12 février 2021

Stella, femme libre

Le titre est assez clair. Dans ce film de 1955, le deuxième de son auteur, Michael Cacoyannis, sorti une dizaine d'années avant son chef-d’œuvre Zorba le grec, le cinéaste hellène fait le portrait d'une chanteuse et danseuse de cabaret (interprétée par une Melina Mercouri revêche, toute en nerfs) qui se produit chaque soir devant public et qui surtout entend vivre sa vie à fond, en particulier sa vie sexuelle. Quand l'impétueux Milto (George Foundas), footballer, entreprend de la séduire, elle succombe à son charme et abandonne Aleko (Alekos Alexandrakis), le jeune homme qui partageait sa vie, au mépris de ses jérémiades. Le bât blesse quand Milto met Stella au pied du mur : soit elle l'épouse, soit elle ne le reverra jamais. Stella est amoureuse mais ne veut pas se marier. Elle entend rester libre. Face à ce dilemme, elle abdique, dans un premier temps, puis s'émancipe, dans un second, refusant au dernier moment d'honorer sa promesse, au risque de braver la mort. On l'aura compris, on est en pleine tragédie moderne.

 

 

La fin on la connaît donc. Juste avant elle, une scène de danse alternée fait monter la sauce, où d'un côté Stella se déchaîne dans un night club en compagnie d'un troisième jeune homme, sur une musique contemporaine, tandis que de l'autre Milto évacue sa frustration et la noie dans l'ivresse en dansant malgré tout, au son des bouzoukis, sur la piste même où Stella, qui a fui le mariage, devrait l'accompagner. La séquence n'est sans doute pas aussi aboutie que les scènes de danse de Zorba le grec, mais la confrontation des visages de Milto et de Stella, euphoriques chacun à sa manière, prépare le finale. L'ultime séquence du film arrive enfin, et même si l'on sait ce qui va se passer, elle reste intéressante. Certes il est rageant de voir Stella marcher vers sa mort quand Milto lui-même l'implore de fuir avant qu'il la tue, et de l'entendre, poignardée, demander encore à son assassin de l'embrasser. Pas très me too... Mais ce qu'il y a de beau malgré tout, dans cette scène, c'est que les gens, le peuple grec, les riverains, les citoyens, sans raison réelle, car Stella n'a pas hurlé, ouvrent leurs volets, sortent en robe de nuit, descendent vers le carrefour du crime, déjà au courant de ce qui vient d'arriver avant même d'avoir passé la tête par la fenêtre. Ils savent que Stella est morte parce qu'elle devait mourir, ils connaissent les codes de la tragédie et savent que, puisque le film se termine, elle est morte. C'est aussi qu'ils ont eu l'occasion d'apprendre qu'ils étaient dans un film : les crédits du générique d'ouverture n'étaient-ils pas inscrits directement sur les affiches et panneaux de la ville dans la séquence d'ouverture, annonce de son lancement envoyée par le film lui-même depuis l'intérieur ?

 

Stella, femme libre de Michael Cacoyannis avec Melina Mercouri, George Foundas et Alekos Alexandrakis (1955)

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