Il y a une scène que j'aime beaucoup dans le célèbre film de David Lean. Pour situer : T.E. Lawrence (Peter O'Toole), le Chérif Ali ibn el Kharish (Omar Sharif) et ses cinquante hommes, envoyés à Lawrence par le le prince Fayçal ibn Hussein (Alec Guinness) pour attaquer le port d'Aqaba selon son plan, par l'intérieur des terres, où ses défenses sont faibles, viennent de traverser le désert de Nefud, réputé infranchissable même par les Bédouins. Au matin, ils s'aperçoivent que Gasim, l'un des hommes d'Ali, est tombé de son chameau au beau milieu du désert pendant la nuit. Lawrence repart seul dans la fournaise pour le retrouver et le ramener. Pure folie. Et il réussit. Pour le remercier, Cherif Ali lui remet la tenue traditionnelle des cavaliers arabes. Étonnamment, alors que les hommes de la caravane le fêtaient, Lawrence s'en va derrière une dune pour se changer. Fier comme Artaban, et gêné à la fois, il se cache pour ce moment solennel, et le vit tout seul.
On le voit alors, dans l'intimité des dunes, s'admirer dans cette tunique de soie blanche, qu'il fait bouger dans un semblant de chorégraphie improvisée, se coiffer du keffieh, et manipuler la janbiya, poignard à lame courbe, jouant dans le vide, exactement comme un enfant le ferait. Il sera bientôt surpris par Auda abu Tayi (Anthony Quinn), chef de la tribu bédouine des Howeitat, qu'il convaincra alors de se rebeller contre les Turcs. Mais, dans ce grand et long film épique, où des acteurs (aucune actrice ici) anglais et américains grimés jouent des arabes en parlant anglais et en roulant les r, dans ce film emmené par une musique inoubliable et scandé par de grandes scènes de voyage et de batailles, le moment que j'aime le plus (car il y en a quelques autres) est une séquence courte, sans spectacle, où le héros se comporte comme un gosse, heureux de revêtir l'habit (le thawb ? le qamis ? je ne suis pas sûr d'avoir le bon nom pour ce vêtement) des Arabes du désert. Je reconnais mon enfance dans le personnage, à ce moment précis, moi qui rêvais le même rêve que lui quand, entre 4 et 6 ans, je regardais en boucle la mini-série Le Secret du Sahara, fasciné par la beauté des paysages et des noms arabes et par le mouvement des chevaux, des sabres et des vêtements dans les dunes de sable, sur une autre musique envoûtante, signée Ennio Morricone. C'est certainement la séquence du film de David Lean qui dit le mieux, et avec le moins de moyens, la fascination du personnage pour l'Arabie du titre et le goût de l'aventure qui le lie à ces pays.
Lawrence d'Arabie de David Lean avec Peter O'Toole, Alec Guinness, Anthony Quinn et Omar Sharif (1962)
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