Rares sont les réussites dans le genre des films mythologiques. Très rares. Jason et les Argonautes doit beaucoup à son équipe. Moins sans doute à son réalisateur Don Chaffey, qui ne se fit pas tant remarquer avant ni après, sauf erreur de ma part, qu'à ses "techniciens" de prestige, tel Bernard Hermann à la composition et surtout Ray Harryhausen aux effets spéciaux. On sait que le film fit date grâce aux prouesses de cet homme. Mais ce qui ne laisse pas de surprendre en le (re)découvrant aujourd'hui, c'est que les effets d'Harryhausen tiennent toujours le choc 60 ans plus tard, ce qui n'était pas gagné. Je me suis fadé un quart d'heure, l'autre soir, à la télévision, de la dernière adaptation de La Belle et la bête, signée Bill Condon, le bien nommé, avec Emma Watson dans le rôle de la belle et un risible amas de CGI dégueulasse dans le rôle de la bête. Comment les gens qui fabriquent ces merdes ne se demandent-elles pas qui sera bouleversé par l'amour naissant entre Hermione et un gif animé sans vie au regard constamment perdu dans le néant ? Question déjà posée cent fois sur ces pages me direz-vous, mais c'est que j'attends votre réponse.
Quand on voit l'ampleur de ce type de désastre, si banal, Harryhausen a d'autant plus de mérite avec son animation en volume. La réussite tient avant tout à l'intelligence de l'emploi des effets spéciaux, moins donc aux effets eux-mêmes qu'à leur application. Ces derniers étant un peu saccadés, ils conviennent parfaitement à la plupart des usages que requiert le scénario, qu'il s'agisse d'animer le colosse de bronze de Talos, que l'on sent grincer dans sa carcasse de ferraille, les harpies stridentes aux ailes froissées ou l'armée des squelettes aux articulations peu huilées. C'est peut-être un peu moins idéal pour l'hydre à sept têtes ? Et encore.
D'autres éléments du film sont plaisants, comme l'idée que les dieux et déesses de l'Olympe suivent et se disputent l'issue des aventures de Jason dans l'écran d'un bassin, qu'ils allument ou éteignent d'un geste de la main. Films dans le film, les mythes sont le cinéma des dieux, leurs jeux vidéos aussi, qui passent d'un décor, d'un lieu, d'une scène à l'autre comme autant de scénaristes, cinéastes, monteuses et monteurs réécrivant le destin de leur héros en cours de route et au gré de leurs contrariétés et intérêts. Zeus finit quand même par trancher et donner le ton.
Il faut un maître de l'Olympe, ou une maîtresse, c'est égal, si l'on ne veut pas que tous les script doctors du monde foutent un dawa sans nom dans les épopées déjà joyeusement bordéliques de l'Antiquité. Quoi qu'il en soit, le marionnettiste Ray Harryhausen (quel nom) fit ici quelques petites merveilles, et boucla la boucle en 1980 avec un autre film mythologique tourné en dynamation, Le Choc des Titans, dont on ne peut oublier la chouette-robot alcoolo Bubbo, alors qu'on oublie les glandus bleutés d'Avatar 2 dix secondes après la sortie de la salle, quand c'est pas devant l'écran.
Jason et les Argonautes de Don Chaffey avec Todd Armstrong, Nancy Kovack et Nigel Green (1963)
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