13 janvier 2018

The Naked Kiss

The Naked Kiss, incompréhensiblement retitré Police Spéciale en France, frappe d'emblée. Dès les premiers plans, le spectateur se prend des beignes, et c'est l'héroïne du film, Kelly (Constance Towers) qui les lui file. Enfin une affiche de cinéma qui mériterait cette sempiternelle accroche : "Le film coup de poing !" (je n'ai jamais pigé pourquoi tant de de distributeurs et de critiques font de la pub pour ce film, Coup de poing... passons). Kelly passe d'ailleurs une bonne partie du reste du film à distribuer les mandales, et tout le monde y passe ou presque, de son mac, un salaud qui lui doit de l'argent et lui a rasé le crâne, à Cathy, la mère maquerelle du patelin où elle atterrit trois ans plus tard, et jusqu'à son quasi-futur-mari. Ex-prostituée en quête de rémission, trouvant son bonheur dans un centre médical et éducatif d'aide aux enfants handicapés, Kelly ne se laisse pas faire, et tabasse si besoin tout ce qui la menace, menace d'autres femmes ou menace les fillettes dont elle s'occupe. La scène d'introduction pose donc le personnage sans détour et sans préambule, avec une force folle. Kelly y roue son proxénète de coups de godasses, perd sa perruque, récupère son argent puis se recoiffe, se recompose un visage, se réinvente, devant un miroir, le temps du générique.




Film féministe, The Naked Kiss montre la lutte d'une femme pour s'émanciper du joug masculin et du poids du regard de la société patriarcale sur les prostituées déclassées. Parfois foutraque, semblant maladroit, surtout dans sa première partie, avec ce montage en forme de sauts de cabri dans un récit hyper-brut et sans transitions, le film trouve tout de même son rythme et dégage rapidement une puissance pas banale, malgré quelques ficelles dirons-nous épaisses (la longue scène où les enfants chantent avec Kelly, que j'aime beaucoup mais qui peut peser, ou le finale devant la prison). Des scènes plus particulièrement maîtrisées surgissent et marquent, comme ces plans où Kelly est muselée à l'image par l'ombre d'un barreau de sa cellule alors qu'elle tente d'interpeller une enfant victime de viol. L'espèce de brutalité rageuse du cinéaste, trouvant un écho dans le personnage si charismatique incarné par la puissante Constance Towers, emporte le tout.




On pourrait aussi s'interroger sur les fantômes d'un film dont l'héroïne apparaît crâne rasé, qui se bat pour aider des enfants handicapés et mettre au jour ce que la bonne société fortunée, ici incarnée par un parvenu pédophile, se permet dans l'omerta générale, quand son auteur, Samuel Fuller, fait partie de ceux qui ont filmé la libération des camps de concentration et d'extermination nazis. Quoi qu'il en soit, reste un film réalisé en 1964 qui laisse aux femmes le soin d'empoigner leur destin, dont l'héroïne ne cède pas longtemps au charme d'un mariage avantageux ayant tout du pacte faustien (très belle scène où Grant diffuse à Kelly un film de ses vacances à Venise pour transformer son sofa en gondole et l'embarquer dans une idylle chimérique). The Naked Kiss remet en cause les codes (Kelly ne peut pas digérer que Grant la qualifie "d'anormale") et les silences d'une société oppressive, et remet un peu de la marge (la femme marquée, les enfants handicapés devenus, sous la garde de cette dernière, une bande de pirates) au centre, avec cette poigne caractéristique de son auteur.


The Naked Kiss de Samuel Fuller avec Constance Towers, Michael Dante, Anthony Eisler et Virginia Grey (1964)

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