20 octobre 2020

Dolores Claiborne

Dans la trop grande famille des films américains des années 90 qui ont putain de mal vieilli, je voudrais la grosse tante relou dont tout le monde n'a strictement plus rien à foutre : Dolores Claiborne. Dans la catégorie des adaptations de Stephen King en marge de l'épouvante et du fantastique, je voudrais l'une des plus pourries du lot, celle où la psychologie à coups de hache chère au célèbre écrivain du Maine fait le plus de ravage : Dolores Claiborne. Et parmi les réalisateurs dont la filmographie entière pourrait disparaître en fumée à tout jamais sans peiner personne, à commencer par lui-même, je nomme Taylor Hackford. Dites-vous pourtant qu'en 1995, cet homme-là était alors au sommet de sa carrière, puisqu'il enchaîna directement avec L'Associé du diable ! Est-il vraiment nécessaire d'en rajouter ? Marié à Helen Mirren depuis 1997 – ces années-là ont décidément été les meilleures de sa vie –, Taylor Hackford semble avoir toujours privilégié sa vie privée et familiale. On ne peut pas lui en vouloir pour cela. Il ne s'attendait certainement pas à ce que l'on redécouvre et juge ses œuvres 25 ans après leur sortie.




Dolores Claiborne contient tous les poncifs chers aux histoires de Stephen King, avec mari alcoolo, enfant abusé, femme battue et flic débile, le tout réuni au sein d'une petite bourgade du Maine où les ragots circulent rapidos pour mieux créer un bouc émissaire tout désigné. Il s'agit ici de Kathy Bates qui, dans le rôle titre, incarne une bonne femme scrutée de près suite à la mort de la très riche vieille femme dont elle était l'intendante. La fille de Dolores, campée par Jennifer Jason Leigh, journaliste à New York fâchée avec sa maman, lui vient tout de même en aide et se rabiboche progressivement avec elle, tout en faisant resurgir un passé douloureux... Désolé, je vous fais ce résumé sans la moindre envie ni passion et ça se sent, sortons vite de ce paragraphe si pénible !




Que peut-on sauver là-dedans à la revoyure ? Rien, ou si peu... La façon fluide dont sont amenés les nombreux flashbacks n'est pas si moche, reconnaissons-le. Contrairement à la règle actuelle, c'est le présent qui est tout terne et grisâtre, désaturé façon vert-de-gris, et lorsque survient un flashback, celui-ci s'annonce d'abord par des couleurs ravivées, une lumière toute autre, plus franche, qui fait souvent son apparition en arrière-plan. Sans rupture, par un simple mouvement de caméra ou un changement de mise au point, se déroule alors un flashback révélateur. Les deux premières fois, on est agréablement surpris et ça nous permet de relever un peu les yeux, puis cela devient vite une mécanique assez pénible et répétitive. Notons d'ailleurs qu'à la même période, en 1996, John Sayles faisait à peu près la même chose mais avec un tout autre talent et au cœur d'un récit bien plus ample et ambitieux dans son assez beau Lone Star, dont la façon d'amorcer gracieusement les retours vers le passé constituaient le principal intérêt. 




Dolores Claiborne est lourd, laborieux et long. Si long... Quel intérêt de mater ça aujourd'hui ? Je me le demande encore. Ma curiosité m'a encore joué un vilain tour. La scène clé du film, celle qui permet de tout piger et de regarder d'un autre œil, où nous assistons à la mort pas si accidentelle que ça du mari de Dolores, est une agression visuelle aussi gratuite qu'inattendue. Cet événement décisif survient en même temps qu'une éclipse de soleil qui détourne l'attention de l'île toute entière. Sur le papier, c'est bien pratique, mais à l'écran... Car qui dit éclipse solaire dit couleurs bouleversées, ce qui, à travers la caméra de Taylor Hackford, donne quelque chose de tout simplement hideux. Le ciel devient orangeâtre et le visage de Kathy Bates, filmé en trop gros plan, donne l'effet d'une horrible surimpression. Bref, si toutes les copies de ce film venaient à disparaître mystérieusement et s'il ne restait plus que le pauvre fichier mp4 qui m'a permis de le découvrir, je le supprimerais sans vergogne, pour effacer toute trace de son existence de la surface du globe. Ou peut-être demanderais-je une rançon à Stephen King qui, évidemment, cite ce triste film parmi ses adaptations préférées...


Dolores Claiborne de Taylor Hackford avec Kathy Bates, Jennifer Jason Leigh et Christopher Plummer (1995)

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