec la décrépitude, la grisaille et la
rouille d'aujourd'hui. Rust belt, timber belt, corn belt, tout ça, ça
parle à Scott Cooper, qui doit avoir quelque chose à nous dire sur son
grand pays. C'est dans une ancienne petite ville minière de l'Oregon,
frappée par une malédiction primitive, que se déroule Antlers – cela
signifie ramures, comme les bois des cervidés, un titre que le scénario
fumeux justifie sans problème qui a cependant été transformé en français
par le super plat Affamés, seulement raccord avec le pluriel original
et, hélas, avec la médiocrité de l’œuvre à proprement parler.
Reconnaissons-le
tout de même : Scott Cooper n’est pas un manchot, il doit avoir une
certaine rigueur esthétique. Son film n’a pas mauvaise allure. On
comprend que la bande-annonce ait pu, à l'époque, éveiller la curiosité
des amateurs de cinéma d'horreur : il n'est pas bien difficile de
trouver là-dedans quelques plans bien torchés, joliment éclairés, qui
peuvent faire illusion. A l'annonce de sa sortie, longtemps repoussée en
raison du Covid, Antlers avait ainsi suscité une grosse attente sur les
réseaux, une impatience également motivée par la présence, en tant que
producteur, de Guillermo Del Toro, au nom toujours bien mis en évidence.
Depuis sa sortie, en revanche, force est de constater que plus grand
monde n'en cause... Personne, en vérité. Et c'est normal. Parce
qu'Antlers est un film d'horreur sans intérêt qui rejoint ainsi bon
nombre de productions estampillées Del Toro. Il ne parvient strictement jamais à
susciter frisson ou surprise chez le spectateur, très vite blasé quand
il n'est pas somnolent. Tout paraît écrasé sous le poids d'un sérieux
plombant, d'une écriture très lourde et de personnages dessinés à la
truelle. Le scénario accumule les poncifs, le récit donne l'impression
étonnante de se traîner laborieusement, alors qu'il n'y a quasi rien à
raconter, puisque rien n'est creusé. En apnée, notre vigilance est mise à
l'épreuve : il ne faut pas louper les cinq petites minutes cruciales où
le vieil amérindien du coin nous explique l'origine du malheur
ancestral qui ronge la région.
C'est à dormir debout, on se croirait dans du sous-Stephen King (et du
sous-Stephen King, ça ne vole pas bien haut, croyez-moi).
Tout est donc pesant là-dedans et, si rien
n'agresse l’œil – quelques images feraient même de bons papiers peints,
de jolies cartes postales morbides de l'Oregon –, l'ambiance est archi
rebattue, avec ces tristes individus dont on se fout éperdument qui
n'aiment pas la lumière directe et évoluent en permanence dans le noir
ou le brouillard. On comprend aisément où le réalisateur veut en venir
quand il filme ces vastes friches industrielles cernées par une nature
souveraine qui semble reprendre ses droits et se venger de l'avidité des
hommes : celle-ci provoque leur propre perte en réveillant une sorte de
démon qui sommeillait au fond d'une mine de charbon que l'on s'apprête à remettre en service... Dans ce film qui fait donc le choix du surnaturel, il y a
un point positif surprenant : ladite créature s'avère plutôt réussie.
Les CGI, qui trop souvent annihilent toute impression de réelle
existence de la chose animée, ne viennent pas gâcher la fête. Rien de
dingue, certes, mais ça passe. Par ailleurs, les quelques scènes où le monstre a
la vedette ne sont guère les moins réussies du lot. C'est toutefois
largement insuffisant pour sauver les meubles. Et l'on termine ce film
d'humeur maussade. Scott Cooper est définitivement l'un de ces cinéastes
indéchiffrables, dont l'impressionnante régularité dans la médiocrité finit par
transformer notre indifférence en mépris.
Affamés de Scott Cooper avec Keri Russell et Jesse Plemons (2021)
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