6 août 2021

Le Temps de l'innocence

C'est un assez beau film, très beau même par moments, que ce Temps de l'innocence, tourné par Martin Scorsese en 1993, adapté du roman homonyme de 1920 signé Edith Wharton, dont on reconnaît bien les obsessions. On ne peut s'empêcher de penser à son chef-d’œuvre, Ethan Frome, devant les amours contrariées du personnage principal, Newland Archer (Daniel Day-Lewis), jeune avocat issu d'une noble famille, bientôt marié à May Welland (Winona Ryder), jeune fille du même milieu, dont l'idylle toute tracée est mise à mal par le retour, dans ce New York de la fin du XIXème siècle, de la cousine de sa promise, Ellen Olenska (Michelle Pfeiffer), rentrée d'Europe où, mal mariée, elle aurait trompé son odieux époux. Jugée comme une paria par tout ce beau petit monde de la Haute Société new-yorkaise, Olenska, impatiente de recommencer sa vie, doit renoncer au divorce qu'elle appelle de ses vœux, jugé trop infamant, et c'est Newland qu'on envoie auprès d'elle pour la convaincre de rester dans le rang. Sauf que notre homme s'éprend de l'étrangère qu'il pourrait épouser s'il ne l'avait persuadée de rester mariée. Tiraillé entre les deux cousines, Newland décide de précipiter son mariage avec celle qui lui était promise et qu'il n'aime pas tant que l'autre, sûr de régler la question en la tranchant. Mais rien n'est jamais si sûr.
 
 

Le film est émouvant par la manière dont il ne recule pas devant l'exaltation des sentiments de ses personnages. Le dilemme tragique qui déchire Newland, partagé entre sa passion pour une femme et son amour pour une autre, contraint au surplus par des obligations sociales de tous ordres, se déploie, enfle et pèse comme il se doit dans un scénario fort bien écrit, et nous atteint, donc, plus ou moins directement, dans ce qu'il révèle de plus universel : ces choix et renoncements, les trajectoires, en particulier amoureuses, qui dessinent une existence plutôt qu'une autre. Scorsese ne mâche pas ses moyens non plus côté mise en scène, s'autorisant de nombreux procédés très frontaux qui, pour la plupart, font sens et font mouche (caches noirs façon iris resserré, lettres lues par un acteur ou une actrice en regard-caméra ; on sait l'admiration d'Arnaud Desplechin pour ce film et l'on peut constater qu'il s'en est allègrement inspiré, de bien des manières, le bougre), à quelques exceptions près qui ne font pas d'ombre au tableau (le fondu, à la fin du film, où le visage de Daniel Day-Lewis apparaît en surimpression sur le lac miroitant où il attendit, dans une scène-clé, que sa bienaimée se tourne vers lui... c'est pas pris avec le dos de la cuillère, mais pourquoi pas). On notera cependant que le vieillissement des acteurs principaux, dans l'ultime partie du film, sise à Paris, est à double-tranchant. Celui de Day-Lewis, tempes grises et teint grivelé, est plutôt convaincant, mais celui de Michèle Pfeiffer laisse à désirer, aussi comprend-on que le type se lève de son banc et se barre en voyant paraître à la fenêtre l'amour de sa vie, qui a pas mal morflé :
 
 



 
Le Temps de l'innocence de Martin Scorsese avec Daniel Day-Lewis, Winona Ryder et Michelle Pfeiffer (1993)

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