29 novembre 2014

La Liste de mes envies

- Ne plus jamais mater un film dont je sais par avance qu'il va chlinguer la mort à ce point.

- Ne plus jamais mater un film dont le cinéaste s'appelle Didier Le Pêcheur.

- Ne plus jamais mater un film avec Mathilde Seigner.

- En règle générale, ne plus jamais mater un film. En tout cas pendant quelques heures, quelques jours, pour me remettre en forme. Les vertus du jeûne sont bien connues, surtout après avoir ingéré des ordures.


Mathilde Seigner, après vingt ans de carrière déjà, joue ici la tristesse ou un truc comme ça.

- Ne plus jamais mater un film, et ce même après le terme du jeûne, où Julien Boisselier, Julien Boisselier, joue les tombeurs.

- Me repasser plusieurs fois les deux scènes de ce film où Julien Boisselier, dans le rôle du tombeur, de l'homme parfait, irrésistible, à se foutre par terre, du haut de ses 32 kilos tout mouillé, avec son air de souffre-douleur et sa triste moustache de collabo mesquin, débarque dans le dos de Mathilde Seigner et lui sort des phrases de dragueur invétéré mais trépané d'une voix éraillée de vieillarde sénile en bout de course. Me repasser ces deux scènes plusieurs fois donc, pour me marrer, en parvenant à ne rien propulser sur mon poste de télévision, ni godasses, ni table basse.


Elle entend une voix dans son dos, la voix de Gollum, ni plus ni moins, qui lui susurre à l'oreille : "Laissez-moi vous aider...", elle se retourne, et elle voit ça. Scène d'après : elle est dans son pieu. Pige pas.

- Pour rester dans les acteurs : ne plus jamais mater un film où Patrick Chesnais (se prononce "chaise-nez", on ne le dira jamais assez) est malade. Je ne parle pas des films dans lesquels il jouerait en étant lui-même malade, victime d'un rhume malgré ses trois pulls et sous-pulls quotidiens par exemple, un de ces rhumes des foins auxquels il est tant sujet alors qu'il n'a jamais vu une meule de foin de sa vie, mais qui lui donnent somme toute cet air vaguement fatigué, qui lui font paumer encore plus de syllabes dans sa moustache, et poussent encore un peu plus sa petite voix dans les basses, toutes choses qui font son charme inégalable. Non, je parle de films où il incarne un souffrant. Dans cette enflure de film, Chesnais joue un malade d'Alzheimer. Je n'aime pas le voir comme ça, réduit à ça, pas lui. Une preuve de plus de la bassesse des gens qui ont organisé ce projet cinématographique  méphistophélique.


On souhaiterait presque que Pat' Chesnais souffre réellement d'Alzheimer, ça lui permettrait d'oublier qu'il a joué dans cette infamie.

- Chercher en revanche tous les films où Marc Lavoine souffre comme un iench et m'en faire une to watch with un putain de smiley Cyrus list.

- Chercher également s'il existe un film où Marc Lavoine ne joue ni un connard, ni un queutard, ni les deux à la fois.

- Chercher, de manière plus générale et encore plus désespérée, s'il existe un film où Marc Lavoine joue un connard doublé d'un queutard mais le joue bien.

- En parlant de Marc Lavoine : piger pourquoi les scénaristes français contemporains truffent leurs films de personnages de sous-enculés, et me convaincre que ce n'est pas parce qu'ils se projettent un max dans leurs créations. Lavoine interprète une belle ordure dans ce film (avant de se barrer avec tout le fric de sa femme, on le voit, dans une scène d'anthologie, la traiter de "poubelle" (sic.) et de "grosse truie" (re sic.), parce qu'elle vient d'accoucher d'un bébé mort-né...), mais il n'est pas le seul. Les connards pullulent. On pourrait mater ce film avec le détecteur de mouvements que les marines du deuxième opus de la saga Alien n'ont de cesse d'utiliser pour repérer les xénomorphes, sauf que ce serait un détecteur de fumiers. Pendant tout le film, le truc n'arrêterait pas de sonner et de clignoter. On se retrouverait, tel Bill Paxton, aka Hudson, dans Aliens le retour, à reculer dans son canapé, les yeux vissés tour à tour au détecteur et à l'écran de la télé, à moitié en train de chialer, les yeux écarquillés, incrédule, flippé : "Y'en a partout, ils sont lààààààà je vous dis..."


Des connards, ils sont partout. 4 mètres... 3 mètres... 2 mètres... ça se rapproche...

