16 novembre 2021

Pale Rider

Je sais que j'avais bien aimé ce film à l'époque, il y a une bonne quinzaine, une vingtaine d'années ? En le revoyant tout récemment, je me suis demandé pourquoi. Il se trouve aussi que j'ai revu, quelques jours avant, Unforgiven du même papi Eastwood, qui est d'une autre trempe. Tout ce qui fait le sel de ce dernier manque à Pale Rider, à commencer par la complexité des personnages. Sept ans avant de réaliser ce qui reste aujourd'hui comme son grand western, film sombre dont les personnages sont tous humiliés les uns après les autres, dont ne ressort grandi que le plus pourri d'entre tous après un de ces massacres dont il a le secret et l'échec cuisant que constitue le retour tout schuss vers ses pires démons, Eastwood tourne un western dont chaque personnage, cliché de son état, est bien à sa place et sert la soupe au sien, au personnage Eastwood, lequel débaroule dans le film venu de nulle part dans une pseudo-ambigüe incarnation du bien et du mal confondus (une fillette l'invoque dans une prière, espérant l'arrivée de son sauveur qui, selon les mots de la bible, viendra "l'enfer avec lui"), mi-prêtre mi-tueur, sans que rien de cette contradiction faite personnage n'ait d'intérêt pour le film. Et ce n'est pas l'écho entre cette scène, au début, où l'on voit cinq cicatrices, littéralement cinq trous de balle dans le dos d'un Eastwood en pleines ablutions et qui ne sait plus par où chier, et cette scène à la fin où il transperce de cinq balles le dos de sa nemesis, suggérant que notre ange de la mort est mort avant que d'être, qui donneront au personnage plus d'épaisseur ou de qualités.




Le personnage d'Eastwood est tout feu tout flamme, irrésistible, tous autour de lui sont des minables en désespoir de charisme, du petit chercheur d'or (Michael Moriarty) au physique  ingrat d'arrière-gauche du FC Sochaux Montbéliard, affublé d'une voix pâle digne de celle d'un Casey Affleck en lendemain de cuite, au tueur à gages venu lui rappeler son passé et se confronter à lui, à la fin du film, le Marshal Stockburn (interprété par le pourtant classe John Russell, ici falot) en passant par le  fils du gros homme d'affaire luttant pour éradiquer le camp des petits orpailleurs afin de récupérer le lopin où ils creusent et de se faire des couilles en or, incarné par Chris Penn. Tous sont plantés là tels des endives à regarder passer le bel Eastwood avec une langue déroulée jusqu'aux bottes pour lui lécher la pomme. Sans parler des femmes, la promise du chercher d'or en chef (Carrie Snodgress) et sa fille (la juvénile Sydney Penny), qui rêvent du début à la fin de passer dans la position du tireur couché avec l'étalon Eastwood, acteur et metteur en scène, content de s'offrir ici une hagiographie perso et pas chère (à 92 ans il continue sur la même lancée dans Cry Macho, étrillé ici par mon associé, dans lequel il continue de faire tomber les dames d'un simple regard ; pas belle la vie ?). 
 
 


 
Au point qu'au final, on s'attache davantage au personnage censé être le plus minable du film qu'à notre héros solitaire, à savoir le gros dodu qui veut tout racheter sur son passage ou foutre les gens dehors en arrosant de biftons des mercenaires pour défoncer dame nature à coups de geysers d'eau afin de dégoter quelque magot : Coy LaHood. Et il suffit de deux répliques à Richard A. Dysart (le docteur Copper dans The Thing) pour nous conquérir. Il est à la fenêtre de son office, regarde toute une tripotée de ses hommes entrer dans la boutique où se planque Eastwood, sûr du résultat de leur chasse à l'homme, entend une bonne trentaine de coups de feu retentir puis voit ressortir qui ? Je vous le donne en mille : le Pale Rider, qui vient de fumer toute la bande. Et là Richard A. Dysart lâche, avec la voix du type scié, magnifique interprétation, ces deux répliques : d'abord un long "Jeeeeeeesus !", où le "j" est prononcé à la française, puis un magnifique "Whaaaaaat the hell is he up to noooooow ?" (autrement dit "Qu'eeeeeeest-ce qu'il va encore nous fouuuuuutre ?"), qui m'a fait la soirée. Merci monsieur Richard A. Dysart.
 
 
Pale Rider de Clint Eastwood avec Clint Eastwood, Michael Moriarty, Chris Penn, Richard A. Dysart, Sydney Penny, Carrie Snodgress, John Russell et Billy Drago (1985)

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