Petit film de SF britannique tourné en 1961 par Val Guest, The Day the Earth Took Fire entre mieux en résonance avec notre époque que le plus célèbre The Day the Earth Stood Still, tourné dix ans plus tôt par Robert Wise. Plus plausible en effet, en 2019, de voir la terre prendre feu que de la voir s'arrêter de tourner. Bon, à ceci près qu'en 1961, en pleine guerre froide, ce que les scénaristes du film, Val Guest lui-même et Wolf Mankowitz, imaginent capable de mener notre globe à sa perte, c'est la menace nucléaire. Les essais menés par des USA et une URSS qui se tirent la bourre devaient ainsi nous conduire, selon cette quasi série B d'anticipation, vers une déviation de l'orbite terrestre rapprochant la planète du soleil et entraînant une explosion des thermomètres bientôt fatale au genre humain.
Toutes ces images où les personnages ont la peau luisante de sueur (à commencer par celle de Janet Munro, bien présente à l'écran), pour ne pas dire littéralement trempée, ou font la queue pour une ration d'eau, sans parler de toutes ces vues urbaines désolées (on croit retrouver, au début et à la fin du film, dans des images jaunes surchauffées, quelques plans de The World, The Flesh and the Devil, tourné en 59), et de ces plans sur la Tamise asséchée, ne semblent pas bien fantasques, de nos jours. D'autres images, nettement plus fortes, les plus belles et les plus mémorables du film, nous présentent un fog londonien comme on ne l'a jamais vu, sorte de couche laiteuse posée sur la ville dont les toits émergent encore (et la fenêtre du couple principal, que la caméra rejoint en grimpant un mur de briques ou dont elle s'éloigne quand l'intimité l'exige, dans des plans qui rappellent bizarrement ceux de l'ouverture de Psycho, ce qui ne méritait pas d'être relevé, sauf à dire aussi que dans l'une des dernières scènes le personnage féminin se fait plus ou moins agresser dans sa baignoire, mais c'est vraiment pour remplir cette parenthèse que je le mentionne). Éclairée par les éclairs de l'orage, cette nappe de brume blanche, masse de chaleur humide contractée par la fonte des glaciers, présage à la fois, dans le film, la hausse des températures et, pour nous, la propagation des nuages opaques de pollution qui étouffent aujourd'hui nos métropoles.
On apprécie ces plans aussi simples que remarquablement réalisés, mais on reprochera tout de même au film des personnages trop maigres. Le principal (interprété par Edward Judd sans grande finesse) est un journaliste en perte de vitesse, car divorcé et, par suite, alcoolique, néanmoins présent pour son fiston, et soutenu non seulement par son ami Bill (Leo McKern) mais bientôt par la standardiste Jeannie (Janet Munro donc). Et c'est à peu près tout ce que l'on peut dire. Le grand enjeu, c'est la révélation non pas des causes de la catastrophe mais de ses conséquences inévitables, que Jeannie connaît pour avoir laissé traîner ses oreilles sur des conversations classées défense, et qu'elle révèle à son journaliste d'amant, futur lanceur d'alerte.
Mais tout cela manque de poids et donc perd peu à peu notre intérêt. La fin (si l'on décide d'oublier le tout dernier plan, sur une croix au sommet d'un édifice religieux, sur fond de cloches), est plutôt bien trouvée, qui navigue entre deux Unes du journal de notre ami, deux alternative facts qui coexistent : l'une satisfaite de la réussite de la solution terminale (puisque ce que proposent les gouvernements du monde enfin d'accord, c'est de faire sauter les quatre plus grosses bombes nucléaires qui soient dans l'espoir que la courbe orbitale terrestre se rétablisse sous l'impact, sans aucune garantie de succès), l'autre, composée et imprimée pour personne, déplorant son échec et, donc, la fin du monde. Composer une Une pour le lendemain de la fin du monde, c'est ce que j'appelle du journalisme scrupuleux.
Le Jour où la Terre prit feu de Val Guest avec Edward Judd, Janet Munro et Leo McKern (1961)
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