- Là pour le coup c'est moins une envie qu'un souhait, une recommandation pour moi-même, un mémo : si je rencontre un jour une meuf, ou un type, qui s'amuse à raconter n'importe quoi à son père souffrant d’Alzheimer, à lui "réinventer sa vie" à chaque visite, profitant de sa crédulité pour lui faire croire qu'il était un type génial, qu'il a marché sur la lune, que sa femme était Tabatha Cash en personne et qu'il a joué le rôle de Legola dans Le Seigneur des anneaux, quitte à le perturber encore plus qu'il ne l'est déjà et à aggraver sa maladie (c'est ce que fait Mathilde Seigner avec Pat' Chesnais dans ce film, vous l'aurez deviné), surtout garder mon self-control, rester cool, ne pas fondre un plomb et finir à Montfavet, chez les tarés, avec une camisole sur le dos et le masque d'Hannibal Lecter sur la tronche.

- En parlant de Lecter, puisque Mathilde Seigner prétend dans ce film qu'elle lit, première nouvelle, mais mieux, qu'elle adore plus que tout l'énorme pavé d'Albert Cohen, Belle du seigneur : me rendre un jour à une avant-première en sa présence et lui demander de me dédicacer mon exemplaire dans l'édition blanche Gallimard de 7 kilos, en lui "passant" mon bouquin depuis le fond surélevé de la salle d'un moulinet du bras doublé d'une triple-pirouette du corpus façon Gabriele Reinsch, record du monde de lancer de disque avec 76,80 mètres à Neubrandenburg, Allemagne de l'Est, le 7 juillet 1988, soit en droite ligne, chemin le plus court entre deux points.


Quelle personne normale ne fait pas de tirets pour établir une liste ? Ce film vous foutra les glandes jusque dans les moindres détails.

- A chaque fois que j'entrerai dans une librairie à compter de ce jour, me taper tous les rayons dont je me fous comme d'une guigne (cuisine, jardin, développement personnel, parapsychologie, nature, voyage, sport, politique, charcuterie) pour éviter de croiser le roman méga best-seller signé Grégoire Delacourt dont ce film est adapté. Peut-être qu'il vaut mieux que son adaptation, ça arrive, mais là j'ai un grooooooos doute.

- Consacrer dès demain une partie de ce blog au macramé, au point de croix, au scrapbooking (?) et à la tarte tatin, histoire de toucher en trois jours des milliards de lecteurs, comme le personnage de Seigner dans cette daube, et d'avoir l'impression de palper les bourses du CNOUS, comme au bon vieux temps, mais multipliées par 1000.

- Ou, plus simple, gagner 18 millions d'euros à la loterie, comme l'héroïne de ce film en bois vermoulu, voire beaucoup plus, infiniment plus, puis aller voir les gens qui produisent ce genre de film — qui font du cinéma comme on gratte un ticket de jeu ou comme on remplit une grille de loto, très rapidement, en faisant le moins d'efforts possibles, tout en espérant ramasser le pactole — et leur filer du pognon, ce qu'ils veulent, pour leur éviter la peine de réaliser de telles saloperies et de les soumettre sans honte au public. Un peu comme ce vieux type, dans le prologue de Rasta Rockett, qui va voir Sanka en train de chanter comme une chèvre assis dans la rue, et lui dit avec son accent jamaïquain de malade : "Tiens, je te donne un dollar pour que tu la fermes".

- Gober tout rond un gros kefta sauce samouraï roulé façon Calzone. En preums sur toutes les listes de les envies du monde, logiquement. Mais je ne devrais pas le noter dans ma liste perso parce qu'aussitôt dit aussitôt assouvi. Je trace au Chawarma le plus proche.


La Liste de mes envies de Didier Le Pêcheur avec Mathilde Seigner, Marc Lavoine, Virginie Hocq, Frédérique Bel et Patrick Chesnais (2013)

11 commentaires:

  1. Oh le gros subway que je vais m'enfiler !

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  2. Wahlah! Ce film de merde !

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  3. Trop bon article. Y'a beaucoup de vrai dans ce que tu dis !
    Sauf peut-être ça : "pour de me remettre en forme" :D
    Qui plus est tu m'as fait réaliser que quelqu'un avait eu l'idée étonnante de mettre deux "t" à Rasta Rocketttttt. Les gens...

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  4. Juliette Binocle29 novembre, 2014 14:01

    Elle a 7 ans dans le film, Seigner ? (cf. l'écriture de la fameuse liste...)

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  5. Non mais elle doit souffrir de dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, dysphasie, voire de dyscalculie (d'où le fait qu'elle évite une liste numérotée). J'imagine pas le nombre de prises et de carnets flingués avant d'obtenir un truc à peu près clean.

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  6. On peut voir qu'elle avait d'abord écrit "quend"...

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  7. La vraie question quand même, outre le fait que cela donne des critiques hilarantes de cet acabit, c'est MAIS POURQUOI TU REGARDES DES TRUCS PAREIL ALORS QUE TU SAIS, OUI TU LE SAIS, QUE CE SONT DES GROSSES MERDES ?! Pourquoi abaisser, pourquoi avilir à ce point ton niveau d'exigence ?

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  8. Je pourrais te répondre en citant la phrase préférée du bouquin préféré de l'auteur préféré de l'un des rédacteurs à temps partiel de ce blog :

    "La question ne s'était jamais posée mais maintenant elle se posait, et il ignorait cette question jusque là, qu'il ne pouvait dès lors plus ignorer puisqu'elle se posait, il ne pouvait donc plus l'ignorer et la question se posait désormais."

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  9. Marrant, parce que c'est précisément la première question que j'avais voulue poser aux deux rédacteurs principaux d'Il a osé, et que je ne leur ai finalement jamais posée bien qu'elle se posât, parce qu'à l'époque je ne parvenais pas à intervenir sur ce blog (un problème de cookies — pas les gâteaux). Du coup, je la pose à mon tour. Alors, alors, Rémi ? Une autre citation qui te permettra de t'y soustraire ?
    ;-)

    Je précise au passage que si la question se pose, le phénomène qui fait qu'elle se pose ne me dérange pas plus que cela. Du coup, finalement, je ne la pose plus. Comme imbroglio, ça se pose là !

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  10. En fait la réponse est multiple. D'abord, je n'ai pas toujours le temps de regarder (et bien regarder) autant de films que je voudrais. Alors, ayant quand même envie (besoin ?) d'en voir, il m'arrive d'en regarder dans de mauvaises conditions (par exemple en graillant, entre midi et deux et entre deux plages de travail), or, ne pouvant que difficilement me résoudre à regarder dans de mauvaises conditions certains films que j'ai sous le coude, j'en lance d'autres (par exemple celui dont il est question ci-dessus), dont je me fous, et que je peux arrêter rapidement si besoin est sans avoir les glandes. Ca me permet de voir des films (si on peut appeler ça comme ça) y compris quand je ne peux pas en voir.

    Ensuite, j'ai une certaine curiosité pour ce qui se fait (et qui marche, qui plaît). Serge Daney disait regarder les clips sans le son, pour se renseigner sur les nouvelles images produites en son temps. Je ne suis pas certain qu'un film comme "La liste de mes envies" me renseigne beaucoup sur les mœurs artistiques de demain (quoique), mais elles me renseignent sur une partie non-négligeable de celles d'aujourd'hui. J'aime bien voir ce qui se tourne, y compris dans des sphères qui ne m'intéressent pas et dont je sais qu'elles accouchent de souris malades, mais de souris malades censées constituer le cinéma "populaire" contemporain et être vues par pas mal de monde.

    On pourrait croire que c'est pour faire des billets énervés derrière, mais le taux de billets écrits pour le nombre de films de ce genre vus est sans doute équivalent en matière de "bons" films ou de navets de ce type (même si, en réalité, je vois assez peu de daubes de cet acabit, en tout cas proportionnellement aux films d'un niveau plus digne, rassurez-vous). Tout récemment par exemple j'ai regardé "Les vacances du Petit Nicholas", "Tristesse club" ou "Week-ends", et je ne vous ai pas infligé mes critiques.

    (Ah et parfois ça peut être l'occasion de rire. J'ai d'excellents souvenirs de séances de daubes, l'une des meilleures restant l'expérience "Paris" de Klapisch, au cinéma, avec le co-tuteur de ce blog).

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  11. Etant moi-même un consommateur modéré mais régulier de films dont on sait avant qu'ils sont des grosses merdes, je me permets d'ajouter qu'il y à un coté cathartique à cela. Regarder ces putains de films sur des trentenaires millionnaires parisiens qui se comportent comme des ados de 14 ans (et c'est insultant pour les ados) en tentant de nous démontrer qu'ils sont cools, drôles et "vivants", me permets de passer une heure et demi à les insulter copieusement et à pester tout ce que je peux sur ces individus.
    Ce qui m'évite de le faire et de céder à la violence, pourtant si tentante, quand je croise ce genre de type au boulot par exemple.
    J'avoue que dans les sales périodes, ca peut aussi sacrément faire déprimer et exacerber la haine et la violence! Question de dosage!

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